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Décision n° 85-190 DC du 24 juillet 1985 - Saisine par 60 députés

Loi portant règlement définitif du budget de 1983
Non conformité totale

II : SAISINE DEPUTES Les députés à l'Assemblée nationale soussignés saisissent le Conseil constitutionnel, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution du 4 octobre 1958, de la conformité à celle-ci de la loi portant règlement définitif du budget de l'année 1983 par les moyens ci-après formulés.
Observations préliminaires Le temps n'est plus où la loi de règlement du budget était ressentie comme une simple formalité rituelle accomplie sur ce fond de « liturgie, litanie, léthargie » que déplorait autrefois le président Edgar Faure.
Acte essentiel du contrôle parlementaire (M Papon, Journal officiel, AN n° 39, 8 juin 1973, p 1865), l'adoption de la loi de règlement suscite aujourd hui des débats qui, sans égaler en vivacité ceux qui présidaient jadis à la discussion des lois des comptes (Pradat et Sonrier, Comptabilité publique éd 1985, p 184 et s ; Lalumière, Finances publiques, éd 1983, p 486), apparaissent néanmoins à la mesure de l'importance qui s'attache au contrôle politique de l'exécution comptable du budget (cf notamment Journal officiel, Débats Sénat, séance du 5 juin 1985, p 883 et s).
Conforme à l'esprit de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, et notamment de ses articles 35 et 36, une telle évolution est imputable à des circonstances souvent évoquées, qui ont pour nom accélération de la procédure législative et assistance de la Cour des comptes (Gaudemet, Finances publiques, p 448 et s). Au cours de la période récente, un phénomène nouveau a cependant contribué à entraver ce mouvement : le défaut de sincérité et de clarté dans la présentation des comptes, auquel se sont adjoints l'accomplissement d'irrégularités substantielles dans la gestion des crédits ainsi que la mise en oeuvre d'une conception singulièrement extensive du contenu de la loi de règlement.
Facteurs d'alourdissement des débats parlementaires comme du contrôle juridictionnel exercé par la Cour des comptes, ces éléments ne sont pas seulement de nature à remettre en question les conditions dans lesquelles sont gérées les finances publiques et s'exerce le contrôle parlementaire en matière budgétaire. Ils posent également la question de la nature de la sanction qui devra être apportée à de telles pratiques. Ils interpellent le juge constitutionnel sur le terrain de la notion même de la loi de règlement, dont seules les conditions formelles d'adoption ont fait jusqu'à présent l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel (décision n° 83-161 DC du 19 juillet 1983).
Le présent recours, dirigé contre la loi portant règlement définitif du budget 1983, est justifié par quatre séries de considérations.
I : En premier lieu, il résulte expressément de la décision n° 83-161 DC prise le 19 juillet 1983 par le Conseil constitutionnel qu'il ne peut être fait application pour l'examen des projets de loi de règlement des dispositions du pénultième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance précitée prévoyant que la procédure d'urgence organisée par l'article 45 de la Constitution est de droit pour l'examen des projets de loi de finances, sans que le Gouvernement ait à déclarer l'urgence.
Cette procédure d'urgence sans déclaration, qui donne au Gouvernement la possibilité d'éviter, sans formalité préalable, une lecture des projets de loi de finances devant chacune des assemblées, répond à l'évidence, comme les autres dispositions de l'article 39 de l'ordonnance organique, à la nécessité, rappelée par le Conseil constitutionnel, « de permettre qu'interviennent en temps utile, et plus spécialement avant le début d'un exercice, les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale » - nécessité dont le conseil a considéré qu'elle « ne saurait être invoquée quand il s'agit de lois de règlement ».
Tirant les conséquences tant de la lettre de la décision précitée du Conseil constitutionnel que de l'esprit de cette décision, le Gouvernement a, par lettre du 17 avril 1984, déclaré l'urgence du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1982, afin de s'assurer la faculté : dont il fit d'ailleurs usage - de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire après une seule lecture de ce texte par chaque assemblée.
En revanche, aucune déclaration d'urgence n'a été portée à la connaissance des assemblées pour l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1983.
En dépit de l'inapplicabilité, déclarée par le Conseil constitutionnel, de l'article 39 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et du défaut de la déclaration d'urgence exigée par l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire alors que chacune des assemblées n'avait procédé qu'à une seule lecture du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1983.
La lettre par laquelle le Premier ministre annonce cette décision (Journal officiel, Débats Assemblée nationale, 1re séance du 6 juin 1985, p 1492) ne vise pas l'article 39 de l'ordonnance précitée : au demeurant inapplicable : mais le seul article 45, alinéa 2, de la Constitution.
A défaut de déclaration d'urgence, l'article 45, alinéa 2, de la Constitution ne permettait au Gouvernement de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire qu'après deux lectures par chaque assemblée.
En décidant de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire après une seule lecture par chaque assemblée, le Gouvernement a agi en violation, d'une part, de la décision n° 83-161 DC du Conseil constitutionnel, décision qui, pourtant, s'impose aux pouvoirs publics en application de l'article 62 de la Constitution, et, d'autre part, de l'article 45 de la Constitution.
II : En deuxième lieu, la loi de règlement portant règlement définitif du budget 1983 comporte certaines dispositions qui ne trouvent pas leur place dans le cadre juridique de la loi de règlement, tel qu'il résulte des articles 35 et 36 de la loi organique relative aux lois de finances.
