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Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 - Décision de renvoi Cass.

M. Ousmane K. et autres [Motivation de la peine dans les arrêts de cour d'assises]
Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 13 décembre 2017
N° de pourvoi : 17-82086 17-82237 17-82858
N° arrêt 3356
Non publié au bulletin Qpc incidente - renvoi au cc

M. Soulard (président), président
SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 17-82.086 FS-D
N° Q 17-82.237
N° Q17-82.858

N° 3356

13 DÉCEMBRE 2017

CG10

RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur :

- les deux questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus le 2 octobre 2017, et présentées par :

- M. Ousmane X...,

à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'assises du Val-de-Marne, en date du 14 janvier 2017, qui, pour meurtre en récidive, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle ;

- les deux questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus le 2 octobre 2017, et présentées par :

- M. Kodjo Y...,

à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'assises de Seine-et-Marne, en date du 27 janvier 2017, qui, pour assassinat, l'a condamné à vingt deux ans de réclusion criminelle ;

- les deux questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus le 26 octobre 2017, et présentées par :

- M. Youssef Z...,

à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs du Rhône, en date du 7 avril 2017, qui, pour meurtres, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 novembre 2017 où étaient présents : M. Soulard, président, MM. Stephan et Moreau, conseillers rapporteurs, MM Castel, Raybaud, Mme Drai, MM. Guéry, de Larosière de Champfeu, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Moracchini ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur les rapports de MM les conseillers STEPHAN et MOREAU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;

Joignant les questions en raison de la connexité ;

Vu les observations produites ;

Attendu que les questions prioritaires de constitutionnalité présentées par chacun des demandeurs sont ainsi rédigées :

« Les dispositions de l'article 362 du code de procédure pénale, en ce qu'elles n'imposent pas à la cour et au jury de motiver la peine, portent-elles atteinte aux principes de nécessité, de légalité et d'individualisation de la peine, au droit à une procédure juste et équitable et aux droits de la défense, à l'égalité devant la loi et devant la justice, garantis par les articles 6, 7, 8 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que par l'article 34 de la Constitution  »

« Les dispositions de l'article 365-1 du code de procédure pénale, en ce qu'elles n'imposent pas à la cour et au jury de motiver la peine, et, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, interdiraient même une motivation à peine de cassation, portent-elles atteinte aux principes de nécessité, de légalité et d'individualisation de la peine, au droit à une procédure juste et équitable et aux droits de la défense, à l'égalité devant la loi et devant la justice, garantis par les articles 6, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que par l'article 34 de la Constitution  »

Attendu que les articles 362 et 365-1 du code de procédure pénale sont applicables à la procédure et, en ce qu'ils ne prévoient pas l'obligation pour les cours d'assises de motiver les peines qu'elles prononcent, n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Mais attendu que les questions posées présentent un caractère sérieux en ce que, d'une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision 2011-635 DC du 4 août 2011) qu'il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer les règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans le jugement des personnes poursuivies et que l'obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale de cette exigence constitutionnelle, d'autre part, l'obligation pour les juridictions correctionnelles de motiver toute peine, en particulier les peines d'emprisonnement, est susceptible de créer, entre les prévenus et les accusés, une différence de traitement contraire à la Constitution ;

D'où il suit qu'il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les rapporteurs et le greffier de chambre ;