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Décision n° 83-166 DC du 29 décembre 1983 - Saisine par 60 sénateurs

Loi relative au prix de l'eau en 1984

Conformité

SAISINE SENATEURS : La loi relative au prix de l'eau en 1984, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le mercredi 21 décembre 1983, tend à fixer les limites de l'évolution du prix de l'eau au cours de l'année qui vient.
Selon les informations recueillies auprès du Gouvernement par les commissions permanentes du Parlement qui ont étudié ce texte, le prix de l'eau pour 1984 ne pourrait augmenter de plus de 4,25 p 100.
Il s'agit là d'une décision réglementaire qui serait prise sur la base de la présente loi et qui met en péril de manière dangereuse l'équilibre des budgets des communes, dans la mesure où le taux d'inflation prévu par le Gouvernement pour 1984 s'élève à 5 p 100 et que le taux prévisible est encore supérieur. Celles-ci devront couvrir l'excédent de charges des régies directes ou indirectes qui assurent la mission de service public de distribution de l'eau.
Sur le plan institutionnel, le dispositif envisagé par le texte pour fixer le prix de l'eau est contraire à la loi du 2 mars 1982 et tend à réintroduire la tutelle sur les communes.
En vertu des articles 8 et suivants de la loi du 2 mars 1982, les budgets des communes doivent être votés et exécutés en équilibre, la chambre régionale des comptes étant compétente pour contrôler l'application de ce principe et imposer par voie d'injonction le rétablissement de l'équilibre des budgets communaux.
La présente loi aura pour effet de déséquilibrer les budgets communaux, de placer ainsi les collectivités locales en situation de violer les dispositions de la loi du 2 mars 1982 et donc de voir réintroduite la tutelle de l'Etat et de la chambre régionale des comptes.
Si une loi peut défaire ce qu'une autre loi a prévu, le pouvoir réglementaire ne le peut. Or l'article 1er de la présente loi qui vous est déférée prévoit que le prix de l'eau sera fixé par voie contractuelle entre les professionnels et les collectivités locales ou à défaut d'accord par décret.
Il ressort de votre jurisprudence : 1 ° Que du principe de libre administration des collectivités territoriales, prévu aux articles 72 et 34 de la Constitution, découle que sont de la compétence législative les questions relatives à leurs ressources et à leurs charges (Conseil constitutionnel, 19 novembre 1975) ;
2 ° Que seule la loi peut donc imposer aux collectivités locales des sujétions nouvelles (Conseil constitutionnel, 25 février 1982).
S'il est exact qu'à l'occasion de textes antérieurs au projet de loi la nécessité de maîtriser le prix de l'eau a conduit le législateur, et notamment dans la loi n° 77-1457 du 29 décembre 1977, à permettre au pouvoir réglementaire des mesures de blocage, ces textes ne portaient nullement atteinte aux principes constitutionnels d'autonomie et de libre administration des collectivités locales en tant qu'ils prévoyaient un dispositif selon lequel les communes pouvaient toujours dépasser les normes fixées par voie réglementaire dans le cas où l'augmentation des charges excéderait largement les hausses promises.
Les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir déclarer non conformes aux dispositions de l'article 34 et de l'article 72 de la Constitution les mots : « ou à défaut d'accord par décret », et les mots : « ou le cas échéant les décrets », contenus dans l'article 1er de la loi qui vous est déférée, au motif qu'ils ont pour effet de permettre au pouvoir réglementaire d'accroître les charges des collectivités locales dans des conditions telles qu'il peut être porté atteinte à leur autonomie.