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Décision n° 84-173 DC du 26 juillet 1984 - Saisine par 60 sénateurs

Loi relative à l'exploitation des services de radio-télévision mis à la disposition du public sur un réseau câblé
Non conformité partielle

SAISINE SENATEURS : Monsieur le Président, Messieurs les conseillers, Les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer à votre examen, conformément à l'article 61, 2ème alinéa de la Constitution, la loi adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'exploitation des services de radio-télévision mis à la disposition du public sur un réseau câblé aux motifs suivants : Ce texte fixe le régime juridique des sociétés d'économie mixte locales qui sont chargées d'exploiter des services locaux de radio et de télévision sur un réseau câblé. Ces sociétés devront obtenir, au préalable, une autorisation d'exploitation, conformément à la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Aux termes de l'article 17 de cette loi, les autorisations pour les services locaux en matière de réseaux câblés sont délivrées par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Pour les autres services, elles sont délivrées par l'Etat, conformément à l'article 78 de la loi précitée.
L'article 2 du texte déféré à votre examen dispose que la notion de service local s'entend comme « l'ensemble des programmes mis à la disposition du public sur un réseau n'excédant pas des limites fixées par décret ».
Pour les signataires du présent recours, ce renvoi au décret n'est pas conforme à la Constitution.
D'une part, l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'homme dispose que la « libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
D'autre part, l'article 34 de la Constitution dispose que c'est la loi qui « fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».
Or l'article 2 du texte de loi, en s'en remettant au domaine réglementaire pour déterminer les limites d'un service local de réseaux câblés n'offre aucune de ces garanties fondamentales puisque c'est le Gouvernement qui, en fixant lui-même la notion de réseau local, déterminera sa sphère de compétence et, ipso facto, celle de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.
Un tel dispositif est critiquable dans la mesure où la compétence du législateur n'est pas sauvegardée et bien que celle-ci ait déjà été confirmée par deux fois en matière de service local de radiodiffusion sonore par voie hertzienne : : dans la loi n° 81-994 du 9 novembre 1981 portant dérogation au monopole d'Etat de la radiodiffusion ;
: et à l'article 81 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
Si l'intervention du législateur est nécessaire pour des services de cette nature, on ne voit pas quels motifs pourraient être allégués pour ne pas la retenir dans les cas des services locaux sur un réseau câblé dont l'analogie est certaine avec les services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne.
Enfin, les signataires du présent recours considèrent que le renvoi à des cahiers des charges pour l'application du texte méconnaît l'article 21 de la Constitution relatif l'exécution des lois et à l'exercice du pouvoir réglementaire.
Par ces motifs, et par tous autres que le Conseil Constitutionnel voudra bien soulever d'office, et considérant que lesdites dispositions sont inséparables de l'ensemble du texte de la loi soumise à son examen, Les sénateurs soussignés vous demandent de vouloir bien déclarer ce texte de loi non conforme à la Constitution.