Contenu associé

Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 - Observations du Gouvernement

Loi de modernisation de notre système de santé
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de modernisation de notre système de santé.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

***

I/ SUR L'ARTICLE 22

A/ L'article 22 interdit les arômes et les additifs dans les cigarettes, le tabac à rouler, les filtres et le papier à cigarettes. Il prévoit l'interdiction des capsules contenant des arômes dès 2016.

Les députés requérants soutiennent que cet article méconnaît les dispositions de la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014

B/ Un tel grief ne saurait prospérer.

1/ Comme l'indiquent les députés requérants, l'article 22 procède à la transposition des dispositions de l'article 7 de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes.

Les dispositions de cet article imposent aux Etats membres d'interdire la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant. Le paragraphe 14 de cet article prévoit néanmoins que ces dispositions ne s'appliqueront qu'à compter du 20 mai 2020 pour les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l'échelle de l'Union représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée.

L'article 22 de la loi déférée se borne à assurer la transposition de ces dispositions de la directive du 3 avril 2014 qui sont inconditionnelles.

Or, en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel juge qu'il n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive de l'Union européenne. En effet, dans un tel cas, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne (voir en dernier lieu, décision n°2014-690 DC, 13 mars 2014, cons. 30 à 32).

2/ Au demeurant, le paragraphe 14 de l'article 7 prévoit un délai d'entrée en vigueur différent pour les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, qui sont visés aux paragraphes 1 à 5 de cet article, et pas pour les produits du tabac contenant des arômes dans l'un de leurs composants, tels que les capsules placées dans les filtres des cigarettes, qui sont visés au paragraphe 7.

Cette interprétation, préconisée par la Commission européenne dans une note du 14 décembre 2015, a déjà été mise en œuvre par la Hongrie et la Finlande qui ont déjà transposé les dispositions de l'article 7 de la directive en interdisant les arômes dans les capsules dès 2016.

II/ SUR LES ARTICLES 23 ET 27

A/ L'article 23 prévoit notamment une interdiction de la publicité pour les produits du tabac à l'intérieur des bureaux de tabac. L'article 27 instaure la neutralité des emballages de cigarettes et de tabac à rouler.

Les députés et les sénateurs auteurs des saisines estiment que l'article 27 a été introduit en méconnaissance des dispositions de l'article 44 de la Constitution et en méconnaissance de la procédure d'adoption et de présentation des projets de loi prévue à l'article 39, qu'il est entaché d'incompétence négative et que, combiné avec l'interdiction prévue à l'article 23, il porte atteinte au droit de propriété des fabricants de tabac. Les députés requérants font également valoir que ces deux articles portent atteinte à la liberté d'entreprendre.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

1/ Sur la procédure d'adoption

Le Conseil constitutionnel juge que les griefs tirés de la méconnaissance des exigences relatives aux projets de loi concernant leur présentation sont inopérants à l'encontre d'articles introduits par voie d'amendement (Décision n°2010-618 DC, cons. 8).

Et le fait que les dispositions de l'article 27 aient été introduites par amendement du Gouvernement, conformément à l'article 44 de la Constitution, ne peut être regardé comme ayant altéré la clarté et la sincérité des débats. La question du paquet neutre a été amplement débattue pendant l'examen de la loi qui s'est déroulée de mars à décembre 2015.

Ce grief ne pourra donc prospérer.

2/ Sur l'atteinte au droit de propriété

Le Conseil constitutionnel juge qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelle ou justifiées par l'intérêt général à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le droit pour le propriétaire d'une marque de cigarettes d'utiliser celle-ci et de la protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France entrait dans le champ de la protection constitutionnelle du droit de propriété. Mais il a constaté que la prohibition de la publicité en faveur du tabac ne procédait pas à un transfert de propriété qui entrerait dans le champ des prévisions de l'article 17 de la Déclaration de 1789. Et il a également constaté que cette interdiction ne portait pas une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit des marques au regard de l'objectif poursuivi qui trouve son fondement dans le principe constitutionnel de protection de la santé publique garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (décision n°90-283 DC du 8 janvier 1991, cons. 7 à 11).

L'instauration du paquet neutre et l'interdiction de la publicité pour le tabac dans les débits de tabac s'inscrivent dans le cadre des principes posés par le Conseil constitutionnel.

Les dispositions contestées ne procèdent pas plus à un transfert de propriété des marques appartenant aux fabricants de cigarettes. Ces sociétés pourront continuer à utiliser le nom de leur marque sur leurs paquets. Ces marques continueront à être protégées à l'égard des tiers. Les représentations figuratives pourront d'ailleurs continuer à être utilisées par les fabricants de tabac dans leurs relations avec des professionnels.

Si elles renforcent les limitations aux conditions d'utilisation des marques, ces dispositions sont proportionnées à l'objectif de protection de la santé poursuivi par le législateur.

La consommation de tabac engendre 78 000 morts par an, soit 14 % des décès en France et constitue la première cause de mortalité évitable. Le tabac tue vingt fois plus que les accidents de la route. Il constitue également la première cause de cancer.

