Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 - Saisine par 60 députés
Le projet de loi relatif à la géolocalisation a été adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat le 24 février dernier et ce, en recueillant un large accord parmi l'ensemble des groupes parlementaires. Au cours de l'examen de ce texte, a été introduite à l'article 1er du projet de loi, par voie d'amendement, une disposition, codifiée à l'article 230-41 du code de procédure pénale, permettant de disjoindre du dossier de la procédure certains éléments dont la connaissance est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches et alors qu'elle n'est ni utile à la manifestation de la vérité, ni indispensable à 1'exercice des droits de la défense.
Aux termes de ces dispositions, il appartient au juge des libertés et de la détention, saisi à tout moment par requête motivée du juge d'instruction, d'autoriser, par décision motivée, que n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure : la date, l'heure et le lieu où le moyen technique permettant la géolocalisation en temps réel a été installé ou retiré ; l'enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait de ce moyen technique.
Le nouvel article 230-41 prévoit également que la décision du juge des libertés et de la détention est jointe au dossier de la procédure. Les informations soustraites du dossier de la procédure sont inscrites dans un autre procès-verbal, qui est versé dans un dossier distinct, dans lequel figure également la requête du juge d'instruction. Ces informations sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance.
Au cours des débats parlementaires, la question s'est posée de savoir si ce dispositif qui entend permettre de protéger les personnes qui concourent à l'action de la justice respectait le principe des droits de la défense auquel nous sommes naturellement profondément attachés.
La garde des Sceaux a exprimé de telles interrogations tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat alors que les auteurs de l'amendement ayant introduit la disposition en question ont fait valoir leur volonté de trouver un équilibre entre la protection des personnes concourant à l'action de la justice et le respect des droits de la défense. La rédaction finalement adoptée par les deux chambres entend traduire cet équilibre.
Néanmoins dans une matière si sensible et afin de sécuriser les procédures pénales qui pourraient se fonder sur le nouvel article 230-41 du code de procédure pénale, il a paru important au président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, par ailleurs coauteur de cet amendement, que, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel puisse se pencher sur ce dispositif. La ministre de la Justice, au nom du Gouvernement, a également appelé de ses vœux une telle initiative, faisant état du caractère inédit du dispositif et d'un« petit espace d'incertitude juridique »,qui, en la matière, ne peut demeurer, selon nous, comme tel.
C'est à cette fin que nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, la loi relative à la géolocalisation afin qu'il puisse statuer sur les dispositions précitées.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre haute considération.