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Décision n° 93-333 DC du 21 janvier 1994 - Saisine par 60 députés

Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Conformité

SAISINE DEPUTES

Les députés soussignés à Monsieur le Président, Madame et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue de Montpensier, 75001 Paris
Monsieur le président, madame et messieurs les conseillers,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
La loi déférée se présente comme un ensemble de dispositions disparates, dont le ministre de la communication reconnaît d'ailleurs lui-même qu'il ne s'agirait que du premier volet d'une réforme (dont la suite serait discutée au printemps de 1994), si bien qu'elle aurait pu et dû prendre la qualification plus sincère de « diverses dispositions relatives à la communication audiovisuelle ».

itions relatives à la communication audiovisuelle ".
Alors même qu'elle se présente en cet état confus et inachevé, la loi déférée, par laquelle le Gouvernement et la majorité parlementaire manifestent leur souci d'être particulièrement agréables sinon reconnaissants à certains opérateurs du paysage audiovisuel, porte radicalement atteinte à deux principes ou objectifs de valeur constitutionnelle dont la violation ne pourra qu'entraîner sa censure. Trois au moins de ses articles méconnaissent en effet à la fois l'objectif de pluralisme indispensable à la sauvegarde de la liberté de communication et le principe constitutionnel d'égalité ; l'un d'entre eux méconnaît de surcroît la portée de la compétence législative définie en la matière par l'article 34 de la Constitution, compétence qui n'est que très partiellement et insuffisamment exercée.
1. Sur l'article 4 de la loi déférée :
L'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée prévoit en son premier alinéa que la durée des autorisations d'usage de fréquences délivrées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel « ne peut être supérieure à dix ans pour les services de télévision et à cinq ans pour les services de radiodiffusion sonore ».
Il s'agit là d'une disposition que l'on retrouve dans la plupart des législations des pays comparables à la France et qui vise à l'évidence à éviter que ne se figent des « positions acquises » dans le paysage audiovisuel. Le respect de l'objectif de pluralisme, dont on sait qu'il a une valeur constitutionnelle et que son respect est l'une des conditions de la démocratie (Conseil constitutionnel n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Rec. page 141, 11e considérant), implique en effet notamment une « redistribution des cartes » à intervalles relativement rapprochés, qui permette de tenir compte de l'évolution des « courants d'expression socioculturels » dans l'ensemble de la société française. En d'autres termes, le pluralisme doit être garanti non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps.
Or l'article 4 de la loi déférée introduit dans la loi du 30 septembre 1986 modifiée un article 28-1 (en modifiant en conséquence la formulation du premier alinéa de l'article 28), qui prévoit que « l'autorisation initiale », dont la durée n'est modifiée ni pour la télévision ni pour la radiodiffusion sonore, « est reconduite, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, hors appel à candidatures, dans la limite de deux fois et chaque fois pour une durée de cinq ans », sauf :
« si l'Etat a modifié la destination de la fréquence considérée ;
 » si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la ou les sanctions dont le titulaire a fait l'objet ou que la ou les astreintes liquidées à son encontre justifient, en raison de la gravité des agissements qui les ont motivées, que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel aux candidatures ;
« si le Conseil supérieur de l'audiovisuel estime que la reconduction de l'autorisation hors appel à candidatures porte atteinte à l'impératif de pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local ».
Ainsi le législateur croit-il pouvoir poser le principe d'une reconduction sinon automatique, du moins très fortement présumée. Les tempéraments apportés à ce principe sont clairement présentés comme des concessions limitées, sans doute dues à la crainte du juge constitutionnel, mais ne sauraient pour autant sauver le dispositif de la censure.
En effet, le but de cette disposition nouvelle est d'exclure en principe l'appel à candidatures, pourtant seul à même de garantir le respect de l'égalité et du pluralisme, pour les renouvellements d'autorisations : il s'agit d'une sorte de « prime aux sortants ». Or admettre que le privilège ainsi accordé aux opérateurs en place se fonde sur la différence de situations qui les séparerait des candidats « nouveaux » signifierait que le gel des situations acquises constitue une « différence justificative » du point de vue de l'application du principe d'égalité.
