Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 - Observations du Gouvernement
Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de finances pour 2014.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I/ SUR L'ARTICLE 3
A/ L'article 3 de la loi déférée abaisse de 2 000 euros à 1 500 euros le plafond du montant par demi-part de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial.
Les députés requérants estiment que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques.
B/ Ce grief ne pourra qu'être écarté.
Saisi d'un premier abaissement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial , le Conseil constitutionnel a relevé « qu'il résulte de l'objet même du mécanisme du quotient familial et de son plafonnement que les contribuables ayant des enfants à charge sont traités différemment, d'une part, des contribuables sans enfant à charge et, d'autre part, selon le nombre d'enfants en charge ; que le plafonnement du quotient familial ne remet pas en cause la prise en compte des facultés contributives qui résulte de cette différence de situation ; qu'en tout état de cause, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'impose pas que la prise en compte des charges de famille pour apprécier les facultés contributives ne puisse résulter que d'un mécanisme de quotient familial » (décision n°2012-662 du 29 décembre 2012, cons. 26).
Afin d'assurer la pérennité du financement de la politique familiale, le Gouvernement a décidé de préserver l'universalité des allocations familiales mais de diminuer l'avantage en impôt maximal résultant de l'application du quotient familial.
Cette mesure permettra de réaliser un gain budgétaire de plus d'un milliard d'euros. Elle permettra également de renforcer la progressivité de l'impôt, l'avantage du quotient familial croissant avec le montant du revenu.
La réduction de l'avantage fiscal lié au quotient familial ne concernera que 13 % des foyers fiscaux ayant des enfants à charge, les ménages concernés appartenant aux 30 % des ménages les plus aisés. Ainsi, pour les couples mariés avec deux enfants, le plafonnement s'appliquera uniquement à ceux dont le revenu imposable est supérieur à 5 850 euros par mois.
Ainsi, le législateur, en conservant le mécanisme du quotient familial tout en diminuant l'avantage maximal qui peut résulter de son application, n'a pas remis en cause la prise en compte des facultés contributives.
II/ SUR L'ARTICLE 13
A/ L'article 13 de la loi déférée modifie la liste des revenus pris en compte dans le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour y inclure les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment l'assurance-vie, pour leur montant retenu au titre de l'assiette des prélèvements sociaux.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que ces dispositions méconnaissent l'exigence de prise en compte des facultés contributives.
B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
Le Conseil constitutionnel a jugé que ne pouvaient être intégrées « dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la totalité des impôts dus au titre des revenus, des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année » (décision n°2012-662 du 29 décembre 2012, cons. 95).
Le législateur a souhaité préciser ce qu'il fallait entendre comme « revenus réalisés par le contribuable » pour le calcul du plafonnement de l'impôt sur la solidarité sur la fortune en indiquant que les revenus correspondant aux produits des contrats d'assurance-vie en euros devaient être pris en compte.
En effet, à la différence des gains latents des contrats d'assurance-vie en unités de compte qui peuvent varier fortement d'une année à l'autre, la valeur des contrats d'assurance-vie en euros n'est plus susceptible d'évolution.
Si le contribuable peut décider de ne pas disposer de ces revenus immédiatement, notamment en raison des avantages fiscaux liés à la durée de détention des contrats d'assurance-vie, les produits des contrats d'assurance-vie en euros doivent bien être regardés comme des revenus réalisés au cours de l'année.
Cette situation est la même pour les compartiments en euros des contrats d'assurance-vie multi-supports. Les gains enregistrés sur ces compartiments sont certains à la différence des gains latents sur les compartiments en unités de compte.
Il convient de constater qu'une telle solution est d'ailleurs cohérente avec le mécanisme du plafonnement. En effet, l'article 885 V bis du code général des impôts prévoit la prise en compte, au numérateur du dispositif de plafonnement, des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus de l'année précédente. Ces dispositions impliquent la prise en compte des prélèvements sociaux opérés au fil de l'eau sur les produits en euros des contrats d'assurance-vie. Il est donc normal de prendre en compte les revenus correspondant au dénominateur pour le calcul du plafonnement.
En précisant cette notion, le législateur a d'ailleurs repris des dispositions qui avaient été introduites pour le dispositif antérieur dit du « bouclier fiscal » prévu à l'article 1649-0 A du code général des impôts par l'article 22 de la dernière loi de finances rectificative pour 2011. Or, le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause cet article dont il a été spécialement saisi.
L'article 13 est donc conforme à la Constitution.
III/ SUR L'ARTICLE 15
A/ L'article 15 de la loi déférée instaure une taxe exceptionnelle de 50 %, acquittée par les entreprises, assise sur la part des rémunérations individuelles supérieure à un million d'euros versée en 2013 et 2014.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que cet article méconnaît le principe de respect des facultés contributives des contribuables ainsi que le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt. Ils estiment également que ces dispositions ont un caractère rétroactif.
Les sénateurs requérants estiment également que la présentation de cet article a méconnu le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires et que cette taxe revêt le caractère d'une sanction.
B/ Le Gouvernement considère que ces griefs ne sont pas fondés.
1/ Sur le principe d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques
i/ La taxe instaurée par l'article 15 porte sur les entreprises et non sur les personnes physiques. Elle est assise sur la charge que représentent pour ces entreprises les rémunérations supérieures à un million d'euros au titre des années 2013 et 2014 et qui sont comptabilisées comme telles dans leurs comptes. Elle saisit ainsi la capacité contributive révélée par la capacité des entreprises à verser des rémunérations très élevées.
Les appointements prélevés par des associés gérants sur les recettes des entreprises n'ayant pas opté pour l'impôt sur les sociétés ne sauraient donc être comparés aux rémunérations soumises à la taxe exceptionnelle pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés.
L'objectif poursuivi par le législateur est de soumettre la charge que représentent des rémunérations exceptionnellement élevées, dans la mesure où cette charge révèle une capacité contributive de l'entreprise, à la taxe de 50 %. Il n'est pas de créer une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu.
Au regard de cet objectif, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité en prévoyant un traitement fiscal différent des rémunérations versées aux dirigeants selon que l'entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu.
ii/ le législateur a également pu prendre en compte l'ensemble des composantes des rémunérations supérieures à un million d'euros qui constituent une charge pour l'entreprise.
