Décision n° 2018-747 QPC du 23 novembre 2018 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 422059
ECLI : FR : CECHR : 2018 : 422059.20180919
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du mercredi 19 septembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1711509 du 4 juillet 2018, enregistrée le 6 juillet 2018 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, avant de statuer sur la demande de M. A...B...tendant à prononcer la décharge des compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 9 ° bis de l'article 81 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment le 9 ° bis de son article 81 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Dans la question prioritaire transmise, M. B...soutient, à l'appui de sa contestation des compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, que les dispositions du 9 ° bis de l'article 81 du code général des impôts méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques au motif qu'elles limitent l'exonération d'impôt sur le revenu des rentes viagères servies en représentation de dommages-intérêts pour la réparation d'un préjudice corporel, à celles versées en vertu d'une condamnation judiciaire.
3. Aux termes de l'article 81 du code général des impôts : « Sont affranchies de l''impôt [sur le revenu] :/ (...) 9 ° bis Les rentes viagères servies en représentation de dommages et intérêts en vertu d'une condamnation prononcée judiciairement pour la réparation d'un préjudice corporel ayant entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l'obligeant à avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie ; (...) ».
4. Ces dispositions du 9 ° bis de l'article 81 du code général des impôts, applicables au litige dont est saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, en exonérant les rentes viagères servies en représentation de dommages et intérêts pour la réparation d'un préjudice corporel ayant entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l'obligeant à avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie, dans la seule hypothèse où elles sont versées en vertu d'une condamnation prononcée judiciairement, et non également dans l'hypothèse où elles sont versées en vertu d'une transaction entre la victime et la personne responsable du dommage ou son assureur, présente un caractère sérieux. Il y a ainsi lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du 9 ° bis de l'article 81 du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.