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Décision n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016 - Observations du Gouvernement

Loi de finances pour 2017
Non conformité partielle - réserve

Paris, le 26 décembre 2016

Observations du Gouvernement
sur la loi de finances pour 2017

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de finances pour 2017.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

* * * *

I/ SUR LA SINCERITE DE LA LOI DE FINANCES

A/ Les députés et les sénateurs auteurs des recours soutiennent que la loi de finances pour 2017 serait insincère.

B/ Ce grief ne pourra qu'être écarté.

1/ Le Conseil constitutionnel juge que la sincérité de la loi de finances de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine (décision n°2013-699 DC, cons. 3).

Contrairement à ce que soutiennent les députés et les sénateurs requérants, les hypothèses économiques sur lesquelles est fondée la loi de finances pour 2017 sont réalistes.

Le Gouvernement a présenté le projet de loi de finances pour 2017 sur la base d'une prévision de croissance pour 2017 de 1,5 %, ce qui était la prévision retenue lors de la présentation du dernier programme de stabilité.

Le Haut Conseil des Finances publiques a estimé que cette hypothèse était optimiste compte tenu des facteurs baissiers qui se sont matérialisés ces derniers mois (atonie persistante du commerce mondial, incertitudes liées au Brexit et au climat politique dans l'Union européenne et dans le monde, conséquences des attentats notamment sur l'activité touristique). Il a ainsi considéré que ce scénario de croissance tendait à s'écarter du principe de prudence qui permet d'assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques.

Néanmoins, comme l'indique le Haut Conseil des Finances publiques, il existe des incertitudes sur l'évolution de la conjoncture internationale. La prévision de croissance pour 2017 a été bâtie sur un impact du Brexit de 0,25 % par l'intermédiaire d'une dégradation de la demande mondiale adressée à la France en raison de la baisse des importations britanniques, d'un ralentissement de la zone euro et d'un moindre dynamisme de l'investissement. Or, les données les plus récentes montrent que les conséquences économiques du référendum britannique devraient être moins importantes à court terme que celles qui étaient initialement envisagées. La croissance du Royaume-Uni au troisième trimestre a ainsi été de 0,5 %. De même, le commerce mondial a montré des signes de dynamisme avec une croissance de +1,5 % en août et une progression dans la plupart des zones et notamment en Europe.

Les députés et les sénateurs requérants mettent en avant l'évolution des prévisions de croissance pour l'année 2016. Cette évolution résulte, pour l'essentiel, d'une légère baisse du PIB au deuxième trimestre (-0,1 %). Si cette baisse a un léger impact sur l'acquis de croissance pour 2017, elle n'a pas amené l'ensemble des institutions à modifier de manière importante la prévision de croissance pour 2017. La prévision du Gouvernement est ainsi quasiment identique à celle de la Commission européenne (1,4 %).

Dans ces conditions, on ne saurait soutenir que les prévisions économiques sur lesquelles était fondée la loi déférée seraient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs reconnu dans le cadre de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale puisque les hypothèses économiques sont communes à ces deux lois (décision n°2016-742 DC, point 6).

2/ Les prévisions de recettes sont également sincères.

Si les sénateurs requérants contestent un certain nombre de mesures ayant un effet budgétaire positif dès 2017, comme la majoration de l'acompte d'impôt sur les sociétés, l'acompte de la majoration de la taxe sur les surfaces commerciales et l'acompte sur le prélèvement forfaitaire, ces mesures ont un impact sur les recettes budgétaires en 2017 et elles ont été présentées dans le projet de loi de finances.

Par ailleurs, le Gouvernement a pris en compte les dernières informations sur l'évolution des recettes. Il a révisé la prévision de croissance pour 2016 dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016. La modification des hypothèses économiques n'a pas eu d'effet significatif sur l'évolution des recettes fiscales au cours de l'exercice. Les ajustements dans les prévisions, découlant de la légère modification des hypothèses initiales, ont bien été traduits dans les recettes de la loi de finances pour 2017.

Au surplus, le Gouvernement a, tout au long de la procédure d'examen du projet de loi de finances au Parlement, ajusté les prévisions de recettes figurant à l'état A annexé pour tenir compte des informations nouvelles et des votes intervenus en cours de débat.

3/ Les évaluations des dépenses sont tout aussi sérieuses.

Le Conseil constitutionnel juge que, compte tenu du fait qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, il ne lui appartient pas d'apprécier le montant des crédits de paiement et des autorisations d'engagement ouverts en loi de finances. Il contrôle que les évaluations de charges ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de nature à fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances (décision n°2011-638 DC, cons. 6).

Si les députés et les sénateurs requérants soutiennent que les crédits du budget de l'Etat seraient insuffisants, ces allégations doivent être rapportées au fait que sur les crédits alloués aux ministères, la dépense de l'Etat connaît une progression sensible entre la loi de finances initiale pour 2016 et la loi de finances pour 2017, à hauteur de 7,4 Md€.

Si les sénateurs et les députés requérants évoquent certaines dépenses qui pourraient connaître une sous-budgétisation, ils évoquent, comme ils l'admettent eux-mêmes, des dépenses pour lesquelles ces débats sont récurrents compte tenu de la nature des dépenses en cause qui rend leur évaluation complexe (opérations extérieures, hébergement d'urgence, contrats aidés).

Ces incertitudes intrinsèques sont en tout état de cause d'une faible ampleur au regard des dépenses de l'ensemble des missions budgétaires de l'Etat et ne pourraient pas remettre en cause les grandes lignes de l'équilibre budgétaire. Le Gouvernement dispose d'ailleurs de marges de gestion au travers des outils de régulation budgétaire lui permettant de faire face à ces risques dans le respect du plafond global des dépenses du budget général.

