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Décision n° 2014-408 QPC du 11 juillet 2014 - Décision de renvoi CE

M. Dominique S. [Retrait de crédit de réduction de peine en cas de mauvaise conduite du condamné en détention]
Conformité

Conseil d'État

N° 375765
ECLI : FR : CESSR : 2014 : 375765.20140514
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
Mme Clémence Olsina, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public

lecture du mercredi 14 mai 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 par M. A...B..., domicilié..., CS 50160 ; M. B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande, présentée le 19 août 2013, tendant à l'abrogation des articles D. 115-7 à D. 115-12 et D. 269 du code de procédure pénale et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre d'abroger ces dispositions, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 721 du code de procédure pénale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 721 du code de procédure pénale : « Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois. / Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d'un mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de cinq jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux cinq jours par mois ne peut toutefois excéder un mois. Il n'est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé conformément aux dispositions du premier alinéa. / En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut être saisi par le chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu'elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines, sur avis médical, en application des articles 717-1 ou 763-7. Il en est de même lorsque le juge de l'application des peines est informé, en application de l'article 717-1, que le condamné ne suit pas de façon régulière le traitement qu'il lui a proposé. La décision du juge de l'application des peines est prise dans les conditions prévues à l'article 712-5. / Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le retrait prévu par le troisième alinéa du présent article est alors de deux mois maximum par an et de cinq jours par mois. / En cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée de la réduction résultant des dispositions du premier ou du deuxième alinéa et, le cas échéant, du troisième alinéa du présent article, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l'emprisonnement correspondant, qui n'est pas confondu avec celui résultant de la nouvelle condamnation. / Lors de sa mise sous écrou,.... Cette information lui est à nouveau communiquée au moment de sa libération » ;

3. Considérant que les dispositions des troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 721 du code de procédure pénale sont applicables au présent litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'en prévoyant que la « mauvaise conduite » d'un détenu est susceptible de justifier le retrait d'un crédit de réduction de peine, ces dispositions ont institué une sanction ayant le caractère d'une punition dans des conditions qui portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 721 du code de procédure pénale est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au Premier ministre.