Contenu associé

Décision n° 2019-779/780 QPC du 10 mai 2019 - Décision de renvoi Cass. 2

M. Hendrik A. et autre [Amende pour défaut de déclaration de transfert international de capitaux II]
Conformité

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 13 février 2019
N° de pourvoi : 18-90034
Non publié au bulletin Qpc seule - renvoi au cc

M. Soulard (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 18-90.034 F-D
N° 279

13 FÉVRIER 2019

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par jugement du tribunal correctionnel de Bayonne en date du 19 novembre 2018, dans la procédure suivie notamment des chefs de blanchiment, transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment douanier, contre :

- M. Y... B...,

reçu le 26 novembre 2018 à la Cour de cassation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 janvier 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOUQUET, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE de BRUNETON et MÉGRET, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Vu les observations produites ;

1- Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Le I de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier tel qu'issu des rédactions de l'article 41 de la loi 2016-731 du 3 juin 2016 méconnaît-il le principe constitutionnel de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'il prévoit une amende proportionnelle en cas de simple manquement à l'obligation déclarative prévue à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier alors même que les sommes non déclarées ne concourent à la fixation d'aucun impôt ou taxe douanière et qu'aucune infraction à une loi ou à un règlement fiscal, douanier ou financier n'a été commise  » ;
2- Attendu que la disposition législative contestée, à laquelle renvoie l'article 465 du code des douanes, n'est applicable à la procédure qu'en ce qu'elle prévoit une amende pour manquement aux obligations déclaratives énoncées à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, s'agissant en l'espèce de transferts entre la France et un autre Etat membre de l'Union européenne, à l'exclusion de l'amende encourue en cas de transferts entrant ou sortant de la Communauté prévus par le règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005 ;
3- Attendu que la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-746 du 23 novembre 2018 porte sur les dispositions de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier dans ses rédactions résultant de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 et de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 ;
4- Que la disposition législative contestée, issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
5- Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
6- Attendu que l'article L. 152-4, I, du code monétaire et financier dans sa version issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, auquel renvoie l'article 464 du code des douanes, sanctionne, par une amende égale à 50 % de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou sa tentative, le manquement déclaratif commis par une personne physique qui transfère vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne, pour un montant égal ou supérieur à 10 000 euros, des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L. 518-1 ;
7- Attendu que dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a considéré en premier lieu que l'obligation déclarative ainsi sanctionnée vise à assurer l'efficacité de la surveillance par l'administration des mouvements financiers internationaux ; qu'en réprimant la méconnaissance d'une telle obligation, le législateur a entendu lutter contre le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale et les mouvements financiers portant sur des sommes d'origine frauduleuse et qu'il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi que celui de sauvegarde de l'ordre public ;
8- Que le Conseil a estimé en second lieu que, d'une part, en punissant le manquement à l'obligation de déclarer certains transferts de capitaux financiers d'une amende proportionnelle au montant des sommes sur lesquelles a porté l'infraction ou sa tentative, le législateur a instauré une sanction dont la nature est liée à celle de l'infraction, d'autre part, en retenant un taux de 25 %, qui ne constitue qu'un taux maximal pouvant être modulé par le juge sur le fondement de l'article 369 du code des douanes, le législateur a retenu une sanction qui n'est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de l'infraction ;
9- Que le Conseil en a conclu que le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté ;
10- Mais attendu qu'en élevant le taux de l'amende encourue à 50 % de la somme qui n'a pas été déclarée à l'occasion d'un transfert d'au moins 10 000 euros, le législateur a institué une sanction qui n'est pas insusceptible d'être manifestement disproportionnée avec la gravité du manquement réprimé, s'agissant d'un manquement à une obligation déclarative, et non d'éventuelles activités frauduleuses ou illicites ;
11- Attendu que dès lors, s'agissant de la méconnaissance alléguée du principe de proportionnalité des peines, la question posée présente un caractère sérieux ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize février deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.