Si les sénateurs auteurs du recours estiment également que l'évolution de la masse salariale de l'Etat serait « incertaine », ses facteurs d'évolution sont présentés de façon exhaustive et détaillée dans les projets annuels de performance de chaque programme comportant des dépenses de masse salariale. La masse salariale de l'Etat connaîtra ainsi en 2017 une croissance d'environ 4 % (soit environ + 3,2 Md€), notamment du fait de l'augmentation du point d'indice (850 M€), des mesures catégorielles qui représentent un coût de 1,3 Md€ et de l'impact des schémas d'emplois (560 M€).

Concernant la recapitalisation d'entreprises de la filière de l'énergie, celle-ci a également fait l'objet d'une information transparente dans le projet annuel de performance du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ». Ainsi, les 6,4 Md€ de dépenses inscrites sur l'action 1 du programme « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » du compte d'affectation spéciale, la « refondation de la filière nucléaire et accompagnement d'EDF dans sa stratégie de développement » est présentée comme la principale opération de l'année 2017, à travers une augmentation du capital d'AREVA et d'EDF. Le niveau de dépenses de l'Etat et partant, le solde budgétaire de la loi de finances pour 2017, intègrent donc bien ces dépenses.

Le traitement par la comptabilité nationale de ces opérations, et leur éventuelle incidence sur le solde public, n'est en revanche pas encore connu, dans la mesure où elles font encore l'objet de discussion avec la Commission européenne, cette circonstance étant elle-même rappelée dans le projet annuel de performances.

Les députés et les sénateurs requérants mettent également en avant des risques relevés par le Haut Conseil des finances publiques sur les économies prévues sur l'UNEDIC et sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Il convient de rappeler que ces mesures d'économie n'ont pas d'impact sur les dépenses du budget de l'Etat. Elles n'ont d'incidence que sur l'article liminaire de la loi déférée.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a détaillé clairement les mesures d'économie proposées, à hauteur de 4,05 Md€, pour respecter l'objectif national des dépenses d'assurance maladie. Si le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 24 septembre 2016, a relevé qu'il existait des risques sur la réalisation de ces économies, plus importantes que celles réalisées en 2015 et 2016, il n'a pas considéré que cet objectif était irréaliste.

Quant aux mesures d'économie attendues de l'assurance chômage, elles ont été clairement présentées par le Gouvernement dans le cadre de l'article liminaire dont l'objet est « d'assurer l'information du Parlement » (décision n°2012-658 DC, cons. 22).

4/ La loi déférée respecte le principe de l'annualité budgétaire.

En matière de dépenses, l'article 8 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que la loi de finances peut ouvrir des autorisations d'engagement qui donneront lieu à des ouvertures de crédits de paiement sur les exercices suivants. On ne saurait donc reprocher à la loi déférée d'ouvrir des autorisations d'engagement pour des dépenses dont le paiement interviendra sur des exercices postérieurs.

En matière de recettes, l'article 28 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public. La loi déférée présente l'impact des mesures fiscales sur l'exercice 2017 conformément à l'article 1er de la même loi organique. On ne saurait utilement soutenir qu'une loi de finances méconnaîtrait le principe d'annualité budgétaire en raison de l'impact de mesures fiscales sur les exercices ultérieurs. On ne saurait non plus soutenir que la comptabilisation au titre de l'année au cours de laquelle ils sont encaissés, des acomptes versés par les contribuables de certaines impositions serait contraire au principe de l'annualité budgétaire.

De la même manière, est inopérant le grief tiré de ce que la loi de finances pour 2017 méconnaîtrait la trajectoire des finances publiques arrêtée pour 2018 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour 2014-2018. Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, les orientations pluriannuelles définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances (décision n°2012-658 DC, cons. 12).

Le grief tiré de l'insincérité de la loi de finances 2017 ne pourra donc qu'être écarté.

II/ SUR L'ARTICLE 7

A/ L'article 7 instaure un mécanisme anti-abus visant à lutter contre certains détournements du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Les députés requérants estiment que cet article méconnaît l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel. Les sénateurs auteurs du recours considèrent que cet article méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, le principe de légalité des délits et des peines et l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi.

B/ Ces griefs sont infondés.

1/ Cet article ne méconnaît pas l'autorité qui s'attache aux décisions n°2012-662 DC du 29 décembre 2012 et n°2013-685 DC du 29 décembre 2013.

L'article 885 V bis du code général des impôts prévoit un système de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune. Cet impôt est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente et, d'autre part, 75 % du total des revenus de l'année précédente.

Dans sa décision n°2012-662 DC, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions qui intégraient, pour déterminer ce plafonnement, au titre des revenus et produits de l'année précédente, des sommes qui ne correspondaient pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable avait réalisés ou dont il avait disposé au cours de la même année (cons. 95).

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, sur le fondement de l'article 62 de la Constitution, de nouvelles dispositions qui introduisaient à nouveau au dénominateur du plafonnement les bons ou contrats de capitalisation et de placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie (décision n°2013-685 DC, cons. 12).

Les dispositions contestées n'ont pas un objet analogue aux dispositions déclarées contraires à la Constitution par ces décisions.

Elles ne visent pas à définir une règle générale de détermination du plafonnement mais uniquement à éviter les abus consistant, pour des contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, à capitaliser les revenus de capitaux mobiliers qu'elles devraient percevoir pour réduire de manière artificielle les revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement.

Cette stratégie d'optimisation fiscale permet à des contribuables extrêmement fortunés de ne pas acquitter l'impôt de solidarité sur la fortune tout en faisant financer par ces holdings ou par des emprunts les dépenses se rattachant à leur train de vie.

Le dispositif prévu par l'article 7 est donc un mécanisme anti-abus strictement encadré qui s'appuie sur des critères parfaitement clairs et intelligibles.

En premier lieu, il ne s'appliquera qu'aux revenus distribués à une société passible de l'impôt sur les sociétés contrôlées par le redevable si l'existence de cette société et le choix d'y recourir ont pour objet principal d'éluder tout ou partie de l'impôt de la solidarité sur la fortune en bénéficiant d'un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité du plafonnement.

