Décision n° 2014-706 DC du 18 décembre 2014 - Observations du Gouvernement
Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I/ SUR L'ARTICLE 23
A/ L'article 23 de la loi déférée prévoit de prélever directement sur les cotisations appelées par les caisses de congés payés les cotisations et contributions sociales dues au titre des périodes de congés payés.
Les députés auteurs de la saisine estiment que cet article méconnaît la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et porte atteinte au principe d'égalité.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1/ A titre liminaire, le Gouvernement souhaite rappeler les modalités particulières de versement des indemnités de congés payés dans les secteurs où existent des caisses de congés payés.
Des caisses de congés payés ont été mises en place dans quatre secteurs d'activité, le secteur des bâtiments et travaux publics, le secteur des transports, le secteur des spectacles et le secteur de la manutention portuaire, dans lesquels, en raison de la forte mobilité des salariés, il n'était pas possible pour les entreprises d'assurer seules l'indemnisation des congés payés des salariés qu'elles employaient.
Dans ces secteurs, en application de l'article L. 3141-30 du code du travail, les entreprises doivent obligatoirement s'affilier à une caisse de congés payés. Ces caisses se substituent à l'employeur pour assurer le versement des indemnités de congés payés aux salariés. Pour ce faire, elles perçoivent des cotisations des entreprises qui sont déterminées par un pourcentage du montant des salaires payés. Dans ce système de mutualisation, ces cotisations sont forfaitaires et définitives. Elles ne sont pas directement liées aux indemnités de congés qui seront effectivement versées par les caisses de congés payés aux salariés concernés. Il existe en outre un décalage temporel systématique entre le versement des cotisations par les entreprises aux caisses de congés payés et le versement des indemnités de congés payés par ces caisses aux salariés.
Les cotisations versées par les employeurs aux caisses de congés payés couvrent également les cotisations et contributions sociales associées aux congés payés. Les cotisations et contributions sociales correspondent ainsi à une proportion du montant des cotisations appelées par les caisses de congés.
Dans le système actuel, les caisses de congés payés versent ces cotisations et contributions sociales aux organismes de sécurité sociale au moment où les congés payés sont pris par les salariés. C'est en particulier à ce moment que les cotisations salariales sont précomptées. Les salariés concernés perçoivent donc une indemnité de congés payés nette directement en rapport avec l'indemnité brute à laquelle ils ont droit. Le décalage temporel entre la perception des cotisations et contributions sociales versées par les employeurs et leur versement aux organismes de sécurité sociale entraîne un gain de trésorerie pour les caisses de congés payés.
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, dans les secteurs concernés par les caisses de congés payés, les contributions au financement de l'allocation logement prévues par l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale et les versements aux autorités organisatrices du transport mentionnés aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales au titre des indemnités de congés payés sont directement acquittés par les entreprises auprès des organismes de sécurité sociale.
Le législateur a souhaité uniformiser les règles de recouvrement pour que toutes les cotisations et contributions sociales soient recouvrées par les organismes de sécurité sociale dès le versement des cotisations des employeurs aux caisses de congés payés. Il a prévu la possibilité d'un ajustement pour les cotisations et contributions salariales sur la base des montants d'indemnités de congés payés effectivement versés.
Le système envisagé par le législateur ne modifiera pas le montant des cotisations et contributions sociales versées par ces employeurs. Il sera toujours fixé en rapport avec la cotisation appelée par les caisses, elle-même calculée par application d'un pourcentage forfaitaire au montant des salaires payés. Mais ces cotisations et contributions seront recouvrées par les organismes de sécurité sociale au moment des versements des employeurs aux caisses de congés payés. Il est prévu que ces contributions et cotisations sociales soient directement versées par les employeurs aux organismes de sécurité sociale. Mais, dans un dispositif transitoire, elles pourront continuer à transiter par les caisses de congés payés qui devront les verser avant la fin du mois au cours duquel les cotisations leur sont versées.
2/ Sur la garantie des droits
Cette modification des règles de recouvrement des cotisations et contributions salariales n'affecte aucune situation légalement acquise.
Comme indiqué précédemment, elle n'affectera en rien les cotisations versées par les employeurs qui, au lieu d'être versées aux caisses de congés payés, seront directement versées aux organismes de sécurité sociale après la période transitoire prévue par la loi.
Si les dispositions du code du travail prévoient que les caisses de congés payés doivent assurer le versement des indemnités de congés payés aux salariés, elles n'impliquent pas que ces caisses devraient nécessairement assurer le recouvrement des cotisations et contributions sociales relatives aux versements des employeurs. Et aucune disposition législative ou règlementaire ne garantit l'existence d'un avantage de trésorerie pour les caisses de congés payés provenant du décalage entre le versement des contributions et cotisations sociales par les employeurs et leur reversement aux organismes de sécurité sociale. Il ne peut donc être soutenu qu'en remettant en cause cet avantage pour l'avenir, le législateur aurait remis en cause une situation légalement acquise.
Le législateur a, de plus, précisé que cet article ne s'appliquerait qu'aux périodes d'acquisition de droits à congés postérieures au 1er avril 2015 pour les cotisations et contributions sociales. Il n'existe donc aucun risque que des cotisations et contributions sociales déjà versées aux caisses de congés payés soient ensuite exigées par les organismes de sécurité sociale.
La loi a également prévu une période transitoire pour permettre, dans chaque secteur concerné jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 1er avril 2018, de maintenir le principe d'un reversement des cotisations et contributions sociales par les caisses de congés payés aux organismes de sécurité sociale.
Par ailleurs, il ne peut être soutenu que les règles ainsi fixées par le législateur présenteraient une complexité excessive et méconnaîtraient l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Les dispositions contestées prévoient clairement que les cotisations et contributions sociales sont versées par les employeurs sur la base des montants versés aux caisses de congés payés.
Si le législateur a prévu qu'un ajustement pourrait s'appliquer sur les cotisations et contributions salariales au vu des montants d'indemnités de congés payés effectivement versés, cet ajustement ne crée aucune incertitude sur les cotisations et contributions sociales qui devront être versées au moment de l'appel des cotisations par les caisses de congés payés.
3/ Sur le principe d'égalité
Les entreprises affiliées à des caisses de congés payés et les autres entreprises se trouvent dans des situations différentes au regard des règles qui concernent le versement des indemnités de congés payés. Les indemnités de congés payés versées par les entreprises ne relevant pas d'une caisse de congés payés sont directement liées aux congés pris par leurs salariés. Il n'en va pas de même pour les entreprises affiliées aux caisses de congés payés. Compte tenu du système de mutualisation prévu par le code du travail, elles versent des cotisations calculées à partir d'un taux forfaitaire sur l'ensemble des salaires versés. Ces cotisations ne sont pas directement liées aux congés payés effectivement pris par les salariés relevant de cette entreprise.
Cette différence de situation entraîne nécessairement des règles différentes pour la détermination des cotisations et contributions sociales. Les cotisations et contributions sociales d'une entreprise ne peuvent être calculées que sur la base des sommes réellement versées aux salariés. En revanche, pour une entreprise affiliée à une caisse de congés payés, il est cohérent que les cotisations et contributions sociales soient déterminées en proportion de la cotisation appelée par la caisse des congés et calculée proportionnellement aux salaires versés.
En prévoyant que les cotisations et contributions sociales soient recouvrées au moment des versements des employeurs aux caisses de congés payés, la loi se borne à tirer les conséquences des différences qui existent sur l'assiette et le fait générateur de ces cotisations et contributions sociales. Elle ne modifie d'ailleurs en rien la situation des entreprises concernées. Elle ne méconnaît donc pas le principe d'égalité entre les entreprises suivant qu'elles relèvent ou non d'un secteur dans lequel existent des caisses de congés payés.
La loi ne créera non plus aucune différence de traitement entre les salariés des entreprises affiliées à des caisses de congés payés suivant qu'ils prennent ou non leurs congés.
La loi déférée n'a ni pour objet, ni pour effet, de modifier la situation actuelle qui permet aux salariés de bénéficier d'indemnités de congés payés nettes de toute contribution ou cotisation sociale.
