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M. Ion Andronie R. et autre [Prolongation de plein droit des détentions provisoires dans un contexte d'urgence sanitaire]
Non conformité totale

Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 20-83.457
ECLI : FR : CCASS : 2020 : CR02349
Non publié au bulletin
Solution : Qpc incidente - renvoi au cc

Audience publique du mardi 03 novembre 2020
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, du 29 mai 2020

Président
M. Soulard (président)
Avocat(s)
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 20-83.457 F-D

N° 2349

3 NOVEMBRE 2020

CK

RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 NOVEMBRE 2020

M. I... U... a présenté, par mémoire spécial reçu le 27 août 2020, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de vol aggravé, a confirmé l'ordonnance contestée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur la prolongation de la détention de l'intéressé et, constatant qu'il a été statué sur la nécessité de la mesure de sûreté le 6 mai 2020, a dit régulière la prolongation de la détention, fixant la date de son échéance au 20 juillet 2020.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. I... U..., et les conclusions de M. Desportes, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, sont-elles contraires au droit à la sûreté, à l'interdiction des détentions arbitraires et à la liberté individuelle, garantis par les articles 66 de la Constitution et 2 de la Déclaration de 1789, en ce qu'elles prolongent de plein droit, sans intervention du juge, les effets des titres de détention provisoire ? »

2. L'article 16 précité de l'ordonnance du 25 mars 2020, qui intervient dans une matière, la détention provisoire, relevant du domaine législatif, doit être regardé comme une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution depuis l'expiration du délai de l'habilitation fixé au 24 juin 2020 (décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020- décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020).

3. La dispositions législative contestée n'est applicable à la procédure qu'en ce qu'elle prévoit une prolongation de plein droit de la détention provisoire, durant l'information judiciaire, en matière correctionnelle, pour une durée de deux mois ou de trois mois lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement.

4. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

5. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible.

6. La chambre criminelle a énoncé que l'article 16 de l'ordonnance maintient, de par le seul effet de la loi et sans décision judiciaire, des personnes en détention, au delà de la durée du terme fixé par le titre en cours, retirant ainsi à la juridiction compétente le pouvoir d'apprécier, dans tous les cas, s'il y avait lieu d'ordonner la mise en liberté de la personne détenue.

7. Elle a constaté que ce même texte conduit à différer, à l'égard de tous les détenus, l'examen systématique, par la juridiction compétente, de la nécessité du maintien en détention et du caractère raisonnable de la durée de celle-ci.

8. En conséquence la question prioritaire de constitutionnalité présente un caractère sérieux.

9. Il convient dès lors de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;