Décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015 - Saisine par 60 députés
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi sur la transition énergétique et la croissance verte adoptée définitivement, après application de la procédure d'urgence, par le Parlement le 22 juillet 2015.
Les députés auteurs de la présente saisine considèrent en effet que les dispositions de plusieurs articles de cette loi méconnaissent des dispositions et principes de valeur constitutionnelle.
Les articles sur lesquels porte cette saisine sont les suivants :
- Article 1er (objectifs de la loi)
- Article 6 (rénovation énergétique des bâtiments privés)
- Article 44 (obligations d'action de réduction de GES pesant sur les entreprises de la grande distribution)
- Article 73 (interdiction, à compter du 1er janvier 2020, de la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique)
- Article 83 (eco-organismes)
- Article 91 (élargissement périmètre de la filière de REP sur les papiers)
- Article 139 (relèvement du seuil d'éloignement des éoliennes par rapport aux zones d'habitation)
- Article 173 (obligations pesant sur les investisseurs)
- Article 187 (fixation d'un seuil maximal de capacité de production d'origine nucléaire en France)
- Etude d'impact
Sur l'article 1
I) Contre les principes de clarté et d'intelligibilité de la loi
Le principe de clarté de la loi, qui découle de l'article 34 de la Constitution et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, imposent au Législateur, afin de prémunir les sujets de droits contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques et non contradictoires.
L'article 1er est déféré devant le Conseil aux motifs :
• qu'il est non normatif ;
• qu'il est inintelligible : Il introduit un L100-1 qui définit 7 « objectifs » (ils sont bien appelés ainsi au L100-2) de la politique énergétique, un L100-2 qui liste 9 objectifs pour l'Etat et un L100-4 qui donne 9 autres objectifs pour la politique énergétique nationale, sans compter les objectifs fixés ailleurs dans le texte. Tant la multiplicité, la redondance partielle, le mélange entre les objectifs de résultats et les objectifs de moyens et les contradictions des objectifs rendent illisible cet article et crée le doute sur la capacité à les mener tous de front. Au lieu de donner un cap clair, cet article crée un contexte d'incertitude et d'instabilité, très préjudiciable pour les acteurs économiques.
Quelques exemples de contradictions :
▪De la contradiction entre les objectifs et les moyens mis en oeuvre
L'article 1er définit les objectifs de la présente loi, notamment en son alinéa 25 : « 1 ° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1999 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 » ; à l'alinéa 6 de « [maintenir] un prix de l'énergie compétitif et attractif au plan international et [permettre] de maitriser les dépenses en énergie des consommateurs », et à l'alinéa 5 d' « assurer la sécurité d'approvisionnement et [réduire] la dépendance aux importations ».
Pour ce faire, l'article 1er définit au même niveau des objectifs et des moyens :
en son alinéa 29 : « 5 ° De réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 », qui pourtant n'émet pas de gaz à effet de serre au stade de la production, assure un prix de l'électricité compétitif et assure la sécurité d'approvisionnement électrique ;
et en son alinéa 28 : « 4 ° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables représentent 40 % de la production d'électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ».
La part la plus forte pour le renouvelable est fixée dans l'électricité, alors que c'est le secteur le moins émetteur. Il est de notoriété publique que la France est l'une des économies les moins émettrices de CO2 au monde, avec 227 tonnes par million d'euros de PIB, d'après la Cour des Comptes, soit moins des deux tiers de la moyenne européenne, grâce à l'énergie hydroélectrique nucléaire. En France, 90 % de l'électricité est produite à partir de sources non-émettrices de CO2. Avec 79 grammes de CO2 par kilowatt-heure produit, la France émet entre cinq et six fois moins que l'Allemagne ou les Pays-Bas.
Tandis que le secteur de la chaleur est beaucoup plus dépendant des fossiles importés, celui des carburants quasi-exclusivement, en étant encore moins diversifié. Au vu des coûts respectifs des solutions d'abattement du carbone et du degré de dépendance aux exportations (y compris pour les équipements, comme les panneaux solaires d'origine asiatique) ces parts ne sont pas cohérentes avec l'optimisation économique que le 3ème objectif de la politique énergétique nécessite. La Cour des Comptes a produit plusieurs rapports, tant sur le coût du nucléaire, que celui des renouvelables, qui permettent d'objectiver ces questions de coût des politiques publiques par rapport à leur efficacité vis-à-vis des objectifs poursuivis.
▪De la contradiction entre les objectifs de renouvelables et la prévention de l'utilisation des ressources.
Un autre exemple de contradiction entre deux objectifs fixés par la même loi réside dans la juxtaposition de l'article 1er dans son objectif affirmé à l'alinéa 28 : « 4 ° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables représentent 40 % de la production d'électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz » et de l'article 70, alinéa 5 qui veut promouvoir l'économie circulaire en prévoyant que : « Art. L. 110-1-2 - les dispositions du présent code ont pour objet, en priorité, de prévenir l'utilisation des ressources, puis de promouvoir une consommation sobre et responsable des ressources, puis d'assurer une hiérarchie dans l'utilisation des ressources, privilégiant les ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, puis les autres ressources, en tenant compte du bilan global de leur cycle de vie ».
Le présupposé de cette loi, inexact, est que les renouvelables rendent moins dépendant des ressources naturelles. Si elles permettent d'éviter la consommation de fossiles, les énergies renouvelables font massivement appel aux ressources métalliques, et des plus rares, comme le néodyme et le dyprosium dans les aimants permanents pour les génératrices d'éoliennes ; le gallium, l'indium, le cadmium ou le tellure pour les panneaux photovoltaïques à haut rendement ; de même que le cuivre. Avec des objectifs si importants qu'une part des énergies renouvelables de 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % en 2030 le sujet prend une ampleur stratégique, de dépendance et de durabilité.
Par ailleurs pour développer ces énergies de manière significative, sans remise en cause de nos exigences en termes de continuité de service, il serait nécessaire de relier 30 000 éoliennes pour produire la moitié de la perte induite par la baisse du nucléaire, les fermes photovoltaïques avec 600 kilomètres carrés de panneaux pour produire l'autre moitié et des dispositifs de stockage par des réseaux intelligents, afin de permettre à tout instant l'équilibre entre une offre erratique et intermittente et une demande variable, avec des consommateurs qui seront connectés par des compteurs intelligents. Le besoin de consommation importante de ressources physiques au niveau du réseau est donc à comptabiliser.
A ce propos le constat fait par Philippe Bihouix au cours du séminaire qu'il a tenu à l'Institut Momentum le 16 décembre 2011 sur « Les limites de l'économie circulaire : la question des métaux » est éclairant : « Les différentes énergies renouvelables ne posent pas forcément de problème en tant que telles, mais c'est l'échelle à laquelle certains imaginent pouvoir en disposer qui est irréaliste. »
Dès lors, il peut être considéré que l'article 1 porte atteinte au principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi reconnu par la décision n°2006-540 DC du 27 juillet 2006.
En outre, si l'on affirme que l'article 1er dit bien quelque chose d'intelligible mais sans créer d'obligation juridique - parce qu'il ne contraint à rien de très précis ou parce qu'il n'attache aucune conséquence au non-respect de ses dispositions -, il faut alors admettre que l'article 1er contrevient à l'interdiction constitutionnelle de formuler par la loi des dispositions non normatives (décision n°2004-500 DC du 29 juillet 2004).
II) Sur le préjudice exorbitant subi par AREVA, ses salariés et ses actionnaires, sans indemnisation prévue et organisée
Les députés auteurs de la présente saisine considèrent que l'article 1er, dans son objectif défini à l'alinéa 29 : « 5 ° De réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 » a pour effet direct de priver l'entreprise AREVA et ses actionnaires de l'exploitation, jusque là normalement prévue, de la filière de retraitement des combustibles et de recyclage du plutonium dans le combustible MOX, sans qu'une indemnisation juste et préalable ait été prévue, en vertu de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Le Parlement n'en a pas débattu alors que cet état de fait, pris en compte dès la promulgation de la loi par les financeurs d'AREVA, aggravera la situation déjà difficile de cette entreprise, qui appartient au patrimoine technologique et industriel de la Nation.
En effet, en actant le passage de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans un délai aussi court, l'article 1er acte la fermeture anticipée de centrales nucléaires existantes correspondant à 21 gigawatts d'installations. Nous parlons donc là de la fermeture forcée de plusieurs réacteurs, dont certainement une très grande majorité de 900 mégawatts, qui utilisent le combustible MOX permettant de recycler le plutonium civil ou militaire issu des programmes de démantèlement des armes atomiques : en moyenne cinq réacteurs à détruire tous les deux ans. Le coût est au minimum de 30 milliards d'euros.
La question suivante surgit, légitime : quels seront les réacteurs concernés ?
