Décision n° 2016-587 QPC du 14 octobre 2016 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 399513
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 399513.20160720
Inédit au recueil Lebon
3ème et 8ème chambres réunies
Mme Célia Verot, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
Lecture du mercredi 20 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et MmeA..., à l'appui de leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ont produit des mémoires, enregistrés les 15 février et 8 mars 2016 au greffe du tribunal administratif de Nancy, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.
Par un jugement n° 1600181 du 28 avril 2016, enregistré le 4 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Nancy, avant qu'il soit statué sur la demande de M. et MmeA..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du c) du V de l'article 151 septies A du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que le I de l'article 151 septies A du code général des impôts prévoit l'exonération des plus-values professionnelles, réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, aux conditions, notamment, que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, que la cession de l'activité soit réalisée à titre onéreux et porte sur une entreprise individuelle ou sur l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société ou d'un groupement dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu et considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession au sens du I de l'article 151 nonies, que le cédant cesse toute fonction dans l'entreprise et fasse valoir ses droits à la retraite, dans les deux années suivant ou précédant la cession ; qu'en vertu du V du même article, ce régime d'exonération des plus-values professionnelles est appliqué à l'indemnité compensatrice qui est versée à un agent général d'assurances, exerçant à titre individuel, par la compagnie d'assurances qu'il représente à l'occasion de la cessation de son mandat, aux conditions suivantes : « a) Le contrat dont la cessation est indemnisée doit avoir été conclu depuis au moins cinq ans au moment de la cessation ; b) L'agent général d'assurances fait valoir ses droits à la retraite à la suite de la cessation du contrat ; c) L'activité est intégralement poursuivie dans les mêmes locaux par un nouvel agent général d'assurances exerçant à titre individuel et dans le délai d'un an. » ;
3. Considérant que ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel ;
4. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que ces dispositions du c) du V de l'article 151 septies A du code général des impôts entraînent une rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques en méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors qu'elles subordonnent, pour les agents d'assurance auxquels est versée, lors de leur cessation d'activité, une indemnité compensatrice par la compagnie d'assurance qu'ils représentent, le bénéfice de l'exonération de la plus-value réalisée à cette occasion à une condition de reprise de l'activité dans les mêmes locaux, tandis qu'une telle condition n'est pas imposée par les dispositions du I de l'article 151 septies A aux autres professionnels pour l'exonération des plus-values réalisées à l'occasion de leur cessation d'activité ; qu'ils soutiennent que cette différence de traitement n'est pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi, et ne repose pas sur un critère objectif et rationnel ;
5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée par M. et Mme A...présente un caractère sérieux et il y a donc lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du c) du V de l'article 151 septies A du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et MmeA..., au Premier ministre, au ministre des finances et des comptes publics et au tribunal administratif de Nancy.