Malgré les différentes actions menées depuis de nombreuses années, la consommation de tabac reste en France à des niveaux préoccupants. Les derniers résultats du baromètre santé pour 2014 montrent que 34 % des Français de 15 à 75 ans sont fumeurs et que 28,2 % fument tous les jours, soit 13,2 millions de personnes. Parmi les hommes de 20 à 44 ans, les niveaux de tabagisme quotidien sont proches de 40 %. Parmi les femmes de 20 à 54 ans, presqu'un tiers fume quotidiennement.

Et l'entrée dans le tabagisme reste extrêmement importante parmi les jeunes. En 2014, près de 7 adolescents de 17 ans sur dix ont déjà fumé une cigarette. L'usage quotidien du tabac continue de progresser dans cette population, passant de 31,5 % en 2011 à 32,4 % en 2014. Cette augmentation résulte principalement d'une progression chez les filles (+1,7 point). Plus de 6 % des filles et 9 % des garçons fument plus de 10 cigarettes par jour. Ce sont chaque année 250 000 jeunes qui commencent à fumer.

L'instauration du paquet neutre permettra d'améliorer cette situation.

Le « conditionnement » du paquet de cigarettes est utilisé par les industriels du tabac pour conférer à leurs marques une image positive et attirer de nouveaux consommateurs. Cette dimension est un élément important de la stratégie mise en œuvre par les industriels pour conquérir de nouveaux consommateurs. Des recherches ont confirmé que les logos, les visuels et les couleurs présents sur les paquets de cigarettes suffisent pour rappeler aux consommateurs l'univers des marques de tabac.

Face à cette influence du conditionnement, le paquet neutre est une mesure efficace permettant de réduire la prévalence du tabac.

Plus de 60 études ont été réalisées afin de tester l'intérêt du paquet neutre dans une politique globale de lutte contre le tabagisme. Selon ces recherches, celui-ci permet d'améliorer la visibilité, la mémorisation et l'efficacité des avertissements sanitaires, d'éviter la désinformation des consommateurs quant à la réelle dangerosité du tabac, d'augmenter l'envie d'arrêter de fumer et de diminuer la consommation. Concernant les adolescents, le paquet neutre ne donne pas envie d'être acheté ni de commencer à fumer, supprime la fonction marketing de l'emballage, réduit l'attractivité de la marque et rend moins séduisant l'acte de fumer.

Les chercheurs soulignent que le paquet neutre est d'autant plus efficace qu'il est combiné à des avertissements sanitaires visuels de grande taille qui suscitent des émotions négatives et motivent les fumeurs à arrêter ou diminuer leur consommation de tabac.

Les études menées en Australie depuis la mise en place du paquet neutre en décembre 2012 démontrent les éléments suivants :

Concernant les fumeurs adultes :
-ils ont davantage arrêté de fumer, sont davantage motivés à arrêter de fumer, ont plus fréquemment écrasé une cigarette qu'ils avaient commencé à fumer ;
-ils réagissent davantage aux avertissements sanitaires insérés sur des paquets
neutres : davantage remarqués, ces messages leur rappellent les méfaits du tabac ;
-ils ont plus appelé la ligne d'aide à l'arrêt du tabac : les appels vers la ligne australienne ont augmenté de 78 % avec la mise en place des paquets neutres et les appels ont duré plus longtemps que par le passé .
Concernant les adolescents : Une étude réalisée auprès d'adolescents fumeurs et non-fumeurs âgés de 12 à 17 ans démontre que les paquets neutres ont significativement réduit l'attractivité tant du paquet de cigarettes que des marques de tabac .

Concernant la consommation en Australie : Alors que l'Australie bénéficiait déjà d'une prévalence tabagique parmi les plus basses au monde, une poursuite de la diminution a été constatée entre 2010 (15,1 % de consommation quotidienne chez les 14 ans et plus) et 2013 (12,8 %). Celle-ci correspond à une diminution du niveau de consommation quotidienne de tabac de 15 % en trois ans .

Le nombre de cigarettes fumées par semaine par les fumeurs a diminué de 14 % : de 111 cigarettes en 2010 à 96 cigarettes en 2013.

Concernant les jeunes, il a été constaté que :
- la proportion des 18-24 ans qui n'ont jamais fumé a augmenté de 7 % : de 72 % en 2010 à 77 % en 2013 ;
- l'âge moyen de la première cigarette des 14-24 ans a reculé (de 15,4 ans en 2010 à 15,9 ans en 2013).

Compte tenu de leur contribution à la protection de la santé publique, l'instauration du paquet neutre et l'interdiction de la publicité pour le tabac dans les débits de tabac ne peuvent être regardés comme portant une atteinte disproportionnée au droit d'usage des marques des fabricants de tabac.

3/ Sur l'atteinte à la liberté d'entreprendre

Compte tenu des effets de ces dispositions en matière de santé publique, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le respect de la liberté d'entreprendre des fabricants de tabac et des buralistes et la protection de la santé, prévue par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Il convient, à cet égard, de rappeler que l'activité liée au tabac des débitants, sans être négligeable, est complémentaire d'autres activités. Ainsi, le pourcentage du chiffre d'affaires hors taxes des débitants représenté par les ventes de tabac s'élève à 21,6 % pour les débits qui exercent également une activité de café et à 30,6 % pour les autres débits (« tabacs » et « tabacs-presse »).

4/ Sur l'incompétence négative

Le législateur a pleinement exercé sa compétence en prévoyant que les unités de conditionnement et les emballages seraient neutres et uniformisés.

Il appartient au pouvoir réglementaire de fixer, comme le législateur l'a prévu, les conditions de mise en œuvre de ces principes en définissant les formes, les tailles, les couleurs et les modalités d'inscription des marques sur les paquets et les emballages.

L'article 23 est donc conforme à la Constitution.

III/ SUR LES ARTICLES 41 ET 43

A/ L'article 41 est relatif à la politique de prévention des risques et des dommages en direction des usagers de drogue. L'article 43 prévoit une expérimentation de salles de consommation à moindre risque pour les usagers de drogue.

Les députés auteurs de la saisine estiment que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi en ne définissant pas avec suffisamment de précision les actes qui échapperont à toute incrimination pénale et en renvoyant à un décret les modalités d'application de cet article. Ils considèrent également que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1/ Sur la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et l'incompétence négative

Le législateur a précisément énuméré les actions qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue.

Outre la participation à l'analyse sur les usages en matière de transformation et de consommation de drogue, ces actions comprennent la délivrance d'informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de drogue, l'orientation des usagers de drogue vers les services sociaux et les services de soins généraux pouvant assurer leur prise en charge, la distribution des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques, la promotion et la supervision des comportements et des procédures de prévention des risques.

A cet égard, il convient de relever que la notion de supervision ne souffre d'aucune ambiguïté. Cette supervision consiste à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation de drogue. Mais elle ne peut, en aucun cas, comporter une participation active aux gestes de consommation qui restent, en tout état de cause, interdits en dehors des salles de consommation.

Le législateur a donc clairement défini les actions autorisées par la loi qui ne pourront entraîner la responsabilité pénale des intervenants de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue, qu'il s'agisse des personnes travaillant dans les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, des professionnels de santé ou des membres d'associations humanitaires intervenant dans l'aide aux usagers de drogue.

Le décret en Conseil d'Etat, qui fixe les modalités d'application de l'ensemble du chapitre premier du titre premier du livre quatrième, ne pourra étendre le champ de ces actions.

2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi

Comme indiqué précédemment, dans le cadre de l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque, le législateur a prévu que le professionnel intervenant à l'intérieur d'une de ces salles et qui agit conformément à sa mission de supervision ne pourra être poursuivi. Il en ira de même pour la personne qui détient pour son seul usage personnel et consomme des stupéfiants dans cette salle.

Le Conseil constitutionnel juge qu'en toute matière, y compris en matière pénale, le Parlement peut autoriser, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi dès lors qu'il en définit de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et qu'il ne méconnaît pas les autres exigences de valeur constitutionnelle (décision n°2011-635 DC du 4 août 2011, cons. 19).

Tel est le cas en l'espèce.

La mise en œuvre des salles de consommation à moindre risque a pour objet de réduire les risques des usagers de drogue et de les faire entrer dans un circuit de prise en charge sanitaire. Le législateur a précisément fixé le champ de cette expérimentation ainsi que sa durée. Il a également défini avec précision les cas dans lesquels les poursuites ne pourraient être encourues, conformément au principe de légalité des délits et des peines.

Compte tenu du choix d'expérimentation poursuivi par le législateur, on ne peut utilement soutenir que cet article méconnaîtrait le principe d'égalité entre les usagers de drogue suivant qu'ils utilisent les salles de consommation à moindre risque ou pas.

3/ Sur la méconnaissance des engagements internationaux de la France

Un tel grief est inopérant (décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975).

Au demeurant, l'expérimentation prévue par le législateur n'a ni pour objet, ni pour effet de méconnaître les conventions internationales auxquelles la France est partie. L'expérimentation prévue par le législateur ne remet nullement en cause l'existence de l'infraction de détention de stupéfiants. On relèvera d'ailleurs qu'il existe des centres de consommation à moindre risque dans des Etats parties aux mêmes conventions. Ainsi, l'Allemagne, la Suisse, le Luxembourg, le Canada, l'Espagne, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark ont mis en place de telles salles.

Ces articles sont conformes à la Constitution.

IV/ SUR L'ARTICLE 82

A/ L'article 82 supprime le délai de sept jours imposé au médecin pour accepter la confirmation écrite d'une demande d'interruption de grossesse.

Les sénateurs auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe selon lequel toute intervention chirurgicale doit être précédée d'un délai de réflexion.

B/ Ces critiques sont infondées.

A titre liminaire, le Gouvernement estime qu'aucun principe constitutionnel n'impose au législateur de fixer dans la loi un délai minimal qui s'imposerait au patient et au médecin avant toute intervention chirurgicale.

Au demeurant, l'article contesté ne remet pas en cause l'équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 (décision n°2001-446 DC, cons. 5).

Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, les dispositions de la loi du 17 janvier 1975 réservent à la femme le soin d'apprécier seule si elle se trouve dans une situation justifiant le recours à une interruption volontaire de grossesse dans le délai légal (décision n°2014-700 DC du 31 juillet 2014, cons. 4).

