Décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 - Saisine par 60 députés
Monsieur le Président,
Messieurs les Conseillers,
Nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel, en application des dispositions de l'article 61 - alinéa 2 de la Constitution, le projet de loi modifiant le Code électoral et le Code des Communes et relatif à l'élection des conseillers municipaux et aux conditions d'inscription des français établis hors de FRANCE sur les listes électorales.
Ce projet de loi est contraire à la Constitution en tant qu'à l'article 4, il comporte une nouvelle rédaction de l'article L. 262 du Code électoral, ainsi conçue :
" Article L. 262.- Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de 4 sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de 4 sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après.
" Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de 4 sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de 4 sièges à pourvoir. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après.
Les membres de phrase :
« arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de 4 sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de 4 sièges à pourvoir » et figurant au 1er et au 2ème alinéa de l'article L. 262 nouveau du Code électoral, provoquent directement, entre les électeurs des communes ou des secteurs de vote pour lesquels il y a plus de 4 sièges à pourvoir et ceux des communes ou des secteurs de vote pour lesquels il y a moins de 4 sièges à pourvoir une inégalité devant le suffrage qui entache les dispositions précitées d'inconstitutionnalité.
Comme l'a rappelé le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 78-101 DC du 17 janvier 1979 (Rec. 1979 Page 23), le principe d'égalité des citoyens devant le droit de suffrage, qui est l'un des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », est d'application absolue :
« Si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard des catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, il n'en est ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence des situations et n'est pas incompatible avec la finalité de cette loi. »
Or, en l'espèce on ne voit pas au regard de quelle différence de situation justifier le sort différent fait à l'expression de la volonté populaire selon qu'elle s'applique dans un secteur de vote où il convient d'élire plus ou moins de 4 sièges à pourvoir.
Ce chiffre de quatre a été choisi de manière parfaitement arbitraire, et l'application de règles différentes pour la dévolution des sièges donne aux suffrages des électeurs une importance différente selon le nombre de conseillers à élire, ce qui ne saurait être admis au regard du principe de l'égalité devant le droit de suffrage.
C'est pourquoi les députés soussignés soutiennent que l'article L. 262, en tant qu'il comporte les dispositions précitées introduisant une discrimination entre les communes et secteurs selon qu'on y élit plus ou moins de 4 conseillers, est contraire à la Constitution.
Ces dispositions incriminées paraissent d'ailleurs détachables du texte du projet de loi.