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Décision n° 82-152 DC du 14 janvier 1983 - Saisine par 60 sénateurs

Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale
Conformité

I / Violation des dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
a) La cotisation perçue sur le tabac et les boissons alcooliques est un impôt
Cette « cotisation » est instituée « au profit de la Caisse Nationale d'Assurance maladie » (art. 27-I). Elle est créée « en raison des risques que comportent ces produits pour la santé », ces produits étant le tabac et les boissons alcooliques (art. 27-I). Elle est « assise, contrôlée et recouvrée par l'Agence Centrale des organismes de Sécurité Sociale, assistée, en tant que de besoin, par les services de l'Etat désignés par arrêté, dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes » (art. 27-V). Les frais de recouvrement et de gestion « sont fixés par arrêté et s'imputent sur celle-ci (la cotisation » (art. 27-V).
Au premier abord, on pourrait supposer que la « cotisation » est une taxe parafiscale. Mais l'analyse détaillée montre qu'il s 'agit d'un impôt.
A/ Il apparaît en premier lieu que le gouvernement n'a pas entendu suivre les règles relatives à l'institution d'une taxe parafiscale, telles qu'elles résultent de l'article 4, alinéa 2, de l'ordonnance organique précitée du 2 janvier 1959.
Selon ce texte, les taxes parafiscales obéissent à trois caractères :
1 °/ Elles sont perçues « dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ». Or, la Caisse Nationale de l'assurance maladie est un « établissement public national à caractère administratif » (ch. 21 août 1967, art. 3).
2 °/ Elles sont établies par décret en Conseil d'Etat.
3 °/ Leur perception au delà du 31 décembre de l'année de leur établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances.
Aucune de ces conditions n'étant remplie, la « cotisation » n'est donc pas une taxe parafiscale. Le gouvernement ne le prétend d'ailleurs pas. Il présente la cotisation comme faisant partie des « ressources nouvelles » (p. 3 de l'exposé des motifs) et l'affecte « au profit » de la Caisse Nationale d'assurance maladie. Comme il n'est évidemment pas possible de considérer que la « cotisation » est la rémunération d'un service rendu, on est donc déjà conduit à conclure que la « cotisation » est un impôt.
B/ Ce point de vue est d'ailleurs confirmé par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel rendue dans des situations comparables.
Dans sa décision concernant la taxe radiophonique perçue au profit de la R.T.F., établissement public industriel et commercial (Cons Const. 11 août·1960),*(1) Le Conseil affirme « que cette redevance qui, en raison tant de l'affectation qui lui est donnée que du statut même de l'établissement en cause, ne saurait être assimilée à un impôt et qui, eu égard aux conditions selon lesquelles elle est établie et aux modalités prévues pour son contrô1e et son recouvrement, ne peut davantage être définie comme une rémunération pour services rendus, a le caractère d'une taxe parafiscale de la nature de celles visées à l'article 4 de l'ordonnance organique précitée du 2 janvier 1959 ».
La décision du 23 février 1970 (Conserves de poisson)*(2) confirme la solution précédente en la renforçant : « qu'il résulte de ces dispositions que, si les taxes parafiscales sont établies par voie réglementaire dans les limites et les conditions prévues par ce texte, il ne saurait en être ainsi des taxes perçues au profit de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics de caractère administratif dépendant soit de l'Etat, soit d'une collectivité territoriale ».
Il s'agissait d'une taxe établie au profit de l'Institut Scientifique et technique des pêches maritimes, établissement public national de caractère administratif. Le Conseil décide donc qu'aucune taxe parafiscale ne peut être instituée au profit d'un établissement public administratif et que la taxe ne peut être qu'un impôt.
C/ Pour des prélèvements de cette nature, le choix, comme le montre M. TROTABAS dans l'article·précité, n'est qu'entre impôt, taxe parafiscale et rémunération au service rendu. A propos de la « cotisation » de l'article 27, cette troisième interprétation est, comme on l'a dit, à exclure. Le choix resterait donc entre impôt et taxe parafiscale. Mais, les développements qui précèdent montrent donc qu'il ne peut s'agir que d'un impôt. Le gouvernement n'a d'ailleurs jamais prétendu qu'il s'agissait d'une taxe parafiscale. En outre, le terme de « cotisation » ne peut tromper car il ne s'agit évidemment pas d'une cotisation au sens de l'article L 120 du code de la Sécurité Sociale ou de l'article 13 de l'ordonnance n° 67.706 du 21 Août 1967 sur l'organisation administrative et financière de la Sécurité Sociale car les cotisations sont assises sur les rémunérations des assujettis et sont, par là même, en relation directe avec l'objet des caisses qui les perçoivent.
Enfin, la cotisation est assise et perçue dans les mêmes conditions que les contributions indirectes, ce qui confirme encore, s'il en était besoin, son caractère fiscal.
Il convient de noter que le gouvernement et le parlement, en adoptant l'article 27 de la présente loi, ont entendu se placer dans le cadre de l'article 34, de la constitution qui stipule que : « la loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.. ».
La détermination, par l'article 27 de l'assiette, du taux et des modalités de recouvrement de la « cotisation » nouvelle, prouve en effet que le gouvernement a entendu se placer dans le cadre de la création d'un impôt nouveau.
Les sénateurs soussignés affirment que les modalités d'établissement et d'affectation de cet impôt ne sont pas conformes aux principes énoncés par la Constitution et par 1'ordonnance organique sur 1es lois de finances.
b) L'article 27 du présent projet de loi méconnaît les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances
Les lois de finances doivent respecter les lois organiques prévues à l'article 46 de la Constitution. Or, l'article 18 de l'ordonnance organique formule un certain nombres de règles qui n'ont pas été respectées en l'espèce. Ses deux premiers alinéas disposent que :
" Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général.
Toutefois, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe ".
1 °/ Le premier alinéa concerne la règle dite de l'universalité budgétaire et de non affectation des recettes aux dépenses. Elle a été directement violée en l'espèce puisque l'article 27 - V décide que les frais relatifs au recouvrement et à la gestion de la « cotisation » « s'imputent sur celle-ci ». Il y a donc là « contraction entre les recettes et les dépenses » au sens de l'article 18, alinéa 1er, de l 'ordonnance organique.
2 °/La violation de l'article 18, alinéa 2, de l'ordonnance est plus grave. L'impôt nouveau est institué « au profit » d'un établissement public national à caractère administratif, la Caisse Nationale d'assurance maladie. Or, l'article 18, alinéa 2, n'admet à titre exceptionnel (« toutefois »), l'affectation directe de certaines recettes à certaines dépenses que lorsque l'affectation est opérée :
- au profit d'un budget annexe,
- au profit d'un compte spécial du Trésor,
- par procédure particulière au sein du budget général ou d'un budget annexe.
Cette dernière procédure ne concerne (art. 19) que les fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédit. Au surplus, l'article 18 « in fine » décide : « Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi ». Les dépenses, en matière de Sécurité Sociale, résultent bien d'un droit permanent reconnu par la loi, de sorte que même la situation très exceptionnelle visée par l'article 18 ne se rencontre pas ici.
La constitution et la loi organique ont entendu interdire, à partir de 1958, des pratiques malheureusement fréquentes sous la IIIème et la IVème République, et qui faisaient l'objet de critiques unanimes. L'article 27 tente de revenir à ces pratiques interdites. Il est donc contraire à la Constitution pour les motifs indiqués ci-dessus car il n'est plus possible, depuis l'entrée en vigueur de la 1a Constitution, d'affecter un impôt à un établissement public administratif et, qui plus est, avec contraction entre les recettes et les dépenses.
Le Conseil Constitutionnel a déjà vérifié la conformité des lois à l'article 18 et la décision qu'il a rendue le 16 janvier 1982 (loi de nationalisation, J.O. 17 janvier, p. 299) le montre « a contrario ». Il était fait grief à la loi de nationalisation d'avoir institué des redevances à la charge des sociétés nationalisées au profit des deux établissements publics chargés d'assurer le service des obligations versées à titre d'indemnisation aux actionnaires : ·la Caisse Nationale de l'industrie et la Caisse Nationale des banques. Le Conseil Constitutionnel décide que ces redevances, bien qu'elles soient fixées par la loi de finances, compte tenu des résultats des entreprises, ne sont pas des « ressources de l'Etat » et n'ont pas à figurer au budget de l'Etat.
La situation était donc tout à fait différente.
