Décision n° 2021-944 QPC du 4 novembre 2021 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
Chambres réunies
4 Août 2021
Numéro de requête : 452327
Numéro ECLI : ECLI : FR : CECHR : 2021 : 452327.20210804
Mme Cécile Vaullerin, Rapporteur
M. Stéphane Hoynck, Rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, Avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association de chasse des propriétaires libres, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de cinquante-six décisions du 29 juin 2020 par lesquelles le président de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime s'est opposé, totalement ou partiellement, à la demande de retrait de plusieurs parcelles du territoire de l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Saint-Agnant, a produit un mémoire, enregistré le 8 avril 2021 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 2002124 du 4 mai 2021, enregistrée le 6 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers, avant qu'il soit statué sur la demande de l'association de chasse des propriétaires libres, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du dernier alinéa de l'article L. 422-18 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., auditrice,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Il est constant que l'association de chasse des propriétaires libres a qualité de partie à l'instance devant le tribunal administratif de Poitiers. Par suite, la question soulevée par cette association et transmise par le tribunal administratif de Poitiers est recevable.
3. Aux termes de l'article L. 422-18 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement : « L'opposition formulée en application du 3 ° ou du 5 ° de l'article L. 422-10 prend effet à l'expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. A défaut, elle prend effet à l'expiration de la période suivante. La personne qui la formule la notifie au président de la fédération départementale des chasseurs. / L'association peut, dans ce cas, lui réclamer une indemnité fixée par le tribunal compétent et correspondant à la valeur des améliorations apportées par celle-ci. / Le droit d'opposition mentionné au premier alinéa du présent article est réservé aux propriétaires et aux associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association. ».
4. En premier lieu, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 422-18 du code de l'environnement, qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, sont, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, applicables au litige dont est saisi le tribunal administratif de Poitiers, statuant sur la demande de l'association de chasse des propriétaires libres tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le président de la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime s'est opposé au retrait de plusieurs parcelles du territoire de l'ACCA de Saint-Agnant.
5. En second lieu, le moyen tiré de ce que le dernier alinéa de l'article L. 422-18 du code de l'environnement, en tant qu'il prévoit que seules peuvent se retirer d'une ACCA déjà existante, à condition de remplir les conditions posées à l'article L. 422-10, « les associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association », porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité et au droit de propriété découlant des articles 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du dernier alinéa de l'article L. 422-18 du code de l'environnement est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association de chasse des propriétaires libres, à la fédération départementale des chasseurs de la Charente-Maritime, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Poitiers.