Décision n° 2014-708 DC du 29 décembre 2014 - Observations du Gouvernement
Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2014.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I/ SUR LA PLACE DE CERTAINES DISPOSITIONS EN LOI DE FINANCES
A/ L'article 19 de la loi déférée modifie les taux et les règles d'affectation de la contribution à la formation professionnelle des employeurs dans un certain nombre de secteurs. L'article 106 reporte jusqu'au 31 décembre 2019 l'application du principe de l'encellulement individuel.
Les députés auteurs de la saisine estiment que ces articles n'ont pas leur place en loi de finances.
B/ Un tel grief ne peut qu'être écarté.
1/ Sur l'article 19
L'article L. 6331-1 du code du travail prévoit que tout employeur concourt au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions de formation. Le montant de cette participation varie selon la taille de l'entreprise. Il est assis sur le montant total des rémunérations imposables et des avantages en nature effectivement versés durant l'année à l'ensemble du personnel. Son taux normal était compris entre 0,55 % pour les entreprises dont l'effectif moyen est inférieur à dix salariés (article L. 6331-1 du code du travail) et 1,6 % pour celles employant au moins dix salariés (article L. 6331-9 du code du travail).
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a réformé le financement de la formation professionnelle en mettant notamment en place une contribution unique de 0,55 % pour les entreprises de moins de 10 salariés et de 1 % (à compter du 1er janvier 2015) pour celles de 10 salariés et plus. Cette contribution constitue une imposition de toute nature. Elle est d'ailleurs mentionnée à ce titre aux articles 235 ter C et suivants du code général des impôts.
La loi du 5 mars 2014 prévoyait que des adaptations spécifiques pourraient être prises par voie d'accords s'agissant des salariés de la branche du travail temporaire, des intermittents du spectacle et des salariés des branches du BTP.
L'article 19 a pour objet de mettre en œuvre ces accords en modifiant le taux de cette imposition de toute nature et en prévoyant la possibilité de modifier la répartition de cette contribution dans le cadre de l'encadrement prévu aux articles L.6332-3-3 et L.6332-3-4 du code du travail. Il a toute sa place en loi de finances.
2/ Sur l'article 106
i/ Le principe de l'encellulement individuel a été réaffirmé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui a toutefois prévu un moratoire de 5 ans pour son application, compte de tenu du nombre de personnes détenues et des capacités du parc immobilier pénitentiaire. Ce moratoire est venu à expiration le 24 novembre dernier.
Depuis 2009, la population carcérale n'a cessé d'augmenter, en particulier en raison de la mise en œuvre des peines-plancher. A la date du 1er novembre 2014, on dénombre 66 530 personnes détenues dont 17 115 personnes placées en détention provisoire, alors que la capacité opérationnelle de l'ensemble des établissements pénitentiaires est de 57 860 places. La densité de population s'élève à 115 % sur l'ensemble du parc pénitentiaire et atteint 132,5 % dans les maisons d'arrêt et les quartiers maisons d'arrêt.
La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales permettra de diminuer la population carcérale grâce à la suppression des automatismes dans l'application des peines (peines-plancher, révocation automatique des sursis) et à l'introduction de nouvelles dispositions comme la contrainte pénale ou la libération sous contrainte.
Le Gouvernement étudie également d'autres mesures, notamment sur la base du rapport que le député Raimbourg vient de présenter à ce sujet, qui pourraient être soumises rapidement au Parlement afin d'accélérer la mise en œuvre et le pilotage de l'encellulement individuel et de la surpopulation carcérale en général.
ii/ Ce report permet de ne pas modifier le programme immobilier compatible avec la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014.
Un programme immobilier visant à doter le parc pénitentiaire de 63 500 places à l'horizon 2019 est en cours de construction (centres pénitentiaires de Valence, de Draguignan, Majicavo, Papéari, Aix, deuxième établissement sur le site es Baumettes à Marseille, rénovation de la maison de la Santé à Paris, rénovation de la maison des hommes à Fleury-Mérogis). Son coût représente 201 M€ dès 2014 et, sur les trois prochaines années, s'élève à 250 M€ en 2015, 186 M€ en 2016 et 135 M€ en 2017.