On ne saurait ainsi limiter l'assiette de la taxe aux rémunérations dont le salarié aurait la disposition immédiate.
Les plans d'attribution d'actions gratuites ou d'options de souscription d'action ou d'achat d'actions, de même que les versements effectués par l'entreprise en matière de retraites, et non, comme le soutiennent les requérants les provisions passées en matière de retraites, constituent des charges pour les entreprises.
Le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant l'impôt en soumettant à la taxe l'ensemble des éléments de la rémunération dont l'entreprise gratifie le salarié, sans distinguer entre le salaire stricto sensu et les autres modalités de rémunération des salariés.
iii/ On ne saurait pas plus arguer du fait qu'il existerait une différence de traitement suivant qu'un même salarié est rémunéré par une seule entreprise ou plusieurs entreprises.
Le fait qu'un salarié soit rémunéré par deux sociétés est sans incidence sur la capacité contributive de ces entreprises au regard de la taxe additionnelle. Le dispositif fiscal prévu par le législateur n'avait donc pas à prévoir un traitement différent pour ce cas de figure.
On relèvera, à cet égard, que ce dispositif ne peut être regardé comme une incitation à morceler les rémunérations entre plusieurs entreprises d'un même groupe. La déductibilité d'une rémunération qui ne correspondrait pas à un travail effectif ou serait excessive eu égard à l'importance du service pourrait être remise en cause par le contrôle fiscal, en application de l'article 39 du code général des impôts.
iv/ Le taux de la taxe ne peut être regardé comme excessif.
Il convient, en premier lieu, de relever que, contrairement à ce que soutiennent les députés et sénateurs auteurs de la saisine, l'appréciation du caractère excessif de la taxe ne saurait prendre en compte les impositions à la charge des salariés, mais doit être examiné du point de vue de l'entreprise.
Le Conseil constitutionnel considère que « pour apprécier le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, de prendre en compte l'ensemble de ces impositions portant sur le même revenu et acquittées par le même contribuable » (décision n°2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 18).
Il convient, en deuxième lieu, de préciser que le caractère excessif d'une imposition sur les sociétés au regard de ses facultés contributives ne saurait être apprécié de la même manière que pour les personnes physiques. Il convient, en effet, de tenir compte de la capacité contributive globale de l'entreprise.
Les entreprises qui versent des rémunérations supérieures à un million d'euros disposent, à l'évidence, d'une forte capacité contributive.
De plus, seule la partie supérieure à un million d'euro sera taxée, la rémunération principale restant déductible de l'impôt sur les sociétés. Il convient donc de relativiser le poids de la taxe exceptionnelle sur les entreprises.
Le législateur a en outre prévu un plafonnement de la taxe à 5 % du chiffre d'affaires pour s'assurer que la taxe ne représente pas une charge excessive pour l'entreprise et pour tenir compte de la situation particulière des entreprises qui comptent un effectif important de salariés auxquels elles versent des rémunérations très élevées. On estime qu'une cinquantaine d'entreprises, appartenant à différents secteurs d'activité, devraient bénéficier de ce plafonnement.
Dans ces conditions, la taxe de 50 % ne peut être regardée comme engendrant une fiscalité confiscatoire au regard de la capacité contributive globale de l'entreprise.
2/ Sur la rétroactivité
La taxe exceptionnelle est exigible au 1er février 2014 pour les rémunérations prises en compte dans son assiette pour 2013 et au 1er février 2015 pour les rémunérations prises en compte pour 2014.
Son assiette étant constituée de la part des rémunérations supérieure à un million d'euros qui aura été versée au cours de l'année 2013 puis au cours de l'année 2014, elle ne sera définitivement constituée qu'au 31 décembre à minuit. Le fait générateur de la taxe ne surviendra donc qu'à la fin de chacune des deux années au titre desquelles elle sera perçue. Pour l'année 2013, il sera postérieur à l'adoption de la loi, laquelle ne peut donc être regardée comme rétroactive.
Ces modalités de mise en oeuvre, qui conduisent à prendre en compte, pour le calcul de la taxe, une assiette pour partie déjà constituée à la date d'adoption de la loi, sont régulièrement admises pour l'ensemble des taxes dont l'assiette est définie par référence au montant annuel d'un agrégat économique (qu'il s'agisse de revenus, de bénéfices, de chiffre d'affaires ou de masse salariale). Tant que la période de référence n'est pas terminée, l'assiette n'est pas définitivement constituée et le fait générateur de l'impôt n'est pas encore survenu.
Aucun principe constitutionnel ne faisait obstacle à ce que le législateur saisisse, en fin d'année, une capacité contributive révélée par un agrégat mesuré sur l'ensemble de l'année.
Pour toutes ces raisons, l'article 15 est donc conforme à la Constitution.
IV/ SUR L'ARTICLE 22
A/ L'article 22 de la loi déférée vise à interdire la déduction des intérêts d'emprunt versés à des sociétés liées lorsque ces intérêts ne font pas l'objet d'une imposition minimale.
Les députés auteurs de la saisine font grief à cet article de méconnaître l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi et le principe de non-rétroactivité.
B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
1/ Sur le respect de l'objectif d'intelligibilité de la loi
L'article 22 énonce, de manière claire et précise, que les intérêts versés par une entreprise à une entreprise prêteuse qui lui est liée ne pourront être déduits des résultats imposables s'ils ne sont pas soumis à une imposition au moins égale au quart de celle déterminée dans les conditions de droit commun.
La mise en oeuvre de ce dispositif ne saurait être présentée comme comportant une complexité excessive. Elle reposera sur une simple comparaison des taux d'imposition applicables aux intérêts perçus dans un pays étranger ou en France, dans le cas où l'entreprise prêteuse est implantée dans une zone bénéficiant d'une fiscalité dérogatoire. Elle ne nécessitera aucun calcul particulier au vu du traitement comptable ou fiscal des intérêts ainsi visés au sein de l'entreprise prêteuse.
Elle ne saurait également être regardée comme contradictoire avec la mise en oeuvre de l'article 238 A du code général des impôts qui peut entraîner l'absence de déductibilité des intérêts lorsque l'entreprise débitrice ne peut démontrer que les dépenses correspondent à des opérations réelles et présentent un caractère normal.