Au contraire, les candidats à l'usage d'une fréquence, qu'ils soient « sortants » ou « nouveaux », ne doivent à l'évidence être jugés que selon leurs qualités et selon les mérites de leurs projets.
La constitution d'une sorte de caste de beati possidentes du droit de diffusion n'est conciliable ni avec le principe d'égalité, ni d'ailleurs avec l'objectif de pluralisme, lequel ne saurait s'accommoder d'un gel du paysage audiovisuel : la candidature de tel opérateur, légitime à un moment donné eu égard à un certain état des « courants socioculturels » précités, peut fort bien ne plus l'être cinq ou dix ans plus tard en raison de l'évolution de ces courants.
Ne pas adapter la distribution des autorisations à de telles évolutions serait à la fois organiser la discrimination et fausser délibérément l'application de l'objectif constitutionnel de pluralisme.
De surcroît, l'application de la reconduction systématique est prévue pour une durée qu'on ne peut considérer comme négligeable, ni même comme réduite : la durée de l'autorisation initiale pourra être doublée pour la télévision et triplée pour la radiodiffusion sonore.
Le fractionnement en deux renouvellements ne saurait ici faire illusion, puisque la reconduction est de principe à chaque échéance : comme l'a reconnu un député de la majorité plus franc que prudent et que nul n'a contredit, « la présomption de renouvellement d'autorisation prévue à l'article 4 [l'est] pour une durée certes limitée à cinq ans mais pour deux fois, c'est toute l'astuce » (intervention de M Robert-André Vivien au cours de la deuxième séance du vendredi 3 décembre 1993). Le masque est ainsi jeté, et l'ampleur de la violation du principe d'égalité et de l'objectif de pluralisme qui résulte de l'abandon de l'appel à la concurrence clairement établie.

ment établie.
Pour couronner l'édifice, il est prévu que la procédure de reconduction automatique ne commencera à s'appliquer qu'après le 28 février 1995, c'est-à-dire que le bénéfice du recul du pluralisme est réservé à certains opérateurs (dont l'autorisation ne vient à expiration qu'au-delà de cette date) alors que d'autres en sont privés sans qu'aucune considération d'intérêt général soit seulement invoquée pour justifier cette discrimination supplémentaire.
Ce sont ainsi non seulement le principe même du nouveau mécanisme, mais bien l'ensemble du dispositif jusque dans ses moindres détails qui sont manifestement entachés d'inconstitutionnalité.
Vainement objecterait-on l'existence de trois cas dans lesquels l'autorisation ne serait pas systématiquement reconduite.
La première hypothèse, celle d'une modification de la destination de la fréquence, est à l'évidence tout à fait exceptionnelle.
La deuxième, celle de sanctions ou d'astreintes motivées par de graves « agissements » du titulaire de l'autorisation, est laissée à la libre appréciation du Conseil supérieur de l'audiovisuel, ce qui appelle deux remarques : d'une part, le pouvoir ainsi laissé au conseil par le législateur est si discrétionnaire que la loi déférée, faute d'établir avec une suffisante précision les garanties légales du respect de l'égalité et du pluralisme, est ici entachée d'une « incompétence négative » au regard des dispositions de l'article 34 de la Constitution ; d'autre part, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, se déclarant favorable au nouveau dispositif, a clairement indiqué que le conseil considérait que la reconduction devrait être « systématique » en distinguant de surcroît selon la taille des opérateurs, le caractère « systématique » ne concernant que les plus importants (audition du président du CSA par le groupe d'études sur la communication de l'Assemblée nationale en date du 25 novembre 1993, page 4). Cette déclaration éclaire sous son vrai jour le mécanisme institué par la loi déférée et l'incompatibilité de l'esprit et de la lettre de celle-ci avec le principe d'égalité comme avec un pluralisme authentique.
Les mêmes observations s'appliquent évidemment à la troisième hypothèse, dans laquelle le CSA est entièrement libre d'apprécier si le respect du pluralisme impose exceptionnellement l'organisation d'un appel à candidatures. Là encore, le législateur n'a pas exercé l'ensemble de sa compétence et le CSA a d'ores et déjà fixé sa doctrine dans un sens qui éclaire les conséquences de la délégation inconstitutionnelle de pouvoir que lui consent la loi déférée.