Un nouveau programme immobilier vient d'être lancé pour porter le nombre de cellule à 57 200 cellules pour un coût de 994 M€. Il comprend la construction d'un établissement à Lutterbach, d'un centre de semi-liberté en Martinique, d'un établissement à Koné et de la réhabilitation de la maison d'arrêt de Basse-Terre et du centre pénitentiaire de Faa'a.
Compte tenu du coût à la place, sur la base du nombre actuel de détenus, le respect de l'encellulement individuel nécessiterait un investissement d'environ 1 250 M€. Le report du moratoire permettra de tenir compte de l'évolution de la population carcérale à la suite de loi du 15 août 2014 pour éviter de lancer un programme immobilier sur cette base. Il permet donc de ne pas engager des dépenses très importantes sur le budget de l'Etat.
La fin du moratoire fixé par la loi du 24 novembre 2009 aurait d'ailleurs nécessité de modifier l'ensemble de la programmation immobilière de la direction de l'administration pénitentiaire pour répondre à la situation actuelle de surencombrement. Cette modification de programmation a nécessairement un impact direct sur les autorisations d'engagement du programme budgétaire « administration pénitentiaire ».
Compte tenu de l'impact du programme immobilier pénitentiaire sur les finances publiques, le Parlement a ainsi souhaité qu'un rapport lui soit présenté au deuxième trimestre de l'année 2016 puis au dernier trimestre de l'année 2019. Ce rapport s'inscrit dans les prévisions du e) de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoit que les lois de finances peuvent comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques
iii / Le report permet de limiter le coût prévisible du contentieux indemnitaire lié au non respect du principe de l'encellulement individuel
Depuis l'expiration du moratoire de cinq ans prévu à l'article 100 de la loi du 24 novembre 2009, le 25 novembre 2014, les personnes détenues affectées à plusieurs par cellule en maison d'arrêt peuvent saisir les juridictions administratives pour obtenir réparation de leur préjudice.
Compte tenu du manque de cellules en maison d'arrêt (environ 19 000), de la durée moyenne de détention (7,3 mois en 2014) et du niveau moyen d'indemnisation dans les contentieux relatifs aux conditions de détention (de 50 € à 100 € par détenu et par mois au titre du seul préjudice moral) ainsi que des frais de procédure (barème de 1000 € à 1500 €), le coût global du contentieux relatif au non-respect de l'encellulement individuel est estimé entre 25,8 M€ et 42,1 M€ par an, ce qui représente plus que l'ensemble des dépenses destinées à la réinsertion en détention. La prorogation du moratoire a donc un impact direct sur les dépenses budgétaires de l'ensemble de cette période.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'article 106 trouve sa place en lois de finances.
II/ SUR L'ARTICLE 31
A/ L'article 31 de la loi déférée prévoit la possibilité pour les communes de décider une majoration de la part communale de la taxe d'habitation sur les logements meublés non affectés à l'habitation principale situés dans les zones urbaines tendues.
Les députés et sénateurs auteurs de la saisine estiment que cet article est entaché d'incompétence négative.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
Le législateur a souhaité prévoir une majoration de la part communale de la taxe d'habitation de 20 % afin d'inciter, dans les villes qui connaissent un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, les personnes occupant des logements meublés non affectés à l'habitation principale à mettre fin à ce mode d'utilisation pour permettre de remettre ces logements sur le marché de la location ou de la vente pour qu'ils puissent servir d'habitations principales. Il convient de rappeler que sur 3 630 000 résidences secondaires, 875 000 sont situées dans des zones tendues.
De manière cohérente, il a prévu que cette majoration, distincte de la part communale de la taxe d'habitation, ne pourrait être instaurée que dans les zones dites tendues définies par l'article 232 du code général des impôts pour l'application de la taxe annuelle sur les logements vacants.
Pour tenir compte des principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques qui imposent que les critères d'assujettissement retenus soient en rapport direct avec l'objectif poursuivi, le législateur s'est référé à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la taxe sur les logements vacants (décision n°98-403 DC et 2012-662 DC, cons. 138).
