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Décision n° 94-357 DC du 25 janvier 1995 - Observations du gouvernement

Loi portant diverses dispositions d'ordre social
Conformité

OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT EN REPONSE A LA SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN DATE DU 27 DECEMBRE 1994 PAR SOIXANTE DEPUTES.
LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ORDRE SOCIAL
Soixante députés ont déféré au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions d'ordre social.
I : Sur l'article 92
L'article 92 de la loi déférée a pour objet d'autoriser le régime d'assurance chômage à utiliser à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 1996, une partie : très limitée : de ses ressources pour financer des actions de reclassement, ainsi que l'ont souhaité les partenaires sociaux signataires d'un accord conclu le 8 juin 1994.
Depuis son origine, le régime d'assurance chômage repose sur un système conventionnel, la loi (article L 351-1 et suivants du code du travail) ne traçant qu'un cadre juridique très large et renvoyant, pour son application, à un accord conclu entre partenaires sociaux et agréé par l'Etat.
Dans la mesure où l'accord du 8 juin 1994 pouvait conduire à verser des allocations de chômage sous des formes parfois dérogatoires au droit commun (dérogation notamment à la condition de recherche d'emploi) et dès lors que ces allocations sont financées par des contributions obligatoires des employeurs et des salariés, un texte législatif pouvait paraître nécessaire pour permettre ces novations. Il convient de remarquer toutefois que le régime d'assurance chômage intervient déjà, dans le cadre législatif actuel, par convention avec l'Etat ou par accord entre partenaires sociaux, sous des formes autres que le versement d'allocations de chômage à des demandeurs d'emploi.
Ainsi l'Unedic participe notamment :
: au financement de la rémunération des stagiaires, en leur versant une allocation formation-reclassement ;
: au financement des allocations servies aux personnes en convention de conversion.
En outre, le régime d'assurance chômage peut consacrer chaque année 2 p 100 des dépenses d'indemnisation (soit plus de 2 milliards de francs) au titre des fonds sociaux sous forme d'aides individuelles diverses à des personnes en difficulté, allocataires ou simples anciens cotisants. Or les expérimentations qui seront menées dans le cadre de l'accord du 8 juin ont été financièrement limitées à 500 MF par an.
Compte tenu de cet aspect expérimental, limité dans le temps et financièrement encadré, ainsi que du désir des partenaires sociaux de mener des expériences diverses dans le cadre d'un accord qu'ils ont eux-mêmes souhaité le plus ouvert possible (cet accord en effet ne fixe que deux limites : une durée maximale de versement des aides de six mois, pour des personnes allocataires depuis au moins huit mois), le texte législatif ne pouvait être trop restrictif. En particulier, ce texte ne pouvait fixer dans le détail la nature des expérimentations envisagées.
Aussi est-ce faire un procès d'intention au législateur que de prétendre que ce projet remet en cause les droits à indemnisation des bénéficiaires d'allocations de chômage, qu'il place les intéressés dans un statut mal défini et qu'aucune garantie n'est apportée pour s'assurer de leur consentement.
1 La disposition déférée n'est pas entachée d'incompétence négative
Est à cet égard dénoncé le « silence de la loi » sur le statut des personnes concernées, silence qui entacherait la loi, selon les requérants, d'une « incompétence négative ». A les en croire, le statut des bénéficiaires ne serait plus défini par le droit du travail, mais par les conventions de coopération conclues en application du deuxième alinéa de l'article 92.
Le grief est non fondé. Les conventions de coopération n'ont pour objet ni de déroger aux dispositions du droit du travail ni de modifier les statuts que ce droit a créés, qu'il s'agisse de celui de demandeur d'emploi ou de salarié. Ces conventions de coopération ont pour objet essentiel de préciser les conditions dans lesquelles l'action expérimentale de reclassement se déroulera (nature et durée) ainsi que les obligations respectives des parties. En particulier, parmi ces obligations, l'entreprise adhérente devra s'engager à conclure avec le bénéficiaire soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat à durée déterminée correspondant au minimum à la durée de l'action de reclassement. Elle devra respecter les dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de salaires.
2 Le projet ne remet nullement en cause le droit à indemnisation des bénéficiaires d'allocations de chômage
Le statut du bénéficiaire sera soit celui d'un chômeur indemnisé, soit celui d'un salarié. Dans le premier cas, l'intéressé continuera à percevoir ses allocations. Il en sera de même dans le second cas, mais ces allocations transiteront par l'employeur qui n'aura plus à sa charge que le complément de salaire à concurrence du minimum conventionnel applicable à l'intéressé.