Le dispositif prévu par l'article contesté ne jouera donc qu'en présence d'un montage juridique dont l'objet principal est de minorer l'impôt sur la fortune. Il ne s'appliquera pas aux sociétés holdings qui exercent une véritable activité ou bien qui sont principalement constituées dans un objectif de transmission patrimoniale.

En deuxième lieu, seule sera réintégrée la part des revenus distribués correspondant à une diminution artificielle des revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement.

Ainsi, la somme des dividendes versés ne sera pas intégralement prise en compte dans le calcul du plafonnement. Ne sera prise en compte que la part des dividendes qui auraient normalement dû être directement versés au contribuable pour permettre le financement de son train de vie sans recours à la société holding.

Il appartiendra à l'administration de démontrer que le train de vie courant du contribuable est assuré par l'utilisation des liquidités ou de l'épargne disponible, par le financement par la holding des dépenses se rattachant à son train de vie ou en ayant recours à l'emprunt auprès d'établissements bancaires.

En troisième lieu, les contribuables concernés bénéficieront de garanties procédurales adéquates. En cas de désaccord sur les rectifications, le litige sera soumis aux dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Les contribuables concernés pourront notamment saisir le comité de l'abus de droit fiscal.

Ces dispositions n'ont donc pas pour objet de prendre en compte dans le calcul du plafonnement des produits distribués dont le contribuable ne disposerait pas mais, au contraire, de rétablir dans le calcul du plafonnement des revenus qui auraient dû être distribués en l'absence de recours à un montage artificiel. Cette prise en compte se fera l'année durant laquelle ces revenus auraient dû être perçus et non l'année où ces revenus pourraient éventuellement être versés au contribuable par la société holding.

On ne saurait non plus soutenir que l'article 7 aurait un objet analogue aux dispositions qui modifiaient la définition des actes constitutifs d'un abus de droit, pour retenir que seraient constitutifs d'un abus de droit les actes ayant « pour motif principal » d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait dû normalement supporter (décision n°2013-685 DC, cons. 2015-762 DC, cons. 117 à 119).

Les dispositions contestées ne modifient pas les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Elles se bornent à prévoir une règle anti-abus pour la prise en compte des revenus distribués à une société holding dans le calcul du plafonnement de l'impôt sur la fortune. Le non-respect de ces dispositions n'emporte pas l'application des majorations du b de l'article 1729 du code général des impôts en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion d'écarter un grief analogue à l'encontre d'une disposition d'assiette qui instituait également un dispositif anti-abus spécifique au régime fiscal des sociétés mères pour des dividendes distribués dans le cadre d'un montage mis en place pour obtenir, à titre principal, un avantage fiscal (décision n°2015-726 DC, cons. 12).

On ne saurait donc soutenir, comme le font les députés requérants, que le législateur aurait méconnu l'autorité qui s'attache, en application du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution, aux décisions du Conseil constitutionnel.

2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

Comme il a été indiqué, en adoptant l'article 7, le législateur a entendu mettre fin à des stratégies d'optimisation fiscale abusive détournant le dispositif de plafonnement de l'impôt de la solidarité sur la fortune. En intégrant ainsi dans le calcul du plafonnement des revenus qui auraient dû être distribués au contribuable pour que ce dernier finance son train de vie, le législateur a pris en compte les facultés contributives des redevables concernés.

L'article 7 ne méconnaît donc nullement le principe d'égalité devant les charges publiques. Bien au contraire, en faisant échec à des montages dont le but principal est d'éluder l'impôt de la solidarité sur la fortune par le jeu du plafonnement, le législateur rétablit une égalité de traitement entre les contribuables soumis à cet impôt.

3/ Sur la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

Comme le reconnaissent les sénateurs requérants, l'article 7 ne crée pas une sanction fiscale mais une règle qui s'applique au plafonnement de l'impôt de solidarité. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ne peut qu'être écarté.

L'article 7 est conforme à la Constitution.

III/ SUR L'ARTICLE 12

A/ L'article 12 modifie le régime des acomptes d'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises.

Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que cet article méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques et le principe de nécessité des peines.

B/ Tel n'est pas le cas.

1/ Le I de l'article 1668 du code général des impôts prévoit que l'impôt sur les sociétés donne lieu au versement d'acomptes trimestriels déterminés à partir des résultats du dernier exercice clos.

Pour les grandes entreprises ou les grands groupes qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 250 M€, le calcul du dernier acompte versé le 15 décembre fait néanmoins l'objet de règles particulières afin de tenir compte du résultat de l'exercice en cours. Ainsi, au lieu d'être égal à 25 % de l'impôt sur les sociétés de l'année précédente, le montant du dernier acompte versé au titre de l'exercice est calculé à partir de la différence entre un pourcentage du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de l'exercice en cours et le montant des acomptes déjà versés au titre de l'exercice.

Pour ce calcul du dernier acompte, le pourcentage du montant de l'impôt sur les sociétés estimé au titre de l'exercice en cours varie suivant le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise. Il est de 75 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 M€ et 1 Md€, de 80 % pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 Md€ et 5 Md€ et de 95 % pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 Md€.

L'article 1731 A du code général des impôts prévoit l'application des intérêts de retard et d'une majoration de 5 % sur la différence entre les 75 %, 85 % ou 95 % de l'impôt finalement dû et les 75 %, 85 % ou 95 % du montant de l'impôt estimé pour le versement du dernier acompte sous réserve que l'écart soit supérieur à 20 % du montant dû et à 8 M€ si la société réalise un chiffre d'affaires supérieur à 1 Md€ ou 2 M€ pour un chiffre d'affaires compris entre 250 M€ et 1 Md€. Il prévoit néanmoins que ces dispositions ne s'appliquent pas si le montant d'impôt estimé a été déterminé à partir du compte de résultat prévisionnel révisé du dernier trimestre de l'exercice que les sociétés établissent sur le fondement du code de commerce.

