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Décision n° 91-302 DC du 30 décembre 1991 - Saisine par 60 députés

Loi de finances pour 1992
Non conformité partielle

DEUXIEME SAISINE DEPUTES L'article 11 de la loi de finances opère une rupture de principe d'égalité qui entraîne son inconstitutionnalité.
La question posée, comme cela ressort des travaux des parlementaires, met en cause le principe d'égalité devant l'impôt ainsi que la lutte contre la fraude fiscale.
Il n'est pas nécessaire de rappeler que le principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques a valeur constitutionnelle, comme le Conseil constitutionnel l'a souvent souligné, en censurant les dispositions qui le méconnaissent (en particulier CC. n° 7351 DC, Rec. 25 ; AJDA 1974273, note P-M Gaudemet ; JCP 1974II, 17691, note Nguyen Quoc Vinh ; RDP 1974531 et 1099, note L Philip ; 85 200 DC, 16 janvier 1986, Cons. 7 et 18, Rec. 9 ; 86209 DC, 3 juillet 1986, Cons. 25, Rec. 86).
Il n'est pas nécessaire non plus de rappeler que le principe d'égalité n'impose pas de manière absolue l'identité de traitement de tous les intéressés et particulièrement de tous les contribuables.
De manière générale, « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » (CC n° 87232 DC, 7 janvier 1988, Cons. 10 Rec. 17).
En particulier, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte des dispositions fiscales différentes pour des personnes placées dans des situations différentes (CC 84-184 DC, 29 décembre 1984, Cons. 16 à 18, Rec. 94 ; dans le même sens 79-DC, 9 janvier 1980, Rec. 32 ; 82-140 DC, 28 juin 1982, Cons. 1 °, Rec. 45 84-186 DC, 29 décembre 1984, Cons. 5 et 6, Rec. 107 ; 89-270 DC, 29 décembre 1989, Cons. 5, Rec. 129 ; 90-285 DC, 28 décembre 1990, Cons. 27 à 31).
Les différences de situations peuvent être elles-mêmes liées aux risques de fraude fiscale ou même seulement d'évasion fiscale.
Ainsi, lorsque des dispositions ont pour objet de lutter contre la fraude fiscale, il n'est pas arbitraire d'établir une distinction entre des personnes qui sont soumises à des régimes fiscaux ne comportant pas des modes de déclaration et de contrôle semblables. En particulier, ne méconnaît pas le principe d'égalité une distinction entre personnes ayant leur domicile fiscal en France et celles qui ont leur domicile fiscal hors de France (CC 83-164 DC, 29 décembre 1983, Cons. 33, Rec. 67).
Il résulte nécessairement de l'article 13 de la déclaration de 1789 que l'exercice des libertés et droits individuels ne peut en rien excuser la fraude fiscale, ni entraver sa légitime répression.
Il appartient au législateur de choisir les moyens propres à réprimer la fraude fiscale (CC 86-209 DC, 3 juillet 1986, Cons. 33, Rec. 86).
Et, si l'exonération fiscale des primes de remboursement distribuées ou réparties par un organisme collectif de placement en valeurs mobilières n'est supprimée que lorsque ces primes représentent plus de 10 p 100 du montant des revenus distribués, une telle différenciation, qui tend précisément à faire échec à un risque d'évasion fiscale qui s'est manifesté dans cette hypothèse, ne porte pas atteinte au principe constitutionnel d'égalité (CC 89-268 DC, 29 décembre 1989, Cons. 42, Rec. 110).
Cependant, quelles que soient les possibilités de différenciations tenant compte des différences de situations, en fonction notamment des risques de fraude fiscale, voire d'évasion fiscale, ces possibilités ne sont pas indéfinies : il est nécessaire, comme le souligne notamment la décision précitée du 7 janvier 1988, que la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.
Tel n'était pas le cas du dispositif censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 27 décembre 1973, à propos de la taxation d'office des contribuables :
« Les dispositions de l'article 62 de la loi de finances pour 1974 tendent à ajouter à l'article 180 du code général des impôts des dispositions qui ont pour objet de permettre au contribuable, taxé d'office à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues audit article, d'obtenir la décharge de la cotisation qui lui est assignée à ce titre s'il établit, sous le contrôle du juge de l'impôt, que les circonstances ne peuvent laisser présumer »l'existence de ressources illégales ou occultes ou de comportement tendant à éluder le paiement normal de l'impôt" ;
« toutefois la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du code général des impôts par l'article 62 de la loi de finances pour 1974 tend à instituer une discrimination entre les citoyens au regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration les concernant ; ainsi ladite disposition porte atteinte au principe de l'égalité devant l'impôt contenu dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;
 » dès lors il y a lieu de déclarer non conforme à la Constitution la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du code général des impôts par l'article 62 de la loi de finances pour 1974 ".
