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Décision n° 77-89 DC du 30 décembre 1977 - Saisine par 60 députés

Loi de finances pour 1978 et notamment ses articles premier et 38 ainsi que l'état A annexé
Conformité

Conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, nous avous l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1978 telle qu'elle vient d'être adoptée par le Parlement.
Nous estimons, en effet, que les articles premier et 33 de cette loi, ainsi que l'Etat A annexé, ne sont pas conformes à la Constitution pour les motifs suivants.
Par règlements n 1079-77 du 17 mai 1977, n 1111-77 du 17 mai 1977 et n 1822-77 du 5 août 1977, les autorités des Communautés européennes ont institué, d'une part, un prélèvement de coresponsabilité dans le secteur du lait et des produits laitiers et, d'autre part, un prélèvement et une cotisation nationale pour régulariser le marché de l'isoglucose.
Or, la mise en oeuvre de ces divers règlements sur le territoire de la République Française intervient en violation de l'article 3 de la Constitution tandis que, par ailleurs, « aucune disposition de nature constitutionnelle n'autorise des transferts de tout ou partie de la souveraineté nationale à quelle qu'organisation internationale que ce soit ». (Cf votre décision du 30 décembre 1976).
Par ailleurs, ces règlements portent atteinte aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République au sens du Préambule de la Constitution et tout spécialement au principe du consentement du peuple à l'impôt qui constitue l'une des « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » (Cf votre décision du 19 juin 1970).
Enfin, le principe du consentement du peuple à l'impôt, qui exige, conformément à l'article 34 de la Constitution, que le Parlement ait expressément déterminé « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature », ne saurait être considéré comme respecté en l'espèce en raison du caractère trop général et imprécis des dispositions des articles premier et 33 de la loi de finances pour 1978.
Sans doute, pourrait-on considérer que l'article 189 du Traité instituant la Communauté Européenne a prévu que les règlements étaient d'application directe dans les Etats membres et que, dès lors que ce Traité a été régulièrement ratifié, les règlements précités s'appliquent de plein droit en France. Toutefois, à la lumière de ce qui vient d'être rappelé et notamment de votre décision du 30 décembre 1976, il apparait que cette application directe ne peut intervenir que dans des domaines autres que ceux réservés évidemment à l'exercice de la souveraineté nationale.
La création ou la modification des règles d'une imposition fait incontestablement partie de ces domaines.
Pour ces divers motifs, nous vous demandons de bien vouloir déclarer non conformes à la Constitution les articles premier et 33 de la loi de finances pour 1978 en tant qu'ils prévoient la perception d'impositions établies seulement en vertu des règlements édictés par la Communauté économique européenne.