Par ailleurs, si un salarié décide de ne pas prendre des jours de congés pour les verser sur un plan d'épargne pour la retraite collectif, il pourra bénéficier, par le principe de l'ajustement prévu par la loi, du reversement des cotisations et contributions salariales correspondant aux congés non pris pour alimenter son plan d'épargne.
L'article 23 est donc conforme à la Constitution.
II/ SUR L'ARTICLE 61
A/ L'article 61 de la loi déférée précise les conditions dans lesquelles il est possible d'inscrire sur le répertoire des spécialités génériques des médicaments génériques à base de plantes et de substances minérales.
Les députés requérants estiment que ces dispositions méconnaissent l'exigence à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et sont entachées d'incompétence négative.
B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
Contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs du recours, la loi déférée ne souffre d'aucune imprécision. Bien au contraire, elle précise les conditions dans lesquelles des médicaments à base de plantes ou à base de substances minérales doivent être regardés comme ayant une composition qualitative identique à celle de la spécialité de référence pour pouvoir être inscrits sur le répertoire des spécialités génériques. Tel sera le cas quand la ou les substances actives ne sont pas susceptibles d'entraîner des différences significatives en termes d'efficacité thérapeutique ou d'effets désirables.
La formulation « n'est pas susceptible d'entraîner » ne recèle aucune ambiguïté. Elle permet de prendre en compte les éventuelles incertitudes qui peuvent peser sur l'efficacité thérapeutique et les effets indésirables pour décider, dans l'intérêt des patients, de ne pas inscrire un médicament sur le répertoire des spécialités génériques.
La loi déférée reprend d'ailleurs une notion déjà utilisée pour évaluer la biodisponibilité des spécialités génériques d'une spécialité de référence qui n'a pas été autorisée en France (article R. 5121-29 du code de la santé publique). Dans la même logique de prise en compte du risque, le code de la santé publique définit les effets indésirables comme des réactions susceptibles d'être liées à des produits que ce soit dans le domaine de la biovigilance (article R. 1211-31 du code de la santé publique) ou de l'hémovigilance et de la sécurité transfusionnelle (article R. 1221-23). Ces dispositions ne font l'objet d'aucune difficulté d'application.
Et il convient de rappeler que les médicaments génériques font l'objet d'une autorisation de mise sur le marché. L'appréciation des différences existant entre les médicaments génériques et les médicaments princeps reposeront donc sur des bases scientifiques.
Les griefs des députés auteurs de la saisine ne pourront qu'être écartés.
III/ SUR L'ARTICLE 63
A/ L'article 63 de la loi déférée instaure un forfait à la charge des établissements de santé pour la prescription de certains produits inscrits sur la liste en sus.
Les députés auteurs de la saisine soutiennent que cet article méconnaît le principe de sincérité des lois de finances, méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, méconnaît le principe d'égalité, l'égal accès aux soins et l'objectif constitutionnel du droit à la protection de la santé et méconnaît la liberté d'entreprendre.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1/ A titre liminaire, le Gouvernement souhaite rappeler l'objectif de cette disposition.
Lors de la mise en œuvre de la tarification à l'activité à l'hôpital, il a été prévu que les groupes homogènes de séjour (GHS), qui couvrent de manière forfaitaire l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation d'un patient, comprendraient également la prise en charge des médicaments administrés pendant le séjour du patient à l'hôpital.
Néanmoins, pour tenir compte de l'existence de médicaments innovants et onéreux, qui ne pouvaient être intégrés dans les groupes homogènes de séjour, il a été prévu que ces médicaments seraient directement remboursés par la sécurité sociale. Ces médicaments figurent sur une liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale dite « liste en sus ».
Si les principes ainsi définis apparaissent légitimes, leur mise en œuvre a pu donner lieu à des dérives. Il apparaît ainsi que certains établissements de santé prescrivent des produits figurant sur la liste en sus dans des cas où ils pourraient prescrire des médicaments pris en charge dans les groupes homogènes de séjour qui pourraient pourtant rendre une amélioration du service médical rendu équivalente voire meilleure. Les dépenses des médicaments inscrits sur la liste s'élèvent à un niveau très élevé (2,8 Md€) et sont très dynamiques (+7,5 % en 2013).
