Décision n° 84-177 DC du 30 août 1984 - Saisine par 60 députés
Les soussignés, députés à l'Assemblée nationale, défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant statut du territoire de la Polynésie française adoptée définitivement le 2 août 1984 et concluent qu'il plaise au Conseil déclarer l'article 10, alinéa 2, de ladite loi non conforme à la Constitution.
La disposition en question institue une incompatibilité entre les fonctions nouvelles de membre du conseil du Gouvernement de la Polynésie française et celles de : : membre du Gouvernement de la République ;
: député ou sénateur ;
: membre du Conseil économique et social ;
: membre de l'Assemblée des communautés européennes.
Aucune de ces incompatibilités n'est instituée conformément à la Constitution.
1 ° Les incompatibilités entre les fonctions gouvernementales et d'autres activités ont été établies par la Constitution elle-même en son article 23. Il n'appartient pas à la loi ordinaire d'en ajouter d'autres.
Les fonctions électives ne peuvent en aucune manière être considérées comme des emplois publics au sens dudit article.
2 ° Si la Constitution n'a pas fixé elle-même les incompatibilités parlementaires, elle en a renvoyé le soin à une loi organique (Constitution, art 25).
Certes, l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958, par une disposition figurant sous l'article LO 139 du code électoral, a établi une incompatibilité entre le mandat de député ou de sénateur et les fonctions de « membre du conseil de Gouvernement d'un territoire d'outre-mer ».
Mais la disposition contestée n'est pas la simple reproduction de cette règle organique. En effet, la loi organique se référait à une institution, le conseil du Gouvernement, qui disparaît en vertu de la disposition d'abrogation figurant dans la loi déférée.
Une nouvelle loi organique eût donc été nécessaire.
3 ° Aux termes de l'article 71 de la Constitution, la composition du Conseil économique et social est fixée par une loi organique.
Il appartient seulement à une loi de cette nature d'instituer des incompatibilités entre la qualité de membre du Conseil économique et social et d'autres activités.
4 ° La loi ordinaire peut édicter des règles d'incompatibilité entre le mandat de représentant de la France à l'Assemblée des communautés européennes et d'autres activités.
Cependant, le législateur est tenu au respect du principe d'égalité.
Or, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982, les fonctions exécutives sont confiées, dans toutes les collectivités locales de la République, à des personnes élues dans leur sein par les assemblées délibérantes.
Aucun motif ne justifie la rupture de l'égalité au détriment des membres du Gouvernement du TOM alors qu'aucune incompatibilité n'a été instituée avec les fonctions de président du conseil régional, de président de conseil général et de maire.