Le code de la santé publique prévoit qu'une interruption volontaire de grossesse ne peut intervenir qu'à l'issue d'une procédure comprenant deux consultations.

Lors de la première consultation, conformément à l'article L. 2212-3 du code de la santé publique, la femme qui sollicite un médecin en vue de l'interruption de sa grossesse est informée des méthodes médicales et chirurgicales d'interruption de grossesse et des risques et effets secondaires potentiels. Le médecin lui remet également un dossier-guide spécifique. Le consentement de la femme est recueilli lors d'une deuxième consultation au cours de laquelle le médecin doit lui demander une confirmation écrite.

L'article contesté ne modifie en rien les obligations d'information qui s'imposent aux médecins.

En supprimant le délai de réflexion obligatoire de sept jours entre la première et la deuxième consultation, le législateur a entendu permettre aux femmes qui prennent la décision de recourir à une interruption volontaire de grossesse le soin de fixer, avec le médecin, leur propre de délai de réflexion.

L'article 82 est donc conforme à la Constitution.

V/ SUR L'ARTICLE 83

A/ L'article 83 prévoit la généralisation du tiers-payant.

Les députés auteurs de la saisine soutiennent que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Les sénateurs requérants estiment que cet article porte atteinte à la liberté d'entreprendre.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

1/ Sur l'incompétence négative

Le législateur a pleinement exercé sa compétence en prévoyant les modalités de généralisation progressive du mécanisme de tiers-payant

Les professionnels de santé exerçant en ville pourront décider d'appliquer le tiers payant aux bénéficiaires de l'assurance maladie atteints d'une affection de longue durée et aux bénéficiaires de l'assurance-maternité à compter du 1er juillet 2016 sur la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire. Cette faculté deviendra une obligation à compter du 31 décembre 2016.

Ces professionnels pourront décider d'appliquer le tiers payant à l'ensemble des bénéficiaires de l'assurance maladie sur la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie obligatoire et sur celle couverte par leur organisme d'assurance maladie complémentaire à compter du 1er janvier 2017. Cette faculté deviendra une obligation à compter du 30 novembre 2017.

Les professionnels de santé concernés sont parfaitement identifiés. L'article L. 1111-15 du code de la santé publique distingue ainsi déjà les professionnels de santé exerçant en ville et les professionnels exerçant en établissement de santé.

Ces nouvelles obligations ne sont nullement contradictoires avec les dispositions de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale relatives à la gestion des conditions d'exercice de la médecine générale par des conventions nationales. En effet, il appartiendra aux partenaires conventionnels de définir les modalités de mise en œuvre de l'obligation posée par le législateur et notamment d'arrêter les modalités techniques de transmission des informations nécessaires pour éviter toute charge administrative supplémentaire pour les médecins.

Elles ne sont pas plus contradictoires avec les dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale qui prévoient un paiement direct des honoraires par le malade. En effet, ces dispositions resteront applicables pendant la période de déploiement du tiers-payant puis, après sa généralisation, au paiement de la part des honoraires qui ne seraient pas pris en charge par l'assurance maladie obligatoire et les organismes d'assurance maladie complémentaire.

2/ Sur l'atteinte à la liberté d'entreprendre

Le Conseil constitutionnel juge de manière constante qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

Il convient de souligner que l'instauration du tiers payant ne constitue qu'une modalité d'organisation du système de santé et de l'assurance maladie. Il ne modifie pas substantiellement les conditions d'exercice des professionnels de santé concernés.

La généralisation du tiers payant contribue au respect de l'exigence constitutionnelle de protection de la santé en améliorant l'accès aux soins. Une enquête sur la santé et la protection sociale, réalisée en 2014 par l'IRDES, montre qu'entre 22,9 % et 37 % des assurés dont le revenu est inférieur à 2 120 € par mois (soit 80 % de la population) ont renoncé à au moins un soin pour des raisons financières en 2012.

En généralisant le tiers-payant, le législateur n'a donc porté aucune atteinte à la liberté d'entreprendre.

L'article 83 est donc conforme à la Constitution.

VI/ SUR L'ARTICLE 99

A/ L'article 99 réinscrit la notion de service public hospitalier dans le code de service public et redéfinit les missions des établissements de santé assurant le service public hospitalier. Le 4 ° de l'article L. 6111-2 du code de santé publique prévoit notamment que les établissements de santé participant au service public hospitalier ne peuvent facturer de dépassements de tarifs.

Les députés et les sénateurs auteurs des saisines estiment que ces dernières dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre établissements publics et établissements privés et qu'elles portent atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre des établissements privés.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

1/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité

Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions contestées ne traitent en aucun cas de manière différente les établissements publics et les établissements privés de santé.

L'article L. 6112-3 du code de la santé publique prévoit que tous les établissements de santé privés, y compris les établissements privés commerciaux, peuvent participer au service public hospitalier sous réserve de respecter un certain nombre de conditions, dont l'absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative.

Cette condition s'appliquera de la même manière aux établissements publics qu'aux établissements privés.

Si le code de la santé publique autorise les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé à exercer une activité libérale, ce que le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution (décision n°86-225 DC du 23 janvier 1987, cons. 23 et 24), ce droit personnel est sans rapport avec l'obligation qui impose aux établissements publics de santé de proposer à tout patient la possibilité de se faire soigner sans dépassement d'honoraires.

L'activité libérale des praticiens hospitaliers reste d'ailleurs marginale. Elle ne concerne qu'un faible nombre de praticiens. En 2013, 4 579 praticiens hospitaliers exerçant à temps plein étaient autorisés à exercer une activité libérale sur 63 300 médecins salariés des hôpitaux, soit environ 7 %. Et parmi eux, 1 957 praticiens hospitaliers à temps plein exerçaient en secteur 2 et pouvaient appliquer des dépassements d'honoraires.

2/ Sur l'atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle

Les dispositions litigieuses ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle.

Le législateur a prévu que l'adhésion des établissements de santé privés commerciaux au service public hospitalier se ferait sur une base volontaire après avis favorable conforme de la conférence médicale d'établissement.

Le principal objet de cette adhésion est d'assurer aux usagers du système de santé une parfaite lisibilité de l'offre de soins hospitaliers et une connaissance claire des garanties qui leur sont assurées quant à leurs conditions de prise en charge.

Mais cette adhésion ne constitue pas une condition que les établissements privés seraient contraints de respecter pour accéder à des autorisations d'activité de soins, pour pouvoir accomplir certaines missions ou pour bénéficier de modalités particulières de financement.

Le législateur a expressément prévu, dans l'article L. 6112-6 du code de la santé publique issu de la loi déférée, que l'application des règles régissant les autorisations d'activité de soins ne tiendrait pas compte du fait que l'établissement assure le service public hospitalier.

Les financements resteront également déconnectés de la participation au service public hospitalier. Le financement des établissements est lié aux caractéristiques d'organisation de ceux-ci, les médecins libéraux étant directement rémunérés par le patient et l'assurance-maladie. Et les dotations au titre des missions d'intérêt général pourront être versées à des établissements privés assurant le service public hospitalier. Ces dotations financent en effet des missions d'intérêt général qui sont ouvertes à l'ensemble des établissements, à l'exception de l'aide médicale urgente.

La loi ne porte donc aucune atteinte à la liberté d'entreprendre de ces établissements. L'adhésion des établissements privés au service public hospitalier reposant sur une démarche volontaire, elle ne porte pas plus atteinte à la liberté contractuelle de ces établissements.

L'article 99 est conforme à la Constitution.

VII/ SUR L'ARTICLE 107

A/ L'article 107 substitue aux communautés hospitalières de territoire des groupements hospitaliers de territoire pour assurer la coordination des établissements publics de santé d'un même territoire.

Les députés et les sénateurs auteurs des saisines estiment que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité en permettant aux établissements membres de ces groupements de bénéficier d'un système dérogatoire concernant les autorisations d'équipement sanitaire. Les députés requérants soutiennent que ces mêmes dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre des établissements privés. Les sénateurs requérants estiment que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence.

B/ Ces griefs manquent en fait.

Le législateur s'est borné à prévoir, dans l'article L. 6132-2 du code de la santé publique, que l'approbation de la convention constitutive d'un groupement hospitalier de territoire par l'autorité administrative pouvait emporter, le cas échéant, confirmation et autorisation de changement de lieu d'implantation des autorisations sanitaires de santé.

Ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de modifier les règles qui s'appliquent aux transferts d'autorisations d'équipement sanitaire en application des articles L. 6122-1 et suivants du code de la santé publique. C'est sur le fondement de ces dispositions que le directeur général de l'agence régionale de santé approuvera un éventuel changement de lieu d'implantation des équipements soumis à autorisation.

La circonstance que, pour les groupements hospitaliers de territoire, l'approbation du changement de lieu d'implantation se fasse par le même acte que celui qui approuve la constitution du groupement constitue un simple élément de simplification administrative qui ne saurait porter atteinte ni au principe d'égalité, ni à la liberté d'entreprendre.

On ne saurait, par suite, également soutenir que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions dans lesquelles les modifications d'autorisations sont approuvées.

De la même manière, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les conditions dans lesquelles est accordée la dérogation qui permet à certains établissements publics de santé de ne pas être inclus dans une convention de groupement hospitalier de territoire compte tenu de leur spécificité dans l'offre de soins territoriale.

L'article 107 est conforme à la Constitution.

VIII/ SUR L'ARTICLE 109

A/ L'article 109 prévoit que la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes pourront exercer un contrôle sur les cliniques et les établissements sociaux et médicaux-sociaux de droit privé, dès lors qu'ils sont financés par l'Etat, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale.

Les députés auteurs de la saisine soutiennent que cet article est entaché d'incompétence négative.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

Aucune exigence constitutionnelle ne s'oppose à l'instauration d'un tel contrôle par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes sur des établissements financés sur des fonds publics.

Un tel contrôle répond à la mission d'assistance du Parlement et du Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale confiée à la Cour des comptes par l'article 47-2 de la Constitution.

