Contenu associé

Décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993 - Saisine par 60 députés

Loi de finances rectificative pour 1993
Non conformité partielle

Paris, le 14 juin 1993.

Les députés soussignés à Monsieur le président et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier, 75001 Paris.
Monsieur le président, Messieurs les conseillers,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 1993 telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
I : Plusieurs dispositions de la loi déférée ont été adoptées dans des conditions non conformes à la Constitution.
A : Il s'agit d'abord d'un article qui a été ajouté au projet de loi de finances rectificative lors de la discussion de celui-ci par le Sénat en première lecture alors qu'introduisant des mesures financières nouvelles il aurait dû, conformément aux dispositions de l'article 39 in fine de la Constitution, être d'abord soumis à l'Assemblée nationale.
Il s'agit de l'article 19 quater définissant les conditions d'actualisation des valeurs locatives foncières pour les années 1994 et 1995.
Cet article additionnel introduit devant le Sénat ne peut à aucun titre se rattacher à l'une quelconque des dispositions du projet de loi soumis initialement à l'Assemblée nationale. La violation de l'article 39 de la Constitution est caractérisée. L'article 19 quater de la loi déférée devra donc être déclaré non conforme.
B : D'autres articles ont fait l'objet d'amendements gouvernementaux dont l'objet et la portée dépassent les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.
C'est d'abord le cas de l'article 6 relatif à l'équilibre général du budget de 1993, modifié par la loi de finances rectificative, et des articles 7 et 8 portant ouverture de crédits pour 1993 relatifs respectivement aux dépenses ordinaires des services civils et aux dépenses en capital de ces mêmes services.
Si l'on compare le projet de loi de finances rectificative soumis initialement à l'Assemblée nationale et la loi votée, on constate que le montant des crédits ouverts au titre des dépenses ordinaires des services civils est passé de 38,818 milliards de francs à 49,506 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 10,688 milliards de francs (soit + 27,53 p 100), tandis que le montant des crédits ouverts au titre des dépenses en capital de ces services est passé de 2,682 milliards de francs à 18,772 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 16,09 milliards de francs (soit + 599,92 p 100).
Quant au total des dépenses à caractère définitif du budget général et des comptes d'affectation spéciale, il est passé de 35,299 milliards de francs à 62,077 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 26,778 milliards de francs, soit + 75,86 p 100.
Il est manifeste que la loi de finances rectificative finalement votée n'a plus rien de commun, dans son équilibre général : donc dans son impact économique : comme dans ses répercussions sur les grandes masses de dépenses de l'exercice 1993, avec le projet initialement soumis au Parlement. Ce bouleversement s'explique par une évolution rapide et spectaculaire de l'analyse économique et de la stratégie budgétaire du Gouvernement, qui a été relevée par de nombreux parlementaires dans la discussion générale et qui a été reconnue par le Premier ministre lui-même.
Or, c'est par le seul recours à la technique de l'amendement gouvernemental que s'est opéré ce changement de cap radical conduisant à une augmentation de plus de 75 p 100 des dépenses définitives par rapport au projet initial.
Il y a là un véritable détournement de procédure : lorsque le Gouvernement souhaite remodeler profondément un projet en cours de discussion parlementaire, il doit recourir à la procédure de la lettre rectificative, qui est alors examinée comme un nouveau projet de loi, donc renvoyée en commission pour un nouveau rapport (Conseil constitutionnel n° 78-100 DC du 29 décembre 1978). Si le Gouvernement utilise au contraire abusivement le procédé de l'amendement pour modifier radicalement le sens et la portée du texte en cours de discussion, les assemblées ne sont pas véritablement en mesure d'apprécier et de discuter pleinement la portée globale de l'évolution. Tel a été précisément le cas en l'espèce : il suffit de prendre connaissance du rapport fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale pour constater le décalage considérable des perspectives économiques et des décisions budgétaires entre la phase d'examen en commission et l'adoption du texte définitif. Le Parlement n'a pas été mis en mesure d'exercer convenablement ses prérogatives budgétaires.
Il importe dans ces conditions de sanctionner une violation aussi caractérisée des « limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement », c'est-à-dire plus précisément des dispositions des articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution. On sait que ces limites valent non seulement en matière de lois ordinaires (Conseil constitutionnel n° 86-225 DC du 23 janvier 1987), mais aussi en matière de lois de finances (Conseil constitutionnel n° 86-221 DC du 29 décembre 1986). L'énorme augmentation des crédits ouverts par la seule accumulation d'amendements gouvernementaux, en dénaturant la portée d'un projet initialement présenté comme un « collectif budgétaire de redressement économique et financier » et finalement qualifié de « collectif de relance », entache d'inconstitutionnalité tant l'article 6 (« article d'équilibre ») que les articles 7 et 8 affectés par lesdites augmentations de crédits. A la vérité, le caractère essentiel de ces dispositions les rend inséparables de l'ensemble de la loi votée qui ne saurait dès lors échapper à l'annulation.