Même si on ne connait pas précisément leur liste, l'ordre et le calendrier précis, qui dépendra de l'état technique de chaque réacteur, l'ampleur des fermetures à opérer pour respecter la loi est tel qu'il est certain que cela concernera la quasi-totalité des réacteurs de 900 MW : Fessenheim 1 et 2 -800 personnes y travaillent ; Bugey 2, 3, 4 et 5 - 1 200 personnes y travaillent ; Dampierre 1, 2, 3 et 4 - 1 200 personnes y travaillent ; Gravelines 1, 2, 3 et 4 - 2 100 personnes y travaillent ; Tricastin 1, 2, 3 et 4 - 3 000 personnes y travaillent ; Blayais 1, 2, 3 et 4 - 1 450 salariés y travaillent ; Saint-Laurent B1 et B2 - 1 000 salariés y travaillent, Chinon B1, Cruas-Meysse1.
L'Ain, l'Alsace, le Loiret, la Drôme, le Nord, la Gironde, le Loir-et-Cher vont certainement voir disparaître 11 000 emplois directs, sans compter les emplois induits.
Sur vingt-quatre réacteurs concernés, dix-neuf sont des réacteurs moxés, qui représentent 80 % de la filière Mox. L'alternative, pour ne pas toucher à la filière mox, serait de fermer les autres centrales, construites après 1984, qui ont donc moins de trente ans, ce qui est une hypothèse très peu probable si on considère que l'exploitant EDF agira, comme il en a le devoir, selon les intérêts propres de la société et de ses actionnaires, dont les actionnaires particuliers, avec le respect des principes économiques.
Les conséquences vont même au-delà de la perte anticipée et provoquée du marché français, car AREVA assure 95 % de la production mondiale de MOX. C'est donc toute cette activité qui est menacée, au moment où AREVA cherche à convaincre d'autres pays d'acheter sa technologie.
L'enjeu économique et social du retraitement et de la filière Mox est considérable, puisque ces deux activités génèrent un chiffre d'affaires de 1,1 milliard d'euros pour Areva, sur 8,3 milliards en 2014. La seule usine de La Hague emploie 5 000 salariés, dont 2 000 dans des entreprises prestataires, mais génère aussi 5 000 emplois indirects. Actuellement, pour les réacteurs d'EDF, la consommation annuelle d'uranium naturel est de l'ordre de 8 400 tonnes et celle de combustibles Mox de 120 tonnes, soit une économie annuelle d'environ 900 tonnes d'uranium naturel. Il s'agit donc d'un véritable enjeu industriel, économique, social et territorial pour les départements concernés.
Les Députés signataires de cette saisine souhaitent que soit reconnu le fait que l'article 1er a pour effet direct, avec la fermeture anticipée d'une vingtaine de réacteurs utilisant le combustible MOX d'ici 2025, le déséquilibre économique et social grave du retraitement et de la filière Mox, sans qu'une indemnisation du préjudice, « juste et préalable », ne soit prévue, afin de permettre notamment à l'entreprise de gérer la dimension sociale de cette évolution, ni organisée, afin de garantir l'impartialité de la fixation de cette indemnisation, dans le contexte où l'Etat est actionnaire et AREVA, en difficulté, a besoin de l'Etat.
Par ailleurs, l'article 1er de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte nuit gravement à la réputation et à la crédibilité d'AREVA sur les marchés internationaux du retraitement et du recyclage des combustibles et porte atteinte au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre, défini à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Il convient de citer ici la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en date du 16 janvier 2001, sur l'archéologie préventive : « Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. »
Le préjudice subi par AREVA n'est pas lié à des exigences constitutionnelles et n'est pas justifié par l'intérêt général puisque sur ce point, la loi de 2006 sur les déchets nucléaires est très claire, en ce qu'elle donne comme objectif d'intérêt général à la Nation le retraitement et le recyclage des combustibles nucléaires, en vertu des principes généraux de traitement des déchets. L'économie circulaire fait d'ailleurs partie des sujets d'intérêt général confirmés par la loi sur la transition énergétique.
Pour toutes ces raisons, le préjudice pour AREVA, ses salariés et ses actionnaires étant ignoré par la loi, les indemnisations n'étant ni prévues ni organisées, les Députés signataires demandent que le Conseil déclare l'article 1er contraire aux libertés et intérêts protégés par la Constitution, et notamment par la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen.
III) Contre le principe de prévention de l'article 3 de la Charte de l'environnement et contre l'article 6 de la Charte de l'environnement.
Le 5 ° du nouvel article L100-4-I du Code de l'Energie, introduit par le III de l'article 1er de la loi déférée au Conseil fixe l'objectif suivant : « 5 ° de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité de 50 % à l'horizon 2025 ».
La rédaction de cet alinéa est contraire à la fois :
- au principe de prévention de l'article 3 de la Charte de l'environnement de 2004 : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » ;
- à l'article 6 de la Charte de l'Environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. ».
Le dérèglement climatique dû aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre est une menace avérée par de nombreux rapports scientifiques, dont encore récemment par le 5eme rapport du Giec, prix Nobel de la paix 2013. Il est une priorité mondiale, européenne et nationale de réduire les émissions de gaz à effet de serre comme le CO2, dont l'accumulation dans l'atmosphère accentue l'effet de serre. C'est le sens même de la conférence internationale de Paris en fin d'année, dite COP21.
Or, une réduction de la production électro-nucléaire, pourtant non émettrice de gaz à effet de serre, qui serait accélérée sans laisser le temps aux alternatives renouvelables de réduire leur coût ni de se déployer progressivement en gérant leur nécessaire acceptabilité sociale, conduirait inévitablement à augmenter le recours aux énergies fossiles. Le contre-exemple allemand est là pour illustrer que cette perspective malheureuse peut être réelle.
Aussi, l'alinéa déféré ne respecte pas le principe de prévention par rapport à la problématique du dérèglement climatique.
De plus, si l'objectif de 50 % peut se comprendre dans la perspective de l'objectif de « diversifier les sources d'approvisionnement énergétique » du 3 ° du nouvel article L100-2 du Code de l'Energie, introduit par le II de l'article 1er, l'échéance fixée est trop rapprochée et entrainerait la fermeture d'une vingtaine de réacteurs nucléaires. La dynamique étant trop rapide, cela aura des effets négatifs sur l'environnement, par le recours accrus aux énergies fossiles, sur la situation sociale, sur la compétitivité et le pouvoir d'achat.
C'est pourquoi le Sénat, tout en approuvant un objectif de diversification des sources de production d'électricité, l'avait assorti à des conditions permettant de l'atteindre, sans dégrader le bilan des émissions de gaz à effet de serre de la France, sans provoquer un choc social lié à des fermetures anticipées de patrimoines industriels et sans engendrer une hausse brutale des factures d'électricité :
« 5 ° Réduire, à terme, la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % en accompagnement de la montée en puissance des énergies renouvelables et sous réserve de préserver l'indépendance énergétique de la France, de maintenir un prix de l'électricité compétitif et de ne pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre. Cette réduction intervient à mesure des décisions de mise à l'arrêt définitif des installations prises en application de l'article L.593-23 du code de l'environnement ou à la demande de l'exploitant ; ».
Cette formulation n'a pas été retenue. L'alinéa, tel qu'il est rédigé, n'est donc pas conforme au principe de la durabilité des politiques publiques.
Nombreux sont les commentateurs qui indiquent que la disposition du 5 ° est sans portée réelle et qu'elle ne sera de fait pas appliquée, car impossible à appliquer dans les faits, car elle provoquerait la fermeture d'une vingtaine de réacteurs d'ici 10 à 15 ans. Pourtant, l'adoption d'un objectif aussi contraignant pour l'entreprise EDF, sans visibilité sur les procédures d'indemnisation du préjudice subit, fait peser un risque et une décote sur la valeur de ses parts. Les observateurs, notamment étrangers, n'ont pas tous la culture des lois inapplicables et font crédit à la France de savoir appliquer les lois dont elle se dote. Il y a donc un préjudice réel pour les actionnaires d'EDF, notamment les actionnaires particuliers et salariés. Ceci est contraire à l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui garantit le droit de propriété.
Sur l'article 6
I) Sur l'atteinte au droit à la propriété privée et au droit à une juste et préalable indemnité
L'article 6 de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte prévoit à son alinéa 1 : « A partir de 2030 les bâtiments privés résidentiels devront faire l'objet d'une rénovation énergétique à l'occasion d'une mutation, selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats ».
Les députés auteurs de la présente saisine considèrent que cet article porte atteinte au droit à la propriété privée consacrée par la Déclaration de 1789 dans ses articles 2 et 17 car il impose une obligation des travaux qu'ils n'auraient pas choisi de faire eux-mêmes.