Comme l'a indiqué la Cour des comptes, dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2014, l'hospitalisation privée à but lucratif concentre 17 % des dépenses d'assurance maladie consacrées aux établissements de santé, soit 12,8 Md€. Si l'on prend en compte l'ensemble des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés, qu'ils soient ou non à but lucratif, les versements entrant dans le périmètre de l'ONDAM dépassent chaque année 47 Md€. La Cour des comptes ne peut, à ce stade, exercer aucun contrôle sur l'exécution de ces dépenses qui découlent pourtant des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce contrôle du bon usage des fonds publics perçus par ces établissements ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive à leur liberté de gestion.

Et il n'était nullement nécessaire au législateur de détailler les règles de contrôle s'appliquant à ces établissements. En effet, les dispositions du code des juridictions financières s'appliqueront de plein droit aux contrôles exercés sur le fondement des articles L. 111-8-3 et L. 211-10 du code des juridictions financières.

L'article 109 est donc conforme à la Constitution.

IX/ SUR L'ARTICLE 111

A/ L'article 111 prévoit une procédure de vérification par les agences régionales de santé de la compensation financière accordée aux établissements de santé privés pour les charges de service public.

Les sénateurs et les députés requérants estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre et méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 et les principes d'impartialité et des droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

B/ Ces griefs sont infondés.

La décision 2012/21/UE de la Commission européenne du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne sur les aides d'Etat prévoit que les compensations octroyées à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont compatibles avec le marché intérieur. Cette décision prévoit que ce principe s'applique « aux compensations octroyées à des hôpitaux fournissant des soins médicaux » qui sont regardés comme des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général.

La décision précise que les aides d'Etat sous forme de compensation de service public sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l'obligation de notification préalable si elles respectent un certain nombre de conditions. Une de ces conditions, mentionnée à l'article 5 de la décision, est que le montant de la compensation n'excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts nets occasionnés par l'exécution des obligations de service, y compris un bénéfice raisonnable. La décision définit le bénéfice raisonnable comme le taux de rendement du capital qu'exigerait une entreprise moyenne s'interrogeant sur l'opportunité de fournir le service d'intérêt économique général.

La décision impose que, lorsqu'une entreprise exerce des activités qui se situent à la fois dans le cadre du service d'intérêt économique général et en dehors de celui-ci, sa comptabilité interne indique séparément les coûts et les recettes liés au service d'intérêt économique général.

La Commission européenne a été saisie de deux plaintes sur le financement des établissements de soins en France.

Au cours des échanges avec les autorités françaises, la Commission européenne a demandé à la France de mettre en œuvre un dispositif de récupération d'éventuelles surcompensations. Elle a notamment relevé qu'il n'existait pas de séparation comptable pour les hôpitaux privés.

L'article 111 répond à cette demande.

Il prévoit la transmission des comptes des établissements de santé privés aux agences régionales de santé. Sur la base de ces données comptables, les agences pourront contrôler l'absence de surcompensation financière sur le champ des activités d'intérêt général mentionnées à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique. En cas de surcompensation, l'agence régionale de santé procèdera à la récupération des sommes indûment déléguées pour compenser les charges de service public. Conformément aux principes de la décision de la Commission du 20 décembre 2011, le législateur a prévu qu'il n'y aurait surcompensation que dans le cas où l'établissement de santé dépasse le taux de bénéfice raisonnable.
Ces dispositions organisent la récupération de compensations excessives versées par l'assurance-maladie à des établissements de santé privés pour l'exercice de missions d'intérêt général conformément au droit communautaire. Elles ne peuvent être regardées comme portant atteinte à un quelconque droit de propriété de ces établissements ou comme portant atteinte à leur liberté d'entreprendre.

La récupération de sommes publiques indûment versées ne peut être regardée comme une sanction. Les griefs tirés d'une méconnaissance des principes de légalité des délits de peines et des droits de la défense garantis par l'article 16 sont donc inopérants.

L'article 111 est ainsi conforme à la Constitution.

X/ SUR L'ARTICLE 143

A/ L'article 143 confie à la Haute Autorité de santé une nouvelle mission consistant à élaborer des fiches de bon usage des médicaments et un guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques.

Les députés auteurs de la saisine soutiennent que cet article porte atteinte au principe de sécurité juridique et méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

B/ Tel n'est pas le cas.

Le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas l'exigence de sécurité juridique comme un principe constitutionnel autonome.

Au demeurant, les documents produits par la Haute Autorité de santé permettront aux professionnels de disposer d'un outil synthétique et pratique qu'ils pourront facilement s'approprier. Ces documents s'appuieront sur les productions déjà existantes sur une pathologie ou un ensemble de pathologies.

Par ailleurs, les dispositions contestées ne souffrent d'aucune ambiguïté. Elles ne méconnaissent donc pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

XI/ SUR L'ARTICLE 155

A/ Le III de l'article 155 autorise la recherche biomédicale sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation.

Les députés requérants soutiennent que cet article est dépourvu de tout lien avec les dispositions contenues dans le projet de loi initial. Ils estiment également que ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1/ Sur l'insertion de ces dispositions dans la loi déférée

Les dispositions de l'article 37 du projet de loi modifiaient le code de la santé publique pour développer les recherches cliniques au sein des établissements de santé.

