Contenu associé

Décision n° 2019-784 QPC du 24 mai 2019 - Décision de renvoi CE

Société Cosfibel Premium [Retenue à la source sur la rémunération de sociétés étrangères pour des prestations fournies ou utilisées en France]
Conformité

Conseil d'État

N° 412497
ECLI : FR : CECHR : 2019 : 412497.20190225
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Séverine Larere, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP BOUZIDI, BOUHANNA, avocats

lecture du lundi 25 février 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 novembre 2018 et 11 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cosfibel Premium demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 16VE02518 de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 mai 2017, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts.

Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Cosfibel Premium.

Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : « I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (...) ».
3. La société Cosfibel Premium soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en tant qu'elles prévoient le prélèvement d'une retenue à la source sur le montant brut de rémunérations servies à une société étrangère quand bien même cette société serait déficitaire.
4. Les dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts sont applicables au présent litige. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du c du I de l'article 182 B du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la société Cosfibel Premium jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Cosfibel Premium, au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.