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Décision n° 77-79 DC du 5 juillet 1977 - Saisine par 60 députés

Loi portant diverses dispositions en faveur de l'emploi des jeunes et complétant la loi n° 75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale
Conformité

Conformément aux dispositions du 2e alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la loi portant diverses mesures en faveur de l'emploi et complètant la loi n 75574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale, telle qu'elle vient d'être adoptée par le Parlement.
Nous estimons que l'article 3 *4* de cette loi n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs suivants.
En vertu du 8e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 repris et confirmé par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, « Tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Il résulte de ce texte qu'aucun travailleur ne peut être exclu de cette participation.
Or, l'article 3 *4* de la loi qui vous est déférée précise que les salariés engagés avant le 1er janvier 1978 dans les conditions prévues par d'autres dispositions de la même loi ne seront pas pris en compte dans l'effectif des salariés de l'entreprise lorsque celui-ci est retenu pour l'application de certaines des dispositions du Code du Travail.
Il s'en suit que la présence de ces travailleurs dans l'entreprise n'entrera pas en ligne de compte pour la mise en oeuvre de mesures importantes intervenues, justement, pour l'application de la disposition précitée du Préambule de la Constitution.
C'est notamment le cas pour ce qui concerne les conditions d'effectif liées à la création d'un ou de plusieurs postes de délégué du personnel, à l'institution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'hygiène et de sécurité, d'une section syndicale d'entreprise ou d'un délégué syndical.
Ainsi, non seulement les travailleurs placés dans la situation prévue par l'article 3 *4* de la loi qui vous est déférée seront privés, dans certains cas, du bénéfice des dispositions sus-visées, mais encore certains travailleurs déjà dans l'entreprise et employés dans les conditions du droit commun risquent d'être privés à leur tour de l'exercice des droits qui leur sont garantis par le Préambule de la Constitution, notamment le droit syndical.
C'est pourquoi nous estimons que l'article 3 *4* de la loi qui vous est déférée n'est pas conforme au Préambule de la Constitution.
Les dispositions de ce texte nous paraissent également contraires à l'article 2 de la Constitution selon lequel tous les citoyens sont égaux devant la loi.
En effet, deux travailleurs employés dans des conditions identiques dans deux entreprises de dimension équivalente n'auront pas les mêmes droits.
C'est ainsi, par exemple, que dans une entreprise ayant 55 salariés et embauchant 3 salariés au sens de la loi qui vous est déférée, il existera obligatoirement un comité d'entreprise.
En revanche, dans une entreprise ayant 48 salariés et embauchant 10 salariés au sens de la même loi, aucun comité d'entreprise ne sera institué de plein droit.
C'est pourquoi, nous avons l'honneur de vous demander de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution l'article 3 *4* de la loi sus-indiquée.