Les dispositions contestées, introduites par amendement en première lecture à l'Assemblée nationale, visent à développer les recherches cliniques en matière de procréation médicalement assistée. Elles sont en lien direct avec les dispositions figurant dans le projet de loi et ont toute leur place dans la loi déférée.

2/ Sur la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi

La loi du 6 août 2013 a modifié l'article L. 2151-5 du code de la santé publique relatif aux recherches sur l'embryon ne faisant plus l'objet d'un projet parental (embryons surnuméraires qui ne seront jamais transférés dans l'utérus) et sur les cellules souches embryonnaires (issues d'un embryon ne faisant plus l'objet d'un projet parental, donc issues d'un embryon surnuméraire), en substituant au régime d'interdiction de ces recherches un régime d'autorisation strictement encadré.

Elle n'a pas repris le régime spécifique issu de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique qui prévoyait que des études sur les embryons visant notamment à développer les soins au bénéfice de l'embryon et à améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l'embryon pouvaient être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consentait.

Au moment de l'examen de la loi du 6 août 2013, il a été considéré que le maintien de ce régime, qui reposait sur une autorisation de l'agence de la biomédecine, n'était pas nécessaire compte tenu du fait que ces recherches sont de même nature que les recherches cliniques sur l'être humain, ou recherches biomédicales, et devaient répondre aux mêmes exigences éthiques telles que le consentement et l'existence d'un bénéfice escompté pour l'intéressé ou pour la connaissance scientifique avec lequel le risque encouru par la personne ne doit pas être hors de proportion. On a estimé que ces recherches entraient dans le régime des recherches biomédicales compte tenu de leur objet.

Cependant, le Conseil d'Etat, saisi du projet de décret d'application de la loi de 2013, a estimé que les dispositions législatives existantes en matière de recherches biomédicales ne pouvaient, à elles seules, servir de base légale au dispositif réglementaire de recherches biomédicales en AMP. En effet, avant son transfert dans le corps de la mère à des fins de gestation, l'embryon in vitro bénéficie, dans notre droit positif, en raison notamment de son caractère détachable du corps de la mère et de sa nature de « personne humaine potentielle », d'un statut juridique ad hoc. Il a donc estimé qu'il appartenait au législateur d'autoriser et d'encadrer expressément les recherches à son sujet et les atteintes dont il peut faire l'objet.

Le III de l'article 155 prévoit cette base légale pour que les recherches cliniques en assistance médicale à la procréation puissent être à nouveau menées, dans l'intérêt de l'embryon qui fait l'objet d'un projet parental et pour améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation.

Ce texte ne souffre d'aucune ambiguïté.

Ces recherches cliniques ne pourront être conduites que si les deux membres du couple y consentent, compte tenu du projet parental qu'ils poursuivent.

Le législateur a également indiqué que s'appliquerait l'ensemble des garanties qui s'attachent aux recherches biomédicales, qui sont prévues au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique :
-Primauté de l'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale sur les seuls intérêts de la science et de la société (article L. 1121-2) ;
-Évaluation de la balance risques/bénéfices (article L. 1121-2) ;
-Autorisation délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé après avis d'un comité de protection des personnes (CPP) concernées (article L. 1121-4).

Les CPP, agréés par le ministre chargé de la santé, sont composés de manière à garantir leur indépendance et exercent leurs missions en toute indépendance ; ils rendent leur avis notamment au regard de la protection des personnes. L'ANSM se prononce au regard de la sécurité des personnes et veille aux impératifs de rigueur scientifique du protocole ; le lieu de recherche est également autorisé.

La loi prévoit que le consentement libre et éclairé des personnes est recueilli par écrit ; elle assure la protection renforcée pour les femmes enceintes. Elle prévoit l'existence d'un dispositif de vigilance spécifique et assortit de sanctions pénales le manquement à ces obligations.

L'ensemble de ces garanties est de nature à éviter tout détournement de procédure qui consisterait à effectuer des recherches qui ne seraient pas des recherches cliniques dans le seul intérêt de l'assistance médicale à la procréation alors que les gamètes et l'embryon font l'objet d'un projet parental.

Ces dispositions ne portent donc aucune atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.

Elles sont conformes à la Constitution.

XII/ SUR L'ARTICLE 178

A/ L'article 178 précise les obligations en matière de transparence des liens d'intérêts entre les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé et les professions de santé.

Les députés requérants soutiennent qu'il porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'entreprendre et qu'il méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et, par voie de conséquence, le principe de légalité des délits et des peines.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

L'article L. 1453-1 du code de la santé publique, dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, prescrit aux entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé de rendre publics, d'une part, les avantages consentis à une liste donnée de bénéficiaires et, d'autre part, l'existence des conventions conclues avec eux.

Le Conseil d'Etat a jugé, dans une décision du 24 février 2015 (CNOM et Association FORMINDEP, n° 369074, 370431 et 370571) que le législateur, en mentionnant « les avantages en nature ou en espèces » au II de l'article L. 1453-1 du code de la santé publique « a entendu inclure, dans le champ de l'obligation qu'il instituait, les rémunérations accordées par ces entreprises à des professionnels de santé et à d'autres acteurs du domaine sanitaire, à l'exception des rémunérations des professionnels de santé exerçant leur activité principale en qualité de salarié de l'une de ces entreprises ».

