Contenu associé

Décision n° 2015-717 DC du 6 août 2015 - Observations du Gouvernement

Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République

Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

* * *

L'article 59 modifie le statut de la métropole du Grand Paris. Il modifie notamment les conditions dans lesquelles sont élus les conseillers de la métropole du Grand Paris en prévoyant que les sièges attribués à la commune de Paris sont répartis entre les arrondissements de la commune de Paris en fonction de leur population, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, chaque arrondissement devant disposer d'au moins un siège.

Le XX de cet article prévoit néanmoins que jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la métropole du Grand Paris, les sièges attribués à la commune de Paris sont répartis à raison d'un siège pour un représentant désigné par le conseil de Paris, les autres sièges étant répartis entre les arrondissements de la commune en fonction de leur population, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, chaque arrondissement devant disposer d'au moins un siège.

Les députés et sénateurs auteurs des recours soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre les collectivités territoriales. Les députés requérants soutiennent également que ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et le principe de clarté et de loyauté du scrutin et qu'elles portent atteinte au pluralisme et à l'égal accès aux fonctions électives.

Ces griefs sont infondés.

1/ A titre liminaire, le Gouvernement souhaite rappeler la genèse et la portée des dispositions contestées.

L'article 12 de la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 portant modernisation de l'action publique et affirmation des métropoles prévoit la création, à compter du 1er janvier 2016, de la métropole du Grand Paris, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à statut particulier qui rassemblera l'ensemble des communes des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, ainsi que quelques communes limitrophes de ces départements.
Cette loi a prévu que les conseillers de la métropole du Grand Paris, comme d'ailleurs les conseillers des métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence, seront élus au suffrage universel direct à l'occasion du renouvellement général des conseils municipaux suivant leur mise en place suivant des modalités particulières fixées par la loi.

Pour la métropole du Grand Paris, l'article L. 5219-9 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de cette loi, prévoyait que la représentation des communes au sein du conseil métropolitain de la métropole du Grand Paris était déterminée, par dérogation à l'article L 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, à raison d'un conseiller métropolitain par commune, auquel s'ajoutait un conseiller métropolitain supplémentaire par tranche complète de 25 000 habitants.

L'application de ces dispositions aboutissait à un conseil métropolitain de près de 350 membres, soit un effectif particulièrement élevé qui aurait été de nature à complexifier le fonctionnement de la métropole, tout en entraînant des dépenses élevées du fait des indemnités versées aux élus et des difficultés matérielles pour réunir ce conseil.

Dans le cadre de la concertation qui a suivi l'adoption de la loi du 27 janvier 2014, tous les acteurs politiques de la métropole du Grand Paris ont demandé que le nombre de conseillers métropolitains soit réduit.

Le Gouvernement a donc proposé, en appliquant les règles prévues à l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, de ramener ce nombre à près de 200 membres.

Pour la commune de Paris, le législateur a estimé nécessaire que les sièges de conseillers métropolitains soient répartis, suivant le droit commun, entre les arrondissements de Paris et que chaque arrondissement devant disposer d'au moins un siège.

Contrairement à ce que soutiennent les députés et les sénateurs requérants, ce choix procède de la nécessité de tenir compte de la place particulière des arrondissements dans l'organisation spécifique de la ville de Paris et au sein de la métropole du Grand Paris.

En premier lieu, à Paris, les électeurs votent par arrondissement aux élections municipales et non au niveau de la commune ou dans le cadre d'un secteur regroupant plusieurs arrondissements, comme, par exemple, à Marseille. Il est logique que, dans le cadre d'une élection au suffrage universel direct, les électeurs puissent choisir, en même temps, leurs conseillers municipaux et, parmi ceux-ci, ceux qui seront conseillers métropolitains.

En deuxième lieu, au sein de la métropole, les arrondissements de Paris possèdent une place particulière. La commune de Paris rassemble en effet une population représentant près d'un tiers de celle de la future métropole. Dix des vingt arrondissements parisiens accueillent une population supérieure à celle de la deuxième commune la plus peuplée de la métropole du Grand Paris, Boulogne-Billancourt. Dans ces conditions, la répartition des conseillers métropolitains de Paris entre ses vingt arrondissements apparaît comme un moyen d'assurer de manière satisfaisante la représentation démocratique de Paris au sein de la métropole.

En édictant ces principes, le législateur s'est borné à appliquer à la commune de Paris les dispositions qui s'appliquent à l'ensemble des communes qui sont divisées en secteurs en application de l'article L. 261 du code électoral, ce qui est le cas de Paris, Lyon et Marseille.

L'article L 273-7 du code électoral prévoit, dans un tel cas, que « le représentant de l'Etat dans le département répartit les sièges de conseiller communautaire entre les secteurs ou les sections, en fonction de leur population respective, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. »

Le législateur s'est contenté de reprendre ce schéma pour prévoir la répartition des sièges de conseillers métropolitains entre les différents arrondissements de Paris. Il n'a ajouté à ces règles que l'exigence que chaque arrondissement soit représenté par au moins un représentant.

