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Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013 - Observations du Gouvernement

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

***

I/ SUR LA SINCERITE DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE

A/ Les députés requérants estiment que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne respecterait pas l'exigence de sincérité.

B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter ce grief.

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale « détermine, pour l'année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible. Cet équilibre est défini au regard des données économiques, sociales et financières décrites dans le rapport prévu à l'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. »

Comme l'a précisé le Conseil constitutionnel, « s'agissant des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année en cours et l'année à venir, la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre » (décision n°2005-519 DC du 29 juillet 2005, cons. 6).

Ce contrôle est le même que celui exercé sur les lois de finances, en application de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, pour lesquelles, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances » (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, cons. 60).

Mais comme le relève le Conseil constitutionnel, « les prévisions de recettes sont inévitablement affectées des aléas inhérents à de telles estimations et des incertitudes relatives à l'évolution de l'économie » (décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, cons. 5).

Le Conseil constitutionnel n'exerce ainsi qu'un contrôle restreint à l'erreur manifeste sur les prévisions de croissance qui sous-tendent les recettes de la loi de finances (décision n°2001-456 DC du 27 décembre 2001, cons. 3 et 4).

Ce même contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation s'applique sur les prévisions qui sous-tendent les recettes et les objectifs de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale, compte tenu des aléas inhérents à leur évaluation et des incertitudes particulières relatives à l'évolution de l'économie (décision n°2001-453 DC du 18 décembre 2001, cons. 6).

La loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a instauré un avis du Haut Conseil des finances publiques sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel, la sincérité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale doit s'apprécier notamment en prenant en compte l'avis du Haut Conseil des finances publiques (décision n°2012-658 DC du 13 décembre 2012, cons. 52).

La loi organique du 17 décembre 2012 n'a néanmoins pas modifié les dispositions de l'article 32 de loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Elle n'a donc eu, contrairement à ce qui est avancé par les députés auteurs de la saisine, ni pour objet, ni pour effet de modifier la nature du contrôle que le Conseil constitutionnel exerce sur la
sincérité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

La sincérité d'un projet de loi de finances ou d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale ne pourrait ainsi être remise en cause que s'il apparaissait que le Gouvernement a maintenu, en dépit de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, des prévisions manifestement erronées en méconnaissance du principe de sincérité.

Tel ne peut être le cas du seul fait que les prévisions retenues par le Gouvernement comportent, comme toute prévision macro-économique, des aléas ou des incertitudes mises en exergue par l'avis du Haut Conseil des finances publiques.

Le scénario macro-économique retenu par le Gouvernement pour l'établissement de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est bâti sur des prévisions de croissance de 0,1 % pour 2013 et 0,9 % pour 2014. Il repose également sur une prévision d'inflation de 0,9 % en 2013 et 1,3 % en 2014. Il retient une prévision de croissance en valeur de la masse salariale du secteur privé de 1,3 % en 2013 et de 2,2 % en 2014.

Dans son avis du 20 septembre 2013, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que les prévisions de croissance du Gouvernement étaient plausibles. Il a relevé que le scénario macroéconomique présentait des éléments de fragilité, notamment au regard des prévisions d'emploi retenues par le Gouvernement.
Les incertitudes relevées par l'avis du Haut Conseil des finances publiques, inévitables dans un contexte de reprise économique modérée, ne peuvent faire regarder les prévisions retenues par le Gouvernement comme manifestement erronées.

Les députés requérants relèvent également que le Haut Conseil des finances publiques a indiqué que les mesures nouvelles inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (0,6 Md€) n'avaient pas été portées à sa connaissance.

Ces observations concernent la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances de l'année au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. L'article liminaire doit, en effet, approuver le tableau de synthèse retraçant l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, en application de l'article 7 de la loi organique n°2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques,

Elles ne sauraient donc avoir, en tout état de cause, d'incidence sur l'appréciation de la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Au demeurant, ces mesures nouvelles ont été précisément détaillées dans l'étude d'impact des articles soumis au Parlement.

Le grief tiré de l'insincérité de la loi de financement de la sécurité sociale ne pourra ainsi qu'être écarté.

