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Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 - Saisine par 60 sénateurs

Loi portant validation d'actes administratifs
Conformité

I : SAISINE SENATEURS J'ai l'honneur de déférer à votre examen, conformément à l'article 61, deuxième alinéa de la Constitution, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, portant validation d'actes administratifs.
Considérant que la proposition de loi susvisée a pour objet de valider les décrets pris après consultation du Comité technique paritaire central des personnels enseignants de statut universitaire institué par le décret n 77-679 du 29 juin 1977 ; que ce décret a été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 18 avril 1980 ; que les décrets pris suivant cette procédure sont actuellement déférés au Conseil d'Etat en vue de leur annulation ; que la validation intervenue constitue une double violation de la Constitution dans la mesure où, d'une part, elle contredit la séparation des pouvoirs qui constitue un principe fondamental de la République, lequel même s'il n'est pas expressément inscrit dans la Constitution inspire les textes constitutionnels qui régissent nos institutions et que, d'autre part, elle intervient dans le domaine réglementaire que la Constitution a réservé au Gouvernement, donnant ainsi valeur législative à des textes qui, manifestement, ne sont pas du domaine de la loi ; que, par les effets de la proposition de loi susvisée, ces décrets se trouvent insusceptibles d'être attraits devant la justice administrative alors qu'une partie des dispositions qu'ils comportent n'ont pas servi de base aux actes réglementaires ou non réglementaires que la proposition de loi a pour objet de valider.
Considérant en outre que des décisions de caractère individuel ne peuvent être validées sans violer pareillement la Constitution, laquelle en son article 34 énumère limitativement les règles et les principes fondamentaux qui constituent le domaine de la loi ; que l'article 34 précité dispose qu'une loi organique pourra compléter et préciser le domaine de la loi ;
Or, aucun texte de cette nature n'ayant été pris, les dispositions actuelles de l'article 34 n'ont pu valablement servir de fondement à la proposition de loi susvisée.
Considérant au surplus que la répartition entre le domaine de la loi et le domaine du règlement opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution a pour but de définir les compétences respectives des membres du Parlement et des titulaires du pouvoir réglementaire ; que l'article 38 de la Constitution a pour objet d'organiser d'éventuelles interventions du Gouvernement dans le domaine de la loi ; que l'article 41 de la Constitution a pour objet de prohiber les interventions du législateur dans le domaine réglementaire ; qu'il est constant que la Constitution a voulu, par l'effet combiné de ces dispositions fixer ou prévenir les éventuels empiètements d'un domaine sur un autre ; que l'article 39 de la Constitution confère concurremment au Premier Ministre et aux membres du Parlement l'initiative des lois, que cette dernière doit être comprise au sens de l'article 34 précité ; qu'en l'espèce, la proposition de loi susvisée ne se rapporte d'aucune façon aux matières énumérées par l'article 34 précité.
Dès lors, en agissant ainsi qu'ils l'ont fait, les auteurs de la proposition de loi susvisée ont sciemment violé la Constitution et le Gouvernement n'est pas fondé à laisser ainsi empiéter un domaine qui lui a été expressément conféré.
Par ces motifs, il est demandé au Conseil Constitutionnel de vouloir bien prononcer l'annulation de la proposition de loi portant validation d'actes administratifs.