2/ Sur l'intelligibilité de la loi et le principe de clarté et de loyauté du scrutin.

Comme indiqué précédemment, les dispositions contestées prévoient d'appliquer aux arrondissements de Paris des règles du code électoral dénuées d'ambiguïté qui s'appliquent à l'ensemble des établissements publics intercommunaux à fiscalité propre. Ainsi, si la commune de Paris avait rejoint un établissement public intercommunal à fiscalité propre avant la création de la métropole du Grand Paris, ce sont ces dispositions, quasi-identique à celles de l'article L. 273-7 du code électoral, qui se seraient appliquées du fait de son organisation en arrondissement résultant de la loi n°82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation de Paris, Lyon et Marseille.

Quant à l'exigence de clarté et de loyauté du scrutin, elle sera pleinement assurée par le fait que, le même jour, l'électeur choisira, dans son arrondissement, les conseillers qu'il souhaite élire au sein du conseil d'arrondissement, du conseil de Paris et du conseil de la métropole. Le Conseil constitutionnel a déjà constaté que l'organisation d'un scrutin tendant à l'élection, dans chaque canton, d'un élu appelé à siéger à la fois au conseil général et au conseil régional ne méconnaît aucunement la double exigence de clarté et de loyauté du scrutin (décision n°2010-618 DC, cons. 26).

Un tel système apparaît plus simple et plus opérant que d'autres systèmes parfois envisagés.

Il est plus simple pour l'électeur qu'un système qui consisterait à voter pour élire des conseillers de Paris au sein de l'arrondissement tout en votant pour une liste au niveau communal qui refléterait les différents arrondissements sur le modèle de la liste aux élections régionales.

Il est également plus simple qu'un système qui consisterait à voter pour élire des conseillers municipaux au sein de l'arrondissement tout en votant pour des conseillers métropolitains dans des secteurs regroupant plusieurs arrondissements.

Le système de désignation des conseillers métropolitains au niveau de l'arrondissement répond à un cadre familier pour l'électeur parisien.

Et il ne saurait être sérieusement soutenu que la modification des modalités de désignation des conseillers métropolitains dans la période transitoire avant le prochain renouvellement général méconnaîtrait le principe de clarté et de loyauté du scrutin qui s'est tenu lors des dernières élections municipales. En effet, lors de ces échéances, les électeurs n'ont pas voté pour désigner au suffrage universel direct les conseillers métropolitains.

Le grief tiré de ce que le système transitoire de désignation des conseillers métropolitains qui permet une représentation de tous les arrondissements de Paris méconnaîtrait le principe de clarté et de loyauté du scrutin est donc inopérant.

3/ Sur le respect du principe d'égalité.

Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que la répartition des sièges et les modalités de désignation des conseillers métropolitains de la commune de Paris méconnaîtraient le principe d'égalité entre les communes de la métropole du Grand Paris.

En ce qui concerne la répartition des sièges, il convient de rappeler que la loi se borne à appliquer le droit commun prévu par l'article L. 273-7 du code électoral à l'exception de la règle qui veut que chaque arrondissement dispose d'au moins un conseiller communautaire.

La nature particulière de l'organisation de Paris par arrondissement et le poids des arrondissements de Paris au sein de la métropole du Grand Paris constituent des critères objectifs et rationnels qui justifient que chaque arrondissement puisse disposer d'au moins un représentant au sein de la métropole.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel a déjà pris en compte la particularité des arrondissements dans l'organisation parisienne en jugeant qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdisait au législateur d'instituer des divisions administratives au sein des communes ni d'instituer des organes élus autres que le conseil municipal et le maire (décision n°82-149 DC, cons. 6).

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs admis que le législateur souhaite assurer une représentation minimale de chaque arrondissement au conseil de Paris, même si, en l'espèce, il a estimé qu'en fixant un nombre minimal de trois conseillers de Paris dans les 1er, 2ème et 4ème arrondissements, il avait méconnu le principe d'égalité devant le suffrage (décision n°2013-667 DC, cons. 51). La loi n°2013-713 du 5 août 2013 fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris, qui a été prise à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, a d'ailleurs maintenu le principe d'une représentation de chaque arrondissement au sein du conseil de Paris.

Ce critère répond également à la place particulière de Paris au sein de la métropole. L'arrondissement le moins peuplé de Paris est plus peuplé que près de 30 communes qui entreront dans la métropole et qui disposeront d'un représentant.

En tenant compte de cette différence de situation entre la commune de Paris et les autres communes de la métropole pour prévoir une représentation de chaque arrondissement dans la métropole, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité.

Le mode de désignation des conseillers métropolitains ne méconnaît pas plus le principe d'égalité.

Le Conseil constitutionnel juge qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que tous les membres de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale soient élus selon le même mode de scrutin. Il a ainsi admis des modalités de désignation différentes des délégués communautaires dans les communes de moins de 1 000 habitants et de plus de 1 000 habitants, cette différence reposant sur un critère objectif et rationnel (décision n°2013-667, cons. 55).