Qu'il s'agisse des annulations, dépassements, répartitions ou reports de crédits, ou encore de certaines écritures de fin de gestion, ce texte est établi sur la base de données comptables qui sont issues de pratiques administratives dont l'effet, obtenu au prix de la transgression de principes aussi fondamentaux que ceux de la spécialité des crédits ou du caractère limitatif des autorisations budgétaires, a été de corriger substantiellement les orientations données par le législateur dans la loi de finances initiale, comme dans le collectif budgétaire. A de nombreuses reprises, il apparaît qu'ont été insérées dans la loi de règlement du budget 1983 des données afférentes à des opérations sur lesquelles le législateur aurait dû être en mesure de se prononcer expressément, notamment par la voie d'une loi de finances rectificative. Une loi de règlement a pour vocation de constater les résultats définitifs d'exécution du budget ; elle ne doit pas permettre d'obtenir l'approbation parlementaire et purement formelle, de chiffres qui dissimulent des opérations dont la légalité est plus que douteuse et l'orientation contestable au regard des choix initiaux opérés par le législateur.
A cet égard, l'ensemble de la loi de règlement du budget 1983 apparaît contraire aux exigences des articles 2, alinéa 4, 35 et 36 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
III : En troisième lieu, la loi de règlement du budget 1983 comporte trop d'insuffisances et d'obscurités pour être regardée comme ayant été de nature à permettre un exercice normal du contrôle parlementaire sur l'exécution comptable du budget.
Contrairement à ce qu'a cru devoir avancer le secrétaire d'Etat chargé du budget lors des débats parlementaires (Journal officiel, Sénat, séance du 5 juin 1985, p 886), les comptes présentés au Parlement dans le cadre de la discussion de la loi de règlement ne sont pas en eux-mêmes intangibles. C'est en réalité le vote parlementaire qui confère auxdits comptes leur intangibilité.
Dans cette perspective, il convient donc que la loi de règlement soumise au Parlement soit suffisamment détaillée et claire pour permettre au contrôle des représentants élus de s'exercer pleinement.
Il y va de la compatibilité entre le régime représentatif et les techniques modernes de gestion budgétaire (Cotteret et Emeri, le Budget de l'Etat, éd 1972).
Or, ainsi que le relève à plusieurs reprises la Cour des comptes dans son rapport, les comptes dont est issue la loi de règlement déférée sont souvent caractérisés par une insuffisance de clarté et, surtout, par un défaut de sincérité.
Soucieux de préserver la place qui doit être celle du Parlement dans le contrôle budgétaire, ainsi que la clarté des comptes de l'Etat (décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982), le Conseil constitutionnel sanctionnera avec fermeté de telles carences.
IV : Enfin, et peut-être surtout, la loi de règlement du budget 1983 comporte des données comptables issues de pratiques qui méconnaissent gravement les exigences de l'ordonnance du 2 janvier 1959 précitée. Ces irrégularités, qui seront évoquées dans les développements qui suivent, traduisent l'existence de très nombreux égarements et erreurs dans la gestion des autorisations budgétaires.
Rappelant la portée contraignante des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, le Conseil constitutionnel sera ainsi conduit à censurer des agissements dont la sanction constitutionnelle ne peut être prononcée ni par le Parlement ni par la Cour des comptes.
Ce faisant, il contribuera à valoriser la loi de règlement, instrument indispensable du système budgétaire démocratique.
Sur l'inconstitutionnalité de la réunion par le Gouvernement d'une commission mixte paritaire sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1983 Il résulte expressément de la décision n° 83-161 DC prise le 19 juillet 1983 par le Conseil constitutionnel qu'il ne peut être fait application, pour l'examen des projets de loi de règlement, des dispositions du pénultième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance précitée prévoyant que la procédure d'urgence organisée par l'article 45 de la Constitution est de droit pour l'examen des projets de loi de finances, sans que le Gouvernement ait à déclarer l'urgence.
La décision du Conseil est dépourvue, à cet égard, de toute ambiguïté : l'article 39, dans son intégralité, n'est pas applicable aux lois de règlement. On ne peut, sans contredire le Conseil, prétendre que le pénultième alinéa de l'article 39 serait néanmoins applicable. Ce serait d'ailleurs méconnaître non seulement la lettre, mais encore l'esprit de la décision du Conseil.
En effet, la procédure d'urgence sans déclaration prévue au pénultième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance et qui donne au Gouvernement la possibilité d'éviter, sans formalité préalable, une lecture des projets de loi de finances devant chacune des assemblées, répond, à l'évidence, comme les autres dispositions de l'article 39 de l'ordonnance organique, à la nécessité, rappelée par le Conseil constitutionnel, « de permettre qu'interviennent en temps utile, et plus spécialement avant le début d'un exercice, les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ».
Or, dans ces considérants, le Conseil a été très net à cet égard : « cette nécessité ne saurait être invoquée quand il s'agit de lois de règlement ».
M Emmanuelli, secrétaire d'Etat au budget, l'indiquait d'ailleurs explicitement (JO Débats Assemblée nationale, 2e séance du 17 juillet 1983, page 2711), parlant des moyens juridiques mis à la disposition du Gouvernement pour le vote des lois de finances, il précisait que les raisons qui avaient conduit à les prévoir « ne valent plus du tout quand il s'agit du vote de la loi de règlement ».
Aussi bien le Gouvernement n'a-t-il pu que renoncer, en 1984, à se prévaloir de la procédure d'urgence automatique pour l'examen du projet de loi de règlement de l'exercice ultérieur, l'exercice 1982.
Tirant les conséquences, tant de la lettre de la décision précitée du Conseil constitutionnel que de l'esprit de cette décision, le Gouvernement a, par lettre du 17 avril 1984, communiquée le même jour à l'Assemblée, déclaré l'urgence du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1982, afin de s'assurer la faculté - dont il fit d'ailleurs usage : de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire après une seule lecture de ce texte par chaque assemblée.
Or, en dépit de l'inapplicabilité, expressément déclarée par le Conseil constitutionnel, de l'article 39 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et du défaut de la déclaration d'urgence exigée par l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a néanmoins décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire, alors même que chacune des assemblées n'avait procédé qu'à une seule lecture du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1983.
