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Décision n° 77-90 DC du 30 décembre 1977 - Saisine par 60 députés

Dernière loi de finances rectificative pour 1977 et, notamment, son article 6
Conformité

Conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la dernière loi de finances rectificative pour 1977, telle qu'elle vient d'être adoptée par le Parlement.
Nous estimons, en effet, que l'article 5 de cette loi n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs suivants.
Par un un règlement n 1111-77 du 17 mai 1977, le Conseil des Communautés européennes a instituté, notamment, une cotisation nationale à la production de l'isoglucose. Ce règlement a prévu l'assiette et le taux de cette cotisation et l'article 5 de la loi qui vous est déférée en détermine les modalités de recouvrement.
Or, nous estimons que ce texte intervient : ainsi d'ailleurs que le Règlement susvisé : en violation de l'article 3 de la Constitution alors que, par ailleurs, "aucune disposition de nature constitutionnelle n'autorise des transferts de tout ou partie de la souveraineté nationale à quelque organisation internationale que ce soit (Cf votre décision du 30 décembre 1976).
D'autre part, ce règlement porte atteinte aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au sens du Préambule de la Constitution, et méconnait tout spécialement le principe du consentement du peuple à l'impôt qui constitue incontestablement l'une des « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » (Cf votre décision du 19 juin 1970).
En outre, aux termes de l'article 9 du règlement communautaire susvisé, la cotisation nationale sur l'isoglucose est perçue au profit des Etats membres de la Communauté européenne. Elle ne saurait donc être regardée comme une ressource propre de la Communauté mais bien comme un prélèvement national de nature fiscale qui intervient, de ce fait, en dehors de toute autorisation parlementaire expresse, méconnaissant ainsi les prescriptions de l'article 34 de la Constitution. Or, s'il ne parait pas possible que la décision du Conseil des Communautés en date du 21 avril 1970, dont la loi n 70-583 du 8 juillet 1970 a autorisé l'approbation, entraine quel que transfert de souveraineté que ce soit en matière fiscale lorsqu'il s'agit des ressources perçues au profit des Communautés, un tel transfert est encore moins concevable lorsqu'il s'agit de ressources qui, étant instituées par la Communauté européenne, ne seraient pas perçues à son profit.
Enfin, nous considérons que l'autorisation donnée par l'article 5 de la loi de finances rectificative de recouvrer et de contrôler la perception de la cotisation à la production sur l'isoglucose ne saurait être interprétée comme satisfaisant aux exigences de l'article 34 de la Constitution en ce qui concerne la détermination de l'assiette et du taux de cette imposition.
Pour ces divers motifs, nous vous demandons de bien vouloir déclarer l'article 5 de la loi de finances rectificative non conforme à la Constitution.