C'est la raison pour laquelle, au-delà des exonérations prévues pour les personnes qui sont contraintes de louer un logement dans un lieu distinct de celui de leur habitation principale pour exercer une activité professionnelle et pour les personnes hébergées dans des établissements de soins qui conservent le logement qui constituait leur résidence principale, la loi a prévu une exonération pour les autres personnes qui, pour une cause étrangère à leur volonté, ne peuvent affecter le logement loué à un usage d'habitation principale.
Ce faisant le législateur s'est borné à reprendre le critère fixé de manière constante pour l'application de la taxe sur les logements vacants.
Les députés auteurs de la saisine ne sauraient dès lors soutenir qu'un tel critère est entaché d'imprécision et que le législateur, en le reprenant, aurait méconnu l'étendue de sa compétence.
L'article 31 est donc conforme à la Constitution.
III/ SUR L'ARTICLE 46
A/ L'article 46 de la loi déférée majore de 50 % le produit de la taxe sur les surfaces commerciales pour les établissements dont la surface de vente excède 2 500 m².
Les députés auteurs de la saisine estiment que cet article méconnaît la garantie des droits affirmée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Les sénateurs requérants estiment que cet article porte atteinte au principe d'égalité et méconnaît le principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
B/ Ces griefs sont infondés.
La majoration du produit de la taxe sur les surfaces commerciales pour les établissements dont la surface de vente excède 2 500 m² poursuit un objectif budgétaire. Elle doit rapporter 200 M€ au budget de l'Etat.
Le Conseil constitutionnel juge qu'il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. Il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose (décision n°2009-577 DC, cons. 25).
Tel est bien le cas en l'espèce. Le seuil de 2 500 m2 retenu par le législateur correspond à la définition des hypermarchés dans le domaine de distribution. La mesure concerne environ 4 000 établissements, sur les plus de 40 000 de la taxe, appartenant en très grande majorité à des grandes enseignes. Ces grandes surfaces bénéficient d'une concurrence limitée par les autorisations administratives d'exploitations. Ces grandes surfaces bénéficient de marges importantes (18,13 % pour la marge commerciale et 20,15 % pour la marge d'exploitation) 1. Dans le contexte de redressement des finances publiques, le législateur a estimé qu'un effort complémentaire pouvait leur être demandé à raison de leur capacité contributive.
Le critère retenu par le législateur est donc un critère objectif et rationnel et la majoration s'appliquera à l'ensemble des établissements dont la surface de vente est supérieure à 2 500 m².
Par ailleurs, pour les magasins dont les surfaces excèdent 5 000 mètres carrés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 3 000 euros par mètre carré, cette majoration s'appliquera sur le montant de la taxe due après l'application du barème et de l'éventuelle majoration de 30 % prévue par la loi du 13 juillet 1972 modifiée par l'article 99 de la loi du 4 août 2008. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs auteurs de la saisine, l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçant et artisans âgés ne souffrent d'aucune imprécision sur ce point.
Les taux ainsi déterminés par le législateur ne peuvent, à l'évidence, être regardés comme confiscatoires.
Il convient de rappeler que le tarif de la taxe sur les surfaces commerciales s'exprime en euros par mètre carré, selon un barème qui est fonction du chiffre d'affaires par mètre carré. Ce sont ces montants (ou, ce qui revient au même, l'imposition résultant du produit du tarif par la superficie) qui sont ensuite majorés, le cas échéant. Ces règles de calcul témoignent de ce que cette taxe est construite dans des conditions qui tiennent compte de la capacité contributive des contribuables. Ce ne sont pas les tarifs en eux-mêmes, et encore moins les taux des majorations, qui renseignent en valeur absolue sur cette correcte prise en compte, mais leur valeur relative en fonction des caractéristiques des contribuables (surface et chiffre d'affaires par mètre carré).
La majoration, pour les quelques 4 000 établissements concernés, représente au total un montant de 0,16 % de leur chiffre d'affaires. Cette majoration ne peut donc pas être qualifiée de confiscatoire. La surtaxe Tascom des plus gros contribuables sera comprise entre 2 millions € et 20 millions €, pour des chiffres d'affaires compris entre 2 milliards € et 15 milliards €. Pour ces plus gros contributeurs, compte tenu des marges déjà mentionnées, la surtaxe représentera en moyenne 0,55 % de la valeur ajoutée.