D'ailleurs la lettre par laquelle le Premier ministre a annoncé cette décision, publiée au Journal officiel, Débats, Assemblée nationale, 1re séance du 6 juin 1985, page 1492, ne vise pas l'article 39 de l'ordonnance : au demeurant inapplicable : mais le seul article 45, alinéa 2, de la Constitution.
Or, nul ne pourra contester que, faute d'avoir explicitement déclaré l'urgence dans les formes prévues par l'article 45, alinéa 2, de la Constitution et les règlements des assemblées, le Gouvernement ne pouvait provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire qu'après deux lectures par chacune des assemblées.
Ainsi, en décidant de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire après une seule lecture par chaque assemblée du projet de loi de règlement, le Gouvernement a agi en violation : : d'une part, de la décision n° 83-161 DC du Conseil constitutionnel, décision qui, pourtant, s'impose aux pouvoirs publics en application de l'article 62 de la Constitution ;
: d'autre part, en violation de l'article 45 de la Constitution.
Il s'agit là d'une grave atteinte aux droits du Parlement. En effet cette irrégularité manifeste aura eu pour effet de priver l'Assemblée nationale et le Sénat de la possibilité d'effectuer une deuxième lecture du projet de loi de règlement définitif du budget de 1983 avant la réunion de la commission mixte paritaire et la mise en oeuvre éventuelle, par le Gouvernement, des procédures prévues aux alinéas 3 et 4 de l'article 45 de la Constitution.
Considérant qu'on ne saurait prétendre que cette irrégularité aurait disparu dans la mesure où l'Assemblée nationale et le Sénat ont pu procéder à une deuxième lecture du projet de loi de règlement après l'échec de la commission mixte paritaire.
En effet, cette deuxième lecture n'a pu intervenir qu'en raison même de l'échec de la commission mixte paritaire, ce qui constitue une circonstance de pur fait qu'il n'était possible à personne de prendre en compte lors de la mise en oeuvre, par le Gouvernement, de la procédure irrégulière incriminée dans le présent recours.
En tout état de cause, l'irrégularité de la procédure aura privé l'Assemblée et le Sénat de la possibilité de procéder à une troisième lecture « utile » du projet, au cours de laquelle des amendements auraient été recevables. Ainsi, seule l'Assemblée a pu procéder à une troisième lecture, mais celle-ci étant une lecture définitive, aucun amendement n'a été recevable.
Dans la mesure où la décision de 1983 du Conseil constitutionnel excluait explicitement l'application de la procédure d'urgence automatique de l'article 39 de l'ordonnance organique et compte tenu du fait que le Gouvernement avait explicitement déclaré l'urgence du précédent projet de loi de règlement, il y a lieu de considérer que le Gouvernement, en provoquant cette année la réunion de la commission mixte paritaire après une seule lecture par l'Assemblée et par le Sénat, a abusé de la bonne foi de la représentation nationale.
Sur l'inconstitutionnalité des articles 1er, 2, 7 et 8 et du versement du budget annexe des PTT au budget général : Les articles 1er, 2, 7 et 8 de la loi déférée, qui successivement fixent les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 1983, le montant définitif des recettes du budget général pour 1983 et les résultats définitifs des budgets annexes (services civils) rattachés pour ordre au budget général présentent un trait commun : ils prennent tous en considération, dans leurs dispositions comptables, une contribution de deux milliards de francs versée, au titre de l'exercice 1983, au budget général par le budget annexe des PTT.
Cette contribution présente un caractère inconstitutionnel.
I : La légalité, au regard des articles 20 et 21 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, de l'inscription au budget annexe des Postes et Télécommunications d'un crédit correspondant à un versement au profit du budget général est subordonnée à la réalisation de trois conditions, dégagées par le Conseil constitutionnel aux termes de sa décision n° 84-184 DC du 29 novembre 1984 relative à la loi de finances pour 1985.
En premier lieu, il importe que l'exécution du budget annexe fasse apparaître, en fin d'exercice, un solde créditeur à la section de fonctionnement, ce qui implique que toutes les charges de fonctionnement du service des PTT aient été couvertes par les recettes qui leur sont affectées.
En deuxième lieu, seul le montant de l'excédent d'exploitation non affecté par la loi de finances à la couverture des dépenses d'investissement du budget annexe est susceptible d'être versé au budget général.
Enfin, un tel versement ne peut être définitivement fixé qu'en fonction du solde créditeur du budget annexe tel qu'il sera constaté en fin d'exercice, et non de façon définitive et inconditionnelle avant l'apparition dudit résultat. Dans cet esprit, la loi de finances de l'année peut comporter l'inscription d'une contribution du budget annexe au budget général si cette inscription ne constitue qu'une simple évaluation prévisionnelle destinée à l'information du Parlement.
II : Au regard des exigences qui viennent d'être rappelées, la contribution de deux milliards de francs versée en 1983 au profit du budget général par le budget annexe des PTT apparaît contraire aux dispositions des articles 20 et 21 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Aucune des trois conditions précitées ne se trouve en effet réalisée dans le cadre de ce versement, que prennent en considération les articles 1er, 2, 7 et 8 de la loi de règlement définitif du budget de l'année 1983.
II : 1 Tout d'abord, la section de fonctionnement du budget annexe des PTT ne laisse pas apparaître un solde créditeur autorisant un quelconque versement au profit du budget général.
Ainsi qu'il résulte du rapport de la Cour des comptes annexé au projet de loi de règlement (p 91 et s), comme des réponses de ladite Cour à la commission des finances du Sénat (rapport du sénateur Blin, p 73 et s), le compte de pertes et profits du budget des PTT, qui ne prend pas en compte l'incidence du versement au budget général dont la charge a été imputée, en comptabilité générale, sur la section des dépenses en capital (p 94 du rapport de la Cour des comptes), présente en effet pour l'année 1982 un solde créditeur de 497,8 millions de francs et, pour l'année 1983, un solde débiteur de : 3046,9 millions de francs.