Ainsi, non seulement l'absence d'appel à la concurrence est la règle, mais les exceptions seront symboliques et sont en tout état de cause laissées à l'appréciation discrétionnaire du Conseil supérieur de l'audiovisuel. L'objectif de pluralisme et le principe d'égalité sont désormais privés de réelles garanties légales.
L'inconstitutionnalité de l'article 4 de la loi déférée (Conseil constitutionnel n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Rec. page 141 ; Conseil constitutionnel n° 88-24 DC du 17 janvier 1989, Rec. page 18) est certaine.
2. Sur l'article 9 de la loi déférée :
L'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée prévoyait en son paragraphe 1 qu'« une même personne physique ou morale ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 25 p 100 du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre ».
On se rappelle que cet article a été introduit dans la loi du 30 septembre 1986 par la loi n° 86-1210 du 27 novembre 1986, qui a dû tirer les conséquences de l'annulation le 18 septembre 1986 (décision n° 86-217 DC, Rec. page 141) par le Conseil constitutionnel des dispositions « anticoncentrations » votées par la majorité parlementaire de l'époque et jugées déjà insuffisantes pour garantir le respect de l'objectif constitutionnel de pluralisme.
Or l'article 9 de la loi déférée porte tout bonnement le pourcentage de parts ou de droits de vote qu'une même personne peut détenir dans une société opératrice de 25 à 49 p 100.
Il convient tout d'abord d'observer qu'en réalité le seuil légal de 25 p 100 n'a pas été respecté par l'actionnaire majoritaire de la société TF 1, qui a porté sa participation au capital de cette société aux alentours de 39 p 100. L'objet de la loi déférée a été sur ce point présenté par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale en des termes aussi clairs qu'inacceptables de la part d'un parlementaire : « Il s'agit simplement de mettre en accord le droit et le fait. » (Intervention au cours de la première séance du 3 décembre 1993) Pour cette raison, l'article 9 de la loi déférée doit être considéré comme n'étant pas authentiquement de nature législative, dès lors qu'il a pour but réel et avoué non de déterminer un régime garantissant le respect des principes et objectifs de valeur constitutionnelle, mais uniquement de régulariser les agissements illicites du plus important opérateur français. La presse ne s'y est d'ailleurs pas trompée, qui a qualifié la loi déférée de loi TF 1, l'insistance avec laquelle la société en cause réclamait que l'on « couvre » les violations de la loi dont elle s'était rendue coupable justifiant seule la précipitation mise à faire adopter dès l'automne 1993 une loi pourtant incomplète, de l'aveu même du ministre et de sa majorité.

re et de sa majorité.
Quant à la portée de la modification ainsi introduite par la loi déférée à l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, elle est si considérable et manifeste qu'elle se passerait presque de commentaires. L'actionnaire dominant, pouvant désormais frôler à lui seul ou accompagné de ses affidés la majorité absolue des parts et/ou sièges, est de toute évidence en mesure de contrôler, voire de verrouiller, l'ensemble de la stratégie et du fonctionnement de la chaîne : on imagine que trouver quelques concours discrets permettant de réunir les 1,1 p 100 de parts ou de sièges nécessaires ne sera que l'enfance de l'art, le comportement passé répondant au reste de l'avenir. Au nom de la concentration qu'imposerait la concurrence mondiale, ce n'est plus qu'au niveau international que le législateur se préoccupe de pluralisme.
Ainsi la loi déférée a-t-elle pour raison d'être de rendre légale la prise de contrôle de la chaîne de télévision la plus importante (et de loin) du paysage audiovisuel français par un groupe auquel Gouvernement et majorité parlementaire témoignent ainsi leur reconnaissance et leur sympathie. Comme l'ont unanimement fait observer les autres opérateurs, cette disposition « sur mesure » sacrifie aux liens privilégiés entre telle force politique et tel opérateur ce qui pouvait rester de relatif équilibre dans ledit paysage audiovisuel et fait bon marché de l'objectif constitutionnel de pluralisme auquel l'actuelle majorité parlementaire n'a pas plus hésité à porter atteinte qu'en 1986.
Il est même incontestable que l'atteinte au pluralisme est aujourd'hui bien plus grave et manifeste que celle qui avait conduit le Conseil constitutionnel à censurer l'article 39 de la loi votée en août 1986.
L'annulation de l'article 9 de la loi déférée s'impose.
3. Sur l'article 10 de la loi déférée :
L'article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 prévoyait en son premier alinéa qu'« une personne qui, en vertu des autorisations relatives à l'usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d'un ou de plusieurs services de radiodiffusion sonore par voie terrestre, dispose d'un réseau de diffusion à caractère national ne peut devenir titulaire d'une ou de plusieurs autorisations d'usage de fréquences pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre que dans la mesure où la population recensée dans les zones qu'elle dessert sur le fondement des nouvelles autorisations est inférieure à quinze millions d'habitants ».
Il s'agit à nouveau d'une disposition introduite dans la loi du 30 septembre 1986 par la loi n° 86-1210 du 27 novembre 1986 à la suite de la décision d'annulation partielle rendue le 18 septembre 1986 par le Conseil constitutionnel.
Le paragraphe I de l'article 10 de la loi déférée substitue à la rédaction de 1986 les dispositions suivantes : « Une même personne physique ou morale ne peut, sur le fondement d'autorisations relatives à l'usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d'un ou de plusieurs services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre, ou par le moyen d'un programme qu'elle fournit à d'autres titulaires d'autorisation, disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n'excède pas 150 millions d'habitants », le paragraphe II définissant la notion de réseau.
L'augmentation énorme du seuil de population desservie (qui était fixé à 120 millions d'habitants dans le projet de loi et a été porté à 150 millions par amendement du rapporteur à l'Assemblée nationale) encourt les mêmes griefs que l'article précédent : la loi déférée a été ici encore ciselée pour répondre aux attentes de quelques groupes contrôlant les principaux réseaux radiophoniques, la logique commerciale étouffant chaque jour davantage la démocratie locale et la liberté de communication. A nouveau, le droit s'aligne sur le fait et la domination d'un petit nombre d'opérateurs tout-puissants, toujours au nom de la résistance à une concurrence internationale en la matière assez hypothétique, porte manifestement et très gravement atteinte à l'objectif constitutionnel de pluralisme dont les garanties légales disparaissent quasiment puisqu'un même groupe pourra désormais contrôler trois réseaux nationaux.
La méconnaissance de l'objectif constitutionnel de pluralisme est aussi manifeste que dans le cas de l'article précédent.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci l'ensemble de la loi qui vous est déférée, et notamment ceux de ses articles qui ont fait l'objet des développements précédents.
Nous vous prions d'agréer, monsieur le président, madame et messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.
Compte rendu de l'audition de M Jacques Boutet, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, par le groupe d'études sur la communication, jeudi 25 novembre 1993
En introduction, M Robert-André Vivien, président du groupe d'études, a rappelé que, dans son rapport budgétaire sur les crédits de la communication pour 1994, il avait estimé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel était un régulateur aux moyens limités.
M Jacques Boutet a souscrit à ce jugement. Il a indiqué que les missions du CSA n'avaient cessé de s'étendre depuis quatre ans, que les autorisations à délivrer étaient de plus en plus nombreuses et que la nécessité du contrôle était de plus en plus impérieuse. Il a conclu que les moyens du CSA étaient insuffisants, notamment les moyens techniques nécessaires à la réalisation des contrôles.
Il a estimé qu'en matière de droit de la communication chacun devait avoir trois principes en mémoire.
1. Les acteurs du secteur de la communication doivent constamment s'adapter à l'évolution rapide des technologies.
Il est regrettable que les problèmes ne trouvent pas une solution en droit dès qu'ils se posent. Ainsi, le décret sur la diffusion de programmes audiovisuels par satellite n'est toujours pas publié, alors que le délai de transposition de la directive européenne « télévision sans frontière » est dépassé. En ce domaine, la France vit donc dans le « non-droit ». Les décrets « câble » ont été pris dans la précipitation et sont très imparfaits.