De même, dans sa décision précitée n° 86-209 DC du 3 juillet 1986, le Conseil constitutionnel a considéré (Cons. 26) :
« que le délai de reprise de deux ans prévu au bénéfice des titulaires de revenus composés exclusivement de salaires, traitements et pensions, est justifié, dans l'intention du législateur, par le fait que ces rémunérations sont généralement déclarées par les tiers, ce qui a pour conséquences de limiter les risques de sous-déclaration et de faciliter les contrôles ; que, toutefois, le bénéfice de ce régime est écarté dès lors qu'au cours d'une des deux années en cause le contribuable a disposé, même dans une proportion infime, de revenus d'une autre catégorie que les salaires, traitements et pensions ; qu'ainsi le paragraphe II de l'article 18 aboutit à traiter différemment au regard de l'exercice par l'administration fiscale de son droit de reprise des contribuables qui peuvent être placés dans des conditions quasiment identiques ; que cette différence de traitement porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi ; qu'il suit de là que le paragraphe II de l'article 18 n'est pas conforme à la Constitution. »
C'est au regard de cette jurisprudence qu'il faut déterminer si la différence établie par l'article 11 de la loi de finances pour 1992 entre les donations passées devant notaire et les autres est contraire ou non au principe d'égalité devant l'impôt.
Il faut considérer à ce sujet l'objectif du législateur, tel qu'il ressort des travaux préparatoires.
Cet objectif est double :
: d'une part, le législateur a voulu favoriser la transmission des patrimoines en exceptant du rappel des donations antérieures celles qui ont été effectuées depuis plus de dix ans ;
: d'autre part, il n'a voulu faire bénéficier de cette exception que les donations véritables ayant donné lieu aux droits de mutation à titre gratuit auxquels le code général des impôts les assujettit.
En revanche, les dons occultes, parce que, par définition, ils ne sont pas connus et n'ont pas donné lieu au paiement des droits de mutation, ne peuvent, lorsqu'ils sont révélés, donner lieu au bénéfice de l'exception.
Cette exclusion va de soi. Il ne saurait être question de faire bénéficier de la disposition nouvelle des dons que les contribuables ont effectués dans des conditions de fraude.
S'ensuit-il qu'il faille limiter le bénéfice de l'exception aux seules donations passées devant notaire, et l'exclure pour les dons qui, sans avoir donné lieu à un acte authentique, n'en ont pas moins été effectués à la fois avec une date certaine (ce qui est important pour l'application du délai de dix ans) et avec la déclaration de leur montant, en vue du paiement des droits de mutation à titre gratuit, c'est-à-dire par acte sous seing privé soumis à enregistrement ?
Il existe une différence juridique entre l'acte authentique et l'acte sous seing privé faisant l'objet d'un enregistrement.
L'acte authentique est régi par les articles 1317 et suivants du code civil.
Selon l'article 1317, « l'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises ».
Parmi les officiers publics figurent les notaires.
Selon l'article 1319, « l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.
 » Néanmoins, en cas de plaintes en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation ; et, en cas d'inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte ".
L'inscription de faux est régie par les articles 303 et suivants du nouveau code de procédure civile.
L'acte sous seing privé est régi par les articles 1322 et suivants du code civil.
Selon l'article 1322, « l'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte authentique ».
Les articles 1323 et 1324 permettent de désavouer un acte sous seing privé. En particulier (art 1324) « dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature et dans le cas où ses héritiers ou ayants cause déclarent ne les point connaître, la vérification en est ordonnée en justice ».
L'article 1326 précise : « L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »
Enfin, selon l'article 1328, « les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont soucrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire ».
Ainsi l'acte sous seing privé est doté d'une force probante inférieure à l'acte authentique : c'est là la différence importante.
Il n'en reste pas moins des rapprochements :
: l'enregistrement de l'acte sous seing privé lui donne une date aussi certaine que celle de l'acte authentique ;
: l'acte sous seing privé reconnu par son auteur ou les héritiers de celui-ci a la même foi que l'acte authentique ;
: le désaveu de l'acte sous seing privé donne lieu à une vérification en justice de même que l'inscription de faux contre l'acte authentique donne lieu à une action en justice ;
: l'engagement de payer une somme d'argent ou de livrer une chose fongible peut être établi aussi bien dans un acte sous seing privé que dans un acte authentique.