Le versement de 2000 millions de francs opéré en 1983 et constaté par la loi de règlement du budget de cette même année excède donc très largement le solde de la section de fonctionnement du budget annexe des PTT, comme il excède d'ailleurs le solde cumulé de la section de fonctionnement et de la section des opérations en capital, ce solde s'élevant seulement à 709,1 millions de francs.
Il s'ensuit que contrairement aux prescriptions de la loi organique, éclairées par la décision n° 84-184 DC du 29 novembre 1984, ce versement du budget annexe des PTT au budget général a été réalisé indépendamment des résultats de ce premier budget et alors que toutes les charges de fonctionnement du service des Postes et Télécommunications n'avaient pas été couvertes par les recettes qui leur étaient affectées.
A cet égard, l'inconstitutionnalité des dispositions critiquées est déjà certaine.
II : 2 Ensuite, le versement du budget des PTT au budget général a été imputé, tant en 1982 qu'en 1983, non point sur la section des opérations de la section de fonctionnement mais sur la section des opérations en capital. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport (p 94), « cette imputation, différente de celle qui figurait au budget voté, est contestable. Elle ne pourrait se justifier que si le prélèvement opéré au profit du budget général constituait l'affectation, totale ou partielle, d'un résultat bénéficiaire. Or, les faits montrent qu'il n'en est rien : les versements du budget annexe sont en effet sans rapport avec les résultats des gestions précédentes. Ils apparaissent dès lors comme des contributions imposées au budget annexe par la loi de finances et, comme tels, ils devaient être imputés sur la section de fonctionnement parmi les charges de l'exercice et pris en compte pour la détermination du prix de revient ».
Il convient d'observer en outre qu'une telle imputation du versement litigieux sur la section des opérations en capital a eu pour effet de priver le budget annexe de ressources qui étaient appelées à assurer une couverture de ses dépenses d'investissement.
A l'instar de la précédente, la deuxième condition posée par le Conseil constitutionnel à la réalisation d'un versement du budget annexe au profit du budget général fait donc défaut.
II : 3 Une conclusion de même nature s'impose enfin s'agissant de la troisième des conditions susvisées.
D'une part, en effet, le versement critiqué, d'un montant de 2000 millions de francs, correspond très exactement au montant des crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 1983, laquelle imposait un versement du budget annexe des PTT de 2000 millions de francs qui devait être pris en recettes à la ligne 121 du budget général. Une identité aussi parfaite, relevée par la Cour des comptes (p 74 du rapport du sénateur Blin devant la commission des finances du Sénat), établit déjà que le versement pris en considération par la loi du règlement critiquée a été déterminé dans son montant par la loi de finances initiale et ce, de façon inconditionnelle et définitive, indépendamment du résultat de l'exécution du budget annexe des PTT, tel qu'il pouvait être constaté en fin d'exercice.
Cette conclusion est confortée par le rythme des ordonnancements intervenus à ce titre sur le budget annexe : 1350 millions le 27 juillet 1983, 150 millions le 15 septembre 1983 et 500 millions le 28 février 1984. Elle est également renforcée par la prise en considération du solde net du compte de pertes et profits, négatif pour un montant de 3046,9 millions en 1983 et bénéficiaire pour un montant de 497,8 millions en 1982.
D'autre part, il est clair que le versement dont il s'agit, à le supposer simplement prévisionnel dans la loi de finances initiale, n'a pu être fixé, conformément aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée, « au vu du solde créditeur du budget annexe ».
Ce solde qui, ainsi que l'a rappelé la Cour des comptes (p 94 du rapport) ne peut être déterminé que dans le respect des règles budgétaires et comptables, c'est-à-dire en retenant le résultat global du compte, et non celui d'une fonction déterminée, et en considérant le solde du compte de pertes et profits, et non le seul résultat d'exploitation, est en effet seulement de + 709,1 millions de francs, c'est-à-dire bien insuffisant pour autoriser un prélèvement d'un montant de 2000 millions de francs.
A cet égard encore, la méconnaissance des articles 20 et 21 de la loi organique relative aux lois de finances est certaine.
III : L'article 8 de la loi de règlement du budget 1983 est ensuite contraire aux dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
III : 1 Il a été précédemment indiqué que le solde cumulé de la section de fonctionnement et de la section des opérations en capital du budget annexe des PTT, tel qu'il figure dans la loi de règlement déférée, s'élève à 709,1 millions de francs pour 1983.
Après prélèvement des 2 milliards de francs déjà évoqués au profit du budget général, le solde total des deux sections devient négatif pour atteindre : 1290,9 millions de francs.
Réitérant, en l'accentuant, le processus qui s'était déjà déroulé pour l'exercice 1982, le budget annexe des PTT assure la couverture de ce solde négatif par un prélèvement direct opéré sur la trésorerie, c'est-à-dire sur les disponibilités du service déposées au Trésor, c'est-à-dire en définitive sur des dépôts essentiellement constitués par les fonds des chèques postaux.
III : 2 Une telle pratique qui, ainsi que le relève la Cour des comptes dans son rapport, « s'analyse comme une avance du Trésor au budget annexe » n'est pas seulement contraire aux dispositions de l'article R 91 du code des PTT : elle méconnaît également les prescriptions de l'article 28 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Ce texte dispose en effet que toutes les avances du Trésor, qui sont productives d'intérêts, ne peuvent en principe excéder deux ou quatre ans, obéissent à un régime strict de remboursement et sont retracées dans des comptes d'avances, distincts pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.
Or, s'agissant du financement des dépenses en capital du budget annexe des PTT par un prélèvement sur le fonds de roulement, il n'apparaît pas qu'une telle procédure ait été respectée.
En présence de telles irrégularités, réalisées au préjudice des épargnants dont les fonds, déposés auprès des chèques postaux, ont été clandestinement utilisés, la déclaration de non-conformité à la Constitution de l'article 8 de la loi déférée s'impose.