En cas de prêt entre deux entreprises liées, un contrôle sera exercé, dans un premier temps, au regard des nouvelles dispositions de l'article 212 du CGI pour s'assurer que le versement des intérêts a bien donné lieu à une imposition d'un montant au moins égal au quart de l'impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions normales.
Si tel est le cas, et si la société prêteuse est établie dans un Etat étranger et qu'elle y est soumise à un régime fiscal privilégié, un contrôle sera réalisé au regard de l'article 238 A du CGI. Il appartiendra à la société débitrice d'apporter la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
2/ Sur le respect du principe d'égalité
Les nouvelles dispositions de l'article 212 s'appliquent que la société prêteuse soit domiciliée en France ou à l'étranger.
Dans un objectif de lutte contre la fraude fiscale, le législateur a entendu contrôler l'imposition dans des conditions normales des intérêts des prêts accordés par des sociétés liées à des sociétés françaises.
En retenant le régime fiscal applicable à l'imposition des intérêts perçus par la société débitrice, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels.
Il convient de constater que d'autres dispositifs fiscaux de lutte contre la fraude reposent déjà sur une comparaison entre le régime fiscal applicable en France et le régime fiscal applicable à l'étranger.
Tel est notamment le cas pour les dispositions de l'article 238 A et, par voie de conséquence, de celles des articles 209 B et 123 bis du code général des impôts.
3/ Sur la rétroactivité
Les dispositions de l'article 22 de la loi de finances pour 2014 s'appliquent aux exercices clos à compter du 25 septembre 2013. Ce faisant, le législateur a entendu éviter que le dépôt du projet de loi de finances n'entraîne la mise en place de nouveaux montages fiscaux dans les sociétés concernées.
Le Conseil constitutionnel admet de tels cas de rétroactivité lorsque le législateur souhaite mettre fin à des opérations d'optimisation fiscale (Décision n°2012-661 DC du 29 décembre 2012, loi de finances rectificative pour 2012, cons. 19).
Par ailleurs, en remettant en cause des schémas d'optimisation fiscale, le législateur ne peut être regardé comme remettant en cause des contrats de prêts passés avant cette date.
L'article 22 prévoit seulement la non-déductibilité des intérêts des emprunts ainsi consentis s'il apparaît qu'il ne sont pas soumis à une imposition au moins égale à 25 % de l'imposition dans des conditions normales.
Les griefs dirigés contre l'article 22 devront donc être écartés.
V/ SUR L'ARTICLE 27
A/ L'article 27 de la loi déférée réforme le régime d'imposition applicable aux plus-values de cessions immobilières des particuliers afin d'accroître l'offre de logements et d'en favoriser l'accès. Il prévoit un abattement exceptionnel de 25 % sur les plus-values nettes imposables des terrains bâtis. Il supprime tout abattement pour les terrains à bâtir.
Les députés requérants estiment que cet article méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques prévu à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le droit de propriété protégé par l'article 17 de cette même déclaration. Ils estiment également que le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1/ Sur la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi.
Les députés requérants considèrent que les objectifs poursuivis par le législateur dans la réforme des plus-values de cessions immobilières sont contradictoires.
Tel n'est pas le cas.
S'agissant des terrains à bâtir, le législateur a entendu éviter que les mécanismes d'abattement n'incitent les propriétaires à conserver leurs biens dans le but d'augmenter le rendement attendu par le double effet de la hausse du prix des terrains et de la réduction automatique de la plus-value imposable par l'effet des abattements.
Pour les autres biens immobiliers, le législateur a entendu assurer un régime d'abattement linéaire, plus favorable, afin de lever les freins liés à la fiscalité et assurer ainsi la fluidité du marché immobilier.
Ces deux dispositifs poursuivent ainsi des objectifs complémentaires, adaptés aux caractéristiques de ces deux marchés distincts que constituent le marché des terrains à bâtir et celui des immeubles déjà construits : il s'agit, d'une part, de supprimer toute incitation à la conservation des terrains à bâtir et, d'autre part, de supprimer les biais que les taux d'abattement croissants par paliers pouvaient introduire sur le marché des immeubles construits. Ces deux objectifs concourent à la redynamisation du marché immobilier. Ils ne peuvent donc être présentés comme étant contradictoires.
2/ Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.
i/ Le législateur n'est pas tenu d'assurer la prise en compte d'un coefficient d'érosion monétaire.
Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur pouvait assujettir au taux ordinaire d'imposition les plus-values résultant des cessions d'actifs « sans apporter à la détermination de ces plus-values des correctifs tenant compte de l'ancienneté du bien » (décision n°97-391 DC du 7 novembre 1997, cons. 8).
Cette jurisprudence concernait les plus-values mobilières. Mais le Gouvernement estime qu'elle peut également s'appliquer aux plus-values immobilières sur les terrains à bâtir et qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose la mise en oeuvre d'un coefficient d'érosion monétaire.
ii/ En tout état de cause, le mécanisme d'abattement supprimé par la disposition contestée a un effet qui va très au-delà, en particulier dans le cas des terrains à bâtir, de la seule prise en compte de l'érosion monétaire.
La prise en compte de l'érosion monétaire pourrait en effet conduire à augmenter la valeur d'acquisition prise en compte pour le calcul de la plus-value. Tel n'est pas l'effet des abattements prévus à l'article 150 VC du CGI, qui réduisent mécaniquement le montant de la plus-value imposable et conduisent à l'annuler purement et simplement au bout d'un longue période de détention (trente ans pour la version en vigueur de l'article 150 VC, vingt-deux ans dans la version issue de la loi déférée).
Cette annulation automatique de la plus-value imposable au terme d'un certain temps de détention comporte une incitation d'autant plus grande à conserver le bien que celui-ci est déjà ancien et que la hausse des prix du foncier est importante. Compte tenu de l'accroissement continu de la pression foncière et de la rareté relative des terrains à bâtir, l'augmentation de la valeur de ces derniers dépasse très nettement le rythme de l'érosion monétaire. La seule prise en compte de l'érosion monétaire ne saurait donc imposer le maintien d'un mécanisme qui conduit à mécaniquement à l'annulation de la plus-value imposable au terme d'un certain délai, quelle que soit l'ampleur de la plus-value réelle résultant de l'augmentation de la valeur du terrain.