Or, au regard de la décision du CC 2010-60 QPC du 12 novembre 2010, considérant 3 : « Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi »
les députés auteurs de la présente saisine se demandent si, contrairement au cas de l'obligation de pratiquer le diagnostic amiante lors de la mutation d'un bien immobilier, pleinement justifiée par des raisons de santé publique, la disposition définie à l'article 2 de la Charte de l'environnement de 2004 prévoyant que : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement » est de nature supérieure au principe de l'inviolabilité de la propriété privée, d'autant plus que, dans la même Charte de l'environnement, l'article 6 prévoit que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »
Cette dernière phrase de l'article 6 de la Charte de l'environnement montre bien que le législateur a souhaité ne pas mettre en place une hiérarchie d'objectifs qui donnerait la première place à la protection de l'environnement devant des objectifs de croissance économique et de progrès social. Bien au contraire une politique publique visant à promouvoir le développement durable se doit de respecter ces trois piliers en même temps sans privilégier l'un ou l'autre d'entre eux.
Au regard de ces considérations les députés auteurs de la présente saisine considèrent qu'il est légitime de saisir le Conseil Constitutionnel sur ce point précis d'inconstitutionnalité ayant trait à l'atteinte au droit à la propriété privée, qui est posé par l'article 6 de la loi sur la transition énergétique et la croissance sans que cela soit clairement justifié pour des raisons de santé publique ou d'intérêt général.
Si toutefois, le Conseil Constitutionnel devait conclure que la protection du droit de propriété prévue par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne s'applique qu'en cas de privation ou de dénaturation de ce droit et que l'atteinte portée au droit de propriété par l'article 6 de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte n'entraînerait pas cette « privation », il faut quand même se poser la question de l'indemnité juste et préalable prévues par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».
De ce fait, même si l'article 6 de cette loi n'aurait pas pour effet d'entraîner la privation du droit de propriété dès lors qu'il n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les députés auteurs de la présente saisine considèrent que pour autant, les atteintes au droit à la propriété que cet article représente sont susceptibles d'entraîner un droit à réparation.
Ce droit à réparation, s'il ne procède pas de l'article 17, trouve alors son fondement dans le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, qui joue lorsque les pouvoirs publics imposent à une personne, dans l'intérêt général, une charge particulière ne lui incombant pas normalement (cf. en droit administratif. CE. Couitéas, 30 novembre 1923 ; commune de Gavarnie, 22 février 1963).
Sur l'article 44
Selon l'exposé de motifs de la loi, cet article « vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre des entreprises de la grande distribution. Il impose aux chargeurs de la grande distribution de mettre en oeuvre des actions de réduction des émissions de gaz de serre produites dans leur activité logistique ».
Ce dispositif repose donc sur l'idée que les entreprises de la grande distribution ont les moyens et la capacité de parvenir à la mise en oeuvre de pratiques de transport de moins en moins polluantes.
Or, ce postulat, ou - plus précisément - la traduction juridique qui en est faite, contrevient à la Constitution, en ce que l'article 44 est :
- discriminatoire (I) ;
- rationnellement inapproprié aux finalités qu'il poursuit (II) ;
- entaché d'incompétence négative (III) ;
- incompatible avec les exigences relatives à la qualité de la loi (IV).
I. Un dispositif objectivement discriminatoire
L'article 44 vise expressément et uniquement « les entreprises de plus de cinq cents salariés appartenant au secteur de la grande distribution ». La désignation d'une telle catégorie d'entreprises est attentatoire au principe d'égalité devant les charges publiques et au principe d'égalité devant la loi puisqu'elle impose, en l'espèce, un traitement défavorable à des acteurs que rien n'autorise à considérer ab initio dans une situation différente au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.
Pour rappel et par analogie de situation, c'est à bon droit que le Conseil constitutionnel a pu censurer des dispositions de la loi de 1982 qui exemptaient de la nationalisation les banques qui présentaient un caractère mutualiste (décision n°81-132 DC du 16 janvier 1982).
Il importe par ailleurs de souligner que les entreprises concernées ne contribuent aux émissions de gaz à effet de serre (GES) que dans la proportion de 3 % environ du total des émissions liées au transport routier de marchandises. Plus précisément : le secteur des transports (tous modes confondus) émet annuellement 129,3 millions de tonnes de GES ; la part des poids lourds dans ces émissions s'élève à
23,6 %, soit 30,5 millions de tonnes ; la « contribution » annuelle de la grande distribution peut être estimée à environ 1 million de tonnes de GES sur ce total.
Il apparaît donc que ce texte crée une véritable rupture du principe d'égalité qui n'est justifiée ni dans les faits (au regard de la part du secteur de la distribution dans le total des émissions de GES), ni en droit (par l'argument fallacieux, avancé dans l'étude d'impact, selon lequel les chargeurs de la distribution ne seraient pas soumis aux contraintes de la concurrence étrangère qui s'exerce sur d'autres secteurs).
II. Un dispositif rationnellement inapproprié aux finalités qu'il invoque
On rappellera que « pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose » (décision n°2010-24 QPC du 6 août 2010). Il s'agit ici d'une jurisprudence établie du Conseil constitutionnel.
Dès lors, un rapport de parfaite adéquation doit toujours être maintenu entre les fins et les moyens juridiques que le Parlement se donne pour y parvenir.
S'agissant de l'obligation introduite par l'article 44, elle ne précise en rien par quels moyens le distributeur, sur qui pèse ladite obligation, pourra avoir une quelconque influence sur la chaîne logistique afin de permettre l'adoption de modalités d'acheminement plus économes en carburant.
En pratique, les distributeurs n'ont de maîtrise que sur les activités de transport qu'ils opèrent eux mêmes, dites « en compte propre » - lesquelles représentent une part très minoritaire de l'activité et, qui plus est, décroissante - ainsi que, dans une moindre mesure, sur les activités de transport aval (des entrepôts aux magasins) qui sont, le plus souvent, confiées à des transporteurs qui opèrent donc « pour compte d'autrui ». Les distributeurs n'ont, en revanche, aucun contrôle sur le transport amont (depuis les sites de production jusqu'aux entrepôts), alors même que l'article 44 leur fait obligation « des sites de production jusqu'aux points de destination finale. »
Doit-on en déduire que c'est par le biais de la capacité de négociation des distributeurs que le législateur entend parvenir au résultat recherché pour l'ensemble de la filière ? De toute évidence, cette faculté a également été écartée par le législateur qui a tenu à préciser, au premier alinéa de l'article, que les distributeurs concernés « veillent à ce que cette obligation ne se traduise pas par des charges supplémentaires pour leurs fournisseurs de biens et denrées. »
Il est donc incontestable que la voie choisie par le législateur manque à l'impératif de cohérence inhérente au principe d'égalité.
III. Un dispositif entaché d'incompétence négative
Le législateur doit épuiser la compétence que la Constitution lui attribue et donc ne pas laisser à d'autres que lui la possibilité d'empiéter sur les attributions qui lui reviennent en propre. Par voie de conséquence, les dispositions qu'il adopte dans le domaine réservé à la loi doivent être assez approfondies et détaillées pour empêcher toute usurpation ultérieure de cet ordre.
L'article 44 ne respecte pas ce principe et permet que le pouvoir réglementaire détermine non seulement le champ exact des entreprises soumises à l'obligation envisagée mais aussi les modalités d'application de cette obligation. Le Gouvernement se voit ainsi déléguer une part d'attributions qui, en droit, n'appartiennent qu'au législateur.
Or, ces modalités de délégation ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel, notamment dans ses décisions n°2013-336 QPC du 1er août 2013 et n°99-423 DC du 13 janvier 2000.
Le législateur peut d'autant moins renvoyer au décret le soin de fixer les « modalités d'application » de la loi que celle-ci n'est guère éloquente sur ce qu'elle met à la charge des entreprises et, surtout, qu'elle ne prévoit pas les conséquences qui résulteraient de son inobservation.
Tel qu'il est écrit, l'article 44 n'empêche aucunement que le pouvoir réglementaire définisse à la fois le contenu et la sanction desdites obligations, et non pas seulement les modalités techniques de leur application. Il laisse donc le Gouvernement libre de s'arroger l'exercice du pouvoir législatif, ce qui confirme de nouveau l'inconstitutionnalité manifeste de cet article.
IV. Un dispositif incompatible avec les exigences relatives à la qualité de clarté et intelligibilité de la loi
En l'état de la jurisprudence, il n'est pas jugé constitutionnellement acceptable que l'on ait à se demander à quoi une loi oblige exactement et sous la menace de quelles conséquences. Or, l'article 44 pose de réelles questions de compréhension. Dès lors, il peut être considéré que l'article 44 porte atteinte au principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi reconnu par la décision n°2006-540 DC du 27 juillet 2006.
