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Décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979 - Saisine par 60 députés

Loi modifiant les modes d'élection de l'Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'État
Conformité

I : SAISINE DEPUTES Conformément à l'article 61 alinéa 2 de la Constitution, nous avons l'honneur de saisir le Conseil Constitutionnel du texte de loi portant modification des modes d'élection de l'Assemblée territoriale et du Conseil de Gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances.
Aux termes de l'article 4 de la Constitution "les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage.
Ils se forment et exercent leur activité librement.« Le rôle qui leur est ainsi reconnu n'est subordonné qu'au respect des »principes de la souveraineté nationale et de la démocratie".
Sous cette seule réserve, ils sont donc les intermédiaires privilégiés de la volonté populaire. Pour qu'ils puissent effectivement remplir la mission que leur assigne la Constitution, le premier de leurs droits est évidemment celui de présenter des candidats aux élections. Or, le libre exercice de ce droit leur est refusé par l'article 3, texte de loi qui subordonne le remboursement des frais et cautions à l'obtention d'un minimum de 5 % des suffrages. Par ce système, il peut fort bien se produire qu'un parti ou groupement qui serait susceptible de recueillir ces suffrages ne puisse faire acte de candidature faute de pouvoir réunir les sommes nécessaires au paiement de la propagande et au versement de la caution. De même, une autre formation qui n'obtiendrait pas le pourcentage de voix exigé serait ainsi pécuniairement sanctionnée. Il s'agit là d'intolérables atteintes au principe de libre activité des groupements politiques et de concours à l'expression du suffrage, atteintes d'autant plus graves dans le cas de la Nouvelle-Calédonie que la spécificité de celle-ci tend à la multiplication de petits partis dotés de faibles moyens matériels.
Que des listes n'ayant pas réalisé un score minimum soient exclues de la répartition des sièges peut se comprendre dans la mesure où une telle disposition n'a pour but et ne peut avoir pour effet que d'éviter une atomisation de la représentation au détriment de la démocratie. Que, d'autre part, la présentation d'une liste de signatures, par exemple, soit le préalable au dépôt d'une candidature, serait normal et compréhensible, ne serait-ce que pour attester la réalité de l'existence du parti ou groupement. Qu'en revanche l'obstacle mis à la candidature soit pécuniaire fait dépendre celle-ci d'un élément inégalitaire, indépendant de la volonté des formations, voire même de leur audience potentielle, puisqu'elles sont contraintes de faire l'avance de frais. Il s'agit, ni plus ni moins, de faire payer un droit : celui pour les partis d'exercer librement leur activité et de présenter des candidats : pourtant formellement et solennellement consacré par l'article 4 de la Constitution.
Par ailleurs, il convient d'écarter à priori tout argument qui consisterait à tirer prétexte de l'existence d'une disposition similaire dans d'autres élections (présidentielles, législatives, européennes ) pour faire admettre celle présentement contestée.
Si la Constitution a déjà été violée, il n'y a pas là un motif suffisant pour persister dans son non respect. Et si la valeur qui s'attache aux décisions du Conseil Constitutionnel rendait inopposables les dispositions en question relatives à d'autres élections, on ne pourrait que se féliciter d'une application conforme à la lettre et à l'esprit de l'article 4 de la Constitution.
Rappelons enfin que ce même article n'a exclu que les partis qui ne respectent pas les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. En écartant aussi les petits groupements, en rendant difficile sinon impossible la création de nouveaux partis, la loi contestée ajoute des exclusions à celles prévues par la Constitution, ce que le législateur n'a pas le pouvoir de faire.
D'autre part, certaines des dispositions de l'article 8 de la loi qui vous est déférée ne sont pas conformes à la Constitution pour les motifs suivants.
Le projet de loi initial déposé par le Gouvernement et d'où est issue la loi qui vous est soumise ne concernait que le mode d'élection de l'Assemblée Territoriale et du Conseil de Gouvernement du Territoire de Nouvelle-Calédonie. Son article 6 primitif n'avait que pour objet d'organiser immédiatement de nouvelles élections à l'Assemblée Territoriale.
Or, à la suite de l'examen de ce texte par le Parlement, l'article 8 a été complété par un amendement d'origine parlementaire qui modifie une disposition de la loi n 76-1222 du 28 décembre 1976.
Il s'agit de modifier son article 6 afin que désormais la suspension ou la dissolution du Conseil de Gouvernement et de l'Assemblée territoriale puisse être effectuée par le Gouvernement sans qu'aucune condition ne soit plus requise. Au surplus la condition préalable de la suspension avant la dissolution existant dans le texte de la loi du 28 décembre 1976 disparait.
Cette disposition qui ne concerne pas l'élection de l'Assemblée ou du conseil de gouvernement mais son fonctionnement intérieur n'a pas été soumise préalablement à l'avis de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie ainsi que le prévoit et l'impose l'article 74 de la Constitution.
Nous estimons donc que cette disposition ajoutée au texte initial du gouvernement est de ce fait contraire à la Constitution aussi, nous vous demandons de bien vouloir la déclarer non conforme en la disjoignant du texte de l'article 8 de la loi qui vous est soumise.
Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir déclarer l'article 3 et certaines dispositions de l'article 8 de la loi qui vous est déférée non conformes à la Constitution.