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Décision n° 2014-411 QPC du 9 septembre 2014 - Décision de renvoi CE

Commune de Tarascon [Application immédiate de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles]
Conformité

Conseil d'État

N° 376807
ECLI : FR : CESSR : 2014 : 376807.20140606
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Sophie Roussel, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public

Lecture du vendredi 6 juin 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance du 25 mars 2014, enregistrée le 28 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle la cour administrative d'appel de Marseille, avant qu'il soit statué sur la requête de la commune de Tarascon tendant à l'annulation du jugement n° 1205883 du 12 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 février 2012 portant application anticipée de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles sur le territoire de la commune et de la décision du préfet rejetant son recours gracieux, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, dans leur rédaction issue de la loi du 12 juillet 2000 portant engagement national pour l'environnement ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présenté par la commune de Tarascon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 120-1 et L. 562-2 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'État lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changements de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article L. 562-1 du code de l'environnement prévoit que l'État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles qui ont notamment pour objet, en vertu des 1 ° et 2 ° du II de cet article, de délimiter les zones exposées à ces risques et celles dans lesquelles de tels risques sont susceptibles d'être provoqués ou aggravés par des constructions, des aménagements ou des exploitations et de définir, compte tenu de leur gravité, les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises dans ces zones ; que ces mesures peuvent consister en l'interdiction de tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation ; que l'article L. 562-2 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 222 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dispose que « lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées au 1 ° et 2 ° du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée, par une décision rendue publique. / Ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé. » ;

3. Considérant que la commune de Tarascon soutient que ces dispositions sont contraires au droit de toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, énoncé à l'article 7 de la Charte de l'environnement, au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution et au droit de propriété garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement sont applicables au litige dont est saisi la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que la question de savoir si la décision préfectorale, mentionnée par ces dispositions, rendant immédiatement opposables certaines dispositions d'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles constitue une décision publique ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement, et si, dans cette hypothèse, les dispositions de l'article L. 562-2 sont conformes aux exigences de celui-ci soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Tarascon et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la cour administrative d'appel de Marseille.