Le projet de loi est muet sur ces questions qui doivent cependant être réglées au plus vite.
M Jacques Boutet a demandé que des études soient rapidement engagées en ce qui concerne la télévision numérique, car le régime de l'autorisation n'est pas adapté à cette technologie qui permet de diffuser plusieurs médias sur un seul canal.
2. La France doit posséder de grands groupes de communication pour s'imposer face à la concurrence étrangère sur son territoire et en Europe.
M Jacques Boutet a jugé les seuils anticoncentration actuels dépassés.
En Allemagne, la loi a largement donné aux groupes de communication des possibilités de diversification et de développement sans leur opposer la législation antitrust.
En Grande-Bretagne, la loi limite à 20 p 100 la part de capital détenue par un groupe dans une chaîne de télévision et a, il y a deux ans, interdit de détenir plusieurs autorisations. Cependant, un projet tendant à permettre aux groupes de communication d'avoir deux autorisations va prochainement être soumis au Parlement.
Le projet de loi n'aborde pas la question de la même manière selon qu'il s'agit de la télévision (art 9) ou de la radio (art 10).
3. L'identité culturelle française doit être défendue.
M Jacques Boutet a ensuite commenté les articles du projet de loi
sur la liberté de communication
Il a indiqué qu'il y avait retrouvé avec satisfaction de nombreuses observations du CSA sur la loi de 1986 et qu'il ne soulevait pas beaucoup de difficulté.
Article 1er
Cet article est conforme à la position du CSA.
Article 2
Cet article est lié à une demande du CSA tendant à mettre sur un pied d'égalité les sociétés privées et les sociétés publiques vis-à-vis du pouvoir de sanction du CSA Il est en effet très difficile de faire respecter une règle si tout le monde n'est pas sanctionné de la même manière. Actuellement, le CSA peut infliger de très fortes amendes aux sociétés privées, alors qu'il doit se limiter à adresser des lettres d'avertissement aux chaînes publiques.
Le dispositif de cet article est utile car le principe d'équité est très important dans le secteur de la communication et cet article permettra au Parlement d'exercer un contrôle supplémentaire s'il advenait que le Gouvernement lui demande une rallonge de crédits pour faire face aux amendes éventuellement infligées aux chaînes publiques. En tout état de cause, il n'est pas envisageable de prévoir un pouvoir de suspension des autorisations d'émettre des chaînes publiques.
M Jacques Boutet s'est toutefois déclaré partiellement insatisfait par le fait que Canal Plus ne sera soumis au pouvoir de sanction du CSA qu'au terme de la concession (fin 1995). En effet, la convention organise une procédure de sanction, longue et très dérogatoire, qui ne permet pas au CSA d'intervenir avec la même efficacité que pour les autres chaînes privées.
Pour Arte, le problème est différent car il s'agit d'une chaîne créée par traité international. Le CSA n'a pas, aux termes du traité, la possibilité de contrôler la chaîne, ni a fortiori de la sanctionner. La tutelle relève exclusivement des deux gouvernements.

onner. La tutelle relève exclusivement des deux gouvernements.
Ainsi, force est de constater qu'Arte n'est pas sanctionnée pour la diffusion de films le samedi soir, alors même que le traité le lui interdit.
Un amendement parlementaire ne pourra pas changer cette situation, car il faudrait modifier au préalable le traité. Il est toutefois possible au CSA d'adresser des lettres de recommandation à Arte avec copie au ministre (cela a déjà été effectué une fois) en cas d'infraction manifeste. De même, comme l'a fait remarquer M Laurent Dominati, il est possible au CSA de publier, à la demande du Gouvernement, des rapports faisant état des infractions constatées.
Article 3
L'établissement de rapports sur le fonctionnement de l'INA est une procédure habituelle pour le CSA (qui en fait un bilan annuel).
Sanctionner l'INA sera sans doute très délicat. Toutefois, dès lors qu'il est en charge du dépôt légal, un contrôle serait sans doute nécessaire.