En outre, si l'on suppose, par hypothèse, que l'article 44 dit bien quelque chose d'intelligible mais sans créer d'obligation juridique - parce qu'il ne contraint à rien de très précis ou parce qu'il n'attache aucune conséquence au non-respect de ses dispositions -, il faut alors admettre que l'article 44 contrevient à l'interdiction constitutionnelle de formuler par la loi des dispositions non normatives (décision n°2004-500 DC du 29 juillet 2004).
Pour toutes ces raisons, l'article 44 apparaît être contraire à la Constitution. Compte tenu des enjeux attachés, il importe que ces questions soient tranchées en droit et il convient donc que le Parlement défère au Conseil constitutionnel l'article 44 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Sur l'article 73
L'article 73 prévoit qu'au plus tard le 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées.
La constitutionnalité de cet article est contestable au regard de l'article 55 de la Constitution combiné à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui impose au législateur « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ».
En l'espèce, la rédaction de cet article est source de confusion et d'ambiguïté puisque plusieurs textes européens protègent la mise sur le marché des produits considérés comme des emballages.
Ainsi, aux termes de la directive n°94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages, doit être entendu comme emballage « tout produit constitué de matériaux de toute nature, destiné à contenir et à protéger des marchandises données, allant des matières premières aux produits finis, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur ou à l'utilisateur, et à assurer leur présentation”. Par assimilation, « tous les articles à jeter utilisés aux mêmes fins doivent être considérés comme des emballages » (1). La directive 2013-2-UE qui amende la directive 94-62-CE pour préciser des exemples d'emballages, confirme que les assiettes et gobelets pleins au point de vent sont des emballages : « Constituent un emballage, s'ils ont été conçus pour être remplis au point de vente […] Les assiettes et tasses à usage unique ».
Or, la directive 94-62-CE précise que « Les États membres ne peuvent faire obstacle à la mise sur le marché, sur leur territoire, d'emballages conformes à la présente directive ».
Aussi, les gobelets, verres et assiettes plastiques non biosourcés et non biodégradables, remplis au point de vente, sont des emballages conformes à la directive 94/62/CE. L'article 73, en interdisant ces emballages, dont la mise sur le marché est protégée par les textes européens, porte atteinte à l'article 55 de la Constitution, combiné à l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Sur l'article 83
Alors que l'article L 541-1 du code de l'environnement (CE) fait peser la responsabilité de l'élimination du déchet sur le producteur de ce déchet, c'est à dire l'utilisateur du produit, le II de l'article L 541-10 du même code permet de transférer cette responsabilité aux producteurs des produits qui s'acquittent de cette obligation en adhérant à un éco-organisme.
L'article 83 impose que le capital des éco-organismes, lorsqu'ils sont constitués sous forme de société, soit détenu par des producteurs représentatifs des adhérents à cet éco-organisme.
I. Contre les principes de clarté et d'intelligibilité de la loi
Cet article est parfaitement confus en ce qui concerne la détermination des personnes morales admises à détenir la majorité du capital. Après avoir visé les producteurs, importateurs et distributeurs soumis aux obligations prévues par le code de l'environnement, ce qui se comprend, l'article précise en effet que ces producteurs, importateurs et distributeurs sont « représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés que ceux-ci mettent sur le marché français ».
La représentativité ne se présumant pas, le législateur aurait dû fixer des critères par exemple en termes de parts de marché, de nature des produits … : faute de quoi, touchant à une question législative l'article est entaché d'une incompétence négative. Il est par ailleurs impossible de lier le capital d'un éco-organisme avec la qualité de ses adhérents : ceux-ci peuvent quitter un éco-organisme pour en rejoindre un autre, revenir vers le premier. Comment dans ces conditions assurer en permanence l'adéquation que l'article 83 semble vouloir imposer ? La clarté et l'intelligibilité de la loi sont compromises.
En outre dans certains cas, par exemple celui des équipements électriques et électroniques, le pouvoir réglementaire a défini des catégories de produits (11 en l'état du droit) pour lesquelles l'agrément est délivré. Faute de préciser quelles relations sont exigées entre l'agrément délivré et les producteurs des différentes catégories, il y a encore incompétence négative.
II. Contre le droit de propriété et la liberté d'entreprendre
Le Conseil a consacré, dans la même ligne que l'affirmation du droit de propriété, la liberté d'entreprendre, qui est la condition du libéralisme économique, en s'appuyant, ce qui n'allait pas de soi, sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux termes duquel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas autrui ». Dès lors, comme a pu le déclarer un ancien membre du Conseil constitutionnel, François LUCHAIRE, : « Le Conseil relie la propriété à la liberté d'entreprendre ; c'est donc un régime économique qui est ainsi affirmé. La France est une république sociale (article 1er de la Constitution de 1958) ; elle n'est pas une république socialiste ».
Les députés auteurs de la présente saisine considèrent que l'article 83 de la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte porte également une atteinte inconstitutionnelle tant au droit de propriété, protégé par l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qu'à la liberté d'entreprendre protégé par l'article 4 de la même Déclaration.
Tant la violation du droit de propriété (CC, décision n° 2010-60 QPC du 12 novembre 2010) que celle de la liberté d'entreprendre (CC, décision n° 2010-55 du 18 octobre 2010) sont susceptibles d'être sanctionnée par le Conseil Constitutionnel.
L'article en cause porte une atteinte évidente au droit de propriété des actionnaires des éco-organismes existants qui ne sont pas libres de céder leurs parts à qui ils le souhaitent. Or des actionnaires sont fondés à invoquer la Protection des actionnaires au titre du droit de propriété (CC, décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 ; CC, décision n° 82-139 DC du 1982 ; CC, décision n° 89-254 DC du 1989).
Cet article porte également atteinte à la liberté d'entreprendre en cela qu'il limite évidemment le droit de tout entrepreneur à acquérir des parts dans des éco-organismes.
La question n'est pas donc pas de savoir si cette disposition porte atteinte à ces droits, elle le fait évidemment, mais de savoir si cette atteinte est justifiée par un motif d'intérêt général. Le Conseil Constitutionnel estime en effet qu'il est loisible au législateur d'apporter au droit de propriété (CC, décision n° 2010-60 QPC précité) comme à la liberté d'entreprendre (CC, décision n° 2010-55 QPC précité ; CC, décision n° 2009-584 du 16 juillet 2009) des limites « justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ».
Il convient d'évoquer à ce stade les dispositions prévues en matière d'éco-organismes :
Le code de l'environnement prévoit que les producteurs, distributeurs et importateurs de marchandises mettent en place collectivement des éco-organismes qui contribuent à la collecte et à la valorisation des déchets. Ils en assurent la gouvernance, perçoivent les cotisations de leurs adhérents, assurent la prise en charge des déchets relevant de leur filière en vue de leur recyclage, peuvent passer des contrats avec des sociétés de collecte et de tri ou financer des collectivités territoriales.
Or ces entreprises de collecte et de tri n'ont pas intérêt à voir diminuer le volume de déchets à la source : elles souhaitent au contraire en traiter le plus grand volume possible, d'où un risque important de conflit d'intérêts si on leur ouvre le capital social des éco-organismes. En fait, on ouvrirait ainsi un marché spéculatif à des entreprises qui seraient à la fois donneuses d'ordres et titulaires de marchés visant au traitement des déchets, alors que le système des éco-organismes, assez unique pour l'instant en Europe, incite à réduire le volume des déchets à la source, puisque ce sont les producteurs, les distributeurs et les importateurs qui acquittent la taxe permettant le fonctionnement des éco-organismes.
Dans ce sens, l'article 83 renforce donc la rédaction actuelle du code de l'environnement. Il ne crée pas de situation juridique nouvelle ni n'empêche la concurrence entre éco-organismes, mais il supprime un risque important de conflit d'intérêts en ce qui concerne les entreprises de traitement de déchets.
La France a fait un choix clair en matière d'éco-organismes. Leur rôle consiste à offrir aux détenteurs de déchets une gestion optimisée des opérations. Ce faisant, ils sont les garants de la qualité des filières REP et de leur amélioration continue. Ce sont des acteurs phare de la chaîne de gestion des déchets qui sélectionnent, pilotent et auditent, pour le compte des producteurs, les opérateurs les plus performants et les plus responsables. Ils n'ont pas vocation à réaliser des bénéfices. Il convient de s'assurer que les opérateurs retenus le seront pour leurs performances et leur responsabilité et non pour leurs liens avec l'éco-organisme. Toute société, quelle que soit sa nationalité, qui remplit ces critères, entre dans le cadre de la doctrine française, sans aucune discrimination.
La motivation du Gouvernement et du parlement est donc claire : il s'agit d'éviter que des opérateurs de déchets ne prennent le contrôle des éco-organismes afin d'éviter un conflit d'intérêt : les mécanismes de responsabilité des producteurs visent à limiter la masse des déchets produits alors que l'intérêt des opérateurs de déchets est, au contraire, que cette masse soit importante.
