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Décision n° 81-129 DC du 31 octobre 1981 - Saisine par 60 députés

Loi portant dérogation au monopole d'État de la radiodiffusion
Non conformité partielle

SAISINE DEPUTES Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi portant dérogation au monopole d'Etat de la radiodiffusion, adoptée par le Parlement, le 2 octobre 1981.
I : La loi adoptée se situe dans le cadre du monopole tel qu'il a été consacré en 1945 et confirmé par l'article 2 de la loi du 3 juillet 1972. Eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe même du monopole ne peut donc être remis en cause quoiqu'il ne soit pas compatible avec l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme relatif à la liberté d'expression.
Mais dans la mesure où la loi décide que le monopole n'est plus absolu et prévoit la possibilité de dérogations assurant « l'expression libre et pluraliste des idées et des courants d'opinion » (art 3-3 bis), le respect de cette liberté, ainsi consacrée dans le cadre du monopole, n'apparaît pas compatible avec le procédé d'une autorisation accordée discrétionnairement par l'autorité administrative. Une liberté fondamentale, et notamment la liberté d'expression, peut certes être subordonnée à un régime de déclaration préalable mais ne peut être soumise pour son exercice à l'intervention préalable de l'autorité administrative, ainsi que cela ressort de la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971.
II : En tout état de cause, le privilège accordé aux seules associations : à l'exclusion d'autres personnes morales et des personnes physiques : pour bénéficier des dérogations constitue une atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi proclamé par la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789.
La liberté d'expression, consacrée dans le cadre du monopole, doit pouvoir être exercée par tous. A supposer que certaines contraintes techniques mentionnées par l'article 3-3 bis impliquent un aménagement de cette liberté, la prise en considération des personnes appelées à exercer cette liberté n'est pas pertinente au regard de ces contraintes.
III : L'article 3-4 dispose que « la collecte des ressources publicitaires et la diffusion de messages publicitaires sont interdites ». Cette interdiction crée, à l'encontre des bénéficiaires de la dérogation, discrimination par rapport à l'ensemble des autres moyens d'expression et régulièrement par rapport aux stations de radio dites « périphériques » dont la situation est identique.
Il y a donc là une nouvelle atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi.
IV : Dans la mesure où le financement par voie de publicité se trouve exclu, l'exercice de la liberté consacrée à titre dérogatoire est, en outre, délibérément suspendu, en vertu de l'article 3-1, alinéa 2, à la participation ou à la non participation de collectivités territoriales. Il y a donc là un élément supplémentaire d'inégalité d'exercice d'une liberté constitutionnelle. Les radios libres qui seront aidées par des collectivités territoriales se trouveront, en effet, dans une situation plus avantageuse, et par conséquent, discriminatoire, par rapport aux radios libres devant subsister par les seules cotisations d'une association.
Par ces motifs, et tous autres à relever d'office par le Conseil constitutionnel, les soussignés concluent à ce que la loi susvisée soit déclarée non conforme à la Constitution.