Contenu associé

Décision n° 81-135 DC du 31 décembre 1981 - Saisine par 60 députés

Quatrième loi de finances rectificative pour 1981
Conformité

Les soussignés, députés à l'Assemblée Nationale, défèrent au Conseil Constitutionnel la quatrième loi de finances rectificative pour 1981, adoptée définitivement par l'Assemblée Nationale en sa séance du 23 décembre 1981, et concluent qu'il plaise au Conseil déclarer les articles 1er, 2 et 3 de ladite loi non conformes à la Constitution.
Cette déclaration de non-conformité a sa cause dans la violation de l'alinéa deuxième de l'article 19 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Aux termes de ce texte : « Les fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'Etat avec des dépenses d'intérêt général, sont directement portés en recettes au budget, un crédit supplémentaire du même montant est ouvert par arrêté du ministre des finances au ministre intéressé. L'emploi du fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ».
Par cette disposition, l'ordonnance organique a défini le régime des fonds de concours par des règles assurant simultanément le respect de l'intention de la partie versante et celui de l'universalité budgétaire.
Que ces règles aient matière à s'appliquer dans le cas de l'espèce n'a pas besoin d'être démontré. L'exposé des motifs le montre à l'évidence. Les fonds consacrés par le Crédit Agricole à des actions directes en faveur des agriculteurs ont le caractère de fonds de concours au sens de l'article 19 alinéa 2. Ils proviennent d'une décision volontaire, même si elle a été sollicitée, du Conseil d'administration de la Caisse nationale.
Ils sont destinés à concourir avec les fonds de l'Etat à ces dépenses d'intérêt public.
L'exposé des motifs (p 7 : al 2) expose en effet que le volume total des actions en faveur de l'agriculture a été arrêté à la somme de 5556 millions de francs.
L'alinéa suivant expose comment sera financée la dépense : « D'une part, le Conseil d'administration de la Caisse nationale a décidé de consacrer une partie des excédents à des actions directes en faveur des agriculteurs. D'autre part, il est proposé d'ouvrir, dans le présent projet de loi de finances rectificative, 2751 millions de francs au budget du ministère de l'agriculture et des services du Premier Ministre » La contribution du Crédit agricole est complémentaire des crédits budgétaires pour le financement d'une action globale, évaluée par l'exposé des motifs.
Le rapport présenté par M Pierret au nom de la Commission des finances de l'Assemblée Nationale confirme le caractère de fonds de concours de la contribution du Crédit agricole. Les aides seront reportées selon des règles qui n'ont pas été fixées par la Caisse nationale, mais par les Pouvoirs publics. Rien n'indique qu'elles doivent être réservées aux mutualistes.
L'Assemblée Nationale a été invitée, par le dépôt d'une exception d'irrecevabilité, à reconnaître le caractère irrégulier par omission, de la procédure suivie. Les explications données par le ministre délégué chargé du budget n'ont en aucune manière légitimé cette procédure. L'aveu, presqu'infantile, qu'il était nécessaire de tourner la réglementation communautaire ne saurait constituer une justification. Le dessein de frauder le Droit communautaire ne justifie pas la violation du Droit budgétaire.
En conclusion, le projet de loi de finances rectificative autorise implicitement une action d'ensemble, dont une partie seulement des moyens de financement est inscrite au budget. Il viole la règle de l'universalité budgétaire, sanctionnée par l'article 19 alinéa 2 de l'ordonnance organique.
Additif au recours déférant au Conseil Constitutionnel la quatrième loi de finances rectificative adoptée définitivement par l'Assemblée Nationale dans sa séance du 23 décembre 1981, et qu'il plaise au Conseil de déclarer l'article 9 de ladite loi inconstitutionnel aux motifs suivants : L'article 9 du quatrième collectif relatif à la gestion des immeubles domaniaux ne paraît pas conforme à l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances, qui définit, en recourant à une énumération limitative, le contenu des lois de finances.
Malgré la jurisprudence jusqu'à présent libérale du juge de la recevabilité financière, la présentation par le Gouvernement, dans les projets de lois de finances de dispositions étrangères au contenu normal de ces lois, tel qu'il résulte des dispositions organiques, pourrait avoir pour effet de priver les parlementaires du droit d'amendement que leur reconnaît l'article 44 de la Constitution. En effet, l'article 42 de l'ordonnance n° 59-2 précitée, : disposition d'application de l'article 40 de la Constitution -, pourrait en raison de sa formulation très générale, être opposé à des amendements d'origine parlementaire qui, se rattachant à des dispositions du projet de loi de finances elles-mêmes étrangères au contenu normal des lois de finances, ne peuvent, par définition, correspondre à l'un des objets définis audit article 42.