Dans cette dernière situation, la totalité de la rémunération versée constitue un salaire avec tous les avantages y afférents, en particulier en ce qui concerne la couverture sociale et la constitution de nouveaux droits à l'assurance chômage. Toutefois, comme dans le dispositif de « l'activité réduite » ou des « conventions de conversion », les droits à l'indemnisation seront en partie consommés pendant cette période. Néanmoins, la délibération de l'Unedic prévoyant la possibilité d'exercer des activités réduites ne fait pas double emploi avec cette expérimentation, car elle n'a pas pour objet d'inciter les employeurs à embaucher les chômeurs indemnisés.
Aussi est-il faux de prétendre que ces dispositifs modifieront la nature des cotisations d'assurance chômage, puisque ces dernières continueront de financer des prestations individuelles à des chômeurs.
3 En troisième lieu, rien ne permet d'affirmer que le consentement des intéressés ne sera pas recueilli dans les différents types d'expérimentations qui seront mises en uvre
A titre liminaire, il convient de remarquer qu'aucune disposition particulière n'a jamais été estimée nécessaire pour recueillir de façon formelle l'accord des intéressés lorsqu'il leur est proposé de bénéficier d'une formule d'aide au reclassement, qu'il s'agisse de formations ou de contrats de travail aidés. Les dispositions relatives au contrôle des demandeurs d'emploi et aux sanctions auxquelles s'exposent les personnes qui refusent sans motif légitime un emploi convenable ou une formation s'appliquent dans les conditions du droit commun.
En tout état de cause, dans le cas particulier du financement d'une période d'insertion dans une entreprise, le consentement de l'intéressé sur la poursuite du versement de ses allocations de chômage se manifestera par la signature d'un bulletin d'adhésion à la convention de coopération.
II. : Sur l'article 95
1. Le premier grief est tiré d'une violation de l'article 39 de la Constitution
Le Gouvernement n'a fait qu'user du droit d'amendement qui lui est reconnu par l'article 44 de la Constitution. Les délais de mise au point de ces dispositions, qui ne dépassent pas les limites inhérentes au droit d'amendement, n'ont pas permis de les incorporer au projet examiné par le Conseil d'Etat.
2 Le deuxième grief est tiré de l'extension excessive des publics visés par les associations intermédiaires, extension entraînant, si on comprend bien le recours, une rupture d'égalité
Cette argumentation manque en fait.
Les dispositions dérogatoires du droit commun dont bénéficient les associations intermédiaires sont justifiées par le souci de faciliter le retour à l'emploi de personnes se trouvant dans une situation telle que, sans ces avantages particuliers, elles perdraient en fait toute chance de réinsertion.
Contrairement à ce qu'affirment les requérants, la notion de « personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion » est précisée par la loi, qui donne une liste indicative.
La nouvelle rédaction du I de l'article L 128 ne modifie que très légèrement la définition actuelle de l'objet des associations intermédiaires :
L'ancienne rédaction était la suivante :
« Elle (l'association intermédiaire) a pour objet d'embaucher des personnes dépourvues d'emploi et éprouvant des difficultés de réinsertion, notamment les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, les chômeurs de longue durée et les chômeurs âgés de plus de cinquante ans »
La nouvelle rédaction indique :
« L'association a pour objet d'embaucher des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion, notamment les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, les chômeurs âgés de plus de cinquante ans, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, les jeunes en difficulté, les personnes prises en charge au titre de l'aide sociale »
Ces deux rédactions ne diffèrent que sur deux points :
a) La mention des difficultés particulières d'insertion :
Le texte permet ainsi de lever toute ambiguïté sur le fait que ses bénéficiaires peuvent être des personnes n'ayant pas réussi à s'insérer sur le marché du travail, notamment les jeunes en difficulté qui n'auraient jamais travaillé ou certains bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, qui n'ont jamais accédé à un emploi régulier. La prise en charge de ces publics se trouve donc affirmée dans la loi, alors qu'elle ne l'était pas auparavant. Loin d'entraîner un élargissement vers des publics qui ne rencontreraient pas de réelles difficultés sur le marché de l'emploi, la mention du mot « insertion » contribue à bien orienter l'action des associations intermédiaires vers les publics les moins préparés à affronter le marché du travail. Le mot « particulières » permet également de privilégier le recrutement de personnes qui ont des difficultés spécifiques. La précision ainsi apportée exprime la priorité donnée par le législateur à la lutte contre l'exclusion.
b) L'énoncé des différentes catégories diffère de l'ancien sur trois points :
Il mentionne en effet les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, les jeunes en difficulté et les personnes prises en charge au titre de l'aide sociale, dont les difficultés d'insertion ou de réinsertion sont souvent très importantes. Si la loi précise le champ d'action des associations intermédiaires, c'est afin de mieux orienter le recrutement de celles-ci vers des publics qui ne peuvent que très difficilement bénéficier d'autres dispositifs d'aide à l'insertion.
Le grief tiré de la prétendue rupture d'égalité résultant de l'imprécision des termes de la loi manque donc en fait.
A ces précisions s'ajoute le caractère plus rigoureux de la procédure d'agrément. Celui-ci doit être renouvelé dans les conditions dans lesquelles il a été délivré et ne peut donc plus l'être par tacite reconduction. Il peut également être suspendu pour trois mois ou retiré si l'association ne respecte pas ses engagements, alors qu'auparavant seul le retrait était possible.
L'absence de pouvoir de suspension avait pu dissuader le représentant de l'Etat dans le département d'intervenir, dans le souci d'éviter une sanction trop sévère. L'option nouvelle renforcera donc en réalité la rigueur du contrôle.
Enfin, la possibilité de conclure une convention de coopération avec l'ANPE doit permettre à l'association intermédiaire de « cibler » plus étroitement son action sur les publics visés par la loi. Cette convention de coopération, si elle n'est pas obligatoire, constitue une garantie vis-à-vis de l'objet de l'association et un moyen pour celle-ci d'appuyer sa demande de renouvellement d'agrément.
Contrairement à ce qu'affirme le recours, la nouvelle rédaction de l'article L 128 constitue bien un moyen de réserver le bénéfice de ses dispositions aux personnes en grande difficulté et d'encadrer efficacement l'action des associations intermédiaires. Elle ne permet nullement une ouverture de celles-ci à tous les publics.
3 Le troisième grief dénonce plus particulièrement une rupture d'égalité entre associations intermédiaires et entreprises de travail temporaire
Selon les requérants, la loi introduirait entre les deux types d'organismes une discrimination non justifiée par la différence des activités et des publics concernés. Ainsi, les garanties apportées aux associations intermédiaires ne seraient pas justifiées par leur objet social.
Le grief n'est fondé dans aucun de ses éléments.
a) L'activité des associations intermédiaires et celle des entreprises de travail temporaire sont profondément différentes.
La loi n'introduit pas de rupture d'égalité, car les agences d'intérim et les associations intermédiaires sont placées dans des situations radicalement différentes tant au regard de leur objet que de leurs publics :
: les entreprises de travail temporaire recrutent des personnes disposant d'une qualification ou d'une spécialisation plus ou moins étendues, mais toujours incontestables. Leur vocation est en effet de permettre aux entreprises de répondre promptement et efficacement à des besoins temporaires. Ainsi l'article L 124-1 du code du travail dispose qu'une entreprise de travail temporaire ne met de salariés à disposition d'utilisateurs « qu'en fonction d'une qualification convenue » et qu'elle les « embauche et rémunère à cet effet ». De même, la loi n'encadre le champ d'activité des entreprises de travail temporaire qu'en prévoyant les cas de recours au travail intérimaire : remplacement d'un salarié, accroissement temporaire d'activité et emplois saisonniers ou temporaires par nature (art L 124-2-1 du code du travail) ;
: à l'inverse, les associations intermédiaires constituent des structures d'insertion ou de réinsertion professionnelle bénéficiant à des publics éprouvant de grandes difficultés à accéder au marché du travail et, très généralement, non qualifiés. C'est pourquoi la loi définit strictement leur objet, qui est de mettre à la disposition de personnes physiques ou morales des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion pour des activités non assurées par l'initiative privée ou l'action des collectivités publiques ou par des organismes bénéficiant de ressources publiques. L'agrément préfectoral délivré après avis des organisations professionnelles concernées et du comité départemental de l'insertion par l'économie, comme la possibilité de suspendre ou de retirer cet agrément constituent des garanties contre tout risque de dérive.