La même analyse s'impose à propos de l'article 5 bis de la loi qui autorise le ministre de l'économie à émettre avant le 31 décembre 1993 un emprunt d'Etat dont le Gouvernement a précisé au cours de la discussion parlementaire qu'il attendait un produit de 40 milliards de francs, l'augmentation considérable des crédits déjà relevée ayant été décidée compte tenu de cette prévision.
Non seulement, le recours à cet emprunt constitue, du point de vue de la politique économique et financière définie par le Gouvernement et présentée aux assemblées, un changement de stratégie très important par rapport aux axes définis par le Premier ministre lors de sa présentation du projet initial, mais surtout le montant retenu, qui dépasse celui de l'ensemble des ouvertures de crédits prévues auparavant dans ledit projet, a totalement bouleversé l'économie de la loi de finances rectificative.
Là encore, l'utilisation de la technique de l'amendement gouvernemental (ou plus exactement de l'article additionnel) pour un tel changement d'échelle et de cap constitue une violation caractérisée des articles 39 et 44 de la Constitution tels que les interprète la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel.
II. : La loi votée comporte en outre deux articles contraires aux dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, lequel limite le domaine de celles-ci à la détermination des ressources et des charges de l'Etat, à l'organisation de l'information et du contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques et à la fixation des règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature.
En premier lieu, l'article 1er-A de la loi votée crée un groupement d'intérêt public chargé de l'informatisation du livre foncier des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
C'est vainement que l'on chercherait un lien, même indirect, entre cette création et l'information et le contrôle des finances publiques par le Parlement : en admettant que la tenue dudit livre foncier permette l'évaluation de l'assiette de certains impôts locaux, il ne s'agit ici que de son informatisation et même seulement de la création d'une institution chargée d'y procéder. La violation de l'article 1er de l'ordonnance organique est manifeste.
En second lieu, l'article 5 bis déjà évoqué, qui autorise le ministre de l'économie à émettre un emprunt, sort tout aussi manifestement du domaine assigné aux lois de finances en tant qu'il prévoit que les titres dudit emprunt seront admis en paiement des actions vendues par l'Etat dans le cadre d'éventuelles privatisations et que les demandes d'achat de ces actions qui feront l'objet de règlement au moyen des titres d'emprunt en cause seront servies prioritairement. Ces dispositions ne pouvaient trouver leur place que dans une loi décidant de telles privatisations ; leur insertion dans une loi de finances viole incontestablement l'article 1er de l'ordonnance organique.
Par ailleurs, il y a une inégalité de traitement des personnes physiques et morales face au titre des sociétés qui seront privatisées. Seront servies en priorité celles qui peuvent aujourd'hui souscrire à l'emprunt.
Les articles 1er-A et 5 bis ne pourront dès lors qu'être considérés comme non conformes à la Constitution.
III. : Enfin, deux articles de la loi votée ont été adoptés en violation de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il dispose que la charge fiscale « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », et plus généralement du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
A : En premier lieu, l'article 3 modifie le régime de l'impôt sur les opérations de Bourse (dont le tarif est de 0,3 p 100 du montant des opérations inférieures ou égales à un million de francs et de 0,15 p 100 de la fraction d'opération dépassant éventuellement cette somme) en instituant, d'une part, un abattement forfaitaire de 150 F par opération et en plafonnant, d'autre part, les droits perçus à 4 000 F par opération.
La seconde de ces dispositions, introduite lors de la discussion devant le Sénat, avait été repoussée devant la commission des finances de l'Assemblée nationale après que le rapporteur général du budget eut fait observer qu'elle revenait à « supprimer purement et simplement l'impôt de bourse ». En réalité, elle introduit une variation extraordinairement forte du taux réel de l'impôt selon l'ampleur de l'opération. Alors que l'institution (initiale) de l'abattement de 150 F avait pour seule conséquence d'exonérer de toute imposition les transactions d'un montant inférieur ou égal à 50 000 F, celle du plafonnement des droits à 4 000 F par opération a pour conséquence que le taux réel d'imposition varie entre 0,226 p 100 (pour une opération d'un montant de 1 766 000 F, une fois pris en compte l'abattement) et, par exemple, 0,028 p 100 pour une opération de 13 833 000 F ou même seulement 0,008 p 100 pour une opération de 50 millions de francs. Dans le troisième exemple précité, le taux de l'impôt est ainsi plus de vingt-huit fois inférieur à ce qu'il est dans le premier exemple.