Ainsi, s'il fallait tenir compte de l'érosion monétaire, dans le cas particulier des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir, le Gouvernement estime que les articles 150 VB et 150 VC du CGI pourraient être interprétés comme imposant de prendre en compte les effets de l'érosion monétaire pour ajuster la valeur d'acquisition prise en compte pour le calcul de la plus-value du terrain à bâtir.
La suppression du mécanisme d'abattement sur la plus-value ne peut donc être regardée comme contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.
iii/ La différence de traitement entre les plus-values résultant de cessions de terrains à bâtir et celles résultant de cessions d'autres biens repose sur des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi par le législateur qui consiste à éviter que les propriétaires de terrains à bâtir soient incités à conserver leurs terrains dans le but de diminuer - jusqu'à l'annuler - la plus-value imposable.
Compte tenu des caractéristiques économiques du marché des terrains à bâtir, cette différence de traitement ne peut être regardée comme entraînant une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
3/ Sur le respect du droit de propriété.
Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, la réforme envisagée n'a ni pour objet, ni pour effet de priver les propriétaires qui font l'objet d'une expropriation d'une partie de l'indemnité d'expropriation.
Le 4 ° du II de l'article 150 U du code général des impôts prévoit une exonération en faveur des plus-values résultant d'une expropriation lorsque l'intégralité de l'indemnité représentative de la valeur de cession du bien fait l'objet, d'un remploi dans les douze mois.
Dans ces conditions, le grief tiré de ce que l'article contesté priverait les personnes expropriées d'une partie de l'indemnité d'expropriation ne peut qu'être écarté.
4/ Sur l'incompétence négative
Le législateur a précisément défini les terrains qui ne pourront bénéficier de l'abattement prévu pour les plus-values immobilières en indiquant qu'il s'agissait des terrain à bâtir mentionnés au 1 ° de l'article 257 du code général des impôts.
Il n'a ainsi pas méconnu l'étendue de la compétence qu'il tire des dispositions de l'article 34 de la Constitution.
Pour toutes ces raisons, les griefs dirigés conte l'article 27 devront être écartés.
VI/ SUR L'ARTICLE 30
A/ L'article 30 de la loi déférée a pour objet d'augmenter le montant de la taxe sur les véhicules des sociétés.
Les députés requérants estiment que cet article méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques en ne soumettant pas les véhicules de tourisme utilisés par les particuliers au même barème.
B/ L'article 30 modifie le mode de calcul de la taxe sur les véhicules de société afin d'en accroître le rendement en prenant en compte les émissions des polluants atmosphériques.
En appliquant ce nouveau barème aux seuls véhicules de société et non aux véhicules appartenant aux particuliers, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif budgétaire poursuivi. Ainsi qu'il a été précisé au cours des débats parlementaires, les dispositions contestées ont pour objet de remédier à l'érosion des recettes procurées par la taxe en la complétant par une nouvelle composante également assise sur la capacité contributive que représente la détention, par les entreprises, d'un parc automobile.
Il était loisible au législateur, tout en poursuivant cet objectif de rendement budgétaire, de moduler le tarif de la taxe pour prendre en compte les effets nocifs des polluants atmosphériques dans la détermination du barème.
L'article 30 est donc conforme à la Constitution.
VII/ SUR LES ARTICLES 77 et 78
A/ L'article 77 de la loi déférée permet aux conseils généraux de relever temporairement le taux des droits de mutation à titre onéreux. L'article 78 institue, pou 2014, un fonds de solidarité au profit des départements.
Les sénateurs requérants estiment que les dispositions de l'article 78 ont été prises en méconnaissance des articles 34 et 39 de la Constitution. Ils estiment qu'elles méconnaissent les principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales ainsi que le principe d'égalité devant la loi.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1/ Il était loisible au législateur d'adopter des législations issues d'une concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales dans le cadre de l'évolution des finances locales.
2/ Les modalités de constitution du fonds de péréquation ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi, ni au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le législateur a entendu instaurer un mécanisme de péréquation entre les départements afin de réduire les inégalités relatives aux charges des départements, en matière d'allocations individuelles de solidarité. Il apparaît, en effet, que les départements se trouvent dans une situation différente au regard de l'écart entre les dépenses exposées au titre du versement des allocations de solidarité (revenu de solidarité active, à l'allocation personnalisée pour l'autonomie et à la prestation de compensation pour les personnes handicapées) et des dotations de compensation versées par l'Etat au titre du financement de ces allocations.
Pour répartir ce fonds, le législateur a pris en compte le solde entre les dépense engagées au titre du versement des allocations de solidarité et des dotations de compensation au titre du financement de ces allocations, du potentiel fiscal des départements, des produits des droits de mutation à titre onéreux et du revenu par habitant. Ce faisant, il a pris en compte des critères objectifs et rationnels qui permettent de déterminer de manière fiable le niveau de ressources et des charges des départements et n'a donc pas méconnu le principe d'égalité.
Ce fonds sera alimenté par un prélèvement temporaire et forfaitaire sur les recettes fiscales des départements qui correspond à 0,35 % des bases de droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements en 2013.
Ce prélèvement est toutefois plafonné. En effet, la somme de ce prélèvement et des prélèvements au titre du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, défini à l'article L.3335-2 du CGCT, ne pourra excéder 12 % du produit des droits de mutation à titre onéreux perçu l'année précédente.
93 départements bénéficient d'une attribution au titre fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux qui diminue voire annule leur contribution.
Au total, la contribution nette des départements à ce fonds de solidarité devrait représenter entre 0,04 % et 2,59 % de leurs ressources réelles de fonctionnement. La création de ce fonds ne peut donc être regardée comme portant atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Ce fonds de solidarité est créé exclusivement pour 2014, contrairement à ce que semblent croire les sénateurs requérants.
Dans ces conditions, l'instauration de ce fonds de solidarité n'imposera pas aux départements d'augmenter le taux des droits de mutation à titre onéreux, comme le permet l'article 77 de la loi déférée.
L'article 78 de la loi déférée est donc conforme à la Constitution.
VIII/ SUR L'ARTICLE 92
A/ L'article 92 de la loi déférée institue un fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés (I). Il prévoit également une mesure de validation législative des contrats de prêt conclus entre un établissement de crédit et une personne morale dans lesquels la mention du taux effectif global aurait été omise (II). Il prévoit enfin une modification de la sanction en cas d'erreur du taux effectif global dans un contrat de prêt (III).