Or l'article 83 ne se limite pas à interdire aux opérateurs de déchets de détenir majoritairement le capital des éco-organismes mais il interdit à toute personne non producteur des produits de contrôler les éco-organismes.
Les députés auteurs de cette saisine considèrent donc que l'article 83 de la loi relative à la transition énergétique et la croissance verte va au-delà du but d'intérêt général poursuivi par le législateur.
La censure s'impose. A cet égard l'analyse de la décision n° 2015-468/469/472 QPC du 22 mai 2015 est explicite.
Après avoir rappelé que le législateur a distingué, d'une part, l'activité consistant à stationner et à circuler sur la voie publique en quête de clients en vue de leur transport et, d'autre part, l'activité de transport individuel de personnes sur réservation préalable le Conseil Constitutionnel relève que, poursuivant des objectifs d'ordre public, notamment de police de la circulation et du stationnement sur la voie publique, le législateur a réservé la première activité aux taxis, qui l'exercent dans un cadre réglementaire particulier et sont titulaires, dans leur commune ou leur service commun de rattachement, d'une autorisation administrative de stationnement alors que la seconde activité peut être exercée non seulement par les taxis mais également par d'autres professions, notamment celle d'exploitant de voiture de transport avec chauffeur. Sur ces bases en les estimant proportionnées aux buts d'intérêt général poursuivi le Conseil Constitutionnel valide certaines limitations aux droits des exploitants de transport individuel de transport mais juge ensuite « qu'en interdisant certains modes de tarification pour la détermination du prix des prestations que les entreprises qui mettent à la disposition de leur clientèle une ou plusieurs voitures avec chauffeur proposent aux consommateurs lors de la réservation préalable, les dispositions contestées ont porté à la liberté d'entreprendre une atteinte qui n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général en lien direct avec l'objectif poursuivi ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les dispositions de l'article L. 3122-2 du code des transports doivent être déclarées contraires à la Constitution ».
Sur l'article 91
L'article 91, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale en 1ère lecture, vise à élargir le périmètre de la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) sur les papiers. Depuis la mise en oeuvre d'une REP sur les papiers usagés, la presse est exemptée du dispositif. Le projet de loi initial prévoyait de supprimer cette exception. Un compromis a finalement été trouvé, confirmant la suppression de l'exonération du secteur de la presse, mais indiquant que celle-ci pourra prendre la forme d'une contribution « tout ou partie » en nature via l'insertion d'encarts publicitaires gratuits. Les publications concernées seront précisées par décret.
Dès lors que le législateur n'a pas épuisé sa compétence en matière d'exercice des droits et libertés fondamentaux, matière que la Constitution lui réserve exclusivement, le grief tiré de « l'incompétence négative » peut être invoqué au titre de l'article 61-1 de la Constitution (2). En l'espèce, le renvoi à un décret qui précisera la définition des catégories pouvant bénéficier du paiement de cette taxe sous forme de parts en information sur le recyclage des déchets et celles pour lesquelles une contribution financière sera requise, est un motif d'inconstitutionnalité tiré de l'incompétence négative du législateur.
Par ailleurs, au titre de l'article 34 de la Constitution, le Conseil constitutionnel censure une loi établissant une contribution nouvelle, en fixant le taux, mais ne définissant ni son assiette, ni ses modalités de recouvrement (3). Il en est ainsi lorsque le législateur a délégué au Gouvernement, agissant par voie de décret, le soin d'énoncer une règle que l'article 34 range dans les compétences exclusives du législateur. En l'espèce, en renvoyant à un décret, « qui ne sera pas facile à rédiger », selon les termes de la ministre de l'Ecologie au cours des débats parlementaires (4), le législateur prive le contribuable des informations nécessaires au bénéfice des conditions de sécurité juridique satisfaisantes, puisque la loi ne précise ni le montant de l'impôt, ni les modalités de recouvrement qui lui permettent de s'en acquitter. Il en résulte un risque manifeste sur l'intelligibilité de la loi sur lequel les requérants souhaitent attirer l'attention du Conseil.
Enfin, dès lors que cette contribution ne s'applique pas à l'ensemble des publications de presse, sans d'ailleurs en préciser les critères d'assujettissement, les requérants s'inquiètent d'une possible inégalité devant les charges publiques (5).
Sur l'article 139
L'article 139, qui concerne le relèvement du seuil d'éloignement des éoliennes par rapport aux zones d'habitation, conduit à écarter le principe de participation du public pour fixer l'éloignement des éoliennes.
Sa rédaction définitive ne fait plus référence à l'enquête publique qui a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement.
Il s'ensuit une rupture d'égalité entre le porteur de projets, à l'origine de l'étude d'impact, et les tiers, notamment les riverains et les installations classées.
Sur l'article 173
L'article 173 de la loi transition énergétique prévoit que les investisseurs institutionnels devront respecter des cibles indicatives d'actifs contribuant à l'atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique. Ces « cibles indicatives » seront fixées par la stratégie nationale bas-carbone.
Elles varieront en fonction :
• de la nature des activités des investisseurs institutionnels,
• du type de leurs investissements.
Par cet article le législateur entend inciter les investisseurs à contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique ce qui est louable. Le problème c'est que ces cibles sont implicitement contraignantes car l'article 173 prévoit également que, le cas échéant, les investisseurs doivent fournir une explication des raisons pour lesquelles les cibles indicatives en question n'ont pas été atteintes par l'entreprise durant le dernier exercice clos.
Plus précisément l'article 173 de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte prévoit que : « … la contribution au respect de l'objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l'atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique, figurent parmi les informations relevant de la prise en compte d'objectifs environnementaux. Cette contribution est notamment appréciée au regard de cibles indicatives définies, en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en cohérence avec la stratégie nationale bas carbone mentionnée à l'article L. 221-1 B du code de l'environnement. Le cas échéant, les entités mentionnées au troisième alinéa expliquent les raisons pour lesquelles leur contribution est en deçà de ces cibles indicatives pour le dernier exercice clos ».
Les députés auteurs de la présente saisine considèrent que cet article n'est pas conforme à la Constitution pour 2 raisons :
I. Contradiction avec la directive européenne 2009/138/CE
L'article 173 est contradictoire avec la liberté d'investissement réaffirmée pour certains investisseurs institutionnels, en l'espèce les entreprises d'assurance, par l'article 133 de la Directive 2009/138/CE dite Solvabilité II.
« Article 133 - Liberté d'investissement
- Les États membres n'exigent pas des entreprises d'assurance et de réassurance qu'elles investissent dans des catégories d'actifs déterminées.
- Les États membres ne soumettent les décisions d'investissement prises par les entreprises d'assurance et de réassurance ou par leur gestionnaire d'investissements à aucune obligation d'autorisation préalable ou de notification systématique.
- Le présent article ne porte pas préjudice aux règles des États membres limitant les types d'actifs ou de valeurs de référence auxquels les prestations d'une police peuvent être liées. De telles règles ne peuvent s'appliquer que si le risque d'investissement est supporté par un preneur qui est une personne physique et elles ne peuvent pas être plus strictes que celles énoncées par la directive 85/611/CEE. »
Cette liberté d'investissement est nécessaire pour permettre aux professionnels de l'assurance et de la réassurance de procéder librement à des investissements économiquement et financièrement viables (l'article 132 prévoit en outre le principe que les sociétés d'assurance doivent agir en « personne prudente »).
Il conviendra ainsi d'invoquer à la fois l'effet direct de la directive et l'article 55 de la Constitution.
La directive Solvabilité II bénéficie en effet de l'effet direct en France, puisqu'elle a bien été transposée par l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 dans l'ordre juridique interne français.
En outre, l'article 55 de la Constitution pose la supériorité normative (la primauté) du droit international sur le droit interne. Les directives communautaires ayant fait l'objet d'une transposition ont donc, en tant qu'actes dérivés des traités, une valeur supérieure à celle des lois nationales contraires, même postérieures.
II. Application du principe de conciliation
L'article 173 n'est pas conforme à la notion clé en matière constitutionnelle d'atteinte disproportionnée que peut occasionner une norme de protection de l'environnement à d'autres libertés publiques comme, en l'espèce, la liberté d'entreprendre (sur le schéma de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme).
Les exemples suivants pourront nourrir la réflexion du juge :
● « Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; que, d'autre part, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » (Loi relative à la sécurisation de l'emploi, Décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013) ;
● « Considérant que, selon les requérants, en habilitant le pouvoir réglementaire à fixer les conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois, sans aucune limitation notamment quant à la détermination du niveau de la part minimale de bois à incorporer, le législateur a méconnu la liberté d'entreprendre » (Syndicat français de l'industrie cimentière et autre [Quantité minimale de matériaux en bois dans certaines constructions nouvelles], Décision n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013).
Sur l'article 187
I. Contre le principe de non-discrimination affirmé par la directive européenne 2009/72/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité.