Sur l'inconstitutionnalité des articles 1er, 3, 5 et 7 et de certaines annulations de crédits : IV : Intervenues en vertu de l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, les annulations de crédits prononcées au cours de l'année 1983, d'un montant global de 25,2 milliards, pour le budget de l'Etat ont essentiellement porté sur les dépenses ordinaires et ont affecté presque exclusivement les budgets civils.
IV : 1 Certaines de ces annulations correspondent, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport (p 147 et suivantes), à une véritable disparition, en cours d'année, de l'objet des crédits concernés ou conduisent à rapporter certaines actions prévues ou certains paiements correspondant à des actions déjà engagées.
Mais une part importante de ces annulations de crédits, utilisées au titre de l'exercice 1983 comme un instrument essentiel de maîtrise de la dépense publique, ont été décidées en considération d'objectifs généraux, indépendamment de l'objet propre des crédits concernés.
Le constat dressé par la Cour des comptes est sévère (p 94 du rapport) : "Dans d'autres cas, la réduction des autorisations résulte, non d'un examen de leur situation considérée du point de vue de leur spécialité, mais d'une décision prise de façon discrétionnaire, en fonction d'un objectif d'intérêt général. Ainsi que la Cour l'a déjà indiqué à plusieurs reprises par le passé, il serait plus conforme à la loi organique d'inclure de telles annulations dans une loi de finances rectificative. Une telle procédure paraît d'autant plus souhaitable qu'en 1983 comme en 1982, l'ampleur des annulations a permis d'opérer, par le jeu des réductions de crédits comprises entre chapitres d'un même budget et parfois entre chapitres de fascicules budgétaires différents, de véritables redéploiements de crédits qui n'apparaissent ni dans les textes ni dans les comptes.
Ces mouvements contractés, opérés avec l'intention de limiter le nombre de textes réglementaires, nuisent finalement à la clarté budgétaire." Par ailleurs, il a été constaté que dans de nombreux cas, les annulations de crédits mentionnées par la loi de règlement et ses annexes ont été ultérieurement, et parfois immédiatement, suivies aux mêmes chapitres d'ouvertures de crédits supplémentaires. Cette pratique, relevée pour trente-cinq chapitres appartenant à dix-sept budgets différents (cf rapport de la Cour des comptes, p 153), n'est pas seulement significative d'une absence de cohérence et de précision dans la gestion des crédits : elle révèle que dans un bon nombre de cas, les crédits supprimés n'étaient pas dépourvus d'objet au moment de leur annulation (l'exemple du budget de l'éducation nationale est à cet égard significatif : p 154 du rapport de la Cour des comptes).
IV : 2 De telles irrégularités traduisent une méconnaissance de plusieurs articles de la loi organique relative aux lois de finances.
Ces pratiques sont tout d'abord contraires à l'article 13 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 qui dispose que « tout crédit qui devient sans objet en cours d'année peut être annulé par arrêté du ministre de l'économie et des finances après accord du ministre intéressé ». Ainsi qu'il a été précédemment indiqué, certaines des annulations de crédits critiquées répondent en effet à des considérations générales, indépendantes de l'objet desdits crédits.
Il s'agit là d'une méconnaissance caractérisée du lien établi par les auteurs de la loi organique entre l'annulation d'un crédit et la disparition de l'objet de celui-ci.
Ensuite, les irrégularités mentionnées, qui permettent, ainsi que l'a relevé la haute juridiction financière, de véritables redéploiements de crédits, apparaissent contraires à la règle de la spécialité des crédits posée par l'article 7, alinéa 2, de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances, et appliquée avec vigueur par le Conseil constitutionnel (décision n° 76-73 DC du 28 décembre 1976, rectificatif, p 41).
L'absence de précisions, dans la loi de règlement, sur la nature de certaines annulations de crédits ainsi que des redéploiements de crédits rendus possibles par celles-ci méconnaît enfin les dispositions des articles 35 et 36 de la loi organique relative aux lois de finances. Il résulte en effet de ces dispositions, qui déterminent l'objet et le contenu de la loi de règlement, que celle-ci doit être assortie de précisions et d'explications suffisantes pour permettre au contrôle parlementaire sur l'exécution comptable du budget de s'exercer efficacement.
Applicable aux lois de règlement, cette règle ne constitue qu'un des points d'application du principe plus général, posé par l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959, de l'inclusion, dans les lois de finances, des dispositions destinées à assurer le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.
Or, il résulte de pièces du dossier, et notamment du rapport du sénateur Blin sur l'article 3 de la loi de règlement du budget de 1983 (p 50), que les insuffisances, lacunes et silences de ladite loi s'agissant de l'explication de certaines annulations de crédits ont placé le Parlement dans l'impossibilité d'exercer pleinement la mission de contrôle qui lui a été dévolue par la loi organique relative aux lois de finances.
Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, le Conseil constitutionnel déclarera donc non conformes à la Constitution les articles 1er, 3, 5 et 7 de la loi déférée, dont les dispositions ont été déterminées sur la base des annulations de crédits critiquées.
Sur l'inconstitutionnalité des articles 1er, 3, 4 et 7 et de certains transferts de crédits : V : Les transferts de crédits constitueraient une véritable exception au principe de spécialité posé par l'article 7 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances s'ils autorisaient une modification de la nature de la dépense.
Tel n'est cependant pas le cas. Aux termes de l'article 14, alinéa 2, de ladite ordonnance en effet, « les transferts modifient la détermination du service responsable de l'exécution de la dépense, sans modifier la nature de cette dernière ».