Le Gouvernement a donc souhaité mettre en place un système de sensibilisation à la prescription des médicaments de la liste en sus. Il a décidé d'instaurer un forfait qui viendra en déduction du montant facturé à l'assurance maladie pour chaque séjour comportant la facturation de certains médicaments de la liste en sus. Mais, comme l'indique l'évaluation préalable du projet de loi, les tarifs des groupes homogènes de séjours concernés seront revalorisés pour tenir compte de la mise en place du forfait.
Ainsi, à titre d'exemple, si le tarif d'un groupe homogène de séjour concerné s'élève à 300 € et que, dans 50 % des cas, un médicament de la liste en sus est prescrit, pour tenir compte du forfait instauré par la loi déférée, ce tarif sera revalorisé à 320 €. Quand aucun médicament de la liste en sus ne sera prescrit, l'établissement de santé percevra un tarif de 320 €. Lorsqu'un médicament de la liste en sus sera prescrit, l'établissement de santé percevra un tarif minoré du forfait de 40 €, soit un tarif de
280 €.
A prescriptions inchangées, un tel dispositif est financièrement neutre pour les établissements. Mais il incitera l'établissement, quand il existe un médicament équivalent pris en charge dans le cadre du groupe homogène de séjour, à prescrire ce dernier plutôt que le médicament de la liste en sus. Il sera donc, in fine, favorable à la fois aux établissements de santé et à la sécurité sociale.
Il ne remettra pas en cause la prescription de médicaments innovants ou onéreux inscrits sur la liste en sus quand il n'existe pas de médicaments équivalents pris en charge dans le groupe homogène de séjour.
2/ Sur la méconnaissance du principe de sincérité
Le Gouvernement estime que le grief tiré de ce que cet article serait susceptible de porter atteinte à la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale ne peut qu'être écarté.
La sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine (décision n°2012-659 DC, cons. 4).
La mesure envisagée permettra de rationnaliser l'utilisation des médicaments prescrits sur la liste en sus. Les incertitudes invoquées par les députés requérants sur son impact financier ne seraient pas, en tout état de cause, de nature à fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de financement de la sécurité sociale.
Au demeurant, le Gouvernement a présenté au Parlement l'impact de la réforme proposée en tenant compte à la fois de la mise en place du forfait et de la revalorisation des tarifs des groupes homogènes de séjour, cette dernière mesure relevant du pouvoir réglementaire. L'évaluation préalable au projet de loi montre clairement que ces deux effets ont été pris en compte pour calculer un impact positif de la réforme de 15 millions d'euros en 2015 puis de 35 millions les années suivantes lié à la modification des comportements de prescription attendus.
3/ Sur la méconnaissance du principe de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi
Dans un souci d'efficacité de la mesure, le législateur a souhaité que ce dispositif de sensibilisation s'applique dans des domaines où la prescription de médicaments inscrits sur la liste en sus est significative.
A cette fin, il a prévu que la minoration forfaitaire s'appliquerait aux prestations d'hospitalisation pour lesquelles des médicaments sur la liste ont été prescrits dans au moins 25 % des prestations, le montant des dépenses liées à ces médicaments représentant au moins 15 % des dépenses totales liées à la prescription des médicaments de la liste en sus.
Ces critères objectifs seront appliqués au niveau national puisque les tarifs des groupes homogènes de séjour sont nationaux. La liste des groupes homogènes de séjour concernés sera définie sur la base de ces critères par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Ces critères sont objectifs et précis. Sur la base des données disponibles pour l'année 2012, deux groupes homogènes de séjour seraient concernés. Il s'agit des séances de chimiothérapie tumorale, pour lesquelles des médicaments de la liste en sus sont prescrits dans 41 % des cas, ces médicaments représentant 44 % des dépenses de médicaments de la liste en sus, et les séances de chimiothérapie non tumorale, pour lesquelles des médicaments de la liste en sus sont prescrits dans 72 % des cas, ces médicaments représentant 24 % des dépenses de médicaments de la liste en sus.