L'article 12 porte les pourcentages utilisés pour le calcul du dernier acompte à 80 % pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 M€ et 1 Md€, 90 % pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 Md€ et 5 Md€ et 98 % pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 Md€.

2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

L'article 12 ne modifie pas l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Il n'alourdit pas la charge fiscale des entreprises concernées. Il se borne, afin de respecter l'objectif de déficit tout en ne diminuant pas l'impôt perçu par l'Etat les années suivantes, à modifier de 5 % ou 3 % la quotité du montant de l'impôt sur les sociétés estimé pour calculer le dernier acompte.

On ne saurait donc soutenir, comme le font les députés et les sénateurs requérants, que cet article imposerait à ces entreprises un impôt sur l'activité projetée et non l'activité réalisée.

Eu égard aux objectifs de trésorerie poursuivis par le dispositif d'ajustement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, ce système a vocation à porter sur les plus grandes entreprises. En fixant des taux différents suivant que le chiffre d'affaires dépasse 250 M€, 1 Md€ ou 5 Md€, le législateur a fondé ce dispositif sur des critères objectifs et rationnels.

3/ Sur la méconnaissance du principe de nécessité des peines.

Comme l'indiquent les députés et les sénateurs requérants, l'article contesté ne modifie pas les dispositions de l'article 1731 A du code général des impôts. Ainsi, pour les sociétés réalisant plus de 5 Md€ de chiffres d'affaires, dont le cas est évoqué par les saisines, les intérêts de retard et la majoration de 5 % ne pourront s'appliquer qu'en cas de différence d'un écart de plus de 20 % et de 8 M€ entre l'impôt sur les sociétés estimé au moment du versement du dernier acompte et l'impôt sur les sociétés finalement dû au titre de l'exercice.

Et, plus fondamentalement, aucune majoration ne pourra s'appliquer lorsque l'impôt sur les sociétés a été estimé à partir du compte de résultat prévisionnel révisé de la société.

Dans ces conditions, on ne saurait soutenir que le législateur aurait dû modifier l'article 1731 A du code général des impôts pour tenir compte de l'élévation du seuil de 98 % pour les plus grandes entreprises.

L'article 12 est conforme à la Constitution.

IV/ SUR L'ARTICLE 21

A/ L'article 21 institue un acompte pour le paiement de la taxe sur les surfaces commerciales lorsque cette taxe fait l'objet de la majoration.

Les députés et les sénateurs requérants estiment qu'en adoptant cet article, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence. Les députés auteurs du recours soutiennent également que cet article méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Les sénateurs requérants soutiennent que cet article méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration de 1789.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

1/ Sur l'incompétence négative et la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

L'article 21 est dénué de toute ambiguïté.

Il prévoit que lorsque le contribuable est redevable de la majoration de la taxe sur les surfaces commerciales, il devra acquitter, en même temps que la taxe, un acompte égal à 50 % du montant de la taxe ainsi majorée.

Il n'y a donc aucune ambiguïté sur le montant de l'acompte qui devra être versé. Celui-ci s'élèvera à 50 % du montant de la taxe de l'année considérée. Il n'y a également aucune ambiguïté sur la date de versement de cet acompte qui devra intervenir en même temps que le versement de la taxe.

Le texte est également dénué de toute ambiguïté sur les modalités d'imputation de cet acompte.

En cas de cessation d'activité au cours de l'année où l'acompte est acquitté, l'acompte s'imputera sur le montant de la taxe qui est alors dû. L'article 6 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés prévoit en effet que la cessation d'exploitation constitue un fait générateur de la taxe.

Dans les autres cas, l'acompte s'imputera sur le montant de la taxe due au titre de l'année suivante. Le législateur a précisé que lorsque le montant de la somme imputable est supérieur au montant de la taxe sur laquelle il s'impute, l'excédent serait restitué.

Ainsi, aucun des cas de figure évoqués par la saisine ne pose de difficultés au regard du texte.

Si la surface commerciale du redevable est supérieure à 2 500 mètres carrés au 1er janvier d'une année et passe en dessous de cette limite au 31 décembre, le redevable acquittera l'acompte, puisqu'il est soumis à la majoration, et bénéficiera probablement l'année suivante d'une restitution d'un faible montant, puisque l'acompte est égal à 50 % de la taxe et qu'il ne sera plus soumis à la majoration.

Si, au contraire, la surface commerciale du redevable est inférieure au seuil de
2 500 mètres carrés au 1er janvier d'une année et passe au-dessus de ce seuil, le redevable n'acquittera pas l'acompte mais sera soumis à la majoration de la taxe l'année suivante.

Par ailleurs, les sanctions applicables en cas de retard ou de défaut de paiement de l'acompte seront celles qui s'appliquent au recouvrement et au contrôle de la taxe elle-même. Or, l'article 7 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés précise que la taxe est recouvrée, contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.

2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

Cet article poursuit un objectif de trésorerie pour l'Etat et les collectivités territoriales. Il permettra à l'Etat de bénéficier d'une recette supplémentaire de 100 M€ en 2017 et aux collectivités territoriales de bénéficier d'une recette supplémentaire de 200 M€.

Le versement d'un acompte ne modifie pas le montant de la taxe sur les surfaces commerciales qui devra finalement être acquitté par le redevable. Il ne s'agit que d'une mesure de recouvrement mais pas d'assiette. Elle ne conduit donc pas à une hausse de la charge fiscale totale mais uniquement à un décalage dans le temps de son paiement.

Le simple fait que le versement de cet acompte intervienne quelques mois avant l'intervention du fait générateur de la taxe ne peut être regardé comme contraire à la Constitution. Le système des acomptes de l'impôt sur les sociétés fonctionne d'ailleurs sur le même principe. Le Conseil constitutionnel a également admis la conformité à la Constitution du versement anticipé de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés qui intervenait avant son fait générateur en constatant que l'impôt dû n'était pas modifié (décision n°2012-654 DC, cons. 46).