L'article 187 de la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte fixe dans son alinéa 18 un seuil maximal de production d'électricité d'origine nucléaire en France de 63,2 gigawatts.
En effet le plafonnement de la capacité nucléaire à 63,2 gigawatts revient à geler le parc nucléaire, en actant qu'un seul acteur historique, EDF, le gérera. En d'autres termes, si demain une entreprise privée voulait ouvrir une centrale en France, elle devrait demander aimablement à son concurrent monopolistique qu'il en ferme une. Une telle disposition est contraire à l'obligation de mise en place par les Etats membres de conditions non discriminatoires telles que prévues par les articles 7 et 8 de la directive européenne 2009/72/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité.
Article 7 :
« Les procédures et critères d'autorisation sont rendus publics. Les demandeurs sont informés des raisons d'un refus d'autorisation. Ces raisons doivent être objectives et non discriminatoires ; elles doivent en outre être justifiées et dûment motivées ».
Article 8 :
« Appel d'offres pour la fourniture de nouvelles capacités1.
Les États membres garantissent la possibilité, dans l'intérêt de la sécurité d'approvisionnement, de prévoir de nouvelles capacités ou des mesures d'efficacité énergétique/gestion de la demande par une procédure d'appel d'offres ou toute procédure équivalente en termes de transparence et de non-discrimination, sur la base de critères publiés ».
Avec le mécanisme du plafonnement de la capacité de production d'origine nucléaire, les détenteurs historiques d'autorisation d'exploiter des centrales nucléaires sont avantagés par rapport à ceux qui n'en ont pas du fait de la nécessité de demander l'abrogation d'autorisations existantes pour en obtenir de nouvelles.
De facto et de jure, le principe de plafonnement introduit à l'article 187 a pour effet que seul EDF peut être exploitant de centrale nucléaire, car toute nouvelle installation ne pourra être mise en service que si EDF décide de fermer des réacteurs. Ceci introduit un monopole de jure sur l'exploitation de centrales nucléaires en France, ce qui ne peut se justifier par les objectifs de la loi alors que dans de nombreux pays coexistent plusieurs exploitants nucléaires. Cela est contraire à la liberté d'entreprendre et aux traités européens et pourrait entrainer une réaction des instances européennes de la concurrence, comme le découpage du parc nucléaire français. Pour ce seul motif, le 6ème alinéa du 3 ° de l'article 187 devrait être jugé inconstitutionnel.
II. Contre le principe du droit de propriété tel que garanti par l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen
L'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est rédigé ainsi :
« article 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité »
L'article 187 de la loi déférée devant le Conseil, en créant un nouveau régime d'autorisation d'exploiter et en fixant, au 6e alinéa du 3 °, un plafond de la capacité nucléaire installée en France au niveau actuel (63.2GW), sans tenir compte de la mise en route programmée du réacteur numéro 3 de Flamanville (niveau total de 64.85GW), méconnait l'antériorité de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi dite POPE), et en particulier les 4è et 5è alinéa de l'article 4, rédigés ainsi :
« L'Etat se fixe donc trois priorités.
La première est de maintenir l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020 en disposant, vers 2015, d'un réacteur nucléaire de nouvelle génération opérationnel permettant d'opter pour le remplacement de l'actuelle génération ».
Il est rappelé que cet article 4 avait été déféré devant le Conseil en 2005 et que le Conseil l'avait jugé conforme à la Constitution.
Sur le fondement législatif de l'article 4 de la loi POPE, les autorisations ont été accordées à l'entreprise EDF SA pour lancer son projet de réacteur numéro 3 de Flamanville et l'entreprise a donc pu engager légitimement les investissements nécessaires à la construction de celui-ci, sans que sa mise en service soit conditionnée au respect d'un plafond de puissance électro-nucléaire, et implique la fermeture anticipée d'autres réacteurs.
Les nouvelles dispositions de l'article 187 créent une nouvelle condition à l'exploitation et prive donc la société EDF SA, et au travers elle, ses actionnaires, dont les nombreux petits porteurs individuels, du droit de mettre en service l'installation, dès lors que toutes les autres autorisations nécessaires auront été obtenues, notamment celles au titre de la sûreté nucléaire. La nécessité de ces autres autorisations est, elle, connue de la société au moment de sa décision d'investir.
Il ressort des débats au Parlement que l'objectif de l'exécutif n'est pas de faire stopper le chantier du réacteur numéro 3 de Flamanville, mais d'obtenir la fermeture anticipée des deux réacteurs de Fessenheim, selon un engagement du Président de la République. EDF pourrait ainsi respecter le plafond de l'article 187, tout en maintenant son projet de Flamanville, en étant contraint d'anticiper la fermeture d'autres réacteurs, sans nécessité technique ou impératif de sûreté nucléaire dûment constaté par l'Autorité de Sûreté Nucléaire, autorité administrative indépendante crée par la loi sur la transparence et la sûreté nucléaire de 2006. Cette deuxième alternative constituerait pareillement une privation pour la société et ses actionnaires des revenus issus de l'exploitation de ses actifs jusqu'au terme de leur vie industrielle.
Dans l'une ou l'autre des options, il y a privation d'un droit de propriété pour la société EDF et ses actionnaires, notamment individuels. Or ni la nécessité publique a été constatée, ni l'indemnisation, juste et préalable n'a été prévue.
Le lien entre le 6e alinéa du 3 ° de l'article 187 et les objectifs de la loi exposés à l'article 1er n'est pas établi. En effet, le plafonnement au niveau de puissance actuel n'est pas lié au besoin de « garantir la sûreté nucléaire » présenté au 4 ° du nouvel article L110-1 du Code de l'Energie. Il n'est pas nécessaire non plus de stopper la construction du réacteur numéro 3 de Flamanville ou d'anticiper la fermeture de réacteurs existants pour « diversifier de manière équilibrée les sources de production d'énergie » ou « augmenter la part des énergies renouvelables » ou « réduire le recours aux énergies fossiles », comme le 3 ° du nouvel article L100-2 du même code s'en fixe l'objectif. Enfin, le 5 ° du nouvel article L. 100-4 du Code de l'Environnement modifié par le III de l'article 1er est ainsi rédigé : « 5 ° de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 ; » Outre le fait que cet article est contesté ci-dessus, le plafonnement introduit à l'article 187 n'est ni à la hauteur de cet objectif (il faudrait une réduction beaucoup plus forte, avec la fermeture d'une vingtaine de réacteurs), ni placé dans cette perspective. L'article 187 ne fait ainsi pas référence explicitement à cet objectif. Il est à noter aussi que la fermeture de la centrale de Fessenheim n'a pas été placée par le Gouvernement comme un objectif explicite de la loi, alors qu'il en avait tout à fait la possibilité.
De même, le préjudice lié au plafonnement de la puissance nucléaire n'est pas explicitement reconnu pour l'entreprise EDF et n'ouvre pas clairement accès à l'indemnisation, comme il est habituellement prévu, en cas par exemple de projet d'intérêt général ou d'expropriation pour cause d'utilité publique. Le principe de l'indemnisation n'est pas non plus exclu, heureusement ; mais la charge de la preuve serait ainsi inversée et conduirait l'entreprise à entrer en négociation avec l'Etat, juge et partie car l'Etat est à la fois actionnaire majoritaire d'EDF et prescripteur de l'indemnisation. La crainte est forte que les actionnaires minoritaires, et notamment les petits porteurs, soient in fine lésés. Or la condition mise à l'article 17 est bien celle d'une indemnité « juste et préalable ». L'absence d'organisation par la loi d'une procédure claire et transparente d'indemnisation qui tienne compte de la situation particulière d'EDF SA ne crée pas les conditions pour que la justesse et le caractère préalable de l'indemnisation soient indéniablement reconnus de tous.
L'article 187, par le 6ème alinéa du 3 °, doit donc être considéré comme contraire au principe du droit de propriété tel que garanti par l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme.
Si le Conseil constitutionnel devait néanmoins considérer, malgré le manque de clarté et d'intelligibilité de la loi déférée et ses insuffisances, que celle-ci est compatible avec l'article 17, qu'il Lui plaise de réaffirmer qu'il y a bien privation explicite de droits de propriété antérieurement acquis et que cette privation ouvre droit pour l'entreprise EDF, et à travers elle à ses actionnaires notamment privés, à une indemnisation « juste et préalable », dont la fixation devra conditionner la mise en oeuvre du plafonnement de l'article 187.
III. Contre le principe d'égalité devant la loi
Il est question, dans l'article 187, des délais de demande d'autorisation d'exploiter.