Les tarifs de ces groupes homogènes de séjour seront revalorisés en conséquence et la minoration forfaitaire s'appliquera quand un médicament de la liste en sus sera prescrit dans le cadre d'un de ces groupes homogènes de séjour.
Les règles fixées par le législateur ne souffrent d'aucune ambiguïté. La minoration forfaitaire s'appliquera lorsque, à l'occasion d'une prestation hospitalière relevant d'un des groupes homogènes de séjour concerné, un médicament de la liste en sus sera prescrit dans une indication de l'autorisation de mise sur le marché mais également lorsqu'il sera prescrit hors autorisation de mise sur le marché dans le cas où une recommandation temporaire d'utilisation est mise en œuvre en application de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique et où une facturation à l'assurance maladie est prévue. Il n'était donc pas nécessaire que le législateur prévoie des dispositions spécifiques sur ce point. De même, dans l'économie globale du système mis en place, il n'était pas nécessaire de prévoir des règles différentes suivant les cas où existeraient ou non des médicaments pris en charge dans les groupes homogènes de séjour.
Et on ne saurait faire reproche à la loi déférée de ne pas avoir prévu la revalorisation des tarifs des groupes homogènes de séjour concernés, une telle mesure relevant du pouvoir réglementaire.
4/ Sur le principe d'égalité, d'égal accès aux soins et de protection de la santé
Comme indiqué précédemment, la revalorisation des tarifs des groupes homogènes de séjour et la mise en place de la minoration forfaitaire seront identiques pour l'ensemble des établissements de santé en raison du caractère national des tarifs.
Au demeurant, compte tenu de la revalorisation des tarifs des groupes homogènes de séjour, il est inexact de dire que les centres de lutte contre le cancer subiraient un impact négatif important du fait de la loi. L'analyse de l'impact de la loi établissement par établissement montre qu'en l'absence de changement dans leur politique de prescription, ces établissements enregistreraient un léger gain, de l'ordre de 22 000 euros par an en moyenne pour chacun de ces établissements, compte tenu de la revalorisation des tarifs des groupes homogènes de séjour concernés.
Les dispositions contestées ne portent donc pas d'atteinte au principe d'égalité entre les établissements de santé.
Elle ne remet pas en cause le principe de la prise en charge de médicaments de la liste en sus. Le médecin pourra toujours prescrire des médicaments innovants ou onéreux nécessaires au patient et qui ne sont pas pris en charge par les groupes homogènes de séjour. Ainsi, la loi déférée ne porte, en tout état de cause, aucune atteinte à la liberté de prescription du médecin.
De même, elles ne remettent pas en cause l'égalité entre assurés sociaux. Le législateur a d'ailleurs expressément prévu que le montant de la minoration ne pourrait en aucun cas être facturé aux patients.
5/ Sur la liberté d'entreprendre
Comme il a été indiqué précédemment, la mesure contestée ne remet pas en cause la prise en charge des médicaments innovants ou onéreux inscrits sur la liste en sus par la sécurité sociale. Elle a pour seul objet, dans un but de maîtrise des dépenses de santé, d'éviter que les établissements de santé prescrivent des médicaments inscrits sur la liste en sus quand ils peuvent prescrire des médicaments pris en charge au titre des groupes homogènes de séjour.
Elle ne porte donc aucune atteinte à la liberté d'entreprendre des entreprises pharmaceutiques qui développent des médicaments innovants qui continueront à être pris en charge au titre de la liste en sus prévue par l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale.
L'article 44 est donc conforme à la Constitution.
IV/ SUR L'ARTICLE 85
A/ L'article 85 de la loi déférée instaure une modulation des allocations familiales.
Les députés et les sénateurs auteurs des saisines estiment que cet article est entaché d'incompétence négative, méconnaît les exigences des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et porte atteinte au principe d'égalité.
B/ Ces griefs ne sont pas fondés.