En effet, les redevances sont versées par les entreprises nationalisées « compte tenu de (leurs) résultats » et elles sont destinées « à concourir au financement des intérêts servis aux porteurs d'obligations ». Il n'a donc pu, à aucun moment, être considéré qu'il s'agissait d'impôts s'appliquant, comme tous les impôts indirects, à tous les consommateurs de certains produits. Les redevances sont les ressources directes des Caisses parce qu'elles s'intègrent au mécanisme financier de l'indemnisation des actionnaires.
Il ressort donc bien de la décision du 16 janvier 1982 que des recettes ayant le caractère d'un impôt relèvent de l'article 18 de l'ordonnance organique.
On pourrait objecter que le Conseil a eu déjà à se prononcer le 28 juin 1982 (décision n° 82-140 DC) sur l'affectation du produit d'une contribution à une caisse centrale de réassurance.
Il convient de noter que celle-ci avait le caractère d'établissement public industriel et commercial, alors que les caisses de sécurité sociale sont des établissements publics à caractère administratif.
Les sénateurs soussignés affirment que la présente loi participe au mouvement d'accroissement de la débudgétisation, dont ne perçoit pas limites, et auquel ils assistent depuis quelques mois, ce qui tend à priver le Parlement de son pouvoir constitutionnel de décider souverainement et globalement de la politique fiscale et financière de la France.
L'affectation irrégulière d'un impôt à un établissement public administratif est contraire aux dispositions de l'ordonnance, du 2 janvier 1954.
Les sénateurs soussignés affirment que l'article 27 de la loi portant diverses mesures relatives à la Sécurité sociale méconnaît les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en affectant des ressources attendues d'un impôt créé à l'effet de couvrir des dépenses précises d'un établissement public administratif.
II / Violation du principe constitutionnel d'égalité
Il s'agit à la fois du principe d'égalité devant la loi tel qu'il est affirmé par l'article 2 de la Constitution et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, et du principe d'égalité devant les charges publiques tel qu'il ressort de l'article 13 de la Déclaration de 1789.
L'article 27 porte atteinte à ce principe de deux manières :
1 °/ En instituant une discrimination entre les citoyens pour la détermination de l'assiette de la « cotisation »,
2 °/ En décidant l'affectation de la « cotisation » à la seule Caisse Nationale d'assurance maladie.
AI Discrimination entre les citoyens.
La « cotisation » perçue sur le tabac et les boissons alcooliques est instituée « en raison des risques que comportent ces produits pour la santé » (art. 27-I). L'exposé des motifs déclare également (p. 3) que « l'institution d'une cotisation spécifique sur les tabacs et alcools vise à faire participer ceux qui les consomment aux dépenses supplémentaires qui en résultent pour l'assurance maladie ». Il précise encore (p. 5) qu'elle « correspond au souhait de mettre en oeuvre une politique active de prévention contre les grands fléaux sociaux tel que l'usage excessif de ces produits ».
Or, en ce qui concerne les boissons alcooliques, la cotisation est due à l'occasion de l'achat par les consommateurs, « de boissons d'une teneur en alcool supérieure à 25 % vol » (art. 27-II)
Avant même d'en venir à l'analyse juridique, on peut raisonner en simple logique. Si la consommation des boissons alcooliques comporte des « risques », si « ceux qui les consomment » doivent participer aux dépenses supplémentaires de l'assurance maladie, et si la cotisation est destinée à prévenir « les grands fléaux sociaux » toutes les boissons alcooliques doivent être imposées et non pas seulement celles qui ont une teneur en alcool supérieure à 25 % vol. La loi comporte donc une discrimination entre les citoyens et porte ainsi atteinte au principe d'égalité sous toutes ses formes.
Certes, le principe d'égalité ne s'applique qu'à des « situations semblables », selon le motif de principe qui apparaît fréquemment dans les décisions du Conseil Constitutionnel depuis 1979 : « Considérant que le principe d'égalité impose seulement qu'à des situations semblables soient appliquées les mêmes règles et qu'il n'interdit pas qu'à des situations non semblables soient appliquées des règles différentes » (C. Const. 12 Juillet 19 79, J.O. p. 1824).
