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Décision n° 74-53 DC du 30 décembre 1974 - Saisine par 60 députés

Loi de finances pour 1975
Non conformité partielle

J'ai l'honneur, conformément à l'article 61 de la Constitution, de déférer au Conseil constitutionnel le projet de loi de finances pour 1975 tel qu'il résulte des délibérations du Parlement.
J'estime, en effet, que l'article 21 *article 24* de ce projet n'est pas conforme à l'ordonnance n 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Les motifs de ma requête sont les suivants.
L'article 21, relatif aux services votés du budget général, comporte une dotation de 5418293 F au profit de la Délégation générale à l'information, visée à l'article 10, chapitre 37-02 du budget des Services généraux du Premier ministre.
Ce crédit a été présenté au Parlement en méconnaissance du Titre III, chapitre Ier, de l'ordonnance précitée du 2 janvier 1959, notamment en ce qui concerne son article 33.
L'article 33 stipule que « les services votés représentent le minimum de dotations que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement » En vertu de l'article 38 de l'ordonnance, le projet de loi de finances doit être déposé et distribué le premier mardi d'octobre de l'année qui précède l'année d'exécution du budget.
Le projet de loi de finances pour 1975 ayant été déposé en octobre 1974, l'année précédente visée à l'article 33 est donc 1973.
Or, la Délégation générale à l'information a été créée et mise en place dans le courant du premier trimestre de l'année 1974. Elle a bénéficié des crédits votés dans la loi de finances pour 1974 en faveur du Secrétariat général du Comité Interministériel pour l'information (art 10 du chapitre 37-02 du budget des services généraux du Premier ministre), qui a été supprimé.
Toutefois, la Délégation générale à l'information a non seulement conservé les attributions de l'ancien Secrétariat général du CII, mais elle a reçu des attributions nouvelles notablement plus étendues que celle du service qu'elle remplace.
Il est évident que les conditions d'exécution du service public confié à la Délégation générale pour l'information n'ont jamais été approuvées par le Parlement, sinon dans le projet de loi de finances rectificative pour 1974 qui vient d'être examiné par le Parlement.
C'est pourquoi j'estime que les crédits accordés à la Délégation générale pour l'information en 1975 auraient dû figurer en « mesures nouvelles », conformément à l'article 41 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
En présentant en « services votés » une partie importante des crédits affectés au fonctionnement de la Délégation générale à l'information, le Gouvernement a non seulement méconnu la loi organique sur les lois de finances, mais a, en outre, porté atteinte aux droits du Parlement en matière d'examen et de vote des projets de loi de finances, tels que ces droits sont prévus par la Constitution et par la loi organique.
Il convient de rappeler, en effet, que selon l'article 41 de l'ordonnance organique, les services votés font l'objet d'un vote unique puisqu'il s'agit de confirmer les charges minimum précédemment approuvées par le Parlement. En revanche, le vote des autorisations nouvelles s'effectue par titre et par ministère afin que le Parlement puisse se prononcer, librement sur les aspects nouveaux de la politique gouvernementale.
En incluant une partie importante des dotations de la Délégation générale à l'information en « services dotés », le Gouvernement a privé le Parlement des droits qui sont les siens et qui découlent notamment des articles 33 et 41 de la loi organique sur les lois de finances.
Pour ces motifs, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir déclarer non conforme à la loi organique du 2 janvier 1959 l'article 21 de la loi de finances pour 1975 en ce qui concerne les « services votés » de la Délégation générale à l'information en réduisant de 5418293 F le montant global des crédits accordés à cette Délégation pour l'exercice 1975.
Je crois utile de préciser que si l'ouverture de crédits supplémentaires en faveur de cette Délégation dans le projet de loi de finances rectificative pour 1974 qui vient d'être adopté par le Parlement vaut approbation du service public confié à la Délégation générale à l'information, cette approbation, postérieure au dépôt des documents du projet de loi de finances pour 1975, ne pourra trouver son effet que pour la présentation du projet de loi de finances pour 1976. En effet, les conditions d'exercice du service public confié à la Délégation auront bien été approuvées l'année précédente par le Parlement. Mais les dispositions de la loi de finances rectificative ne peuvent avoir d'effet sur la loi de finances pour 1975 compte tenu des termes de l'article 33 de la loi organique.
Dans votre décision du 27 décembre 1973, relative à l'article 62 de la loi de finances pour 1974, vous avez souligné toute la rigueur avec laquelle la loi organique sur les lois de finances doit être appliquée.
Il est évident que cette rigueur est la condition indispensable à l'exercice des prérogatives du Parlement, déjà enserré dans les limites strictes posées par l'article 40 de la Constitution et par l'article 42 de la loi organique sur les lois de finances.
Vou concevrez que je sois fondé à m'adresser à vous pour obtenir le respect de la loi organique par le Gouvernement, s'agissant non seulement des droits des Assemblées, mais également, sur ce point particulier de la Délégation générale, du financement anormal d'un organisme qui risque de porter de graves atteintes à la liberté de la presse et de l'information et donc aux libertés fondamentales des citoyens, telles qu'elles sont garanties par le Préambule de la Constitution .