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Décision n° 2014-699 DC du 6 août 2014 - Observations du Gouvernement

Loi de finances rectificative pour 2014
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2014.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

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I/ SUR LA SINCERITE DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

A/ Les députés requérants soutiennent que la loi de finances rectificative pour 2104 serait insincère. Ils font notamment valoir que la modification de l'article liminaire lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale a conduit les sénateurs en première lecture puis les députés en nouvelle lecture à se prononcer sur un projet de loi insincère.

B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter ce grief.

1/ Le Conseil constitutionnel a jugé que la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine (décision n°2013-682 DC du 19 décembre 2013, cons. 3). Les mêmes exigences s'appliquent aux lois de finances rectificatives.

Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, l'avis du Haut Conseil des finances publiques du 5 juin 2014 relatif aux projets de lois de finances rectificative et de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 montre que les prévisions de croissance et de solde structurel sur lesquelles sont fondées ces deux lois ne peuvent être regardées comme entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre.

Si le Haut Conseil a constaté que les aléas baissiers qui affectent la prévision de croissance de 1 % en 2014 se sont accrus depuis la présentation du programme de stabilité, cette hypothèse de croissance ayant alors été jugée réaliste par le Haut Conseil, il a également indiqué que la prévision de croissance du Gouvernement ne pouvait être jugée comme étant hors d'atteinte.

Il convient de relever que cette prévision de croissance de 1 % est très proche de celle du consensus des instituts de prévision économique au moment du dépôt du projet de loi, et identique à la prévision la plus rapprochée du Fonds monétaire international (avril) et de la Commission européenne (mai). Dans l'attente des estimations de l'INSEE pour les chiffres du deuxième trimestre, elle pouvait donc légitimement être retenue pour la loi de finances rectificative pour 2014 et la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Par ailleurs, si le Haut Conseil a estimé qu'il existait un risque que le déficit structurel pour 2014 soit supérieur à la prévision de 2,3 %, il a aussi relevé que la loi de finances rectificative pour 2014 et la loi de financement rectificative de la sécurité sociale reposaient sur des hypothèses de finances publiques plus réalistes.

Les hypothèses retenues par la loi de finances rectificative ne peuvent donc être regardées comme étant insincères.

2/ Les modalités d'adoption de l'article liminaire n'ont pas porté atteinte à l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois des finances.

Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, l'article liminaire des projets de loi de finances de l'année, des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale a pour objet d'améliorer l'information du Parlement (décision n°2012-658 DC, cons. 24 et 25).

Comme il a été indiqué, l'article liminaire du projet de loi de finances rectificative, soumis à l'avis du Haut Conseil des finances publiques, présentait une prévision sincère du solde structurel et du solde effectif de l'ensemble des administrations publiques.

Si les prévisions de solde structurel et de solde conjoncturel ont été modifiées en première lecture à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'exercice par les députés de leur droit d'amendement, les parlementaires disposaient des prévisions présentées par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative.

Le Gouvernement a non seulement expliqué en détail en quoi l'amendement adopté portant modification de l'article liminaire était fondé sur des éléments de calcul erronés mais a également indiqué, tant à la fin du débat de première lecture à l'Assemblée nationale qu'au moment de l'ouverture du débat au Sénat, sa volonté de revenir à la version initiale de l'article liminaire. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été adopté au Sénat, tant en commission qu'en séance publique même si l'ensemble du texte a finalement été rejeté.

La circonstance que l'article liminaire ait été, pendant une période du débat parlementaire, divergent de celui présenté initialement par le Gouvernement, et non conforme aux hypothèses ayant présidé à la construction du projet de loi, ne peut être regardée comme ayant méconnu l'exigence de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances.

L'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances n'a donc pas été méconnu.

Dans ces conditions, les griefs soulevés par les auteurs des saisines ne pourront qu'être écartés.

II/ SUR L'ARTICLE 9

A/ L'article 9 de la loi déférée modifie le mécanisme de plafonnement et d'affectation du produit de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises perçue au profit des chambres régionales de métiers et de l'artisanat ou des chambres de métiers et de l'artisanat de région et de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat prévu par l'article 1601 du code général des impôts. Le produit de cette taxe additionnelle, composée de trois fractions distinctes, est actuellement affecté à chacun des bénéficiaires dans la limite d'un plafond individuel fixé par référence au plafond fixé par l'article 46 de la loi de finances pour 2012. La mesure proposée prévoit de créer un fonds de financement et d'accompagnement du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat géré par l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. Le législateur a prévu, pour l'année 2014, d'alimenter ce fonds par un prélèvement sur les chambres de métiers et de l'artisanat. Il a également prévu qu'un prélèvement pourrait être opéré sur ce fonds au profit du budget général pour l'application d'un sous-plafond portant sur les deux premières fractions de la taxe additionnelle.

Les députés auteurs de la saisine estiment que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en ne fixant pas de manière précise l'assiette du prélèvement opéré en 2014 au profit du fonds et en confiant à l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat la détermination du montant global annuel de la dotation au-delà de l'année 2014.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1/ En premier lieu, l'assiette du prélèvement opéré en 2014 sur les chambres des métiers et de l'artisanat de région, les chambres de métiers et de l'artisanat départemental, les chambres de métiers et de l'artisanat de Mayotte pour alimenter le fonds est défini de manière précise.

La loi déférée prévoit que ce prélèvement est fixé à 50 % de la partie du fonds de roulement excédant quatre mois de charges. La loi définit de manière précise le fonds de roulement concerné comme la différence entre les ressources stables (capitaux propres, provisions, dettes d'emprunt) et les emplois durables (actif immobilisé). Elle définit également les charges prises en compte pour calculer la partie du fonds de roulement excédant quatre mois de charges comme les charges décaissables non exceptionnelles (charges d'exploitation moins provisions pour dépréciation, moins dotations aux amortissements et plus les charges financières).

Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, les éléments pris en compte pour déterminer l'assiette du prélèvement pour 2014 ne peuvent être regardés comme excessivement complexes. Ils correspondent à des notions comptables usuelles pour les établissements publics et appartiennent au référentiel comptable du réseau des chambres de métier et de l'artisanat fixé par un arrêté du 20 décembre 2012.

De même, on ne saurait reprocher au législateur de fonder ce prélèvement sur les données comptables de l'exercice 2012, cet exercice étant le dernier exercice comptable disponible et validé par la tutelle. Au demeurant, l'article 9 prévoit expressément que les investissements votés et validés par la tutelle seront pris en compte dans le calcul du prélèvement pour éviter un prélèvement sur une chambre des métiers et de l'artisanat qui, depuis la clôture de l'exercice 2012, aurait puisé dans son fonds de roulement pour financer des investissements.

Le Gouvernement estime donc que le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en fixant les caractéristiques du prélèvement pour 2014.

2/ Le législateur a souhaité qu'au-delà de l'année 2014, l'Assemblée permanente des chambres des métiers et de l'artisanat fixe le montant global de la dotation du fonds de péréquation, qui pourra subir un prélèvement en fin d'exercice au profit du budget général par application d'un sous-plafond comprenant la taxe fixe et la taxe additionnelle mentionnées aux a) et au b) de l'article 1601. Le fonds sera alimenté par une contribution obligatoire de chaque établissement du réseau des chambres des métiers et de l'artisanat.

La loi déférée a donc précisément défini le système d'alimentation du fonds après 2014, selon une logique de contribution sectorielle, ainsi que le nouveau mécanisme de plafonnement.

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Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.