Il convient de noter que :
1 °/ la discrimination devient constitutionnelle si elle est justifiée par des considérations d'intérêt général « en rapport avec »·l'objectif voulu par la loi (C. Const. 12 juillet 19 79, précité, Péages de l'Ile d'Oléron ; 19-20 janvier 1981, Loi « Sécurité et Liberté »).
2 °/ les situations semblables« ne sont prises en considération qu' » au regard des finalités de la loi " (C. Const. 30 octobre 1981, J.O. p. 2998).
En l'espèce, l'article 27-II institue une discrimination entre les contribuables selon qu'ils consomment des boissons alcooliques ayant une teneur en alcool inférieure ou supérieure à 25 % vol. Les premiers ne paieront pas la « cotisation », alors que les seconds devront la payer. Il importe donc de rechercher, au regard des principes jurisprudentiels ci-dessus, si cette discrimination est constitutionnel1e.
1 °/ Motif d'intérêt général en rapport avec l'objectif de la loi.
Dans l'affaire des Péages de l'île d'Oléron, l'intérêt général était déterminé « en rapport avec les conditions d'exploitation de l'ouvrage d'art ». Dans l'affaire « Sécurité et liberté », le Conseil a recherché si les discriminations avaient un « objet conforme à la bonne marche de la justice ».
En l'espèce, l'objet de la loi est exposé notamment dans l'article 27-I qui considère que toutes les boissons alcooliques comportent des « risques » « pour la santé ». Une discrimination fondée sur la plus ou moins grande teneur en alcool pur de la boisson considérée n'est donc pas conforme à l'intérêt général tel qu'il apparaît à la lecture de l'article 27-I qui définit l'objet de la loi. Celui qui consomme beaucoup de vin ou de liqueurs à faible teneur en alcool court plus de « risques » pour sa « santé » que celui qui consomme peu de boissons d'une teneur supérieure à 25 % vol.
Une discrimination aurait pu être admise selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel : c'est celle relative à la quantité. Au regard de l'objectif voulu par la loi, une telle discrimination eut été constitutionnelle. On voit que celle fondée sur le degré d'alcool pur n'est pas justifiée et implique donc une atteinte au principe d'égalité.
2 °/ Situations différentes au regard des finalités de la loi.
Ces finalités sont définies à l'article 27-I et dans l'exposé des motifs, comme on l'a déjà indiqué. Au regard de ces finalités, les utilisateurs de boissons titrant plus ou moins de 25 % vol sont-ils dans une situation différente ? Il a été répondu à cette question à propos de la justification par l'intérêt général. Au regard des finalités de la loi, c'est la quantité consommée qui comporte des risques et non la teneur en alcool pur.
Sur ce point d'ailleurs, la décision déjà citée au Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 1973 (Taxation d'office R.D.P. 1974, p. 531 et s., note L. PHILIP) apporte une réponse. La loi en cause concernait les conditions selon lesquelles les contribuables peuvent contester les mesures de taxation d'office. Elle prévoyait les conditions relatives à la preuve de la réalité des revenus mais ajoutait que les contribuables ne pouvaient apporter la preuve contraire que « si les bases d'imposition n'excèdent pas 5 % de la limite de la dernière tranche du barème de l'imposition sur le revenu ».
Ainsi, pour le renversement de la présomption en matière de taxation d'office, la loi distinguait entre les « gros » contribuables et les autres, seuls les seconds étant admis à contester la taxation.
Le Conseil constitutionnel a déclaré cette discrimination inconstitutionne11e. Il a décidé que la loi "... tend à instituer une discrimination entre les citoyens au regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration les concernant ; qu'ainsi ladite disposition porte atteinte au principe d'éga1ité devant la loi... ".
La situation est ici tout à fait comparable. Il apparaît donc qu'au regard des finalités de la loi, la discrimination ne se justifie ni par des motifs d'intérêt général, ni par des situations différentes des contribuables. Elle porte donc atteinte au principe d'égalité.
3 °/ Situations différentes des producteurs d'alccol quant aux conséquences de la loi.
La loi sus-visée et notamment son article 27, doivent être appréciés dans toutes leurs conséquences.
L'un des principaux effets des dispositions de l'article 27, est de créer entre les producteurs de boissons alcoolisées une discrimination d'ordre fiscal mal fondée, puisque s'appuyant sur la nocivité du produit consommé qui est différente selon que celui-ci titre plus ou moins de 25 °/volume.