Bien plus, l'article 1341 du code civil met à égalité l'acte authentique établi par notaire et l'acte sous seing privé :
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. »
Cette disposition, comme celle de l'article 1326, peut s'appliquer particulièrement aux donations entre vifs.
Il est vrai que l'article 931 du code civil dispose :
« Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. »
Ce libellé, pris au sens strict, paraît rendre sans objet le problème de la distinction entre les donations par devant notaire et la donation par acte sous seing privé, puisque les donations par actes sous seing privé seraient impossibles.
Or, comme le souligne le rapport de M Alain Richard, la jurisprudence civile admet la validité des dons manuels (et y assimile des donations indirectes) : dont la caractéristique est, nonobstant l'article 931 du code civil, de ne pas être passés devant notaire : il en est ainsi en particulier des remises de chèques, des virements, des transferts de titre au porteur, de la transmission d'actions nominatives au moyen d'un bordereau de transfert : autant d'opérations qui concernent notamment les transmissions d'entreprises.
Selon le même rapport, le code général des impôts appréhende les dons manuels, spécialement lorsqu'ils sont présentés spontanément à l'enregistrement.
L'article 757 disposait à ce sujet expressément avant même la nouvelle loi de finances :
« Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel sont sujets au droit de donation. »
Le nouvel alinéa ajouté à l'article 757 par l'article 11-II de la loi de finances pour 1992 confirme la solution dans les termes suivants :
« La même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration fiscale. »
Le nouvel article 635 A introduit dans le code général des impôts par l'article 11-III détermine le régime de déclaration ou d'enregistrement des dons manuels révélés par le donataire à l'administration fiscale.
Les dons manuels, loin d'être exclus par l'article 931 du code civil, sont reconnus à la fois par la jurisprudence civile et par le législateur fiscal.
Ils doivent, selon l'article 1341 du code civil, au-dessus d'une certaine somme, être passés par un écrit qui peut être aussi bien un acte sous seing privé qu'un acte devant notaire.
Lorsqu'ils sont ainsi établis, leur enregistrement leur donne date certaine.
Cet enregistrement a pour effet également d'entraîner le paiement des droits de donation.
Dès lors on peut comparer la donation effectuée devant notaire et la donation par acte sous seing privé faisant l'objet d'un enregistrement :
: dans les deux cas, la donation a date certaine ;
: dans les deux cas, le montant de la donation est connu par l'administration fiscale ;
: dans les deux cas, la donation donne lieu au paiement des mêmes droits à concurrence du montant qui y est assujetti.
La différence de valeur probante qui sépare l'acte authentique de l'acte sous seing privé est sans rapport avec la loi fiscale, et plus particulièrement avec l'objet de l'article 11 de la nouvelle loi de finances :
: la loi fiscale veut atteindre la matière imposable : elle y parvient aussi bien grâce à l'acte sous seing privé enregistré que par l'acte notarié ;
: la nouvelle loi de finances veut excepter du rappel des donations antérieures celles qui ont été effectuées plus de dix ans avant une nouvelle donation ou une succession : par rapport à cet objet, l'acte sous seing privé enregistré ne présente pas de différence par rapport à l'acte notarié, puisque, comme lui, il a date certaine et a donné lieu au paiement des droits de mutation (à concurrence du montant qui y est assujetti).
Les travaux préparatoires font apparaître que la différence instituée au profit des actes notariés est justifiée par la volonté de lutter contre la fraude fiscale : objectif qui, selon la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel, justifie des différences de traitement.
Trois considérations peuvent jouer :
La première tient à la meilleure information des parties à une donation lorsque celle-ci est passée devant notaire que lorsqu'elle ne l'est pas. L'intervention d'un notaire est certainement une garantie pour les intéressés : en particulier le devoir de conseil du notaire leur permet de connaître leurs droits et obligations. C'est pour eux une sécurité juridique. Mais, pour importante qu'elle soit, cette considération n'est pas déterminante au regard de la disposition ici examinée.
D'une part, les parties peuvent être éclairées par d'autres professionnels du droit. L'opposition à cet égard est non pas entre donations devant notaire et donations hors notaire mais entre donations avec le concours de professionnels du droit et donations sans ce concours.
D'autre part, et surtout, le problème des garanties offertes par l'intervention d'un notaire concerne les parties à la donation, non l'administration fiscale. Il porte sur la sécurité juridique de l'opération, non sa sécurité fiscale.
Au regard de la loi fiscale, la question est de savoir non si la donation est bien conçue et bien rédigée mais sur quel montant elle porte. Sous ce rapport, l'intervention d'un notaire est secondaire.
Ce qui est important pour la loi fiscale, c'est de connaître le montant de la donation, non la forme dans laquelle elle a été réalisée.
Or, comme on l'a relevé plus haut, la connaissance de la donation peut résulter non seulement d'un acte notarié, mais encore d'un acte sous seing privé enregistré.
En second lieu, le législateur a voulu éviter les dons manuels occultes, réalisés dans des conditions les faisant échapper à l'impôt.
Cet objectif de lutte contre la fraude fiscale n'est pas atteint par la limitation du bénéfice des dispositions relatives aux donations de plus de dix ans à celles qui ont donné lieu à un acte notarié.
Les personnes qui voudront échapper aux droits sur les donations ne recourront pas plus à un notaire qu'à un autre intermédiaire : elles procéderont purement et simplement de manière occulte, sans recourir à quiconque.
Même si elles recourent à un notaire, elles pourront ne lui révéler qu'une partie de la donation et garder l'autre secrète.
N'y aurait-il pas même des hypothèses où l'obligation de recourir à un notaire peut prêter à une hésitation et faire préférer le don occulte ?
L'essentiel pour la loi fiscale est d'appréhender les dons manuels et de les soumettre aux règles sur les droits de donation.
L'essentiel est donc de les connaître. Or cette connaissance peut résulter aussi bien d'un acte sous seing privé enregistré que d'un acte notarié.
Dans l'objectif de lutte contre la fraude fiscale, la différence est entre les dons occultes et les dons officiellement déclarés, non entre les actes sous seing privé et les actes notariés. Dès lors que, par l'enregistrement, les actes sous seing privé sont connus par le fisc aussi bien que les actes notariés, ils doivent être traités de la même manière.
Enfin, le législateur voudrait éviter le « blanchiment » de l'argent d'origine illicite ou simplement douteuse. Les dons manuels seraient dans certains cas une manière de justifier l'existence d'une somme d'argent. En limitant le bénéfice de la nouvelle disposition aux donations devant notaire, le législateur éviterait ce genre « d'apurement » de l'argent « sale ».
Cet objectif est évidemment important. Il a déjà justifié l'adoption de dispositions rigoureuses, notamment en ce qui concerne l'obligation de déclarer des sommes d'origine douteuse pesant sur certaines personnes et les pouvoirs d'investigations de différentes autorités (loi du 12 juillet 1990 et décret du 13 février 1991). Les notaires ne font pas l'objet à ce sujet d'obligations qui leur soient propres.
Contrairement aux actes portant sur des immeubles, pour lesquels les notaires doivent établir l'origine de propriété, les actes portant sur des sommes d'argent ne donnent pas lieu de leur part à une recherche d'origine. Les dispositions relatives à la découverte d'argent d'origine douteuse ne pèsent pas plus sur les notaires que sur d'autres personnes. Ils ne sont pas soumis à cet égard à un régime analogue à celui qui pèse sur les organismes financiers. Ils sont dans la même situation que n'importe quel professionnel (art 2 de la loi du 12 juillet 1990).
Lorsque l'administration fiscale a connaissance de sommes d'argent sur l'origine desquelles elle peut avoir un doute, il importe peu que cette connaissance provienne d'une déclaration notariée ou d'une autre déclaration. Ses moyens d'investigation sont les mêmes dans les deux cas. Dès lors qu'elle a un doute, elle peut exercer, aussi bien sur le donneur que sur le donataire, les pouvoirs d'investigation et de vérification qu'elle tient du code général des impôts.
La situation ne change pas selon que la donation a été faite par acte devant notaire ou par acte sous seing privé enregistré.
La donation devant notaire et la donation par acte sous seing privé enregistré ne présentent pas de différences au regard de la lutte contre les trafics illicites, pas plus qu'au regard de la lutte contre la fraude fiscale.
Dès lors, les justifications permettant d'établir des discriminations entre contribuables n'existent pas en l'espèce : le principe d'égalité est donc violé : comme il l'a été notamment dans les affaires jugées par le Conseil constitutionnel le 27 décembre 1973 et le 3 juillet 1986.