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Décision n° 80-122 DC du 22 juillet 1980 - Saisine par 60 députés

Loi rendant applicable le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d'outre-mer
Non conformité totale

I : SAISINE 1 Conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la loi adoptée par le Parlement, rendant applicables le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les TOM.
D'une part, cette loi, relative à l'organisation judiciaire dans les TOM, n'a pas fait l'objet, contrairement aux dispositions de l'article 74 de la Constitution, d'une consultation des Assemblées Territoriales concernées.
D'autre part, plusieurs de ses articles vont à l'encontre des principes généraux du droit, de la Convention Européenne des droits de l'homme, de la déclaration des droits de l'homme de 1789 et de la Constitution.
L'article 5 de la loi institué pour les TOM le juge unique en matière correctionnelle.
Les alinéas 3, 5, 6 de l'article 2 donnent la possibilité à ce même magistrat d'être tout à la fois maître des poursuites, magistrat instructeur, représentant du ministère public et enfin juge.
Les articles 4 alinéa 2 et 6 alinéa 4 permettent en outre à ce magistrat de désigner lui-même le conseil de l'inculpé, lorsqu'il n'y a pas d'avocat sur les lieux.
Ces dispositions contrairement à l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme reconnaissent à tous les citoyens le droit à « un procès équitable ».
L'article 5 précisément, en instituait le juge unique dans les TOM va à l'encontre de l'article 2 de la Constitution et de l'article VI de la déclaration de 1789 qui disposent respectivement : : La République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race, ou de religion ».
: « La loi est l'expression de la volonté générale Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».
Aux termes du texte, la loi ne serait pas la même pour tous puisqu'aussi bien, pour des infractions semblables, les citoyens de la métropole et ceux des TOM ne seraient pas jugés de la même manière. Les premiers auraient droit à certaines garanties judiciaires, les seconds en seraient privés.
A l'intérieur des TOM, la loi ne serait pas la même pour tous les citoyens puisque le texte prévoit que « pour l'application de l'article 32 le ministère public peut ne pas être représenté (article 2 : alinéa 3) et que les juges de section ou les juges forains »peuvent juger les affaires qu'ils ont instruites" (article 2 : alinéa 5).
Ainsi, des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions pourraient être jugés selon une procédure différente. Outre l'atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, nous estimons que ces dispositions vont à l'encontre de l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale. En effet, une autorité autre que législateur aurait, en application des dispositions de l'article 2 du projet, la possibilité de choisir telle ou telle procédure et ceci, même en cas d'infraction semblable.
Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution le projet de loi rendant applicable le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les TOM.