Article 4
L'instauration d'un système de reconduction automatique des autorisations aurait été fâcheuse car celui-ci constituerait une sécurité excessive dans la mesure où l'autorisation crée des droits et des obligations qui peuvent devoir être modifiés pour prendre en compte des évolutions diverses.
M Jacques Boutet a rappelé la démarche qui était suivie en 1987 pour l'attribution des autorisations. Celles-ci avaient été inspirées par les obligations contenues dans les cahiers des charges des chaînes publiques. Il apparaît aujourd'hui que cette méthode n'a pas été de bonne administration, car elle a contribué à uniformiser le paysage audiovisuel français. Il faut pouvoir modifier aujourd'hui cette situation.
La précision incluse dans le projet de loi selon laquelle, notamment en cas de faute grave, le renouvellement ne peut être accordé est très importante aux yeux de M Jacques Boutet.
Il a toutefois exprimé une réserve vis-à-vis des moyens dont dispose le CSA pour statuer sur la reconduite des autorisations (2e et 3e alinéa du 3 °) :
: concernant la télévision, si le délai de six mois donné au CSA pour statuer est satisfaisant, la procédure de renouvellement des autorisations est entreprise trop tard ; les délais laissés aux groupes pour négocier et élaborer des projets sont trop brefs ;
: concernant la radio, le travail technique de planification de la couverture radio d'une région est considérable ; entre l'appel à candidatures et la date du début d'émission des radios autorisées, il s'écoule un an ; il paraît extrêmement difficile de trier en trois mois les radios devant bénéficier du renouvellement de leur autorisation et celles devant être autorisées à émettre pour la première fois (sur une région, il faut compter au moins 150 radios autorisées à émettre en moyenne).
L'entrée en vigueur de la loi posera en outre un problème car des appels à candidatures ont déjà été lancés.
M Roland Nungesser a demandé quelle sera la doctrine du CSA en matière de renouvellement des autorisations.
M Jacques Boutet a répondu qu'il ne pouvait s'exprimer qu'à titre personnel sans engager le CSA Il a estimé que le principe devait être la reconduction, sauf lorsque la radio a commis une faute grave.
Il faut cependant distinguer les réseaux de radios des radios locales ou associatives.
Dans le premier cas, la non-reconduction serait extrêmement grave.
D'ores et déjà, la reconduction est systématique. La gravité de la faute devrait être très exceptionnelle pour qu'il n'y ait pas de reconduction de l'autorisation.
Dans le second cas, la non-reconduction est très concevable. Le CSA a déjà adressé des mises en demeure à des radios comme Sky Rock ou Fun. Ces mises en demeure ont été suivies d'effet, mais l'incertitude sur le respect des recommandations du CSA dans l'avenir demeure.
M Jacques Boutet a cité des exemples de fautes graves constatées par le CSA :
: émissions à caractère pornographique à des heures de grande écoute, sous prétexte d'une prophylaxie sexuelle, d'une radio s'adressant à des jeunes et très jeunes personnes ;
: invitation à saboter un service public en bloquant le standard d'un commissariat de police (ce qui fut effectif pendant une heure) ;
: animateur ayant demandé à un auditeur qui téléphonait depuis une cabine d'arracher le combiné téléphonique ;
: à la suite d'un appel d'un élève se plaignant de son professeur, un véhicule de la radio s'est rendu devant le lycée et a appelé à manifester contre l'enseignant.
M Jacques Boutet a rappelé que le pouvoir de sanction du CSA avait été réduit par le Conseil constitutionnel par le biais de sa déclaration de conformité « sous réserve d'interprétation ». Le CSA ne peut infliger une sanction qu'après mise en demeure non suivie d'effet. Ce système empêche la répétition de fautes, mais pas leur commission. Aussi le CSA a-t-il infligé des sanctions sans ce préalable car la gravité des fautes le justifiait. Le Conseil d'Etat n'a pas encore tranché sur les litiges.
M Roland Nungesser a suggéré de prévoir la possibilité d'adresser des blâmes qui pourraient être transformés en sanctions coercitives en cas de récidive.

de récidive.
M Jacques Boutet a indiqué que le CSA n'avait pas ce pouvoir, mais qu'il utilisait les recommandations comme des remontrances.