Par ailleurs, on ne saurait soutenir qu'en imposant un acompte de 50 % sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales, le législateur ferait supporter une charge excessive aux redevables.

Il y a lieu de relever en premier lieu que le montant de cet acompte, même majoré, reste faible par rapport aux chiffres d'affaires concernés.

Il convient de rappeler que le tarif de la taxe sur les surfaces commerciales s'exprime en euros par mètre carré, selon un barème qui est fonction du chiffre d'affaires par mètre carré. C'est donc le montant des chiffres d'affaires au mètre carré qui détermine le montant de la taxe.

Au moment de la mise en place de la majoration, le Gouvernement avait rappelé que la majoration ne représentait, au total, qu'un montant de 0,16 % du chiffre d'affaires des entreprises concernées. L'impact de l'acompte sera donc du même ordre mais cet acompte sera ensuite récupéré au moment du versement de la taxe.

Il convient en second lieu de souligner que si le fait générateur de la taxe est fixé au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due, son montant dépend, comme il a été dit, du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année précédente. A la date à laquelle l'acompte doit être payé, au plus tard le 15 juin, le contribuable a déjà réalisé une part du chiffre d'affaires qui sera prise en compte pour le calcul de la taxe due au 1er janvier suivant.

Dans ces conditions, on ne saurait soutenir qu'en instituant cet acompte, le législateur ferait supporter une charge excessive aux redevables concernés ou qu'elle créerait un effet de seuil pour ces redevables.

L'article 21 est donc conforme à la Constitution.

V/ SUR L'ARTICLE 33

A/ L'article 14 fixe pour 2017 la dotation globale de fonctionnement et des allocations compensatrices d'exonérations d'impôts directs locaux.

Les députés auteurs du recours soutiennent que cet article porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales et au principe d'égalité devant les charges publiques.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

1/ La loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019 prévoyait de faire contribuer les collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques de 50 Md€ à hauteur de la part des dépenses locales dans la dépense publique totale, soit 11 Md€ d'économies.

Dans l'optique d'offrir aux collectivités territoriales de la visibilité sur les concours financiers qui leur seraient versés, la loi de programmation a prévu que cette contribution serait répartie sur trois ans et qu'elle serait prélevée sur la dotation globale de fonctionnement. Pour 2017, l'effort aurait dû être de 3,7 Md€.

Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2014, il est loisible au législateur de faire contribuer les collectivités territoriales à l'effort de réduction des déficits publics par le biais d'une réduction de la dotation globale de fonctionnement. Une telle réduction n'a pas pour effet de diminuer la part de leurs ressources propres et, partant, de porter atteinte à leur autonomie financière. Mais elle ne doit pas être d'une ampleur telle qu'elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales (décision n°2014-707 DC du 29 décembre 2014, cons. 23).

La loi de finances pour 2017 a ramené la contribution au redressement des finances publiques à 2,63 Md€, sous l'effet de la diminution de moitié de la contribution du bloc communal en 2017. Ce montant est de 1 035,5 M€, réparti à hauteur de 725 M€ pour les communes et de 310,5 M€ pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le montant de la contribution demeure inchangé pour les départements (1 148 M€) et pour les régions (451 M€).

Cela équivaut à une baisse uniforme équivalente à 0,9 % des recettes réelles de fonctionnement des communes, de 0,89 % des établissements publics de coopération intercommunale, de 1,69 % des départements et de 1,73 % des régions.

Il convient néanmoins de relever que les recettes réelles de fonctionnement des collectivités territoriales augmentent globalement en raison du dynamisme de la fiscalité locale. Ainsi, en 2015, en dépit de la baisse de la dotation globale de fonctionnement, les recettes de fonctionnement ont augmenté de 1,7 % pour les communes, de 3,4 % pour les groupements, de 1,1 % pour les départements et de 2 % pour les régions.

Dans ces conditions, on ne saurait soutenir que la baisse de la dotation globale de fonctionnement entraverait la libre administration des collectivités territoriales.

2/ L'article 14 modifie également les règles applicables aux allocations compensatrices d'exonérations d'impôts directs locaux.

L'Etat verse chaque année des allocations pour compenser les pertes de recettes fiscales entraînées par les exonérations ou des réductions d'impôts locaux instituées par la loi. Chaque année, la loi de finances prévoit une minoration des différentes compensations prévues par la loi. Ces minorations permettent notamment de financer l'évolution d'autres compensations d'exonération, comme, cette année, l'exonération de taxe d'habitation pour les personnes modestes, mais aussi l'augmentation de la péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement. Environ la moitié des dotations de compensation d'exonération sont soumises à minoration.
L'article 14 étend l'assiette des compensations qui pourront faire l'objet de minoration aux dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle des régions et départements. Ces dotations sont figées depuis 2011. Elles représentent près de 3 % des recettes des départements et des régions. Mais le produit de l'ensemble des impôts économiques des départements et des régions (cotisation sur la valeur ajoutée, impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux) a augmenté de près de 3 % par an.

L'impact de la minoration ne représentera que 0,36 % des recettes réelles de fonctionnement des départements et 0,30 % pour les régions.

Dans ces conditions, et compte tenu des éléments rappelés ci-dessus, ces dispositions ne peuvent être regardées comme entravant la libre administration des collectivités territoriales.

Le législateur a également prévu aux II septies et II octies de l'article 33 une répartition de la minoration au prorata des recettes réelles de fonctionnement, donnée qui constitue un critère objectif et rationnel de l'effort demandé entre les collectivités. On ne saurait donc prétendre que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre collectivités territoriales.

L'article 33 est conforme à la Constitution.

VI/ SUR L'ARTICLE 60

A/ L'article 60 instaure le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Les députés requérants considèrent que cet article méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques et au droit au respect de la vie privée.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

1/ Sur l'incompétence négative et la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

La définition du taux moyen ne souffre d'aucune ambiguïté.

La réforme du prélèvement à la source se traduira pour le contribuable par l'application aux revenus qu'il perçoit d'un taux moyen, lequel se définit et se calcule comme le rapport entre l'impôt afférent aux revenus concernés par le prélèvement et ces mêmes revenus.

Ce taux pourra être individualisé pour chaque membre du couple, si ces derniers le souhaitent. Il pourra également être actualisé dans divers cas de figure (modulation, changement de situation).

La loi prévoit de façon détaillée les modalités de détermination et de calcul, par l'administration fiscale, de ces divers taux, sans toutefois se départir des principes sur lesquels repose la formule de taux moyen mentionnée plus haut.

Le taux sera calculé par l'administration et uniquement par elle, puis communiqué au contribuable, qui aura connaissance du taux de prélèvement de son foyer et, s'il souhaite exercer cette option, des taux individualisés de chaque membre du foyer.

Le taux de prélèvement calculé par l'administration sera également transmis au collecteur de la retenue à la source qui n'aura pas davantage d'opération à effectuer en la matière. A défaut de taux transmis, le collecteur utilisera une grille de taux moyens fixée par la loi qui s'appliquera en fonction du montant du revenu imposable qu'il verse.

De la même manière, il n'existe aucun doute sur les revenus qui entreront dans le champ du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement.

Lors de l'année de transition, c'est-à-dire en 2018, l'impôt sur le revenu afférent aux revenus non exceptionnels perçus en 2017 inclus dans le champ de la réforme sera annulé par l'intermédiaire d'un crédit d'impôt ad hoc de modernisation du recouvrement (CIMR) de l'impôt sur le revenu. Il est destiné à assurer pour le contribuable, cette année-là, l'absence de double contribution aux charges publiques au titre de l'impôt sur ses revenus non exceptionnels inclus dans le champ des revenus concernés par la réforme.

Au regard de cet objectif, inclure des revenus exceptionnels, c'est-à-dire non susceptibles d'être à nouveau perçus en 2018 et soumis au prélèvement à la source, aurait constitué un effet d'aubaine constitutif d'un risque de rupture d'égalité devant les charges publiques en tant qu'avantage disproportionné.

Dès lors que les revenus relevant de la catégorie des traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de même que les revenus des indépendants, ainsi que les revenus fonciers sont dans le champ du prélèvement et en principe éligibles au CIMR, il est cohérent d'avoir procédé, compte tenu du mode de constitution des revenus qui diffère d'une catégorie de revenus à l'autre, à une définition dans la loi, pour chaque catégorie de revenus, de ceux qui bénéficient du CIMR.

Concernant les revenus relevant de la catégorie des salaires, traitements, pensions et rentes viagères, le C du II de l'article 60, énumère les revenus considérés comme exceptionnels pour le traitement de l'année de transition au travers de 15 alinéas différents.

Les 9 premiers alinéas concernent en particulier des revenus considérés comme exceptionnels pour l'application des dispositions de l'article 163-0-A du CGI, prévues pour l'application du régime dit du quotient, mais qui ne figurent que dans la doctrine fiscale. A cet égard, le C du II de l'article 60 présente par conséquent un degré de précision bien plus élevé que les dispositions existantes en matière de revenus exceptionnels prévus à l'article 163-0-A du code général des impôts.

Pour cette catégorie de revenus (traitements, salaires, pensions et rentes viagères), il a donc été fait le choix d'une liste lisible, indiquant la très grande majorité des revenus devant être considérés comme exceptionnels pour l'application du CIMR, complétée des 14 ° et 15 ° qui reprennent la définition générique de l'article 163-0-A du code général des impôts (CGI).

En ce qui concerne les autres catégories de revenus dans le champ du prélèvement à la source (revenus des travailleurs indépendants, revenus fonciers), les règles de définition des revenus qui pourront bénéficier du CIMR prévues aux D à F du II de l'article 60 sont également très détaillées. Elles ont été élaborées en tenant compte du mode de constitution des revenus spécifique à chacune de ces catégories de revenus.

2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

Contrairement à ce que semblent soutenir les députés requérants, le législateur a prévu des dispositions spécifiques pour éviter que les dirigeants de société puissent arbitrer en faveur d'une rémunération plus élevée en 2017 pour bénéficier, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques, du mécanisme de crédit d'impôt exceptionnel.

Le F du II de l'article 6 prévoit ainsi un dispositif particulier d'appréciation du caractère exceptionnel des salaires perçus par les personnes qui contrôlent des sociétés.

En septembre 2018, lors de la liquidation de l'impôt sur le revenu dû au titre des revenus de 2017, le montant des salaires perçus par les personnes qui contrôlent la société qui les leur verse, ou ceux perçus par leur conjoint ou leurs collatéraux, sera plafonné au montant le plus élevé de ces mêmes salaires perçus en 2014, 2015 ou 2016 pour le bénéfice du CIMR. En d'autres termes, celui-ci ne tiendra pas compte de la fraction supérieure perçue en 2017 qui sera regardée comme un revenu exceptionnel.

Le législateur a néanmoins prévu un certain nombre de dérogations à cette règle notamment pour les contribuables dont le montant des salaires perçus en 2018 serait supérieur ou égal à ceux perçus en 2017.

Le grief manque donc en fait.

3/ Sur le droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel juge que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif (décision n°2012-652 DC, cons. 8).

L'article 60 prévoit la communication par l'administration au débiteur, pour chacune des personnes à qui il verse des revenus, d'un taux de prélèvement à la source correspondant à son dernier taux moyen connu d'imposition des revenus imposés au barème progressif, sur la base de son numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques. Ce taux et le montant prélevé à la source figureront sur le bulletin de paie ou les attestations envoyées aux bénéficiaires des revenus.

La mise en place du prélèvement à la source répond à un motif d'intérêt général en permettant aux contribuables de ne plus subir un décalage d'un an entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt sur le revenu correspondant en évitant qu'un contribuable se trouve en difficulté si ses revenus diminuent.

Mais le Gouvernement et le législateur ont prévu des dispositifs permettant de garantir la protection des données des contribuables qui seront transmises à l'employeur.

En premier lieu, les personnes qui auront connaissance du taux de prélèvement seront tenues au secret professionnel et passibles de sanctions pénales en cas de méconnaissance de leurs obligations, par exemple dans le cadre des relations entre un salarié et son employeur, en cas de divulgation ou d'utilisation non appropriée du taux par le collecteur. Ces données seront couvertes par le secret professionnel prévu à l'article L 103 du livre des procédures fiscales (LPF) en application de l'article L 288 A nouveau du même code. Toute divulgation de ce taux ou détournement de son usage sera passible d'une sanction pénale pouvant aller jusqu'à 300 000 € d'amende et cinq ans d'emprisonnement (création à cet effet de l'article 1753 bis C du CGI).

En deuxième lieu, au sein d'un couple, il sera possible d'opter pour un taux de prélèvement individualisé en fonction du niveau de revenus propre de chacun des membres. Cette option, prévue à l'article 204 M du CGI, permettra l'application aux revenus salariés ou assimilés d'un taux de prélèvement inférieur au taux de prélèvement du foyer pour le membre du couple percevant les revenus les plus faibles

En troisième lieu, le III de l'article 204 H du CGI offre la possibilité pour tout titulaire de traitements et salaires de demander à titre d'option, que l'administration ne communique pas à son employeur le taux de prélèvement de son foyer, pour que celui-ci applique aux revenus qu'il lui verse un taux correspondant au taux moyen d'imposition de ces seuls salaires pour une part de quotient familial. Ce taux, prévu explicitement par la loi en fonction du niveau de rémunération versé, n'est pas susceptible de révéler la composition et le montant global des revenus de son foyer fiscal. L'éventuelle insuffisance de la retenue à la source ainsi opérée sera compensée, par souci d'égalité et afin de préserver les intérêts du Trésor, par le versement direct du contribuable à l'administration fiscale, au fur et à mesure de la perception de ses salaires, du montant du complément de retenue à la source dont ces derniers auraient fait l'objet en application du taux du foyer qui se serait appliqué si le salarié n'avait pas exercé cette option.

Compte tenu de l'ensemble de ces garanties, l'article contesté ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

4/ Sur l'autorité chargée du recouvrement.

Contrairement à ce que qui est soutenu par les députés requérants, les dispositions contestées n'ont ni pour objet, ni pour effet de confier le recouvrement de l'impôt à des personnes qui ne sont ni des services de l'Etat, ni des organismes placés sous son contrôle.

L'article 1671 du CGI prévoit que la retenue à la source doit être effectuée par le débiteur du revenu et que le reversement par ce dernier de la retenue à la source s'effectuera auprès de l'administration fiscale. Son recouvrement sera donc effectué par celle-ci.

Ce mode de recouvrement n'est pas différent de celui de la contribution sociale généralisée. Il s'appuiera également sur la déclaration sociale nominative déjà utilisée par les employeurs. On ne saurait donc soutenir, comme semblent le faire les députés requérants, qu'un dispositif de compensation de charges supportées par les collecteurs de la retenue devrait être mis en place.

L'article 60 est donc conforme à la Constitution.

VII/ SUR L'ARTICLE 61

A/ L'article 61 modifie le régime fiscal et social applicable aux attributions d'actions gratuites.

Les sénateurs auteurs du recours estiment que cet article a été introduit en nouvelle lecture en seconde partie de la loi de finances en méconnaissance des dispositions de l'article 45 de la Constitution.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, plusieurs amendements ont été présentés pour modifier, en première partie du projet de loi de finances, le régime fiscal et social applicable aux attributions d'actions gratuites issu de la loi 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

L'amendement finalement adopté, présenté par la rapporteure générale du budget, a prévu que ces dispositions ne s'appliqueraient qu'aux actions gratuites dont l'attribution a été autorisée par une décision de l'assemblée générale extraordinaire postérieure à la publication de la loi.

Ces dispositions restaient en discussion au moment de l'examen du projet de loi en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale à la suite du rejet du projet de loi par le Sénat.

A la suite de la discussion de la première lecture, ces dispositions n'avaient pas leur place en première partie de la loi de finances puisqu'elles n'affectaient pas l'équilibre budgétaire de l'exercice 2017. Elles ont donc été supprimées en première partie du projet de loi de finances et reprises en deuxième partie lors de l'examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

Il va de soi que les dispositions ainsi reprises étaient en relation directe avec les dispositions adoptées en première lecture.

L'article 61 a donc été adopté à l'issue d'une procédure régulière.

VIII/ SUR L'ARTICLE 63

A/ L'article 63 élargit la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-journalières.

Les sénateurs requérants soutiennent que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en adoptant cet article.

B/ Ce grief ne pourra qu'être écarté.

La taxe sur les transactions financières, instituée par l'article 5 de la loi de finances rectificative pour 2012, est régie par l'article 235 ter ZD du code général des impôts.

Cette taxe impose les acquisitions des titres de sociétés dont le siège social est situé en France, qui sont cotées sur un marché réglementé et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros.

L'article 235 ter ZD prévoit actuellement que la taxe s'applique aux acquisitions qui donnent lieu à un transfert de propriété constaté en fin de journée par l'inscription des titres au compte-titres de l'acquéreur, conformément aux dispositions de l'article L. 211-17 du code monétaire et financier.

Le législateur a souhaité que cette taxe puisse s'appliquer aux transactions intra-journalières à compter du 1er décembre 2018 en supprimant la condition d'appréciation du transfert de propriété fixée par l'article L. 211-17 du code monétaire et financier.

L'article déféré ne modifie pas les règles de recouvrement qui s'appliquent à la taxe sur les transactions financières.

La déclaration, la centralisation et la collecte de la taxe sont déjà définies par l'article 235 ter ZD et reposent sur le dépositaire teneur du compte d'émission des titres. Elles s'appliqueront de la même manière aux opérations intra-journalières et aux opérations impliquant le transfert de propriété du titre.

Pour les titres cotés en France, s'il n'y a pas de livraison du titre, le redevable de la taxe liquidera la taxe auprès du dépositaire chargé de la gestion de ces titres et lui fournira des informations sur leur acquisition.

Quand la transaction intra-journalière portera sur un titre émis sur un marché réglementé étranger, les opérations de recouvrement reposeront sur une base déclarative auprès de l'administration fiscale, comme c'est déjà le cas sous l'empire de la législation en vigueur s'agissant de transactions portant sur un tel titre lorsqu'elles donnent lieu à transfert de propriété.

L'extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-journalières présente un certain nombre de difficultés techniques, ce qui a justifié qu'elle ne s'applique qu'à compter du 1er janvier 2018.

Le législateur a donc prévu qu'un décret viendrait préciser les dispositifs d'échanges d'informations avec le dépositaire qui permettront de rendre le recouvrement de la taxe effectif.

IX/ SUR L'ARTICLE 78

A/ L'article 78 renforce les outils de lutte contre l'optimisation fiscale en prévoyant l'application de l'impôt sur les sociétés aux sociétés multinationales qui exercent une activité en France.

Les sénateurs auteurs du recours estiment qu'en adoptant cet article, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

Cet article institue un dispositif qui s'ajoute aux mesures de droit interne existantes. Il crée un présomption d'imposition à l'impôt sur les sociétés des bénéfices réalisés par une entreprise étrangère au moyen d'entités qu'elle contrôle et qui opèrent en France.

Cette présomption jouera quand la personne morale étrangère détient directement ou indirectement, plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entreprise ou de l'entité juridique ou quand l'entité qui opère en France est placée sous le contrôle de la personne morale, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

Les revenus réputés imposables correspondront au bénéfice qui aurait résulté des activités réalisées en France en l'absence de montage artificiel destiné à détourner des bénéfices dans des pays étrangers aux fins de contourner la législation fiscale.

L'impôt acquitté localement par la personne morale domiciliée ou établie hors de France sera imputable sur l'impôt établi en France, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés et, s'il s'agit d'une entité juridique, dans la proportion des actions, parts ou droits financiers détenus par la personne morale domiciliée ou établie hors de France.

Il s'agira néanmoins d'une simple présomption.

La personne morale établie hors de France pourra démontrer que les activités litigieuses ont principalement un objet et un effet autres que celui de se soustraire à tout ou partie de l'imposition en France, en apportant la preuve du caractère réel, normal, non exagéré et non dépourvu de substance économique des opérations réalisées.

Pour les personnes morales établies dans un État membre de l'Union européenne, la présomption ne jouera pas si les activités litigieuses ne peuvent être regardées comme constitutives d'un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale française.

X/ SUR L'ARTICLE 105

A/ L'article 105 instaure une procédure de signalement des achats exposés au risque de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.

Les sénateurs auteurs du recours considèrent que cet article méconnaît le principe de proportionnalité des peines et qu'en l'adoptant, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

B/ Ces griefs sont infondés.

1/ Le législateur a souhaité mettre en place un système de signalement électronique rapide des achats les plus importants effectués par les entreprises à des fournisseurs pour mettre un terme à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.

Ce signalement sera effectué par les personnes assujetties par voie électronique dans les vingt-quatre heures suivant l'inscription en comptabilité d'un achat d'un bien ou d'un service. Il sera obligatoire pour les achats de biens dont le montant excède
863 000 euros ou dont la somme excède cette limite pour un même vendeur sur une période de trois mois.

Le défaut de signalement entraînera, pour chaque achat non signalé, une amende égale à 1 % de la partie du montant à signaler qui excède la limite de 863 000 euros.

2/ Sur le principe de proportionnalité des peines.

Si le Conseil constitutionnel a jugé qu'en prévoyant une amende proportionnelle pour un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur avait instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il avait entendu réprimer, cette jurisprudence portait sur une amende fixée en pourcentage des soldes créditeurs d'un compte non déclaré en méconnaissance des dispositions du code général des impôts (décision n°2016-554 QPC du 22 juillet 2016, cons. 7).

Les dispositions en litige prévoient certes une amende proportionnelle à un simple manquement à une obligation déclarative mais cette amende ne portera pas sur la totalité du montant des achats non déclarés mais seulement sur la partie du montant à signaler qui dépassent la limite de 863 000 euros.

Et, comme l'ont rappelé les auteurs de cet amendement, cette procédure de signalement doit permettre de mettre un terme à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dont la Commission européenne évalue à 10 milliards d'euros par an le coût pour nos recettes fiscales.

3/ Sur la méconnaissance du principe de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Le 1 ° définit les modalités du signalement. Il prévoit notamment que le signalement sera obligatoire pour les achats de biens dont la somme excède le seuil de 863 000 euros sur une période de trois mois. Si l'absence de détermination de cette période de référence se heurtait à des difficultés concrètes d'application pour les entreprises concernées, cette notion pourra être précisée par décret, le pouvoir réglementaire étant compétent pour préciser les modalités d'application de la loi.

Le 2 ° permet de sécuriser les redevables qui auront procédé au signalement des achats exposés au risque de fraude sur la taxe sur la valeur ajoutée. L'article 272 ne permet pas la déduction de la TVA lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ou de cette prestation. De la même manière, l'article 283 prévoit que l'assujetti en faveur duquel a été effectuée une livraison de biens et qui savait ou ne pouvait ignorer que tout ou partie de la taxe ne serait pas reversée de manière frauduleuse était solidairement tenu d'acquitter la taxe.

Dorénavant, ces dispositions ne seront pas applicables si le signalement des achats a été effectué sauf si l'acquéreur s'est prêté, comme auteur ou complice, à des manœuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie.

Les griefs articulés contre l'article 105 ne sont donc pas fondés.

* * * *

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.