Si le principe même du plafonnement d'une imposition n'est pas nécessairement radicalement contraire au principe d'égalité fiscale, il n'est pas sérieusement contestable qu'en l'espèce la différence de traitement entre moyens et gros opérateurs n'a pas de commune mesure avec leur différence de situation. La prime donnée aux investisseurs les plus influents sur le marché est manifestement discriminatoire.
B : En second lieu, l'article 21 de la loi votée bouleverse le régime de la contribution sociale généralisée dans des conditions là encore incompatibles avec le respect du principe d'égalité devant l'impôt.
La contribution sociale généralisée ou, plus exactement, les trois contributions instituées respectivement sur les revenus d'activité et de remplacement, sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement par les articles 127 à 135 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991 sont des taxes proportionnelles dont le taux avait été alors fixé à 1,1 p 100 et dont le produit est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales.
Leur institution a été considérée par le Conseil constitutionnel (décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990) comme conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux motifs qu'il appartenait au législateur « de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables » ; que le produit de la contribution sociale généralisée était destiné « à l'allégement à due concurrence des prélèvements affectés à la sécurité sociale », lesquels n'étaient pas soumis à une règle de progressivité ; qu'enfin, à la différence des cotisations sociales auxquelles elle se substituait partiellement, la contribution sociale généralisée n'était pas déductible de l'impôt sur les revenus dont les taux sont progressifs. C'est « dans ces conditions » que le Conseil constitutionnel a considéré comme non contraire à la Constitution le choix d'un taux unique appliqué par le législateur de 1990 aux contributions sociales généralisées qu'il instituait.
Même si la saisine de 1990 n'a pas fourni l'occasion de préciser plus explicitement les critères déterminant de la constitutionnalité de la contribution sociale généralisée, on peut légitimement penser que sa substitution à des montants équivalents de cotisations sociales et sa non-déductibilité de l'impôt sur le revenu ont joué sur ce plan un rôle décisif.
Or, l'article 21 de la loi votée porte le taux des trois taxes composant la « contribution sociale généralisée » de 1,1 p 100 à 2,4 p 100 et prévoit que le supplément de taxe dû au titre de cette majoration sera déductible du revenu imposable sous réserve d'un plafonnement de cette déductibilité qui varie selon la situation de famille du contribuable et selon l'exercice considéré (le plafond fixé pour 1993 étant inférieur à celui qui s'appliquera par la suite).
On constate aussitôt l'extrême complexité du mécanisme : chaque redevable devra désormais distinguer une tranche non déductible et une tranche déductible dans la contribution qu'il acquitte, voire une troisième tranche à nouveau non déductible si ses revenus dépassent le plafond qui correspond à sa situation de famille pour l'exercice considéré. L'impôt simple et aisément « lisible » par le contribuable qui avait été institué en 1990 devient une machine fiscale complexe et imprévisible tant pour le citoyen que pour les personnes publiques dont il affecte les ressources.
Mais il y a plus. La complexité tente ici de masquer une rupture radicale avec les principes constitutionnels de progressivité de l'imposition du revenu des ménages et d'égalité devant l'impôt.
Le principe même de la progressivité de l'impôt sur le revenu implique en effet nécessairement l'absence de toute déductibilité des autres impositions acquittées par le redevable du revenu imposable de ce dernier. En effet, l'incidence de déductions dont les montants sont indépendants du niveau des revenus serait inévitablement « antiprogressive ». C'est la raison pour laquelle ni la taxe d'habitation, ni l'impôt de solidarité sur la fortune, ni même la taxe à la valeur ajoutée ne sauraient être déduits par les personnes physiques de leur revenu imposable. Tout au plus, s'agissant de l'ISF, un plafonnement a-t-il été institué qui vise seulement à éviter que l'impôt sur le capital n'absorbe la totalité du revenu imposable, mais ce mécanisme ne saurait être assimilé à une déduction.
Les seules exceptions au principe de non-déductibilité par les personnes physiques concernent l'imposition de revenus professionnels tels que la taxe professionnelle payée par les entrepreneurs ou membres de professions libérales exerçant individuellement. Mais la déductibilité n'a alors pour fonction que d'asseoir l'impôt sur le revenu sur un bénéfice (professionnel) net. C'est sur une logique comparable mutatis mutandis que repose le mécanisme de déductibilité de la TVA Une fois établi le résultat net de l'activité professionnelle, aucune déductibilité ne s'applique à la personne physique prise non plus comme « entreprise », mais comme « ménage ».