Ces exigences paraissent bien avoir été perdues de vue par les auteurs des comptes mentionnés par les articles 1er, 3, 4 et 7, qui prennent tous en considération certains transferts de crédit irréguliers. Il résulte en effet du rapport établi par la Cour des comptes (p 172) que des transferts de crédits ayant pour conséquence de modifier substantiellement la nature de la dépense peuvent être relevés à partir des chapitres 68-00, Aide extérieure, du budget des charges communes, 64-35, Equipement naval-interventions, du budget de la mer et 34-62, Services extérieurs : Matériel et fonctionnement, du budget de la culture. Certains crédits destinés à des subventions d'investissement dans des pays étrangers sont ainsi affectés au règlement de frais de transport d'aides alimentaires, d'autres crédits, destinés à l'équipement naval sont utilisés pour permettre une prise de participation de la société Usinor dans une entreprise privée.
Soucieux d'assurer le respect des dispositions de la loi organique comme du principe général de spécialité des crédits, le Conseil constitutionnel sanctionnera de telles irrégularités en déclarant non conformes à la Constitution les articles 1er, 3, 4 et 7 de la loi déférée.
Sur l'inconstitutionnalité des articles 1er, 3, 4 et 7 et de certaines répartitions de crédits : VI : Aux termes de l'article 7, alinéa 3, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, des crédits globaux peuvent être ouverts pour des dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être déterminée au moment où ils sont votés. L'application de ces crédits au chapitre qu'ils concernent est ensuite réalisée par arrêté du ministre des finances.
Comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport (p 178), ces dispositions n'interdisent pas formellement que de telles répartitions modifient la nature de la dépense. Néanmoins, il est bien certain que ces opérations ne peuvent être réalisées que dans le cadre général du principe de spécialité des crédits, posé par le même article 7 de la loi organique portant loi de finances.
Admettre le contraire équivaudrait à retirer toute sa portée au choix opéré par le législateur dans la destination des crédits. Il suit de ce qui précède que les opérations de répartition visées à l'alinéa 3 dudit article 7 ne doivent pas revêtir une finalité et une ampleur qui seraient de nature à modifier dans des conditions substantielles l'affectation des dépenses concernées.
Or, s'agissant du budget de l'année 1983, il est établi que de nombreuses répartitions des crédits ont été réalisées sans que la destination des crédits résultant de l'intitulé des chapitres budgétaires ait été respectée. Constatées notamment à l'égard du budget de l'aménagement du territoire, du budget de l'agriculture ou encore du budget du Plan et du territoire (p 179 du rapport de la Cour des comptes), ces irrégularités, entérinées par la loi de règlement déférée, et notamment par ses articles 1er, 3, 4 et 7, traduisent une véritable dénaturation des crédits votés et, partant, une méconnaissance de la volonté exprimée par le législateur.
A cet égard encore, la non-conformité à la Constitution des articles 1er, 3, 4 et 7 est certaine.
Sur l'inconstitutionnalité des articles 1er, 3, 4 et 7, et de certains dépassements de crédits : VII : Aux termes de l'article 35 portant loi organique relative aux lois de finances, il appartient à la loi de règlement du budget d'approuver les dépassements de crédits résultant de circonstances de force majeure.
Au regard de cet article, comme de l'article 11 de ladite ordonnance, certains dépassements de crédits mentionnés par la loi de règlement déférée, et notamment par ses articles 1er, 3, 4 et 7, apparaissent non conformes à la Constitution.
VII : 1 Tout d'abord, la loi portant règlement définitif du budget de 1983, qui mentionne des dépassements portant essentiellement sur des crédits évaluatifs, ne comporte aucune disposition relative aussi bien aux dépassements temporaires résorbés avant l'arrêté du compte annuel qu'aux charges reportées, faute de crédits, sur les exercices ultérieurs.
Or, il est établi par le rapport de la Cour des comptes (p 200 et suivantes) que ces dépassements non apparents en fin de gestion sont tout à la fois nombreux et d'importance substantielle.
Une telle carence, contraire à la vocation même de la loi de règlement qui doit demeurer un instrument efficace de contrôle budgétaire par le Parlement, établit déjà l'inconstitutionnalité des dispositions critiquées.
VII : 2 Ensuite, certains de ces dépassements, dont l'existence n'apparaît pas dans la loi de règlement mais qui affectent les dispositions comptables de celle-ci, méconnaissent le principe du caractère limitatif des crédits posé par l'article 11 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances aux termes duquel les dépenses sur crédits limitatifs ne peuvent être engagées et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts.
Ainsi qu'il résulte du rapport de la Cour des comptes (p 200), les autorisations de visa en dépassement sont en effet, pour 1983, nombreuses et d'un montant élevé. Elles ont en outre été réalisées selon une procédure tout à fait irrégulière au regard du cadre juridique déterminé par l'article 11 susvisé de la loi organique relative aux lois de finances, qui consiste à autoriser les contrôleurs financiers, dans l'attente de majorations de crédits par voie réglementaire, ou plus souvent législative, à viser les engagements de dépenses en dépassement des autorisations ouvertes, la contrepartie résidant dans le blocage sur d'autres chapitres de crédits d'égal montant (cf réponse de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, rapport du sénateur Blin, p 72).
Est à cet égard significatif le cas du dépassement temporaire autorisé sur divers chapitres du budget des affaires sociales, pour un montant de 419,45 millions (p 203 du rapport de la Cour des comptes).
Il n'est pas inutile de rappeler dans leur intégralité les dispositions de l'article 9 de la loi du 10 août 1922 qui ne sont qu'abrogées : "Il est interdit, à peine de forfaiture, aux ministres et secrétaires d'Etat et à tous autres fonctionnaires publics, de prendre sciemment et en violation des formalités prescrites par les articles 5 et 6 de la présente loi, des mesures ayant pour objet d'engager des dépenses dépassant les crédits ouverts ou qui ne résulteraient pas de l'application des lois.