Le régime d'autorisation administrative d'exploiter du chapitre Ier du titre Ier du Livre III du Code de l'énergie a pour finalité le pilotage de la production d'électricité. Il n'a pas la même finalité, par exemple, que l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, malgré l'homonymie du terme « exploitation ». Par exploitation au sens du Code l'Energie, il faut donc comprendre production d'électricité injectée sur le réseau électrique. Un délai de 4 mois est demandé habituellement par l'Administration pour instruire et accorder éventuellement l'autorisation, selon des critères définis à l'article L311-5 du Code de l'Energie.
Le 8e alinéa du 3 ° de l'article 187 de la loi déférée ajoute, pour les seules installations de production d'électricité qui sont soumises au régime des installations nucléaires de base un délai obligatoire de 18 mois entre la demande d'autorisation d'exploiter au titre du pilotage de la production d'électricité et la date de mise en service au sens du Code de l'Environnement, qui correspond au premier chargement du combustible dans le réacteur et non à la première production électrique. Or il existe un délai incompressible entre cette première « mise en service » de la chaudière nucléaire et la première production électrique injectée dans le réseau par l'alternateur, installation non nucléaire classique comme on en trouve dans la quasi-totalité des centrales électriques, qui est connexe au réacteur. Ce délai est imposé par la réglementation qui commande la réalisation d'essais et de tests des matériels pour vérifier que l'installation est en mesure de produire conformément à ses autorisations au titre de la sûreté nucléaire et aux spécifications techniques et de se coupler au réseau électrique. Ce délai peut prendre plusieurs années.
Ce faisant, la loi déférée méconnait gravement le principe d'égalité devant la loi et aggrave inutilement l'atteinte aux droits de propriété contestée ci-dessus.
Pour le Conseil constitutionnel, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Or, en l'espèce, l'objet du régime d'autorisation d'exploiter, comme rappelé plus haut, est le pilotage de la production d'électricité et non la vérification de l'aptitude à assurer la sûreté nucléaire et les autres objectifs du Code de l'Environnement, qui est du ressort de l'Autorité de Sûreté Nucléaire. La seule différence de traitement dans les autorisations d'exploiter qui existait dans le Code de l'Energie avait rapport à la taille des installations, les plus petites étant réputées autorisées lorsqu'elles sont inférieures ou égales à un seuil, car ayant un effet jugé négligeable sur le réseau. Mais pour celles qui sont soumises à autorisation, il n'y a pas de raison valable d'introduire, sur le plan de la production électrique, une différence de traitement pour l'évaluation des critères d'appréciation listés dans le nouvel article L311-5. Aussi, la demande d'autorisation de produire sur le réseau devrait, comme pour toutes les autres installations de puissance comparable, être déposée dans le délai normal avant la date prévue de première livraison d'électricité au réseau.
Le 8e alinéa du 3 ° de l'article 187 étant contraire au principe d'égalité, il devrait être jugé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
IV. Aggravation de l'atteinte aux droits de propriété
Par ailleurs, l'exigence que pose l'Autorité de Sûreté Nucléaire de disposer d'une autorisation d'exploiter au sens du chapitre Ier du titre Ier du Livre III du Code de l'énergie avant la « mise en service » d'un nouvelle chaudière nucléaire implique, par transitivité avec la contrainte du plafonnement de la capacité nucléaire installée, d'obtenir l'abrogation d'une capacité équivalente, qui doit donc cesser toute production immédiatement, alors que la nouvelle installation n'est pas encore opérationnelle et productive. Comme indiqué ci-dessus, la période des essais peut prendre plusieurs années. L'entreprise EDF, et au travers elle, ses actionnaires, notamment privés, sont donc privés des revenus tirés de l'exploitation des réacteurs dont l'arrêt est anticipé, alors que la nouvelle capacité autorisée n'est pas encore effectivement en production.
Sans justification par rapport à la finalité du régime d'autorisation d'exploiter du Code de l'Energie, le 8e alinéa du 3 ° de l'article 187 aggrave donc l'atteinte aux droits de propriété dénoncée plus haut. Plaise au Conseil constitutionnel de le juger aussi pour cette 2e raison contraire à la Constitution.
Sur le non-respect des exigences de la loi organique sur le contenu de l'étude d'impact
En vertu de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, les projets de loi doivent être accompagnés d'une étude d'impact dont les documents doivent exposer « avec précision » notamment : l'impact du projet de loi sur l'ordre juridique interne, l'état d'application du droit dans le ou les domaines visés ; les modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ; les conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités d'Outre-mer, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités ; l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État ; la liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires.
Les députés auteurs de la présente saisine constatent que le rapport relatif à la loi relative à la transition énergétique et la croissance verte rendant compte de l'étude d'impact ne respecte pas les exigences de l'article 8 de la loi organique précitée du fait de l'insuffisance manifeste de l'évaluation des conséquences économiques, financières et sociales qui résulteraient de la mise en oeuvre du plafonnement de la production nucléaire en France à 63,2 gigawatts, tel que défini à l'article 187 et d'une réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à un horizon aussi rapproché que 2025 (article 1er).
L'étude n'a donc pu mettre le Parlement en mesure d'apprécier sincèrement les considérables impacts du projet de loi. Les auteurs de la saisine ont relevé quelques très graves carences.
En effet l'étude d'impact reconnaît que l'évolution du mix électrique induite par l'article 187 aura un impact à la hausse sur les émissions de CO2, - ce qui revient à reconnaître de facto que la loi est inefficace au regard du premier objectif qu'elle définit dans son article 1er, à savoir la lutte contre l'aggravation de l'effet de serre. L'étude d'impact qualifie à tort cette hausse de « marginale », dans la mesure où l'hypothèse retenue par l'étude d'impact d'une baisse de la part du nucléaire dans la production d'électricité au rythme du développement des énergies renouvelables, également non émettrices, n'a pas été retenue par le Législateur. La baisse de la part du nucléaire doit se réaliser dans un délai déterminé et court, indépendamment de la réalité du déploiement d'une alternative renouvelable, contrainte par les surcoûts induits d'une part et l'acceptabilité sociale d'autre part. La hausse prévisible des émissions de CO2 provoquée par la loi est donc clairement sous-estimée par l'étude d'impact.
L'étude d'impact est aussi très indigente sur l'impact économique et social de la fermeture anticipée d'une installation de production d'électricité, et d'une rafale de fermetures qui s'annoncent d'une vingtaine de réacteurs en moins de 15 ans.
L'étude d'impact ne semble pas intégrer les notions élémentaires d'économie comme l'actualisation. Ainsi, pour elle, une dépense réalisée aujourd'hui ou 10 ans plus tard a la même valeur. Par ailleurs, elle semble méconnaitre le fait que pour une même somme à provisionner, la charge n'est pas la même selon la durée pendant laquelle cette provision peut être constituée. Enfin, elle assimile investissement et coût, semblant méconnaitre qu'un investissement permet d'obtenir des revenus et que ne pas faire un investissement, c'est se priver des revenus afférents.
Enfin, elle ne semble pas maitriser pleinement les concepts de la logique. Elle confond ainsi l'objectif à atteindre, qui est fixé par la loi, et le chemin pour y parvenir, qui est la trajectoire. Si pour un même objectif il peut y avoir plusieurs trajectoires, ce ne sont pas les trajectoires qui déterminent l'objectif.
On peut ainsi lire, dans l'étude d'impact que la fermeture d'une centrale : « comprend la reconversion du personnel de l'exploitant, des sous-traitants et de leur personnel, le coût du démantèlement, provisionné en application de la réglementation existante, et l'adaptation des réseaux électriques. Ce sont des dépenses inéluctables auxquelles l'exploitant doit dans tous les cas faire face à l'expiration de la durée de vie de l'installation, indépendamment des nouvelles dispositions de plafonnement et de plan stratégique introduites par l'article 187. Dans certains cas, la durée de vie « technique » des installations de production peut être prolongée après des investissements significatifs dit « de jouvence ». Le mécanisme de plafonnement et le dispositif de plan stratégique pourront, dans certains cas, conduire un exploitant à ne pas réaliser ces réinvestissements. Le nombre d'installations concernées dépendra des trajectoires fixées dans les programmations pluriannuelles de l'énergie, ainsi que des choix industriels des exploitants pour répondre aux objectifs de la politique énergétique ».
Sur les impacts budgétaires et financiers de l'article 187 l'étude d'impact ne donne pas de précisions : « Les arrêts des installations de production d'électricité au titre de la programmation pluriannuelle de l'énergie, des plans stratégiques ou du mécanisme de plafonnement pourront, dans certains cas, nécessiter une indemnisation par l'Etat de l'exploitant. Cette indemnisation sera fixée au cas par cas en fonction du contexte particulier de chaque installation. Elle interviendra notamment si l'exploitant n'a d'autre choix que d'arrêter une installation de production avant la fin de la durée prévue pour son amortissement. »
L'étude d'impact confond ainsi l'amortissement comptable et la durée de vie économique d'un actif industriel. Il peut y avoir préjudice si le propriétaire de cet actif est privé de sa jouissance au-delà des durées conventionnelles liées aux règles de la comptabilité. Ce faisant, l'étude d'impact fixe une règle pour l'indemnisation, ce qui n'est pas son rôle, et qui plus est, une règle qui n'est pas conforme au droit. Cela entache l'étude d'impact d'irrégularité. Il est à noter que la loi n'a repris aucunement à son compte ces affirmations.
