Décision n° 78-99 DC du 29 décembre 1978 - Saisine par 60 députés
Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel comme membres du groupe communiste à l'Assemblée Nationale, la loi de finances pour 1979 telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement le 14 décembre 1978.
Nous estimons en effet que cette loi n'est pas conforme à la Constitution en ce qui concerne le compte spécial du Trésor « pertes et bénéfices de change ».
Le nouveau système monétaire européen entrera en vigueur au 1er janvier 1979.
Or, il n'a pas été prévu par le traité de Rome. Il s'agit donc d'un dispositif tout à fait nouveau.
Ce système a été négocié par le Président de la République : c'est donc un traité au sens de l'article 52 de la Constitution.
Ce système suppose que les Etats prennent les dispositions nécessaires pour soutenir leurs monnaies, pour constituer une caisse commune d'intervention.
C'est donc un système anologue à celui du Fonds Monétaire International qui a été ratifié au lendemain de la Libération et dont les modifications aux quote-parts ont également été ratifiées.
Le système monétaire européen résultant de ce traité engage incontestablement les finances de l'Etat (article 53 de la Constitution). En vertu du même article il doit donc être ratifié avant d'entrer en vigueur, en vertu d'une loi.
Si cette procédure n'est pas respectée, la France ne pourra pas appliquer le traité monétaire en 1979. En particulier, les dépenses résultant du traité ne pourront pas être financées par le budget de l'Etat.
Le compte spécial du Trésor « pertes et bénéfices de change » inscrit dans la loi de finances pour 1979 est donc non conforme à la Constitution en tant qu'il pourrait comporter, en cours d'exercice budgétaire, les crédits nécessaires pour faire face aux dépenses du système monétaire européen non ratifié.
Le compte d'opérations monétaires 906-61 « Pertes et Bénéfices de change » retrace en effet les opérations de recettes et de dépenses auxquelles donnent lieu : : la prise en charge par le Trésor du solde net des opérations du fonds de stabilisation des changes ; : le jeu des garanties de change dont sont assortis certains avoirs en francs ou certains engagements de l'Etat français en vertu de conventions ou d'accords internationaux ; : la prise en compte de toutes les pertes et de tous les bénéfices constatés dans les écritures du Trésor en raison des fluctuations de change.
Pour ces motifs, nous avons l'honneur de vous demander de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution, dans la loi de finances pour 1979, le compte spécial du Trésor « pertes et bénéfices de change ».