Or, ce principe de non-déductibilité par les personnes physiques, dans la mesure où il découle nécessairement du principe de progressivité de l'impôt sur le revenu, participe tout aussi nécessairement de la valeur constitutionnelle qui doit être reconnue à ce dernier quant à l'imposition du revenu des ménages : la progressivité devant en cette matière être considérée comme un objectif constitutionnel, le principe de non-déductibilité par les personnes physiques n'en est que la conséquence logiquement impérative et s'impose dès lors au législateur.
Quant au principe d'égalité devant l'impôt, force est de constater que les deux conditions majeures posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1990 ont l'une et l'autre disparu. D'une part, la contribution sociale généralisée, qui devait de substituer progressivement aux cotisations sociales, augmente fortement sans allégement compensatoire desdites cotisations, qui vont au contraire augmenter elles aussi de l'aveu même du Gouvernement. D'autre part, l'élément de progressivité que constituait la non-déductibilité de l'impôt (progressif) sur le revenu est lui aussi écarté pour la majoration décidée par la loi déférée.
Dans ces conditions, la contribution sociale généralisée devient un impôt non plus proportionnel avec un correctif progressif, mais véritablement « dégressif » et fortement discriminatoire, puisque la déductibilité de la part majorée ne profite par hypothèse en rien aux redevables non imposables et bénéficie en revanche d'autant plus aux contribuables à l'impôt sur le revenu que leur cotisation à celui-ci est élevée, sous la seule réserve du plafonnement de la déductibilité qui est en réalité fixé à un seuil si élevé que, de l'aveu même du rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, il ne touchera qu'une faible minorité de contribuables (environ un million de personnes).
Or, il résulte de la décision précitée rendue en 1990 par le Conseil constitutionnel que l'institution de la contribution sociale généralisée n'était conforme à la Constitution que dans la mesure où elle constituait un progrès dans le sens de la progressivité des prélèvements obligatoires finançant les régimes de protection sociale. En d'autres termes, le législateur avait alors rapproché le droit positif de l'objectif constitutionnel que constitue la progressivité en matière de prélèvement obligatoire frappant le revenu des ménages.
Au contraire, l'article 21 de la loi déférée constitue à l'évidence une « régression de progressivité » par rapport au droit existant. Le Gouvernement a cru pouvoir justifier cette régression en faisant observer que l'autre voie qui s'offrait à lui pour augmenter les ressources affectées à la protection sociale était constituée par des cotisations sociales elles aussi non progressives. Mais, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée de 1990, c'est « compte tenu des caractéristiques de chaque impôt » que doit être apprécié le respect de la règle de l'égalité fiscale : dès lors que les pouvoirs publics ont choisi d'augmenter la part de la contribution sociale généralisée dans le financement de la protection sociale, ils ne sauraient faire régresser la part de progressivité que son institution avait introduite dans ce financement.
La déductibilité partielle de la contribution sociale généralisée du revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu est donc incontestablement contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'au principe d'égalité devant l'impôt en tant qu'il implique que la loi fiscale n'éloigne pas le droit existant de l'objectif de progressivité des impositions frappant le revenu des ménages.
Or, cette disposition est politiquement et juridiquement inséparable du reste de l'article 21 de la loi déférée, non seulement d'un point de vue formel que révèle l'interdépendance rédactionnelle entre fixation des taux et régime de déductibilité partielle prévus l'un et l'autre aux I et III dudit article 21, mais surtout parce que le choix d'une majoration plus forte du taux (dont il était initialement envisagé qu'il passe de 1,1 p 100 à 2,1 p 100 seulement et non à 2,4 p 100) n'a été retenu par le Gouvernement que dans la mesure où l'instauration de la déductibilité de la majoration atténuait la pression fiscale supplémentaire d'autant plus fortement que le contribuable redevable considéré jouissait de revenus élevés (sous réserve du plafonnement qui, comme on l'a vu, ne touche que très peu de foyers fiscaux).
Ainsi, alors même que l'augmentation du taux de la contribution bénéficie non à l'Etat, mais à la Caisse nationale d'allocations familiales (tandis que la déductibilité constitue une moins-value pour l'Etat et non pour cette caisse), les deux mesures ont été inséparablement liées dans l'esprit des auteurs du projet de loi de finances rectificative du point de vue du choix d'un niveau de pression fiscale jugé politiquement et techniquement admissible.
C'est dès lors l'ensemble de l'article 21 de la loi déférée qui devra être considéré comme non conforme à la Constitution.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conformes à celle-ci l'ensemble de la loi qui vous est déférée et tout particulièrement ses articles 1er A, 3, 5 bis, 6, 7, 8, 19 quater et 21.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.