Mais, en l'occurrence, le dispositif pérenne ne déroge pas au dispositif de droit commun prévu par le livre V du livre Ier du code électoral.

Les conseillers métropolitains seront élus, au sein de chaque arrondissement, en même temps que les conseillers municipaux et figureront sur la liste des candidats au conseil municipal.

En réalité, les requérants mettent en cause le dispositif transitoire qui a prévu l'élection des conseillers métropolitains par et parmi les conseillers de Paris de l'arrondissement.

En faisant ce choix, le législateur s'est borné à anticiper l'application du dispositif pérenne prévu par les dispositions de l'article L. 5219-9 du code général des collectivités territoriales et du titre V du livre Ier du code électoral.

Il a souhaité qu'avant le prochain renouvellement général des conseils municipaux, les arrondissements soient représentés dans les mêmes conditions en assurant la désignation comme conseillers métropolitains de conseillers de Paris élus dans l'arrondissement. On ne saurait prétendre que ces modalités de désignation rendront la représentation des arrondissements purement virtuelle. Au contraire, elles permettront, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur, de s'assurer que les sièges attribués à la commune de Paris sont répartis entre les arrondissements de la commune de Paris en fonction de leur population et que chaque arrondissement dispose au moins d'un représentant.

Quant au grief tiré de ce que ces modalités de désignation méconnaîtraient le principe d'égalité en raison des différences existant avec les modalités de désignation des conseillers métropolitains de Lyon dans la métropole de Lyon et de Marseille au sein de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, il ne pourra qu'être écarté.

Aucune règle constitutionnelle n'imposait au législateur de prévoir un régime uniforme pour la métropole du Grand Paris et pour les autres métropoles. En premier lieu parce que la métropole de Lyon a en tout état de cause un statut particulier dès lors qu'elle a été érigée en collectivité territoriale. En second lieu parce que le régime prévu pour Paris est inspiré du droit commun des établissements publics de coopération intercommunale en tenant compte de ce qu'à Paris, le secteur est l'arrondissement.

Ces dispositions ne portent donc pas atteinte au principe d'égalité.

4/ Sur l'atteinte au pluralisme et à l'égal accès aux fonctions électives.

Le Conseil constitutionnel contrôle que le législateur ne fixe pas des règles électorales qui affecteraient l'égalité entre électeurs ou candidats dans une mesure disproportionnée et méconnaîtraient ainsi le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions, lequel est un fondement de la démocratie (décision n°2004-490 DC, cons. 84, décision n°2007-559 DC, cons. 12 et 13).

On peine à voir en quoi le choix de réserver un siège pour le conseil de Paris dans la répartition transitoire des sièges jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la métropole du Grand Paris méconnaîtrait l'exigence de pluralisme des courants d'opinion ou affecterait l'égalité entre les candidats.

En choisissant d'attribuer un siège au conseil de Paris dans cette période transitoire, le législateur a souhaité qu'avant la désignation des conseillers métropolitains directement par les électeurs au sein des arrondissements, un conseiller métropolitain puisse représenter directement la commune de Paris pour prévoir un même niveau de représentation que celui des autres communes de la métropole.

De la même manière, on ne saurait considérer que le législateur aurait dû assurer la représentation de l'ensemble des groupes politiques du conseil de Paris au sein du conseil de la métropole pour respecter le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions. En effet, aucun principe constitutionnel n'impose que l'ensemble des groupes figurant au conseil de Paris dispose de conseillers métropolitains (voir mutatis mutandis, décision n°2011-4538 SEN, cons. 5).

On ne saurait pas plus soutenir que la désignation, dans le dispositif transitoire, des conseillers métropolitains par et parmi les conseillers de Paris dans chaque arrondissement conduirait, compte tenu de l'existence de la prime majoritaire qui bénéficie à la liste arrivée en tête, méconnaîtrait l'égalité devant le suffrage. En tout état de cause, l'application de la prime majoritaire au niveau de chaque arrondissement se compense au niveau de la commune de Paris prise dans son ensemble.

De même, la circonstance que, dans certains arrondissements, il n'y ait que peu de conseillers de Paris, comme dans le premier arrondissement, qui n'en compte qu'un, ou le deuxième arrondissement, qui n'en compte que deux, qui devront, le cas échéant, être départagés sur le critère de l'âge, ne peut être regardée comme portant atteinte au principe d'égalité devant le suffrage. En effet, ce dispositif transitoire a précisément vocation à s'appliquer à des conseillers métropolitains qui n'auront pas été élus au suffrage universel direct, jusqu'au prochain renouvellement général. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que ces modalités de désignation qui répondent à la volonté d'assurer la représentation de chaque arrondissement au sein du conseil de la métropole affecteraient l'égalité entre les candidats ou les électeurs.

Ces griefs ne pourront donc qu'être écartés.

***

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.