Décision n° 2023-1039 QPC du 24 mars 2023 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 20/01/2023, 468567, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 1ère - 4ème chambres réunies
Lecture du vendredi 20 janvier 2023
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association Handi-Social et Mme A... B... demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du décret n° 2022-639 du 25 avril 2022 relatif à l'amélioration des fonds départementaux de compensation du handicap, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
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Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
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Aux termes de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles : « Chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1. Les contributeurs au fonds départemental sont membres du comité de gestion. Ce comité est chargé de déterminer l'emploi des sommes versées par le fonds. La maison départementale des personnes handicapées rend compte aux différents contributeurs de l'usage des moyens du fonds départemental de compensation. / Dans la limite des financements du fonds départemental de compensation, les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources personnelles nettes d'impôts des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa du présent article, dans des conditions définies par décret. / Le département, l'Etat, les autres collectivités territoriales, les organismes d'assurance maladie, les caisses d'allocations familiales, les organismes régis par le code de la mutualité, l'association mentionnée à l'article L. 323-8-3 du code du travail, le fonds prévu à l'article L. 323-8-6-1 du même code et les autres personnes morales concernées peuvent participer au financement du fonds. Une convention passée entre les membres de son comité de gestion prévoit ses modalités d'organisation et de fonctionnement ».
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Les requérantes soutiennent que les dispositions précitées des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, en ce que, tout en fixant le principe selon lequel les frais de compensation restant à la charge des personnes handicapées ne peuvent excéder 10 % de leurs ressources personnelles nettes d'impôts, elles assortissent le versement des aides destinées à permettre cette compensation d'une limite tenant aux financements des fonds départementaux de compensation du handicap et ne prévoient pas d'obligation, pour les contributeurs qu'elles mentionnent, de participer au financement de ces fonds, méconnaissent le principe d'égalité, le principe de fraternité et un principe à valeur constitutionnelle « d'accessibilité universelle et de solidarité de la société à l'égard des personnes handicapées », qui serait issu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
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Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association Handi-Social et autre jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Handi-Social, première dénommée, pour les deux requérantes et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Copie en sera adressée à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier et M. Yves Doutriaux, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.
Rendu le 20 janvier 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber