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Décision n° 2016-619 QPC du 16 mars 2017 - Décision de renvoi CE

Société Segula Matra Automotive [Sanction du défaut de remboursement des fonds versés au profit d'actions de formation professionnelle continue]
Conformité - réserve

Conseil d'État

N° 403559
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 403559.20161209
Inédit au recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public

lecture du vendredi 9 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Segula Matra Automotive, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2016 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a fait obligation à la société Segula Matra Technologie, aux droits de laquelle elle vient, de verser au Trésor public la somme de 544 323 euros faute pour celle-ci de justifier du remboursement, dans le délai prescrit, à l'organisme paritaire collecteur agréé dont elle relève, des sommes qui lui avaient été versées par ce dernier pour le financement d'actions de formation professionnelle conduites par elle dont elle ne justifiait pas de la réalité, a produit un mémoire, enregistré le 23 février 2016 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1602817 du 15 septembre 2016, enregistrée le 16 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président de la 3ème section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Segula Matra Automotive, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 6362-7-1 du code du travail.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et un mémoire, enregistré le 4 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Segula Matra Automotive soutient que l'article L. 6362-7-1 du code du travail, applicable au litige, méconnaît l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et est entaché d'une incompétence négative du législateur affectant par elle-même les droits de la défense garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le droit de propriété protégé par l'article 17 de cette Déclaration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code du travail, notamment son article L. 6362-7-1 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-7-1 du code du travail, applicable aux employeurs qui ne peuvent justifier de la réalité d'actions de formation qu'ils conduisent avec le financement de l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, Pôle emploi ou les organismes agréés pour collecter ou gérer les fonds de la formation professionnelle continue ainsi qu'aux organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue qui ne peuvent justifier de la réalité de ces actions : « En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / À défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués » ;

3. Considérant que l'article L. 6362-7-1 du code du travail est applicable au litige dont est saisi le tribunal administratif de Paris ; que cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 6362-7-1 du code du travail est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Segula Matra Automotive et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au tribunal administratif de Paris.