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Décision n° 2015-710 DC du 12 février 2015 - Observations du Gouvernement

Loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante sénateurs d'un recours dirigé contre la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

Les requérants critiquent l'article 8 de la loi déférée qui autorise à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le droit des contrats et des obligations dans le code civil. Sans méconnaître l'urgence et le bien-fondé de cette réforme, ils estiment que, compte tenu de son ampleur, elle ne peut être réalisée que par la loi et non par ordonnance.

Ce grief appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

Le Parlement peut, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, habiliter le Gouvernement à intervenir par voie d'ordonnances en toute matière qui relève du domaine de la loi sous les seules réserves du domaine de la loi organique et du domaine exclusif des lois de finance et des lois de financement de la sécurité sociale (décision n°99-421 DC du 16 décembre 1999, cons. 15). Le fait qu'une loi habilite le Gouvernement à intervenir par voie d'ordonnances dans de nombreux domaines n'est nullement contraire à la Constitution (voir en ce sens les décisions n°2003-473 DC du 26 juin 2003 ou n°2004-506 DC du 2 décembre 2004). Et il n'est pas possible d'invoquer une tradition républicaine selon laquelle une matière aurait toujours été traitée directement par le Parlement pour s'opposer à l'intervention d'une ordonnance, dès lors que cette matière relève du domaine de la loi (voir en ce sens, pour le découpage électoral, la décision n°2008-573 DC du 8 janvier 2009).

Le Gouvernement estime donc que l'on ne peut utilement soutenir que la réforme du droit des contrats et des obligations ne pourrait faire l'objet d'une habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Il convient d'ailleurs de relever que d'autres modifications d'ampleur du code civil sont intervenues par voie d'ordonnances, que ce soit la réforme de la filiation, réalisée par l'ordonnance du 4 juillet 2005, ou la rénovation du droit des sûretés, réalisée par l'ordonnance du 23 mars 2006.

L'habilitation conférée par la loi déférée est précisément définie. L'article 8 précise en effet, dans treize alinéas, aussi bien les finalités poursuivies que le champ des dispositions concernées et les solutions envisagées. Il est ainsi précisé que seront introduites dans le code civil la sanction de l'abus de faiblesse et la possibilité d'une résolution unilatérale du contrat par notification. Il est également précisé que seront consacrés le principe de bonne foi à tous les stades de la vie de contrat, affirmé de manière constante par la jurisprudence de la Cour de cassation, et la théorie de l'imprévision. Il en ira d'ailleurs de même pour la notion d'enrichissement sans cause, la cession de dettes et la cession de contrat.

Et, conformément à la règle édictée à l'article 2 du code civil selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir, il va de soi que l'ordonnance n'aura pas d'effet rétroactif et ne remettra pas en cause des situations juridiques acquises. Les mêmes principes s'appliqueraient également si le Parlement souhaitait, au moment de l'examen de la loi de ratification de l'ordonnance, modifier certaines de ses dispositions.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que ce grief n'est pas de nature à conduire à la censure des dispositions contestées.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.