Il est donc clair que les associations intermédiaires constituent un dispositif spécifique d'accès au monde du travail. Le fait que, depuis la loi du 19 décembre 1989, elles aient aussi pour missions l'accueil des personnes en difficulté de réinsertion, leur accompagnement et le suivi de leur itinéraire dans leur démarche de réinsertion, confirme la vocation de ces associations.
b) En tout état de cause, les salariés des associations intermédiaires bénéficient d'un statut protecteur.
Les nouvelles dispositions légales (1er alinéa du 3 de l'article L 128 du code du travail) garantissent aux salariés des associations intermédiaires l'application des dispositions de l'article L 125-3, alinéa 2, du code du travail. Ce texte permet en effet d'appliquer à ces salariés les dispositions protectrices dont bénéficient les salariés des entreprises de travail temporaire. Mentionnons les dispositions relatives à la responsabilité de l'utilisateur dans les conditions d'exécution du travail, incluant les obligations afférentes à la médecine du travail (art L 124-4-6) et à l'accès des salariés temporaires aux moyens de transports collectifs et aux installations collectives dont peuvent bénéficier les salariés de l'utilisateur (art L 124-4-7) ; les dispositions relatives aux calculs d'effectifs en matière de représentation du personnel (art L 124-14) ; celles relatives au droit applicable aux salariés étrangers (art L 341-3) ; ou celles fixant les modalités de calcul de l'indemnité afférente à un accident du travail (art L 412-3 et suivants du code de la sécurité sociale).
En outre le III de l'article 95 de la loi insère (2e alinéa nouveau du 3 de l'article L 128 du code du travail) une disposition prévoyant qu'en aucun cas une association intermédiaire ne peut embaucher un salarié pour effectuer des travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste dressée par arrêté ministériel. Il s'agit là encore de l'application aux salariés des associations intermédiaires d'une disposition protectrice, également prévue pour les salariés intérimaires par l'article L 124-2-3 du code du travail.
Il est donc totalement inexact de présenter les salariés des associations intermédiaires comme dotés d'un niveau de protection si bas que, même à qualification inférieure, les employeurs trouveraient intérêt à les employer plutôt que d'avoir recours à l'embauche ou aux entreprises de travail temporaire.
4 En quatrième lieu, les requérants soutiennent que la loi est contraire au principe d'égalité devant la loi pénale dès lors qu'elle exonère les associations intermédiaires et leurs animateurs de toute responsabilité pénale
Le grief n'est pas fondé.
La modification du 3 de l'article L 128 du code du travail est purement rédactionnelle et n'a pas la portée juridique que lui prêtent les requérants. Elle n'a pas non plus d'incidence sur des procédures juridictionnelles en cours.
En effet, la nouvelle formulation se borne, dans un souci de précision et de clarté, à rappeler un principe général du droit : l'ordre de la loi ou le commandement de l'autorité légitime constituent un fait justificatif supprimant la responsabilité pénale.
Ce principe d'irresponsabilité pénale tiré de l'autorisation de la loi était inscrit à l'article 327 de l'ancien code pénal et figure désormais à l'article 122-4, alinéa 1er, du nouveau code : « N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. »
En l'espèce, la nouvelle rédaction de l'article L 128 du code du travail vient rappeler que l'association intermédiaire, dont la mission est strictement définie par la loi, ne peut se voir reprocher une infraction pénale (prêt de main-d' uvre à but lucratif-marchandage) lorsqu'elle reste dans le cadre de sa mission.
Les responsables d'une telle association, dont la loi précise que la mission n'a pas de caractère lucratif, ne peuvent pas être poursuivis pour des infractions, dont un des éléments est la finalité lucrative, tant que l'association ne sort pas du cadre statutaire (et légal) de sa mission.
A contrario, tout membre d'une telle association qui, sous couvert d'une association intermédiaire, se livrerait en réalité, à des fins lucratives ou en dehors de l'objet statutaire, à du prêt de main-d' uvre ou à une autre infraction au code du travail ne saurait bénéficier de l'exemption légale et continuerait d'être passible de poursuites comme par le passé.
En conclusion, la modification rédactionnelle, purement formelle, de ce texte n'a qu'une portée limitée au rappel d'un principe plus général figurant à l'article 122-4 du nouveau code pénal et ne crée aucune cause d'irresponsabilité nouvelle.