Eu égard au fait que la nocivité de la consommation de boissons alcoolisées peut être considérée aussi bien au regard de la quantité consommée qu'au regard de la nature de la boisson consommée, ces deux éléments semblent devoir être également pris en compte par toute disposition visant à lutter contre la consommation d'alcool.
Considérant que ces deux éléments doivent être considérés comme d'importance égale pour la détermination de mesures visant à limiter l'alcoolisme, la présente loi ne saurait sans violer le principe d'égalité entre producteurs de boissons alcoolisées, soumis à la même concurrence, notamment à 1'exportation, se fonder uniquement sur la teneur en alcool des boissons pour décider de l'instauration d'un impôt nouveau et spécial.
Les sénateurs soussignés affirment que la présente loi viole le principe d'égalité en se fondant sur des motifs erronés pour justifier une discrimination fiscale basée sur la teneur en alcool.

B/ Affectation de la « cotisation » à la seule Caisse Nationale d'Assurance maladie.
L'objectif de la loi, tel qu'il est indiqué par l'article 27-I et l'exposé des motifs, est de faire participer ceux qui consomment des boissons alcooliques « aux dépenses supplémentaires qui en résultent pour l'assurance maladie » (exposé des motifs, p. 3).
Or, il convient de rappeler que la Caisse Nationale d'assurance maladie ne gère pas seule le risque maladie. Celui-ci est également géré, pour les agriculteurs, par le Budget annexe des prestations sociales agricoles (art. 1001 et suivants du code rural) et, pour les militaires, par la Caisse autonome de Sécurité Sociale militaire (art. L 603 C Sec. Soc.). A partir du moment où la « cotisation » a l'objectif que lui donne la loi, ces deux autres organismes financiers auraient dû figurer parmi les affectataires, selon un pourcentage déterminé par le nombre des cotisants.
Le principe d'égalité entre personnes publiques consacré par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du Conseil (taxe professionnelle EDF) est donc méconnu par l'article 27.
III / Violation de l'article 73 de la constitution par l'article 27 alinéa 7 de la présente loi.
L'alinéa contesté prévoit l'adaptation de ses dispositions aux départements d'outre-mer par décret en Conseil d'Etat.
L'article 73 de la Constitution prévoit que : « le régime législatif et l'organisation administrative peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leurs situations particulières ».
Il ressort de l'énoncé de cet article et de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel que seule la loi peut procéder à de telle s adaptations dans les DOM.
La décision n° 69-55 du 28 juin 1969 du Conseil Constitutionnel est à cet égard explicite.
Elle expose clairement que l'extension aux DOM des dispositions à caractère législatif relève de la compétence législative et que l'extension des dispositions réglementaires aux mêmes départements peut être réalisée par le pouvoir réglementaire.
Il en est de même de « l'adaptation » prévue à l'article 73 de la Constitution.
En aucun cas, un décret, ainsi que le prévoit l'article 27 alinéa VII, ne peut adapter des dispositions législatives dans les départements d'outre-mer.
Tout au plus, le décret pourrait-il prévoir des mesures d'adaptation particulières des dispositions prévues par les décrets d'application de la présente loi, pris pour sa mis en oeuvre en métropole.
Il ne saurait ainsi que l'organise l'article 27 alinéa VII, empiéter sur le domaine législatif.
Les sénateurs soussignés affirment que l'article 27- VII°, en proposant l'adaptation par décret en Conseil d'Etat, des dispositions législatives de la présente loi aux DOM, méconnaît l'article 73 de la Constitution et les règles constitutionnelles qui en découlent, notamment le principe d'assimilation juridique des DOM à la métropole.
Ils affirment que s'il appartient bien au pouvoir réglementaire d'adapter aux DOM les conditions d'application de la présente loi, déjà déterminées par celui-ci, il n'appartient qu'au législateur de prévoir et d'organiser l'adaptation des dispositions de la présente loi aux DOM.
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(1) cf. notes HAMON -RDP 1960 p. 1020, WALINE et éga1ement L. TROTABAS, la taxe radiophonique : taxe, redevance ou parafiscalité ? RSF 1961 p. 5
(2) A.J. 1970-356, D.1970-388, note LAVIGNE