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Décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020 - Décision de renvoi CE

M. Daniel D. et autres [Modification du calendrier des élections municipales]
Conformité

Conseil d'État

N° 440217
ECLI : FR : CECHR : 2020 : 440217.20200525
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Fabio Gennari, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public

lecture du lundi 25 mai 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A... B... et d'autres requérants, à l'appui de la demande qu'ils ont formée devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation du premier tour des élections municipales qui s'est déroulé le 15 mars 2020 à La Brigue (Alpes-Maritimes), ont présenté, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, un mémoire, enregistré le 27 mars 2020 au greffe de ce tribunal, par lequel ils ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2001382 du 20 avril 2020, enregistrée le 23 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nice a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée, portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des I, III et IV de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23 2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : « I. - Lorsque, à la suite du premier tour organisé le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, un second tour est nécessaire pour attribuer les sièges qui n'ont pas été pourvus, ce second tour, initialement fixé au 22 mars 2020, est reporté au plus tard en juin 2020, en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'impérative protection de la population face à l'épidémie de covid-19. Sa date est fixée par décret en conseil des ministres, pris le mercredi 27 mai 2020 au plus tard si la situation sanitaire permet l'organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l'analyse du comité de scientifiques institué sur le fondement de l'article L. 3131-19 du code de la santé publique. / Les déclarations de candidature à ce second tour sont déposées au plus tard le mardi qui suit la publication du décret de convocation des électeurs. / Si la situation sanitaire ne permet pas l'organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains concernés est prolongé pour une durée fixée par la loi. Les électeurs sont convoqués par décret pour les deux tours de scrutin, qui ont lieu dans les trente jours qui précèdent l'achèvement des mandats ainsi prolongés. La loi détermine aussi les modalités d'entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de 1000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet. / Dans tous les cas, l'élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d'arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l'article 3 de la Constitution (...) / III. - Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité de scientifiques. (...) / IV. - Par dérogation à l'article L. 227 du code électoral : / 1 ° Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'à l'entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'à cette même date ; / 2 ° Dans les communes, autres que celles mentionnées au 3 ° du présent IV, pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'au second tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'au second tour, sous réserve du 3 du VII ; (...) ».

3. Les dispositions des I, III et IV de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 sont applicables au litige qui tend à l'annulation des opérations électorales qui se sont tenues à La Brigue (Alpes-Maritimes) le 15 mars 2020. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de sincérité du scrutin, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des I, III et IV de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre, au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Nice.