Contenu associé

Décision n° 2021-936 QPC du 7 octobre 2021 - Décision de renvoi Cass.

M. Aziz J. [Mesures de sûreté à l'encontre des personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes]
Conformité

N S 21-80.392 F-D N 00930
29 JUIN 2021
SL2
RENVOI
M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE ,

DU 29 JUIN 2021

M. Aziz J. a présenté, par mémoire spécial reçu le 1 avril 2021, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-1, en date du 15 décembre 2020, qui, pour financement d'entreprise terroriste, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 500 euros d'amende, et a ordonné son inscription au fichier des auteurs d'infractions terroristes.

Sur le rapport de M. Barbier, conseiller référendaire, les observations de la SCP D. et J., avocat de M. Aziz J., et les conclusions de M. L., avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 706-25-7 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1 juin 2017 issue de l'article 79 de la loi n 2016-731 du 3 juin 2016 et de l'article 15 de la loi n 2017-258 du 28 février 2017, qui imposent à la personne inscrite au Fijait de déclarer tout déplacement à l'étranger quinze jours au plus tard avant ledit déplacement, et ce pendant une durée de dix ans, sous peine de subir une condamnation à deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sans prévoir aucune possibilité d'adaptation individuelle de cette mesure de sûreté en fonction de la personnalité et de la situation de l'intéressé, notamment dans l'hypothèse d'un travailleur transfrontalier, méconnaissent-elles les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ensemble le principe d'interdiction de toute rigueur qui ne serait pas nécessaire qui en découle, l'article 66 de la Constitution, la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et le droit à l'emploi ? »

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question posée présente un caractère sérieux.

4. En effet, la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire, en sorte qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis au nombre desquels figure notamment la liberté d'aller et venir. Ainsi, les atteintes portées à l'exercice de ces droits et libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi.

5. Il en résulte que le caractère proportionné de l'atteinte portée par les dispositions de l'article 706-25-7 du code de procédure pénale à la liberté d'aller et venir reste à apprécier, notamment en ce qu'elles conduisent à imposer à la personne majeure qui réside en France, inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes, de déclarer tout déplacement à l'étranger quinze jours au plus tard avant ledit déplacement en se présentant personnellement au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie dont dépend son domicile, pendant une durée de dix ans, sans qu'aucun aménagement de cette obligation ne soit possible.

6. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt et un.