Les députés et les sénateurs requérants estiment que les dispositions des II et III de l'article 92 ne trouvent pas leur place en loi de finances. Ils estiment que l'article 92 porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales et que le II de l'article 92 méconnaît les conditions qui s'imposent aux validations législatives.
Les sénateurs requérants estiment par ailleurs que le II et le III de l'article 92 méconnaissent le principe d'égalité devant la loi.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1 / Les dispositions des II et III trouvent leur place en loi de finances.
Par un jugement du 8 février 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à la demande d'une collectivité tendant à l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts d'un contrat de prêt conclu avec la société Dexia Crédit Local en raison de l'absence de mention taux effectif global sur le contrat de prêt.
A la suite de ce jugement, le moyen tiré de l'absence de mention du taux effectif global ou d'erreur dans son calcul a été soulevé dans de très nombreux contentieux : 170 assignations visant la SFIL et environ 50 assignations visant Dexia.
La mesure de validation proposée au II et au III de l'article 92 vise, notamment ces établissements de crédit auprès desquels l'Etat a pris des engagements financiers.
L'Etat est ainsi actionnaire de la société Dexia à hauteur de 44 % et de la société de financement local (SFIL) à hauteur de 75 % et a pris à ce titre des engagements de recapitalisation en cas d'insuffisance de fonds propres qui le lient vis-à-vis de l'ACPR.
En cas de pertes, il devra donc intervenir pour soutenir ces établissements :
- Dès le premier trimestre 2014, une recapitalisation de la SFIL sera nécessaire à hauteur d'au moins 2 Mds€ pour compenser la provision qui devra être enregistrée dans ses comptes pour couvrir les pertes liées aux contentieux déjà engagés (dont 600M€ à 1 Md€ liée à la seule erreur de TEG couverte par le III.); au-delà, de nouvelles recapitalisations de la SFIL qui pourront atteindre au total 14,3 Md€ correspondant, d'une part, à 7,3 Mds€ de pertes potentielles liées à la totalité des prêts susceptibles de se voir appliquer la jurisprudence du TGI de Nanterre et d'autre part à 7 Md€ de pertes liées à la mise en extinction de la SFIL, seront nécessaires ;
- S'agissant de Dexia, le risque lié à l'absence de validation atteint 2,7Mds€ (dont 1,1 Md€ lié à la seule erreur de TEG couverte par le III.). Compte tenu de la trajectoire prévisionnelle de fonds propres de Dexia, tendue notamment du fait des nouvelles règles prudentielles Bâle III et des exigences nouvelles liées à la mise en place de la supervision européenne, une recapitalisation d'un montant équivalent de 2,7Mds€ sera donc nécessaire pour reconstituer un coussin de sécurité équivalent.
A défaut d'une reconstitution des fonds propres, la poursuite de la mise en extinction de Dexia serait compromise, avec un risque ultime d'appel à la garantie des Etats (encours actuel de titres garantis supérieur à 30Mds€ pour la France). Les Etats ne pourraient pas se permettre un tel scénario et devraient donc impérativement recapitaliser.
Compte tenu des engagements financiers de l'Etat à l'égard de ces deux établissements, les pertes financières majeures qui résulteraient de l'application de la jurisprudence affecteraient directement les dépenses budgétaires de l'Etat dès 2014.
Ces dispositions trouvent donc leur place en loi de finances.
Cette conclusion s'impose à la fois pour les dispositions du II. dont l'objet est limité à la validation des opérations passées sans mention du TEG et pour celles du III. qui s'appliquent, en vertu du 2. de ce paragraphe, aux contrats en cours pour lesquels le TEG mentionné est erroné et permettent ainsi de remédier au risque financier décrit ci-dessus.
Si les dispositions du 1. du III., en tant qu'elles s'appliquent pour l'avenir, n'ont pas, dans cette mesure, d'incidence sur les dépenses de l'Etat, elles forment avec le 2. du même paragraphe un ensemble indissociable qui justifie la place du III., pris dans son ensemble, dans la loi de finances.
A supposer qu'il soit possible de distinguer, au sein des dispositions du III., entre celles qui s'appliquent pour l'avenir, et celles qui permettent de limiter les conséquences, pour les finances de l'Etat, des erreurs passées dans les contrats de prêts émis par les établissements dont l'Etat est actionnaire, les dispositions de ce paragraphe trouvent incontestablement leur place dans la loi de finances en tant qu'elles s'appliquent aux contrats en cours.
3/ Sur le respect des principes régissant les validations législatives.
Le Conseil constitutionnel considère que « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; ».
Il convient, en premier lieu, de constater que la validation préserve les décisions de justice passées en force jugée.
Il convient de constater, en deuxième lieu, que la portée de la validation est strictement définie.
Elle ne valide que les contrats de prêt conclus entre des établissements de crédits et des personnes morales, ce qui implique que les personnes physiques continueront à bénéficier du régime actuel relatif au TEG. Elle ne remet pas en cause non plus les dispositions de l'article L. 313-2 du code de la consommation qui sanctionnent la méconnaissance de l'obligation de mentionner le TEG dans les contrats de prêt.
Le II. de l'article 92 ne valide que les contrats de prêt dans lesquels sont mentionnés des éléments de nature à garantir un niveau d'information financière adéquate de l'emprunteur (durée du prêt, nombre des échéances, montant des échéances . . .). Cette validation est donc limitée aux contrats conclus avec des personnes morales qui avaient été rendues destinataires d'un ensemble d'information suffisant pour permettre à des professionnels d'apprécier la nature du risque souscrit ainsi que la charge représentée par le coût du financement.
Quant au III. de l'article 92, dont le 2. prévoit une application aux contrats en cours, il ne prive pas les emprunteurs de la garantie que doit leur apporter la mention du TEG mais limite seulement les conséquences, pour l'établissement prêteur, d'une erreur affectant le taux mentionné dans le contrat.
En particulier, les dispositions du III ne remettent pas en cause l'obligation pour le prêteur de communiquer un TEG exact au moment de la conclusion du contrat, et ne privent pas de conséquence la méconnaissance de cette obligation puisque, d'une part, toute erreur qui lui serait favorable ne pourra pas lui profiter, et d'autre part, le législateur a déjà prévu de sanctionner l'absence de mention du TEG (article L313-2 du code de la consommation). Cette règle consistant à restituer l'écart entre l'intérêt perçu et le taux correspondant au TEG légal est d'ailleurs celle fixée par le législateur en matière d'usure (article L313-4 du code de la consommation).
Il convient, en troisième lieu, de souligner que la validation poursuit un but d'intérêt général suffisant et est strictement proportionnée à ce but.
Comme indiqué précédemment, les pertes directes de Dexia et de la SFIL pourraient s'élever à 10 Mds€ en l'absence de validation, en effet tous les documents précontractuels ne mentionnaient pas le taux effectif global. Ces pertes s'élèveraient encore à 3,6 Mds€ en ne prenant en compte que les erreurs sur les taux effectifs globaux compte tenu de la complexité du calcul du taux effectif global pour les prêts variables.
Il faut ajouter à ces pertes directes, une perte estimée à 7 Mds€ liée à la mise en extinction de la SFIL qui découlera : (i) de son incapacité à se financer sur les marchés ; (ii) de l'exigence de la Commission européenne à laquelle la recapitalisation de la SFIL devra être soumise.
Ces difficultés pourraient créer un effet de déstabilisation du marché bancaire (SFIL est, avec le Crédit Foncier, le premier véhicule d'obligations sécurisées sur le marché français) et de perte de confiance, dans le prolongement de la première crise de Dexia. C'est précisément le souhait des pouvoirs publics d'éviter une mise en extinction de DMA (devenue SFIL) en raison des risques systémiques qui en auraient résulté, qui a conduit l'Etat à devenir actionnaire à 75 % de l'entité, à lui apporter sa garantie et à mettre en place son adossement sur la production nouvelle de La Banque Postale en faveur des collectivités locales. Ces difficultés pourraient également remettre en cause le financement intermédié des collectivités territoriales.
En outre, les modalités de conclusion des contrats utilisés par Dexia étaient utilisées par d'autres établissements de crédits et n'ont pas été limitées à des crédits aux collectivités territoriales. Une enquête menée auprès des trois banques françaises les plus concernées a montré que l'application de la jurisprudence du tribunal de grande instance de Nanterre affecterait près de 23 Mds€ d'encours, (soit sensiblement le même que celui de la SFIL et de Dexia (22 Mds€)), susceptibles de générer au moins 7,2 Mds€ de pertes.
Il existe par conséquent un risque systémique important pour le secteur bancaire, accentué par l'effet sur le marché des swaps des pertes enregistrées par les établissements financiers sur les prêts, qui pourrait affecter, à terme, l'ensemble de l'économie française.
L'objet de cette loi de validation est de rétablir une proportionnalité dans les conséquences d'une erreur ou d'un défaut de mention du TEG. En effet, les conséquences de l'application de la jurisprudence de Nanterre conduisent le prêteur à un abandon quasi complet de l'intérêt qui lui est dû, alors même que l'emprunteur disposait de l'ensemble des informations pertinentes lorsqu'il a souscrit le prêt. À titre d'exemple, pour un emprunt de 10 millions d'euros, d'une durée de 20 ans et d'un taux fixe de 3 %, la substitution du taux d'intérêt légal en vigueur au taux conventionnel ramènerait les intérêts de 3,4443 millions d'euros à 42000 euros. Cela représente donc un gain de 3,4 million d'euros pour l'emprunteur, alors que celui-ci n'a pas subi de préjudice significatif, puisqu'il connaissait toutes les caractéristiques de son emprunt, de sorte que son consentement n'était entaché d'aucun vice.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que la mesure de validation poursuit un but d'intérêt général suffisant.
Cette conclusion s'impose notamment en tant que le dispositif est applicable aux emprunts souscrits par des collectivités territoriales.
Les risques liés aux crédits aux collectivités territoriales représentent en effet à eux seuls une perte potentielle de nature à menacer les finances publiques et à présenter un risque systémique pour le système bancaire. S'agissant des finances publiques, le risque représenté par les crédits aux collectivités territoriales correspond à l'essentiel du risque identifié. S'agissant du risque systémique, bien que les données précises pour chaque banque ne soient pas disponibles, l'ampleur des pertes liées aux crédits aux collectivités territoriales correspond à une part déterminante de ce risque.
En outre, dans le cas particulier des collectivités territoriales, le fonds mis en place par le I. atténue les effets de la validation et contribue à garantir la proportionnalité de l'atteinte portée aux droits garantis notamment par l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Pour l'ensemble de ces raisons, les dispositions des II. et III. de l'article 92 ne méconnaissent pas les exigences au respect desquelles la jurisprudence subordonne la constitutionnalité des lois de validation.
3/ Sur l'atteinte à la libre administration des collectivités territoriales
La validation opérée par le II et le III de l'article 92 ne porte que sur l'absence ou l'erreur de mention du taux effectif global.
Elle n'a donc pas pour effet d'imposer aux collectivités territoriales qui ont conclu des contrats de prêt avec des établissements bancaires de renoncer à les contester en justice pour d'autres motifs. Par ailleurs, il n'est pas porté atteinte au dispositif de sanction pénale prévu par l'article L. 312-2 du Code monétaire et financier relatif aux erreurs ou à l'absence de TEG dans les contrats de prêts. Tel est d'ailleurs le cas d'un certain nombre de litiges actuellement pendants devant le juge.
Dans ce cas de figure, les collectivités territoriales concernées décideront probablement de ne pas recourir au fonds de soutien institué par la loi.
D'autres collectivités territoriales qui le souhaiteront pourront accepter de transiger avec l'établissement bancaire concerné et recourir au fonds de soutien mis en place.
Des collectivités territoriales pourront enfin décider de ne pas recourir au fonds et rembourser directement les prêts qui les lient aux établissements de crédits.
Le dispositif mis en place par l'article 92 ne peut donc être regardé comme imposant à une collectivité territoriale de recourir au fonds de soutien.
Par ailleurs, le principe de libre administration ne saurait empêcher par lui-même une mesure de validation si cette dernière respecte les conditions imposées par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (décision 2010-29/37 du 22 septembre 2010, commune de Besançon et autres).
4/ Sur le respect du principe d'égalité devant la loi.
Comme indiqué, le législateur a limité la validation aux contrats de prêts conclus entre des établissements bancaires et des personnes morales.
Il a estimé que les particuliers devaient bénéficier d'une protection plus importante. Ils concluent en général des contrats de prêts plus simples que les contrats conclus par des personnes morales, ce qui justifie une information plus importante sur le taux effectif global. Ils ne bénéficient pas des moyens des personnes morales qui sont susceptibles de solliciter une expertise sur les contrats de prêts qu'elles souscrivent et doivent donc être reconnues comme des emprunteurs avertis.
Au regard des objectifs poursuivis par le législateur, une telle différence de traitement se justifie donc.
Par ailleurs, au regard des risques pesant sur le secteur bancaire, le législateur n'a pas souhaité limiter le champ de la validation aux seuls contrats conclus avec les collectivités territoriales mais a souhaité l'étendre à l'ensemble des contrats conclus avec les personnes morales.
En revanche, le fonds de soutien financé par l'Etat doit être réservé aux collectivités territoriales.
L'article 92 est donc conforme à la Constitution.
IX / SUR L'ARTICLE 96
A/ L'article 96 a pour objet d'imposer à toute personne commercialisant un schéma d'optimisation fiscale de déclarer ce schéma à l'administration préalablement à sa commercialisation sous peine d'une sanction égale à 5 % de l'avantage fiscal procuré par le schéma d'optimisation.
Les députés et les sénateurs auteurs des saisines estiment que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat les critères des opérations devant être déclarées. Ils estiment également que les sanctions prévues en cas de méconnaissance de ces obligations déclaratives sont imprécises et disproportionnées.
B/ Ces griefs pourront être écartés.
1/ L'article 1378 nonies donne une définition précise des schémas d'optimisation fiscale qui devront être déclarés préalablement à l'administration en indiquant que « constitue un schéma d'optimisation fiscale toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financier :
1 ° Dont l'objet principal est de minorer la charge fiscale d'un contribuable, d'en reporter l'exigibilité ou le paiement ou d'obtenir le remboursement d'impôts, taxes ou contributions ;
2 ° et qui remplit les critères prévus par décret en Conseil d'Etat. »
Il ressort clairement de ces dispositions qu'il appartiendra au décret en Conseil d'Etat de préciser les critères permettant de définir les schémas d'optimisation fiscale dans le cadre fixé par la loi.
Le législateur n'a donc pas méconnu les compétences qu'il doit exercer en application de l'article 34 de la Constitution.
2/ Par ailleurs, en prévoyant une amende égale à 5 % du montant des revenus perçus au titre de la commercialisation des schémas d'optimisation fiscale et une amende égale à 5 % du montant de l'avantage fiscal procuré par la mise en oeuvre de ces schémas, le législateur a respecté le principe de proportionnalité des peines.
X/ SUR L'ARTICLE 97
A/ L'article 97 aggrave la pénalité applicable aux entreprises qui ne fournissent pas la documentation relative aux prix de transfert ou transmettent une documentation incomplète en prévoyant qu'elle puisse atteindre 0,5 % du chiffre d'affaires.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que cette pénalité présente un caractère disproportionné.
B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue.
Le principe de nécessité des peines « ne saurait interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective de la méconnaissance des obligations fiscales » (décision n°2011-220 QPC du 10 février 2012).
La disposition contestée vise à assurer le respect effectif de l'obligation qui pèse sur les entreprises de fournir une documentation complète sur les prix de transfert.
Les sanctions ainsi instaurées ne sauraient être regardées comme disproportionnées en cas de méconnaissance de ces obligations.
XI/ SUR L'ARTICLE 98
A/ L'article 98 impose aux entreprises de communiquer les décisions de même nature que les interprétations, instructions ou circulaires mentionnées à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales prises par les administrations fiscales étrangères.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que cet article ne trouve pas sa place en loi de finances. Ils estiment que cette formalité peut faire constituer une formalité impossible à respecter si la loi du pays concerné ne permet pas la communication de tels documents ce qui rend la sanction de ce manquement disproportionné.
B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
1/ L'article 98 trouve sa place en loi de finances.
Le Conseil constitutionnel estime que les dispositions législatives qui ont pour but de faire échec faire échec, en matière fiscale, à la fraude, sont au nombre de celles susceptibles de figurer dans un texte de loi de finances (décision n°90-286 DC du 28 décembre 1990, n°21).
L'article 98 a précisément pour objet, en imposant aux entreprises de communiquer les prises de position des administrations fiscales étrangères de faire échec à la fraude en renforçant le contrôle fiscal.
Ces dispositions ont donc toute leur place en loi de finances.
2/ Contrairement à ce que soutiennent les auteurs des saisines, l'obligation prévue par l'article 98 ne peut être regardée comme imposant une formalité impossible à réaliser pour les contribuables.
Il ne peut être présumé, en effet, que la communication de ces documents serait interdite.
Et, si un contribuable ne pouvait légalement communiquer une prise de position prise par une administration fiscale étrangère, il ne pourrait encourir aucune sanction à ce titre.
Dans ces conditions, les griefs dirigés contre l'article 98 doivent être écartés.
XII/ SUR L'ARTICLE 99
A/ L'article 99 de la loi déférée prévoit la communication de la comptabilité analytique des entreprises et des comptes consolidés à l'administration fiscale.
Les sénateurs requérants estiment que cet article porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée. Ils estiment également que la sanction attachée au défaut de présentation de cette comptabilité est disproportionnée.
B/ Ces griefs pourront être écartés.
La communication d'une comptabilité analytique et de comptes consolidés d'une entreprise n'est pas susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce grief est donc inopérant.
En tout état de cause, il convient de rappeler que les agents en charge des opérations de contrôle fiscal sont assermentés et astreints au respect du secret professionnel en application de l'article L 103 du livre des procédures fiscales, ce qui garantit une totale confidentialité de ces données.
Les sanctions qui s'attachent à l'absence de communication d'une communication analytique ne paraissent pas disproportionnées à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale.
Il convient de rappeler que l'obligation instituée par l'article 99 ne s'imposera qu'aux seules grandes entreprises qui tiennent une comptabilité analytique. La pénalité applicable doit être suffisamment dissuasive pour assurer le respect de cette obligation déclarative.