Par ailleurs, compte tenu de la prise en compte du chiffre d'affaires par mètre carré, les effets de seuil lié à la surface, doivent être relativisés, l'influence du chiffre d'affaires au m2 demeurant prépondérante.
La taxe sur les surfaces commerciales payée par une surface inférieure à 2 500 m² pourra être supérieure à la taxe majorée payée par une surface supérieure à 2 500 m². Par exemple, un commerce de détail (sans position de ravitaillement, sans réduction de taux et hors modulation locale) dans le champ de la taxe, d'une surface taxable de 2 400m² avec un CA/m² de 12 000 € se verra appliquer un taux de 34,12 €/m², soit une taxe de 81 888 €, alors qu'un commerce de même type mais de 2 600m², réalisant un chiffre d'affaire de 3 000 €/m², se verra appliquer un taux de 5,74 €/m², soit une taxe de 14 924 €, hors majoration et une taxe de 22 386 € avec la majoration, ce qui demeure inférieur au cas précédent.
Il convient enfin de relever que, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, les frais d'assiette et de recouvrement prélevés par l'Etat ne seront pas applicables à la majoration de 50 %.
Si l'article 77 de la loi n°2009-1673 prévoit que, pour les frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat effectue sur le montant de la taxe un prélèvement de 1,5 %, ce montant vient en minoration du montant de l'impôt acquitté et s'impute directement sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales calculé selon les dispositions de la loi n°72-657 du 13 juillet 1972. Le bloc communal perçoit donc 98,5 % des recettes de la taxe sur les surfaces commerciales résultant de l'application de ces dispositions. Ce prélèvement étant proportionnel, l'article 77 ci-dessus mentionné et l'article 46 de la loi déférée aboutissent à ce que la charge pour les collectivités que représente le prélèvement pour les frais d'assiette et de recouvrement ne sera pas affectée par la création de la majoration au profit de l'Etat.
L'instauration de cette majoration ne porte donc pas atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.
Contrairement à ce que soutiennent les députés et les sénateurs auteurs de la saisine, cette mesure ne remet pas en cause l'avantage du crédit d'impôt compétitivité emploi consenti aux entreprises de la grande distribution comme à toutes les entreprises.
Si ce sujet est intervenu au cours des débats parlementaires, c'est principalement pour justifier que le produit de cette majoration devait être affecté à l'Etat et non aux collectivités territoriales, l'Etat supportant le coût du crédit d'impôt compétitivité emploi.
Le grief tiré de ce que l'instauration de cette majoration, en remettant en cause le crédit d'impôt compétitivité emploi, porterait atteinte à la garantie des droits devra donc être écarté.
L'article 46 est donc conforme à la Constitution.
V/ SUR L'ARTICLE 72
A/ L'article 72 de la loi déférée réduit le champ d'application du régime des sociétés mères en prévoyant, notamment, à son cinquième alinéa [a) du 6 de l'article 145 du CGI] que ce régime n'est pas applicable aux produits des titres prélevés sur les bénéfices d'une société afférents à une activité non soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent.
Les députés et les sénateurs auteurs des saisines soutiennent que cet article méconnaît la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques et méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1/ A titre liminaire, le Gouvernement souhaite souligner que cette mesure s'inscrit dans cadre des travaux internationaux en cours sous l'égide de l'OCDE, notamment depuis le G20 de Los Cabos en 2012, pour répondre aux lacunes que présentent les dispositifs fiscaux dans les situations transfrontalières et qui peuvent conduire à des situations de distorsion ou favoriser des comportements d'optimisation notamment au travers de mécanismes de double exonération.
Ainsi, cet article a pour effet de soumettre les entreprises placées dans la même situation à un même traitement fiscal, en réservant le bénéfice du dispositif mère et filiales aux situations de double imposition économique. A contrario, dans le régime actuel, des entreprises peuvent bénéficier d'un avantage indu lorsque les dividendes qu'elles perçoivent ont été versés par une filiale située à l'étranger et non soumise à un impôt sur les sociétés. Actuellement, ces entreprises bénéficient d'une double non-imposition alors même que le dispositif prévu à l'article 145 a seulement pour objectif de supprimer la double imposition.
