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Décision n° 90-281 DC du 27 décembre 1990 - Saisine par 60 députés

Loi sur la réglementation des télécommunications
Non conformité partielle

SAISINE DEPUTES
Les députés soussignés saisissent le Conseil constitutionnel de la loi sur la réglementation des télécommunications adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 12 décembre 1990 afin qu'il plaise au conseil de reconnaître l'inconstitutionnalité de l'article 8 de la présente loi pour les motifs présentés ci-après.
Exposé des moyens
L'article L 40 de l'article 8 de la loi prévoit que des fonctionnaires des télécommunications pourront rechercher et constater par procès-verbal les infractions prévues par les dispositions du chapitre III de la loi.
Pour ce faire, il leur suffira d'être habilités par le ministre et assermentés.
Les pouvoirs de ces fonctionnaires sont particulièrement étendus puisqu'ils peuvent accéder à des locaux privés et procéder à la saisie des matériels sur autorisation judiciaire.
Ces dispositions nous apparaissent gravement attentatoires aux libertés individuelles, au droit de propriété et au principe de séparation des pouvoirs.
Dans le passé, le législateur a reconnu à certains fonctionnaires assermentés le droit de constater des infractions et de dresser des procès-verbaux et notamment dans le domaine des transports (SNCF, RATP, etc).
Mais ce pouvoir qui se justifie afin de faire face efficacement à de petites infractions qui ne méritent pas l'intervention de l'autorité judiciaire a toujours été volontairement limité.
La loi qui vous est déférée va beaucoup plus loin dans la mesure où elle donne un véritable pouvoir de perquisition, puisqu'elle permet à des fonctionnaires ne relevant pas de la police judiciaire d'accéder à des locaux privés sans l'autorisation préalable d'un magistrat.
Ce pouvoir exorbitant est contraire aux règles les plus fondamentales de protection de la propriété et de la vie privée qui impliquent qu'aucune atteinte ne puisse être portée dans ce domaine sans l'autorisation préalable et le contrôle de l'autorité judiciaire.
En dehors du cas très particulier de la réquisition, la jurisprudence constante des juridictions administratives a toujours considéré que l'atteinte portée par l'administration à la propriété constitue une voie de fait qui relève du juge judiciaire.
Que la loi puisse laisser ce pouvoir à une autorité administrative apparaît contraire à nos principes constitutionnels.
En outre, le texte porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs dans la mesure où il autorise ces fonctionnaires à procéder à des saisies de matériel après autorisation d'un magistrat.
Les saisies sont effectuées dans notre droit par des huissiers, officiers ministériels qui sont des auxiliaires de justice et détiennent leur pouvoir de la seule décision de l'autorité judiciaire.
Permettre à des fonctionnaires relevant du pouvoir exécutif de procéder de la même manière relève d'une confusion des pouvoirs dangereuse pour les libertés.
Pour ces motifs, l'article 8 (art L 40) doit être déclaré non conforme à la Constitution.