1/ Sur la méconnaissance des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946
Si les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille, il appartient au législateur de choisir les modalités d'aides aux familles qui lui paraissent appropriées. Comme l'a relevé le Conseil constitutionnel, ces aides se présentent sous des formes très diversifiées. Elles comprennent le mécanisme de quotient familial, les prestations familiales servies par les organismes de sécurité sociale mais aussi d'autres prestations, générales ou spécifiques, directes ou indirectes, apportées aux familles tant par les organismes de sécurité sociale que par les collectivités publiques (décision n°97-393 DC, cons. 33).
Dans le cadre du pouvoir d'appréciation qui est le sien, le législateur a souhaité prévoir une modulation des allocations familiales en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants. Ce choix ne saurait être regardé comme remettant en cause la politique de solidarité nationale en faveur de la famille.
L'ensemble des familles continuera à percevoir des allocations familiales substantielles. De même, les ménages qui perçoivent des revenus élevés bénéficient du mécanisme du quotient familial qui atteint 3 000 euros pour une famille de 2 enfants et 6 000 euros pour 3 enfants. Ces mêmes ménages bénéficient également, lorsqu'ils décident de recourir à une garde d'enfant - ce qui est le cas en pratique aujourd'hui pour 88 % des familles qui seront concernées par le niveau le plus élevé de la modulation des allocations familiales - d'un complément de libre choix de mode de garde dont le montant moyen varie entre 178 euros par mois, lorsqu'ils ont recours à une structure, et 500 euros par mois en cas de recours à un salarié. Ces mêmes ménages bénéficient en outre des réductions et crédits d'impôt pour les sommes restant à leur charge au titre de cette garde d'enfants, dont le montant moyen observé sur cette population correspond à 310 € par mois. Il existe également des prestations ouvertes sans conditions de ressources. Ainsi, tous les ménages peuvent bénéficier, y compris ceux qui perçoivent des revenus élevés, de la prestation partagée d'éducation de l'enfant instaurée par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il convient d'ajouter l'existence de prestations ouvertes sans conditions de ressources pour des situations particulières comme l'allocation de soutien familial versée au parent isolé privé de l'aide de l'autre parent pour élever son enfant, l'allocation d'éducation d'un enfant handicapé ou l'allocation journalière de présence parentale.
En mettant en place une modulation des allocations familiales pour assurer l'équilibre de la branche famille de la sécurité sociale, le législateur n'a donc pas porté atteinte aux exigences découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité
En instaurant la modulation des montants d'allocation familiale, le législateur a entendu rétablir l'équilibre financier de la branche famille. Cette mesure permettra de dégager à terme environ 800 millions d'euros d'économies, qu'il convient de rapporter à l'effort global de la nation envers les familles évalué à 78,5 milliards d'euros (4,0 % du PIB), selon l'hypothèse basse du haut conseil de la famille présentée dans sa note « L'investissement de la nation en direction des familles » (2010). Au regard de cet objectif, le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en fondant cette modulation sur les ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants et sur le nombre d'enfants à charge. Il a d'ailleurs pris soin, en mettant en place un complément dégressif versé lorsque les ressources excèdent le plafond d'un montant inférieur à une somme déterminée, d'éviter l'apparition d'effets de seuil.
Au regard de l'objectif poursuivi, le législateur n'avait pas à prévoir des règles différentes suivant qu'un seul des membres du foyer ou les deux exerce(nt) une activité professionnelle. Le montant des allocations familiales ne varie pas suivant l'activité des membres du foyer.
La prise en compte des charges particulières liées à la présence d'enfants au foyer lorsque les deux membres du couple exercent une activité professionnelle fait l'objet d'autres dispositifs. Au-delà des services collectifs mis en place pour accueillir les jeunes enfants, des dispositifs sociaux et fiscaux existent pour compenser les frais de garde des jeunes enfants comme le complément de libre choix du mode de garde et les réductions et crédits d'impôt pour la garde des jeunes enfants.
3/ Sur l'incompétence négative
En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale. S'il appartenait au législateur de décider du principe de la modulation des allocations familiales, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer le barème de modulation du montant des allocations familiales en fonction des ressources du ménage.
L'article 85 est donc conforme à la Constitution.
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Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.