L'article 178 a pour objet, compte tenu de cette décision, de préciser les obligations de publication concernant les différents éléments des conventions, notamment quant aux rémunérations perçues par les bénéficiaires.

Ce dispositif porte au droit au respect de la vie privée, une atteinte motivée non seulement par des considérations d'intérêt général, telles que la prévention des conflits d'intérêts, mais également par le principe constitutionnel de protection de la santé garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Cette atteinte est proportionnée à l'objectif poursuivi.

Il s'agit en effet de garantir aux usagers du système de santé que la prise de décision d'un professionnel de santé vis-à-vis de son patient est guidée par les principes d'indépendance et d'impartialité nécessaires à l'objectivité scientifique ainsi que d'assurer le respect des exigences de moralité et de probité qui caractérisent l'exercice de ces professions.

Les éléments soumis à déclaration et à publication en vertu des dispositions contestées sont ciblés et relatifs à des activités circonscrites, en lien direct avec la protection de la santé publique. Le législateur a ainsi prévu que l'obligation de publication ne s'applique pas aux conventions régies par les articles L. 441-3 et L. 441-7 du code de commerce et qui ont pour objet l'achat de biens et services.

Le législateur a également assorti l'obligation de publication de garanties de nature à protéger la vie privée. Si les informations publiées sur le site internet public seront réutilisables, cette réutilisation devra respecter les dispositions prévues par les articles 7, 38 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés pour protéger la vie privée des personnes concernées. Il a également prévu que le décret en Conseil d'Etat qui définit les modalités de publication serait pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Compte tenu de ces garanties et eu égard à l'objectif poursuivi, l'article 178 est de nature à assurer, entre le droit au respect de la vie privée et le principe constitutionnel de protection de la santé, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée.

L'obligation de rendre publics l'objet précis des conventions ainsi que les rémunérations associées ne porte, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune atteinte manifestement excessive à la liberté d'entreprendre des sociétés concernées.

Des obligations de transparence similaires résultent d'ailleurs des législations d'Etats comparables à la France dont plusieurs membres de l'UE, des pratiques d'institutions européennes et de codes de conduite volontaires des fédérations européennes des industries concernées.

Les termes de « bénéficiaire final » et de « montant » ne souffrent d'aucune ambiguïté.

La précision du « bénéficiaire final » , lorsque son identité est connue du déclarant au moment de la signature de la convention, a pour objet de permettre une traçabilité fine des avantages et rémunérations susceptibles d'être associés à une convention en invitant à la déclaration des éventuels bénéficiaires indirects de ces avantages.

Le « montant » englobe quant à lui les notions d'avantages et de rémunérations qui peuvent être associées à une convention.

Le législateur a donc clairement défini les obligations qui pèsent sur les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé. Il n'a donc pas méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

XIII/ SUR L'ARTICLE 184

A/ L'article 184 crée une action de groupe en matière de santé.

Les sénateurs soutiennent que cet article porte atteinte à des situations légalement acquises en méconnaissance de la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit.

B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de juger que les dispositions relatives à une action de groupe sont relatives à la procédure par laquelle la responsabilité d'un professionnel peut être judiciairement constatée. Elles ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité. L'application immédiate de ces dispositions ne leur confère donc pas de caractère rétroactif (décision n°2014-690 DC du 13 mars 2014, cons. 26).

Il en va de même pour l'action de groupe en matière de santé. Le grief tiré de ce que son application immédiate porterait atteinte à des situations légalement acquises ne peut donc qu'être écarté.

De la même manière, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de juger, à l'occasion de l'action de groupe créée en matière de consommation, que la circonstance que la responsabilité du professionnel soit judiciairement constatée avant que le groupe ne soit constitué ne méconnaît pas les droits de la défense. En effet, le professionnel peut, lors de la première étape de la procédure préalable à la décision sur la responsabilité, faire valoir tous les moyens de défense relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe et aux critères de rattachement de ce groupe et les dommages susceptibles d'être réparés. Il peut ensuite faire valoir, dans une étape postérieure de la procédure, tous les autres moyens de défense relatifs à l'indemnisation individuelle des personnes intéressées (décision n°2014-690 DC du 13 mars 2014, cons. 17).

L'action de groupe en matière de santé ne se distingue à cet égard de l'action de groupe en matière de consommation que sur un point. Le législateur n'a pas prévu que le jugement sur la responsabilité déterminerait le montant ou les éléments permettant l'évaluation des préjudices. En effet, eu égard à la nature des dommages concernés par l'action de groupe en matière de santé, qui sont des dommages corporels, ce n'est qu'au stade de la réparation individuelle sur demande des personnes concernées que le droit à réparation pourra être apprécié et évalué.

Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, cette différence dans la procédure d'action de groupe est de nature à renforcer les droits de la défense de la personne mise en cause en même temps que le droit à indemnisation des patients concernés.

***

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.