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Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 - Saisine par 60 députés

Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes
Non conformité partielle

2EME SAISINE DEPUTES
Monsieur le Président,
Messieurs les Conseillers, En application de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution, nous avons l'honneur de vous déférer la loi « renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes » qui vient d'être adoptée par le Parlement.
Nous estimons que certaines dispositions de ce texte ont été votées en violation des principes généraux de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, reprise et confirmée par le préambule de la Constitution, et en violation de la Constitution elle-même et notamment de ses articles 2, 34 et 66.
Nous remarquons en effet que : : les dispositions contenues dans l'article 5, I relatif à l'institution de peines « plancher », et dans la section 3 du titre 1er relative au sursis, vont à l'encontre du principe fondamental que représente l'individualisation des peines.
: la rédaction de l'article 7, relatif à la répression des menaces d'atteinte aux personnes et aux biens, est rédigée d'une manière imprécise ce qui constitue une atteinte grave au principe de légalité permettant ainsi des abus.
Il en est de même des dispositions prévues par l'article 13 du texte.
: les peines prévues à l'article 17 du texte pourront s'appliquer à certaines catégories de travailleurs qui auront cessé le travail, comme le préambule de la Constitution leur en reconnaît le droit expressément.
: les mesures contenues dans l'article 21 B relatif à la prolongation de la garde à vue sont inutiles puisque d'ores et déjà, toute mesure appropriée peut être prise à l'encontre d'un gardé à vue à l'issue de la durée légale actuellement en vigueur qui est déjà de 24 heures renouvelable une fois et de 96 heures pour les affaires de trafic de drogue.
: les dispositions relatives à la procédure correctionnelle (article 32 du texte) en permettant au Procureur de la République de saisir directement le Tribunal le jour même (article 395 nouveau du Code pénal) contreviennent au principe de la séparation des pouvoirs, à l'article 34 de la Constitution qui réserve au seul législateur le soin de définir la procédure pénale. Enfin, elles vont à l'encontre des droits de la défense et de l'égalité des citoyens devant la loi, puisque aux termes du projet celle-ci ne définit pas sur quels critères les charges retenues par le Procureur de la République pourront être considérée comme « suffisantes ».
: les dispositions relatives à la procédure criminelle (article 36 du texte) qui visent à dessaisir automatiquement la juridiction d'instruction du premier degré au profit de la Chambre d'accusation au-delà de la durée d'un an de l'information, vont à l'encontre des droits de la défense.
: les dispositions contenues dans l'article 47 ter légalisant les contrôles d'identité préventifs, faisant obligation à toute personne de justifier de son identité en toute circonstance, et autorisant une détention de 6 heures au local de police aux fins de vérification d'identité, constituent une atteinte à la liberté d'aller et de venir, et vont à l'encontre de l'article 66 de la Constitution, comme le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler, notamment dans sa décision du 12 janvier 1977.
Nous nous réservons de développer ces motifs dans un mémoire ampliatif, et vous prions, Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Messieurs les Conseillers, de croire à l'assurance de notre haute considération.