En ce qui concerne les impacts sociaux on peut lire : « Les dispositions de plafonnement et de plan stratégique pourront, dans certains cas, conduire l'exploitant à modifier le calendrier d'arrêt d'un site et de sa reconversion. Ces impacts seront analysés au cas par cas, dans le cadre des programmations pluriannuelles de l'énergie et des plans stratégiques des exploitants. Ils seront d'autant plus faibles que les décisions seront prises avec un délai suffisant pour que l'exploitant prépare la reconversion du site et accompagne ses salariés dans la transition ».
Le rythme très rapide de fermeture induit par la réduction de la part du nucléaire à 50 % en moins de 15 ans n'est donc pas analysé sur le plan social. L'étude d'impact renvoie à d'autres études réalisées plus tard.
Il en est de même pour les impacts sur les collectivités territoriales.
« Les impacts des arrêts des installations de production en application des objectifs fixés dans les futures programmations pluriannuelles en énergie seront évalués dans l'étude d'impact macro-économique de la PPE prévue à l'article 141-3, ainsi que dans le cadre du « plan stratégique des exploitants de centrales nucléaires ».
Il a été rappelé, à propos de l'article 1er, que, en imposant le passage de 75 % à 50 % de la part du nucléaire à l'horizon 2025, cette loi acte la fermeture de centrales nucléaires existantes correspondant à 21 gigawatts d'installations : en moyenne cinq réacteurs à fermer tous les deux ans. Le coût est au minimum de 30 milliards d'euros.
Comment peut-on ne pas évoquer dans l'étude d'impact les conséquences sociales importantes dues à la fermeture de ces centrales qui emploient à elles seules, directement plus de 10.000 personnes, font vivre leurs familles, les commerces et les services alentours ?
Plusieurs départements français vont voir disparaître ces 10 000 emplois, sans compter les emplois induits.
Comment imaginer de ne pas évoquer les effets, dévastateurs pour les collectivités locales concernées, de ces fermetures de sites dans l'étude d'impact ?
Par ailleurs, en ce qui concerne les coûts budgétaires et financiers, dans le rapport parlementaire de la commission des finances sur le « Coût de la fermeture anticipée de réacteurs nucléaires :
l'exemple de Fessenheim », les deux auteurs, Hervé Mariton et Marc Goua, chargés de calculer une première estimation officielle du coût de la 'fermeture anticipée' de la doyenne des centrales nucléaires françaises encore en activité estiment que : « EDF pourrait percevoir une indemnité de l'ordre de 4 milliards d'euros pour avoir été obligé de fermer ses deux réacteurs avant l'heure ».
Selon les deux auteurs le coût global pour la collectivité sera cependant supérieur à l'indemnisation de l'exploitant, seul coût cité par l'étude d'impact, car il faudra ajouter le coût social de la fermeture anticipée, de milliers de postes durablement et immédiatement touchés, d'une perte fiscale importante pour les collectivités locales avoisinantes et des investissements de réseau nécessaires.
On peut lire dans les conclusions du rapport : « Le coût social de la fermeture, même s'il ne peut être chiffré avec certitude, avoisine globalement sur l'ensemble de la période autour de 1 milliard d'euros.
Au total, la seule fermeture de la centrale entraînerait donc une perte globale pour la collectivité de près de 5 milliards d'euros et d'environ 2 000 emplois, sans compter l'impact induit d'une probable hausse des prix de l'énergie pour notre compétitivité.
Par conséquent, la décision de fermer la centrale de Fessenheim ne peut pas être adoptée sans que dans le débat les aspects financiers ne soient pris en compte, d'autant plus que de telles conséquences risquent de se reproduire à chaque nouvelle fermeture anticipée de centrale, du fait cette fois-ci non pas de l'application du plafond de production mais de la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) » prévue dans la loi relative à la transition énergétique et la croissance verte.
« En effet, l'objectif de diversification de la production électrique et la réduction de la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique conduirait indirectement, » - continuent les rapporteurs, - « dans certaines hypothèses, à la fermeture d'une vingtaine de réacteurs à l'horizon 2025. En effet, sur la base des scénarios formulés par Réseau de transport d'électricité (RTE) sur les consommations électriques futures, la PPE pourrait conduire à la fermeture d'une vingtaine de réacteurs nucléaires dans l'hypothèse où la consommation électrique resterait constante, ou inversement à aucune fermeture dans l'hypothèse d'une forte augmentation de la consommation d'électricité. Dans le cas de la fermeture anticipée d'une vingtaine de réacteurs, et dans l'hypothèse d'un respect du calendrier actuel de la PPE, le coût global se chiffrerait alors en dizaine de milliards d'euros. »
Au regard des conséquences économiques, sociales et financières de cette loi, les rapporteurs spéciaux estiment dans ce rapport qu'il serait sans doute préférable de reporter la décision de fermer Fessenheim afin de permettre à un outil rentable économiquement et techniquement sûr, sous le contrôle vigilant de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, de terminer son cycle de vie industrielle.
Les rapporteurs spéciaux sont également convaincus qu'il est nécessaire de diversifier les sources d'énergie dans notre pays, et que maintenir un niveau proche de 75 % de notre production d'électricité sur un seul mode de production n'est pas souhaitable à long terme.
Cependant cet objectif ne doit pas pour autant conduire à des décisions conduisant à remettre en cause les avantages de la politique énergétique des cinquante dernières années sans réflexion économique approfondie.
Ils concluent enfin : « Quelle que soit la politique énergétique à long terme suivie, il serait judicieux, sur le plan budgétaire et économique, de conserver le bénéfice de la « rente du nucléaire » en s'abstenant de fermer prématurément les sites de deuxième génération actuellement en exploitation ».
A la lumière de ces estimations les députés auteurs de cette saisine dénoncent l'indigence et les carences de l'étude d'impact qui n'ont pas permis aux parlementaires d'apprécier sincèrement les considérables impacts du projet de loi.
De fait, les exigences imposées par l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 ont été méconnues par le gouvernement en ce qui concerne l'impact du 5 ° du III de l'article 1er (objectif de 50 % de nucléaire à l'horizon 2025) et de l'article L311-5-5 introduit par l'article 187 (plafond de capacité totale nucléaire), ce qui constitue un vice de forme substantiel et justifie à leurs yeux une saisine du Conseil constitutionnel sur ce point.
Il est demandé au Conseil, au vu de l'ampleur possible de leurs impacts sociaux, économiques et financiers pour l'Etat et au motif de l'absence d'étude d'impact consistante, telle qu'exigée par la loi organique, de ces dispositions, de bien vouloir déclarer inconstitutionnels le 5 ° du III de l'article 1er et l'article L311-5-5 introduit par l'article 187.
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Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur ces points, et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la compétence et la fonction que lui confère la Constitution.
NOTES :
(1) PE et Cons. CE, dir. 94/62/CE, 20 déc. 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages, art. 3, 1 ° : JOCE n° L 365, 31 déc. 1994, p. 10, mod. PE et Cons. UE, dir. 2004/12/CE du 11 févr. 2004 : JOCE n° L 47, 18 févr. 2004, p. 26 et PE et Cons. UE, dir. 2005/20/CE du 9 mars 2005 : JOUE, 16 mars 2005, p. 17
(2) Cons. const., décisions n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, SNC Kimberly-Clark, Journal officiel du 19 juin 2010, p. 11149 (cons. 3) ; n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010, Société Esso SAF, Journal officiel du 23 septembre 2010, p. 17292 (cons. 4) ; n° 2010-45 QPC du 6 octobre 2010, M. Mathieu P., Journal officiel du 7 octobre 2010, p. 18156 (cons. 6) ; n° 2010-73 QPC du 3 décembre 2010, Société Zeturf Limited, Journal officiel du 4 décembre 2010, p. 21358 (cons. 8 et 9) ; n° 2010-83 QPC du 13 janvier 2011, M. Claude G., Journal officiel du 14 janvier 2011, p. 811 (cons. 6) ; n° 2010-95 QPC du 28 janvier 2011, SARL du Parc d'activités de Blotzheim et autre, Journal officiel du 29 janvier 2011, p. 1896 (cons. 2 à 5)
(3) Cons. const., décision n°283 DC du 8 janvier 1991
(4) Séance du 10 juillet 2015 au Sénat
(5) Cons. const., décisions n° 2011-175 QPC du 7 octobre 2011 (cons. 5) ; n° 2011-644 DC du 28 décembre 2011 « Loi de finances pour 2012 » (cons. 11)