2/ Les dispositions de l'article 72 ne souffrent d'aucune imprécision.
Le sous-amendement déposé par le Gouvernement permet de préciser que la règle posée à ce a) sera appréciée au regard du traitement général du bénéfice de la filiale distributrice. Ainsi, d'éventuelles mesures d'assiette favorables (comme l'exonération des dividendes entrant dans la composition du résultat qui est ensuite distribué et pouvant aboutir, dans les faits, à une imposition très faible voire nulle) ne feront pas obstacle à l'application du régime mère-filles. Il suffira que l'entreprise distributrice soit, en droit, imposable à un impôt sur les bénéfices pour que ses distributions continuent à ouvrir droit à ce régime d'élimination des doubles impositions. Comme l'indiquait l'exposé des motifs du sous amendement, dans le cas où coexistent un secteur imposé et un secteur exonéré, seul le secteur imposé ouvre droit au régime des sociétés mères.
3/ Les dispositions contestées ne procèdent pas à la transposition des dispositions de la directive 2014/86/UE du 8 juillet 2014.
Le régime européen, et a pour objectif, comme l'indique le considérant 2 de la directive 2003/123/CE, « d'exonérer de retenue à la source les dividendes et autres bénéfices distribués par des filiales à leur société mère, et d'éliminer la double imposition de ces revenus au niveau de la société mère ».
C'est pour cette raison que l'article 2 de la directive prévoit que le champ des avantages auxquels elle s'applique est limité aux sociétés des Etats membres qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés sans possibilité d'option et sans être exonérées.
La directive 2014/86/UE introduit, au point a du 1 de l'article 4 de la directive 2011/96/UE, une règle selon laquelle les Etats membres des sociétés mères n'exonèrent les bénéfices reçus que « dans la mesure où ces derniers ne sont pas déductibles par la filiale, et les imposent dans la mesure où ils sont déductibles par la filiale ».
La transposition de cette règle est réalisée, pour les sociétés des Etats membres, par le b) du 6 de l'article 145 du code général des impôts. Et le législateur a souhaité couvrir à la fois le droit interne et les distributions de source non européenne.
Le a) du 6 de l'article 145 ne constitue pas une mesure de transposition de la directive mais la règle qu'il prévoit s'inscrit néanmoins dans le cadre des prévisions de la directive 2014/86/UE. Il est en effet loisible aux Etats de revenir, lorsqu'elle existe, sur l'exonération de distributions faites par des sociétés elles-mêmes non imposables à l'impôt sur les sociétés.
4/ Ces dispositions ne portent pas atteinte au principe d'égalité.
Cet article a pour effet de soumettre les entreprises placées dans la même situation à un même traitement fiscal, en réservant le bénéfice du dispositif mère et filiales aux situations de double imposition économique. Dans le régime actuel, des entreprises peuvent bénéficier d'un avantage indu lorsque les dividendes qu'elles perçoivent ont été versés par une filiale située à l'étranger et non soumise à un impôt sur les sociétés. Le dispositif prévu à l'article 145 a pour objectif de supprimer une double imposition. Il n'a pas pour objet d'instaurer un système de double non-imposition en permettant à un contribuable de bénéficier d'une exonération en France à raison d'une exonération prévue dans un autre Etat.
Par ailleurs, le dispositif de l'article 145 ne concerne que les rapports entre une société et l'entreprise distributrice. Il n'a pas pour objet de prendre en compte les distributions en cascade. La loi déférée n'entraîne, sur ce point, aucune différence.
Le fait que deux contribuables peuvent se trouver dans une situation différente suivant les modalités suivant lesquelles ils organisent leur distribution de dividendes au sein du groupe ne crée pas, en lui-même, au regard de l'objectif du régime mère-fille, une méconnaissance du principe d'égalité.
5/ Sur la garantie des droits.
Comme indiqué précédemment, le régime mère-fille a pour objectif d'éviter les doubles impositions. Il n'a pas pour objet de maintenir une situation de double non-imposition.
La modification apportée par la loi déférée ne peut être regardée comme la remise en cause d'un régime spécial incitatif visant à garantir une exonération complète d'imposition sur les dividendes concernés.
L'article 72 est donc conforme à la Constitution.
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Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.