XIII/ SUR L'ARTICLE 100
A/ L'article 100 a pour objet d'élargir la définition de la notion d'abus de droit en matière fiscale aux actes qui ont pour motif principal d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution ainsi que l'objectif d'accessibilité d'intelligibilité de la loi et le principe de légalité des délits et des peines en retenant la nouvelle définition de l'abus de droit. Ils estiment également que cet article méconnaît le principe de liberté. Les sénateurs requérants estiment également que cet article méconnaît le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
B/ Ces griefs pourront être écartés.
1/ Le législateur a entendu étendre la notion d'abus de droit en matière fiscale en prévoyant que les actes constitutifs d'un abus de droit doivent avoir pour principal motif et non pour motif exclusif la réduction de l'imposition.
Ce faisant, il a entendu faciliter l'utilisation de la procédure d'abus de droit afin de lutter contre la fraude fiscale.
Il n'a, en revanche, pas modifié les autres critères retenus pour définir le champ d'application de l'abus de droit en dehors des cas de fictivité des actes. Ainsi, la reconnaissance de l'abus de droit nécessite la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leur auteur. De même, elle nécessite que l'administration démontre l'intention d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable aurait normalement dû supporter.
L'abus de droit sera constitué lorsque l'administration, à qui appartient la charge de la preuve, démontrera que le contribuable a poursuivi un but principalement fiscal. Le contribuable pourra contester cette appréciation devant le comité de l'abus de droit fiscal. Et, le cas échéant, ce critère sera soumis à l'appréciation du juge.
Le législateur a donc défini avec suffisamment de précision les critères de l'abus de droit. Il n'a donc pas méconnu la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution. Il n'a également pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines.
Et le législateur, en élargissant la notion d'abus de droit, ne peut être regardé comme portant une atteinte au principe de liberté posé à l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
2/ L'article 100 prévoit expressément que la nouvelle définition de l'abus de droit ne pourra s'appliquer pour les seuls actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2014. Le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère manque donc en fait.
XIV/ SUR L'ARTICLE 101
A/ L'article 101 prévoit la suppression de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales qui prévoit la suspension du délai d'établissement de l'impôt en cas de procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition.
Les sénateurs auteurs de la saisine estiment que cet article méconnaît le droit à exercer un contrôle juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
B/ Ce grief n'est pas fondé.
En cas de double imposition dans deux états distincts, le contribuable peut demander l'ouverture d'une procédure amiable de règlement des différends entre les autorités compétentes des deux états.
L'ouverture de cette procédure amiable est indépendante des voies de recours en droit interne.
La suppression de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales n'aura donc pas pour effet d'empêcher un contribuable de solliciter l'ouverture d'une procédure amiable prévue par une convention fiscale en vue d'éviter une double imposition.
L'article 101 ne remet pas en cause la possibilité de demander le bénéfice d'un sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales dans le cadre d'un contentieux.
Ainsi, le grief tiré de ce que l'article 101 méconnaîtrait le droit à exercer un contrôle juridictionnel effectif ne pourra qu'être écarté.
XV/ SUR L'ARTICLE 106
A/ L'article 106 modifie l'article 57 du code général des impôts pour améliorer les conditions du contrôle fiscal au sein de groupes d'entreprises en cas de transfert de fonctions ou de risques à une société liée.
Les députés et les sénateurs requérants estiment que la notion de transfert de fonctions ou de risques est trop imprécise et que cet article a une portée rétroactive.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
Les notions de transfert de fonctions et de risques sont des notions utilisées de manière commune dans la politique des prix de transfert lors des opérations de restructuration au sein des grands groupes internationaux. Elles font l'objet d'importants commentaires et développements dans les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, qui constituent une référence en ce domaine.
Les critères ainsi posés par le législateur sont donc suffisamment clairs et précis pour les contribuables qui devront appliquer ces dispositions.
Il convient, à cet égard, de rappeler que l'article 106 se borne à mettre à la charge de la société la justification de la pertinence des prix pratiqués dans le cadre des opérations de restructuration des groupes. Il appartiendra à l'administration, dans le cadre d'une procédure de redressement, de démontrer l'anormalité des prix ainsi pratiqués aux termes d'un débat contradictoire avec le contribuable, cette appréciation étant soumise au contrôle du juge de l'impôt.
Les dispositions n'ont par ailleurs aucun caractère rétroactif. Elles s'appliqueront pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2013. Portant exclusivement sur le traitement fiscal des opérations de transfert, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de remettre en cause des opérations de réorganisation déjà intervenues.
L'article 106 est donc conforme à la Constitution.
XVI/ SUR L'ARTICLE 134
A/ L'article 134 de la loi déférée modifie les modalités de répartition du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF).
Les députés requérants estiment que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe de libre administration des collectivités territoriales.
B/ Ces griefs ne sont pas fondés.
La loi déférée modifie certains des taux et seuils appliqués à des critères déjà existants pour la répartition du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Elle modifie les critères de répartition du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France pour prendre en compte le revenu par habitant afin de permettre d'évaluer les charges des communes.
La loi déférée maintient néanmoins l'articulation entre les contributions au titre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF). Elle maintient également le principe du plafonnement de la contribution des communes au titre du FPIC et le principe d'un plafonnement spécifique de la contribution des communes au FSRIF en fonction de leurs dépenses réelles de fonctionnement. Elle porte le plafond de la somme du prélèvement à ces deux fonds de 11 % des recettes fiscales agrégées à 13 %.
Selon les simulations réalisées pour mesurer l'impact de cette réforme, 18 ensembles intercommunaux et communes isolées verraient leur contribution plafonnée à 13 %. En 2013, 14 ensembles intercommunaux et communes isolées étaient plafonnées à 11 % de leurs ressources fiscales. Alors même que le montant des ressources du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales augmentent (de 360 M € à 570 M €), seuls 0,58 % des ensembles intercommunaux et des communes isolées verraient leur contribution plafonnée au titre du FPIC.
Dans ces conditions, le grief tiré de ce que la réforme porterait une atteinte à la libre-administration des collectivités territoriales ne pourra qu'être écarté.
* * *
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.
Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.
Aussi le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.