Les ministres et secrétaires d'Etat et tous autres fonctionnaires publics seront civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre des dispositions ci-dessus. Néanmoins si, en cours d'exercice, le Gouvernement juge indispensable et urgent, pour des nécessités extérieures ou pour des nécessités de défense nationale ou de sécurité intérieure, d'engager des dépenses au-delà et en dehors des crédits ouverts, il le pourra par délibération spéciale du conseil des ministres, mais sous réserve de présenter immédiatement une demande d'ouverture de crédit devant les chambres appelées à régulariser l'initiative du Gouvernement ou à refuser l'autorisation." De telles irrégularités, qui, selon les termes mêmes de la haute juridiction financière, apparaissent comme un succédané hétérodoxe de la procédure de décrets d'avances prévue à l'article 11 (3 °) de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et conduisent le Parlement à régulariser des dépassements temporaires dont il ignore, sinon l'existence, du moins l'importance, entachent gravement la loi de règlement dont les dispositions comptables constituent l'aboutissement définitif du processus ainsi réalisé.
VII : 3 Enfin, certains reports de charges sur la ou les gestions suivantes, non mentionnés expressément par la loi de règlement mais pris en considération par les dispositions comptables de celle-ci, méconnaissent gravement le principe du caractère limitatif des autorisations de dépenses.
Parmi ces reports, décrits par la Cour des comptes dans son rapport (p 204 et suivantes), le plus significatif est sans nul doute celui qui est en relation avec la situation financière de la société des produits chimiques Ugine-Kuhlman (PCUK).
Dans le souci d'améliorer la situation financière de PCUK avant qu'il soit procédé au transfert des activités de ce groupe aux sociétés Elf-Aquitaine, Rhône-Poulenc, CDF-Chimie et EMC, une augmentation du capital de PCUK a été réalisée au cours du mois de juillet 1983, souscrite par l'Etat à concurrence de 2082 millions et par la société Pechiney à concurrence de 748 millions à souscrire en numéraire.
Afin que cette dernière société ne supportât pas le poids financier d'une telle participation, le capital de Pechiney fut simultanément augmenté de 748 millions de francs, aux termes d'une augmentation de capital entièrement souscrite par l'Etat.
Au moment de la souscription, l'Etat n'a versé que 920 millions imputés sur le chapitre 54-90 du budget des charges communes. La différence entre le total précité de 2830 millions et ce premier versement correspondait à un solde de 1910 millions.
A la demande de l'Etat, et dans l'attente d'un deuxième versement de celui-ci, PCUK a contracté auprès d'un groupe de 19 banques un crédit-relais de 1840 millions de francs afin de pouvoir disposer des 2760 millions convenus pour le rétablissement de la situation nette des sociétés transférées à cette date. Le 12 avril 1984, l'Etat a alors ordonnancé une somme de 868,3 millions, au lieu du solde de 1910 millions. De ce fait, de nouveaux crédits-relais ont été contractés, tandis que 131,5 millions de la somme ordonnancée le 12 avril 1984 étaient affectés au paiement des frais financiers afférents au premier crédit-relais. Les 971,7 millions de francs restants ont en définitive été remboursés le 18 mars 1985 auprès des organismes bancaires concernés.
La décomposition du processus suivi démontre clairement que, contrairement aux principes posés par les articles 11 et 17 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, du caractère limitatif et de l'annualité des autorisations budgétaires, un report des charges résultant du financement des emprunts bancaires susvisés a été réalisé de l'exercice 1983 sur les exercices 1984 et 1985.
A cet égard encore, la non-conformité à la Constitution des articles 1er, 3, 4 et 7 de la loi déférée est certaine.
Sur l'inconstitutionnalité des articles 1er, 2, 3, 4, 7, 8 et 10 et de certaines écritures de fin de gestion : VIII : Inspiré par le système dit de la gestion, qui impose de rattacher à l'année où elles sont effectivement soldées toutes les opérations de recettes et de dépenses réalisées, l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose : "Le budget est constitué par l'ensemble des comptes qui décrivent, pour une année civile, toutes les ressources et toutes les charges permanentes de l'Etat.
Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public.
Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires ; elles doivent être payées sur les crédits de ladite année, quelle que soit la date de la créance.« Par dérogation à ces dispositions dotées d'une valeur constitutionnelle, et conformément à la possibilité ouverte par le dernier alinéa de l'article précité, certaines dépenses ou recettes peuvent cependant être imputées, soit sur la gestion qui s'achève, soit sur la future gestion, pendant une période de deux mois dénommée »Période complémentaire".
Les conditions auxquelles est subordonnée la légalité de telles imputations sont déterminées par deux textes à valeur réglementaire issus de la législation antérieure à l'ordonnance du 2 janvier 1959 : le décret n° 55-1487 du 14 novembre 1955 et l'arrêté du ministre des finances en date du 28 février 1956. Ces conditions présentent naturellement un caractère limitatif et contraignant. Leur non-respect ne constitue pas seulement une méconnaissance de dispositions réglementaires. Il représente également une violation des dispositions à valeur constitutionnelle de l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, dont le dernier alinéa n'autorise d'autres exceptions aux règles de l'annualité et de la gestion que celles qui sont limitativement définies par voie réglementaire.
Enfin, ces écritures de fin de gestion doivent être réalisées dans les conditions de sincérité et de clarté qu'exige l'exercice normal du contrôle parlementaire sur l'exécution comptable du budget institué par les articles 35 et 36 de la loi organique relative aux lois de finances.
Le budget de l'année 1983, dont la loi déférée constate l'exécution, comporte plusieurs méconnaissances des articles 16, 35 et 36 précités de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Ces violations portent atteinte à la constitutionnalité des articles 1er, 2, 3, 4, 7, 8 et 10 de ladite loi.
VIII : 1 S'agissant tout d'abord des imputations de recettes ayant augmenté les ressources de 1983, deux observations s'imposent.