Dans ces conditions, la question de son application dans le temps ne présente donc pas de réel intérêt pour les procédures en cours à l'entrée en vigueur de la loi. Cette disposition n'aura d'effet ni sur les procédures engagées ni sur la recherche des responsabilités, dès lors que les actes incriminés ont été commis en dehors du cadre légal ou statutaire de l'association intermédiaire, qui n'a pas été véritablement modifié. Le nouveau texte ne peut en effet être interprété comme rendant plus douces les incriminations applicables.
5 Enfin, le cinquième grief est tiré de ce que les dispositions déférées seraient contraires aux principes généraux du droit du travail en dessaisissant l'inspection du travail au profit du préfet
Ce grief manque en fait.
L'inspection du travail conserve l'intégralité de ses compétences de contrôle de l'activité des associations intermédiaires.
Il convient de rappeler que les associations intermédiaires ne peuvent exercer leur activité, depuis leur création par la loi du 27 janvier 1987, qu'après agrément par l'Etat, le décret du 30 avril 1987 ayant confié cette compétence au préfet. Les pouvoirs du préfet et de l'inspecteur du travail sont clairement distingués et préservés par la loi. Le préfet délivre l'agrément, contrôle le respect des conditions d'exercice fixées par sa décision et peut suspendre ou retirer cet agrément.
Les pouvoirs du préfet concernant l'agrément laissent intactes les compétences de contrôle reconnues à l'inspection du travail. En effet, l'inspecteur du travail exerce une compétence propre de droit commun, telle que reconnue par la Convention 81 de l'Organisation internationale du travail, ratifiée en 1950, et telle que fixée au livre VI du code du travail. Conformément à l'article L 611-1 du code du travail, qui confie aux inspecteurs du travail une mission générale de contrôle, ceux-ci sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et de constater les infractions à ces dispositions. Ainsi, les compétences de l'inspecteur du travail couvrent sans ambiguïté les associations intermédiaires, leur activité et leur fonctionnement. L'argument selon lequel l'inspection du travail serait dessaisie au profit du préfet est donc dénué de tout fondement.
III. : Sur l'article 119
Les requérants contestent tant la constitutionnalité de la validation elle-même que celle des actes validés.
1 Sur la constitutionnalité de la validation
a) La validation répond à d'impérieuses nécessités d'intérêt général.
L'actuelle convention médicale a été négociée et approuvée sur le fondement des dispositions introduites dans le code de la sécurité sociale par la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 qui en ont profondément modifié l'esprit et le contenu.
Acte à objet essentiellement tarifaire à l'origine, la convention est devenue l'instrument essentiel d'une régulation médicalisée des dépenses grâce à la fixation annuelle :
: d'objectifs de dépenses portant sur les honoraires et les prescriptions des médecins libéraux ;
: des tarifs des honoraires de ces médecins ;
: de références médicales qui doivent concourir à la réalisation de ces objectifs.
La spécificité du dispositif de maîtrise mis en place est de reposer en effet sur l'édiction de normes de bonne pratique médicale permettant d'éviter les soins et les prescriptions qui sont manifestement inutiles.
L'inflexion très nette des dépenses de médecine ambulatoire en 1994 est venue confirmer la pertinence de la démarche retenue et d'une maîtrise intelligente des dépenses visant à améliorer la relation entre le coût et la qualité d'ensemble du système de soins français.
L'objectif d'évolution de la dépense de soins induite par les médecins (actes et prescriptions) avait été fixé pour 1994 à 3,4 p 100. Ce taux sera très largement respecté : fin octobre, l'évolution sur dix mois, comparés aux dix mêmes mois de l'année 1993, est de 1,4 p 100 pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie.
Pour le seul régime général, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit dans son rapport d'octobre une évolution de 1,4 p 100 pour l'agrégat « médecins », contre 4,9 p 100 en 1993, 6,2 p 100 en 1992, 8,2 p 100 en 1991.
Une analyse plus fine des postes de l'assurance maladie (biologie, certaines classes de médicaments) démontre la corrélation très forte entre la modération de l'évolution des dépenses et l'édiction des références médicales.
L'annulation de la convention aurait pour conséquence la remise en cause de l'ensemble du dispositif de maîtrise des coûts, la loi ne prévoyant de dispositif de substitution que pour la fixation des honoraires.
