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Décision n° 2021-911/919 QPCdu 4 juin 2021 - Décision de renvoi Cass.

M. Wattara B. et autres [Utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales dans un contexte d'urgence sanitaire II]
Non conformité totale

Cour de cassation
Chambre criminelle

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N M 21-90.001 F-P+I

N 00389

2 MARS 2021

ECF

RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_______________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE ,

DU 2 MARS 2021

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, par arrêt en date du 5 janvier 2021, reçu le 7 janvier 2021 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans l'information suivie contre M. Wattara B. des chefs notamment d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, importation en contrebande de marchandises prohibées.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP S. et M., avocat de M. Wattara B., et les conclusions de M. A., avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Coste- Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 2 de l'ordonnance n 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale, en ce qu'il permet au juge des libertés et de la détention d'imposer le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle sans l'accord de la personne concernée, est-il conforme à la Constitution et notamment au principe constitutionnel des droits de la défense, au droit à un recours effectif, au droit de tout détenu de voir sa situation traitée dans le respect des règles de compétences et de procédures fixées par le code de procédure pénale, au droit à la liberté et à la sûreté, et au droit à la comparution personnelle et physique, garantis l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

2. Une question prioritaire de constitutionnalité, transmise par une juridiction et portant sur les dispositions d'une ordonnance prise par le Gouvernement sur le fondement d'une habilitation donnée par le Parlement, en vertu de l'article 38 de la Constitution, est recevable si le délai de l'habilitation est expiré au jour où la Cour de cassation statue et qu'elle porte sur la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, de dispositions de l'ordonnance qui relèvent du domaine de la loi.

3. Elle doit alors être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies.

4. En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la juridiction porte sur l'article 2 de l'ordonnance n 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale, prise en application de l'habilitation prévue par l'article 10 de la loi n 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prolongation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

5. Cette disposition n'a pas, à ce jour, fait l'objet d'une ratification législative.

6. Toutefois, d'une part, le délai de l'habilitation fixé par cette loi, soit le 16 février 2021, est expiré à la date de la présente décision.

7. D'autre part, la disposition critiquée, qui a pour objet de permettre de recourir, sans l'accord des parties, à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l'ensemble des juridictions pénales autres que criminelles, relève du domaine législatif.

8. Il s'ensuit qu'elle doit être regardée comme une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution (Cons. const., 28 mai 2020, décision n 2020-843 QPC ; Cons. const., 3 juillet 2020, décision n 2020-851/852 QPC).

9. La disposition contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. La question posée présente un caractère sérieux.

11. En effet, par une décision du 15 janvier 2021 (n 2020-872 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 5 de l'ordonnance n 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

12. La disposition critiquée, rédigée en des termes très semblables à ceux de l'article 5 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, paraît présenter les mêmes griefs d'inconstitutionnalité que celui-ci.

13. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du deux mars deux mille vingt et un.