En premier lieu, il est établi par le rapport de la Cour des comptes (p 222 et suivantes) que certaines imputations aboutissant à alléger les charges de l'exercice 1983 ont été réalisées dans des conditions portant atteinte à l'homogénéité des comptes et rendent, sinon impossible, du moins difficile, l'exercice normal du contrôle parlementaire. A ainsi été imputé sur la gestion 1984, au budget des charges communes, le paiement des intérêts dus au budget annexe des PTT et afférents aux troisième et quatrième trimestres de 1983, d'un montant total de 3024,8 millions, alors par surcroît que cette dépense était, lors des années précédentes, imputée sur l'exercice à clôturer. Instrument de distorsion de charges entre exercices successifs, une telle irrégularité a été qualifiée par la Cour des comptes d'« incohérence dans les comptes de l'Etat », les intérêts dus par le budget général ayant été comptabilisés en produits à recevoir au budget annexe des PTT de 1983.
Ensuite, une opération importante a été réalisée au titre de la période complémentaire de 1982, qui apparaît tout à la fois contraire au principe de la sincérité des comptes et à la règle de l'annualité, telle qu'elle est conçue par l'article 16 précité.
Il s'agit du versement d'avances d'actionnaires aux sociétés Sacilor et Usinor, imputé sur l'exercice 1982, au chapitre 54-90 du budget des charges communes (p 223 du rapport de la Cour des comptes). Une telle opération, qui porte sur une somme de 2300 millions de francs, apparaît doublement irrégulière. D'une part, en ce qu'elle a été effectuée au moyen de ratures et de surcharges de deux ordonnances de paiement. D'autre part, en ce qu'elle impute sur un exercice antérieur, et en dehors de la période complémentaire, des dépenses en capital alors que le décret du 14 novembre 1955 et l'arrêté ministériel du 28 février 1956 précités limitent aux seules dépenses ordinaires la possibilité de régler, pendant la période complémentaire, des ordonnances ou mandats émis le 20 janvier au plus tard et se rapportant à des droits constatés au cours de la précédente gestion.
VIII : 2 En ce qui concerne ensuite les imputations de recettes ayant augmenté les ressources de 1983, il est établi que certaines de ces imputations ont été réalisées en violation des dispositions de l'arrêté du 28 février 1956 et du décret du 14 novembre précité, et partant de l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Contrairement aux exigences des textes susvisés, qui excluent que des rattachements de recettes soient réalisés sur des gestions terminées s'ils concernent des opérations avec les comptes spéciaux du Trésor ou des organismes ne présentant pas le caractère d'entreprise publique ou d'établissement public national, ou s'ils ne portent pas sur des règlements, ont ainsi été rattachés à la gestion de 1983 des versements émanant de la CACOM, une contribution de la Caisse des dépôts et un remboursement anticipé par EDF d'un prêt de deux milliards. Cette dernière opération de remboursement par EDF, comptabilisée au crédit du FDES, s'est en outre accompagnée, ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport (p 226), d'une méconnaissance des intentions exprimées par le législateur.
Contrairement aux termes de la loi de finances rectificative de 1983, qui liait ladite opération à l'octroi d'une dotation en capital supplémentaire de 2 milliards à Pechiney dans le souci de ne pas altérer l'équilibre du budget en 1983, l'imputation, sur l'exercice 1983, du remboursement EDF a en effet été assortie d'une imputation sur la gestion de 1984 de la dotation à Pechiney.
A cet égard encore, l'inconstitutionnalité des dispositions critiquées est acquise.
Sur l'inconstitutionnalité de l'article 14 : IX : L'article 14 de la loi de règlement déférée porte apurement du solde du compte Fonds de compensation de la TVA par transport au compte permanent des découverts du Trésor de la totalité de son montant, soit 719047790,35 F.
L'appréciation de cette mesure nécessite un bref rappel de la situation antérieure.
Ainsi que le rappelle la Cour des comptes dans son rapport (p 259), la loi de finances pour 1978 avait institué un fonds de compensation de la TVA qui permettait de verser aux collectivités locales des allocations en contrepartie de la TVA que celles-ci avaient payée. Imputées, jusqu'en 1982, sur un crédit ouvert au budget général, les allocations en cause étaient financées, depuis 1983, par un prélèvement sur les recettes de l'Etat, conformément au système dont le Conseil constitutionnel a admis la régularité, sous certaines conditions cependant (décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982).
Ces prélèvements sur recettes étaient portés au crédit d'un compte de trésorerie, lequel était par ailleurs débité des versements effectués au profit des collectivités locales.
En 1983, il est apparu que ce compte de trésorerie présentait un solde débiteur de 719047790,35 F.
Telle est la raison pour laquelle l'article 14 de la loi déférée procède aujourd hui à un apurement dudit compte par transport aux découverts du Trésor de la somme équivalente au solde débiteur du compte de trésorerie en cause.
Cette mesure, qui a été très tardivement portée à la connaissance de la Cour des comptes (p 260 du rapport), encourt trois séries de critiques au regard des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
IX : 1 En premier lieu, le compte de trésorerie dont l'apurement est décidé par l'article 14 de la loi déférée est à tort classé parmi les « comptes de régularisation créditeurs » dès lors qu'il présente un solde débiteur. Un tel classement, anormal dans son principe, nuit aux « objectifs de clarté des comptes et d'efficacité du contrôle parlementaire » auquel le Conseil constitutionnel accorde une valeur constitutionnelle, notamment dans le domaine des prélèvements sur recettes (décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982).
IX : 2 Ensuite, l'excédent de charges du compte Fonds de compensation pour la TVA aurait dû être inclus dans le déficit budgétaire de 1983 dès lors qu'il avait nécessairement été constaté à la clôture des opérations attachées à cet exercice.
IX : 3 Enfin, force est de constater qu'aucune disposition de la loi organique relative aux lois de finances n'autorise l'apurement, par transport aux découverts du Trésor, du solde débiteur d'un compte de trésorerie tel que le compte n° 492-618 qui retrace les versements dont bénéficient les collectivités locales au titre du fonds de compensation de la TVA.