Article 5
Cet article remet utilement Canal Plus dans le droit commun en ce qui concerne l'application de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986. Canal Plus ne sera pleinement dans le droit commun qu'à l'expiration de la convention. La chaîne sera en effet alors titulaire d'une autorisation et non d'une concession.
Article 6
Cet article résulte d'une demande du CSA tendant à lui donner la possibilité de donner des autorisations temporaires, notamment pour des fêtes locales.
Article 7
Cet article concerne les radios. Il faudrait que son dispositif soit introduit dans les autorisations d'émettre des télévisions pour qu'il leur soit opposable.
Article 8
Le CSA a souhaité l'introduction de ce dispositif après l'échec de La Cinq.
Article 9
La possibilité pour un groupe de posséder jusqu'à 49 p 100 du capital d'une chaîne et non 25 p 100 n'est pas la meilleure méthode pour faire prospérer un groupe de communication. Il est plus important que la réunion des associés permette de mobiliser suffisamment de capitaux. Il n'est pas certain au demeurant que le Conseil constitutionnel n'y voie pas une atteinte au pluralisme et à la diversité des opérateurs.
Il faut faire en sorte que les groupes puissent disposer de plusieurs autorisations afin qu'ils soient en mesure de pouvoir se diversifier. A l'heure actuelle, seuls deux groupes européens, la CLT et Canal Plus, sont bien diversifiés. Leur expérience montre que le problème n'est pas la composition de leur capital, mais la possibilité de disposer de suffisamment de capitaux pour participer à plusieurs chaînes dans plusieurs pays.
Il faut réétudier le dispositif anticoncentration de la loi sur la liberté de communication.
Article 10
Le seuil précédent était insatisfaisant. Il a conduit le CSA à distinguer le nombre d'abonnés du nombre de franchisés. Le seuil n'a pas été opposé aux premiers, mais le problème reste entier pour les radios de la catégorie B (radios locales et associatives).
Le problème aujourd'hui n'est pas de fixer le seuil à 120 ou à 150 millions d'auditeurs, mais de gérer les plages de fréquences qui sont très réduites sur certaines villes. Ainsi, on peut concevoir que quatre groupes seront en mesure d'atteindre 120 millions d'auditeurs (CLT, Europe, Energie et l'éventuel repreneur de RMC). Ils pourraient mobiliser alors chacun quatre fréquences sur une agglomération. Or certaines villes ne disposent que de dix fréquences pour les émissions radio. Il en sera naturellement autrement avec l'arrivée du numérique.
M Jacques Boutet a ensuite jugé intéressante la définition du réseau radio contenue dans cet article.
Le seuil de 120 millions d'auditeurs ne pourra être appliqué que progressivement car les fréquences sont incessibles. Pour s'étendre, les groupes devront attendre que des radios renoncent à leurs fréquences ou que des autorisations ne soient pas renouvelées ou inciter à la restructuration des sociétés propriétaires des radios autorisées.
Concernant le pouvoir de désignation des présidents de chaîne :
M Jacques Boutet a indiqué qu'il ne souhaitait pas que le CSA nomme les présidents des chaînes publiques. Il avait exprimé cette position dès 1989.
La loi du 30 septembre 1986 n'est pas équilibrée : elle confie au CSA le pouvoir de désigner les présidents des chaînes publiques, mais lui interdit tout pouvoir de sanction vis-à-vis d'elles.
L'important est que l'actionnaire de la chaîne nomme son président et qu'il remplisse son rôle d'actionnaire. En revanche, il doit appartenir au CSA de pouvoir sanctionner les chaînes publiques en cas d'infraction.
L'indépendance des présidents de chaîne ne dépend pas des conditions de leur nomination, mais de leur capacité d'agir sans être menacés constamment de révocation. Leur révocation ne devrait intervenir qu'en cas de faute grave de gestion et, éventuellement, après avis conforme du CSA.
Le système applicable à REI n'est pas satisfaisant car le Gouvernement peut présenter sur sa liste de trois candidats un candidat sérieux et deux autres candidats qui ne le sont pas. Le CSA est alors quasiment lié au choix du Gouvernement.

t alors quasiment lié au choix du Gouvernement.