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Décision n° 2021-921 QPC du 25 juin 2021 - Décision de renvoi CE

Société M6 Publicité [Taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision]
Conformité

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) M6 Publicité, à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à la décharge de la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision prévue à l'article 302 bis KD du code général des impôts qu'elle a spontanément acquittée au titre des années 2015 à 2017, a produit un mémoire, enregistré le 4 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 2013583 du 21 janvier 2021, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président du tribunal administratif de Montreuil, avant qu'il soit statué sur la requête de la société M6 Publicité, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 302 bis KD du code général des impôts.
Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise et par un nouveau mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 février 2021, la SAS M6 Publicité soutient que les dispositions de l'article 302 bis KD du code général des impôts, applicables au litige et qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 302 bis KD ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société M6 Publicité ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'État a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 302 bis KD du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « 1. Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision. / 2. La taxe est assise sur les sommes, hors commission d'agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies pour l'émission et la diffusion de leurs messages publicitaires à partir du territoire français. / Elle est due par les personnes qui assurent la régie de ces messages publicitaires. / (...) ».
3. Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels, en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
4. L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs.
5. Les dispositions de l'article 302 bis KD du code général des impôts, qui sont citées au point 2 ci-dessus, sont applicables au litige. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques, en ce qu'elles auraient pour effet d'assujettir les régisseurs de messages publicitaires à une imposition dont l'assiette inclurait des sommes dont ils n'ont pas la disposition, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 302 bis KD du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée M6 Publicité et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au Premier ministre.