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Décision n° 2016-553 QPC du 8 juillet 2016 - Décision de renvoi CE

Société Natixis [Application du régime fiscal des sociétés mères aux produits de titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote II]
Non conformité totale

Conseil d'État
N° 397316
ECLI : FR : CECHR : 2016 : 397316.20160518
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public

Lecture du mercredi 18 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistré le 24 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Natixis a demandé au Conseil d'Etat d'annuler le paragraphe n° 60 de l'instruction référencée BOI-IS-BASE-10-10-20 en date du 12 septembre 2012 en tant qu'il prévoit d'exclure du bénéfice du régime mère fille les produits des titres auxquels ne sont pas attachés de droits de vote.

A l'appui de cette requête, la société Natixis a, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, demandé au Conseil d'Etat, par un mémoire distinct et un mémoire en réplique enregistrés les 26 février et 4 avril 2016, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 ;
- la loi n° 2005-1720 du 30 décembres 2005 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-520 QPC du 3 février 2016 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 39 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, que sont exclus du bénéfice du régime fiscal des sociétés mères « les produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote, sauf si la société détient des titres représentant au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice » ;

3. Considérant que ces dispositions sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que si, par l'article 1er de sa décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 104 de la loi du 30 décembre 1992 de finances pour 1993, aux termes desquelles ont été exclus du bénéfice du régime fiscal des sociétés mères « les produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote », il ne s'est pas prononcé sur ces dispositions dans leur rédaction issue l'article 39 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par la société Natixis ;

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 39 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la société Natixis jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Natixis et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre.