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Décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 - Décision de renvoi CE

M. François G. [Accès aux archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement]
Conformité

CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux

JD

N° 409568

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M. François G.
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M. Stéphane Hoynck
Rapporteur

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M. Edouard Crépey
Rapporteur public

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Séance du 14 juin 2017

Lecture du 28 juin 2017

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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème chambres réunies)

Sur le rapport de la 10ème chambre de la Section du contentieux

Vu la procédure suivante :

M. François G., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 7 décembre 2015 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a rejeté sa demande de communication par dérogation de documents d'archives publiques non librement communicables, a produit un mémoire, enregistré le 21 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1608472 du 2 mars 2017, enregistrée le 5 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur les demandes du requérant, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 213-4 du code du patrimoine.

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61 1 ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de .M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. François G. ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 213-3 du code du patrimoine prévoit que l'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 du même code peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. S'agissant des documents d'archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, l'article L. 213-4 de ce code, qui fait l'objet de la présente demande de question prioritaire de constitutionnalité, prévoit qu'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé peut être signé entre la partie versante et l'administration des archives, et que, pour l'application de l'article L. 213-3, l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole. Cet article prévoit, en outre, à son dernier alinéa, que : « Les documents d'archives publiques versés antérieurement à la publication de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives demeurent régis par les protocoles alors signés. Toutefois, les clauses de ces protocoles relatives au mandataire désigné par l'autorité signataire cessent d'être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire ».

3. M. G. soutient que les dispositions de l'article L. 213-4 du code du patrimoine sont contraires à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles confèrent au mandataire le pouvoir de s'opposer, seul et sans explication, au droit des citoyens d'accéder librement aux archives publiques. Il soutient également que le caractère discrétionnaire du refus opposé par le mandataire joint à la situation de compétence liée dans laquelle se trouve le ministre pour refuser l'accès aux archives publiques concernées dans un tel cas ne permet pas l'exercice du droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

4. Les dispositions de l'article L. 213-4 du code du patrimoine sont applicables au litige dont le tribunal administratif de Paris est saisi. Elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent les articles 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soulève une question qui présente un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 213-4 du code du patrimoine est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. François G. et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au tribunal administratif de Paris.