Elle aurait pour première conséquence de priver de base légale l'ensemble des décisions intervenues sur le fondement de la convention depuis son approbation (décisions de remboursement des assurés sur la base des tarifs fixés par la convention ; participation des caisses au financement des avantages sociaux des médecins), créant un désordre juridique important.
Elle aurait pour deuxième conséquence l'impossibilité de fixer un objectif d'évolution des dépenses pour l'année 1995.
Elle aurait surtout pour principal effet de rendre inapplicables les références médicales. Cette perspective est doublement préoccupante : du point de vue de la santé puisque ces références contribuent à améliorer la qualité des soins dispensés ; du point de vue des comptes de l'assurance maladie, les références médicales étant l'instrument privilégié pour atteindre en 1995 un taux de progression de la dépense en soins ambulatoires proche de 2,3 p 100 et contenir ainsi le déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 1995 à près de 30 milliards (soit un résultat proche de celui attendu pour 1994).
A défaut d'instrument permettant la maîtrise concertée des dépenses des soins ambulatoires, les pouvoirs publics ne disposeraient que de moyens réglementaires de beaucoup plus faible portée, leur permettant seulement d'influer sur les conditions du remboursement (déremboursement, ticket modérateur) et sur le prix des actes (nomenclature), sans effet sur le volume des actes produits.
Ces moyens, de ce fait, seraient peu efficaces à terme pour contenir la progression des dépenses et susceptibles, s'ils étaient exagérément utilisés, de compromettre l'égal accès aux soins.
Il n'est donc pas contestable que la validation répond à d'impérieuses nécessités d'intérêt général.
b) La validation contestée ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée :
L'article 119 satisfait par ailleurs à la seconde condition essentielle fixée par le Conseil constitutionnel en la matière puisqu'il ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée.
Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que cette disposition a pour effet de valider directement un acte déféré au juge n'est pas à soi seule constitutive d'inconstitutionnalité. En effet, le but de toute validation est bien de prévenir l'annulation d'un acte dont le juge a été ou pourrait être saisi, afin d'éviter les conséquences dommageables de cette annulation pour l'intérêt général. C'est ce que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 22 juillet 1980 en estimant que « le fait que la loi (soumise à son examen) intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution. »
On ne saurait enfin soutenir, comme le font les requérants, que le législateur n'aurait aucun titre à intervenir en la matière, alors justement que les articles L 162-5 et suivants du code de la sécurité sociale définissent le régime des conventions.
2 Sur la constitutionnalité de la convention
A titre liminaire, on s'interrogera sur la possibilité, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner, à l'occasion de la validation d'un acte réglementaire, les stipulations de la convention que ce dernier approuve. En outre, le parallèle établi par les requérants avec la ratification d'une ordonnance est sans portée, la convention n'acquérant pas valeur législative du fait de la validation des arrêtés.
Aussi, ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'on répondra aux trois moyens dirigés contre la convention elle-même.
En premier lieu, à la supposer établie, la circonstance que la convention n'aurait pas été valablement approuvée par certains de ses signataires ne met en cause aucun principe constitutionnel.
En second lieu, la signature de la convention par le syndicat des médecins libéraux ne constitue pas une violation du principe d'égalité dès lors que cette organisation syndicale a été légalement reconnue représentative.
Enfin, les médecins ayant choisi le secteur I en application d'une précédente convention se trouvent dans une situation différente de ceux ayant opté pour le secteur II. La différence de traitement appliquée aux deux catégories de médecins est, en tout état de cause, justifiée par des raisons d'intérêt général, en relation évidente avec le but poursuivi. Le maintien d'une ouverture du secteur II est en effet contraire aux objectifs de l'égal accès aux soins et de maîtrise des dépenses.
Au surplus, il convient d'observer que, contrairement à ce qu'affirment les requérants, la situation ainsi créée n'est ni « définitive » ni « irrévocable ». En effet, la portée des dispositions des articles 8 et 9 de la convention est appelée à diminuer du fait de l'entrée en vigueur de l'article 10. Les signataires de la convention se sont donné comme objectif de mettre fin au statu quo tel qu'il existe depuis 1990 par la création d'un secteur optionnel autorisant les médecins à pratiquer des tarifs servant de base au remboursement plus élevés, secteur qui pourrait accueillir des médecins à la fois des secteurs I et II.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de rejeter le présent recours.