II/ SUR L'ARTICLE 8

A/ L'article 8 de la loi déférée modifie le régime des prélèvements sociaux sur les produits de placement. Il prévoit notamment d'appliquer les taux de prélèvements sociaux en vigueur au jour du dénouement des contrats d'assurance-vie à unités de comptes ou multisupports à l'intégralité des produits des primes versées sur ces contrats d'assurance-vie avant le 26 septembre 1997 alors que, en vertu d'un régime dit « des taux historiques », ces produits sont actuellement décomposés en fractions correspondant aux différentes années au cours desquelles ils ont été constitués, pour appliquer à chaque fraction les taux de prélèvements sociaux en vigueur pour l'année concernée.

Les députés et sénateurs requérants estiment que ces dernières dispositions s'appliquent de manière rétroactive et méconnaissent les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 en portant aux situations légalement acquises une atteinte qui n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant. Ils estiment également qu'elles méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt et devant les charges publiques en limitant cette harmonisation des taux de prélèvements sociaux aux seuls produits de placements tirés des contrats d'assurance-vie alors que le Gouvernement envisageait initialement de l'appliquer aux produits tirés d'autres placements exonérés de l'impôt sur le revenu.

Les députés requérants estiment également que les conditions dans lesquelles l'article 8 de la loi déférée a été adopté conduisent à mettre en cause la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale.

B/ Aucun de ces griefs n'est fondé.

1/ Sur la rétroactivité et le respect de la garantie des droits

i/ Il convient, à titre liminaire, de constater que la suppression du régime « des taux historiques » pour les contrats d'assurance-vie ne comporte aucune dimension rétroactive. L'application des taux de prélèvements sociaux s'applique aux produits des contrats d'assurance-vie à unités de comptes constatés au moment où ces contrats sont dénoués ou bien à la date du décès de l'assuré. Le fait générateur de l'impôt intervient à cette date.

A cet égard, les produits constatés au titre des différentes périodes concernées par l'application de « taux historiques » ne peuvent être regardés comme étant définitivement acquis au contribuable. En effet, tant que le contrat d'assurance-vie ne s'est pas dénoué, la plus-value reste virtuelle. Les titulaires de contrats d'assurance-vie en unités de compte ou multisupports, seuls concernés par la présente disposition, ne peuvent donc se prévaloir d'aucun produit de placement, ce qui rend le montant de l'imposition hypothétique.

ii / Il convient également de relever que l'application du régime des « taux historiques » est un élément extérieur à l'économie de ces contrats d'assurance-vie, qui ont été conclus avant le 26 septembre 1997. Le régime des « taux historiques » conduit d'ailleurs à appliquer des taux de prélèvements sociaux différents sur un unique produit de placement, selon que les produits se rattachent à des primes versées avant ou après le 26 septembre 1997.

iii / Le Conseil constitutionnel juge « qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant. » (décision n°2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons. 46).

Le Gouvernement estime que lorsque le législateur entend, par une disposition non rétroactive, revenir sur un avantage fiscal accordé par des lois antérieures, il ne saurait, en principe, être regardé comme portant atteinte à des situations légalement acquises protégées par la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens. A cet égard, le simple fait qu'un avantage ait été réitéré par des lois successives ne saurait être regardé comme créant un droit au maintien de cet avantage fiscal qui s'opposerait à ce qu'il soit remis en cause pour les impositions dont le fait générateur n'est pas encore survenu à la date d'intervention du législateur.

Le Gouvernement estime qu'il ne peut en aller différemment que si l'avantage fiscal a été mis en place afin d'inciter à certains types de comportements économiques et si le dispositif en cause a été créé pour une durée limitée. Si le dispositif n'a pas été institué dans le but d'orienter le comportement des contribuables, sa remise en cause ne fait que traduire le choix du législateur de modifier, dans le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, la répartition de la charge fiscale entre les contribuables. S'agissant par ailleurs de dispositifs incitatifs qui seraient institués sans limitation de durée, ils ne sauraient être regardés comme susceptibles de créer une situation légalement acquise, sauf à réduire considérablement la marge d'action du législateur par le seul effet des choix d'un législateur passé. En revanche, dans le cas où un avantage fiscal a été institué pour une durée limitée et à des fins incitatives, sa remise en cause avant la durée prévue par la loi est susceptible de porter à la sécurité juridique des acteurs économiques une atteinte qui doit être justifiée par un motif d'intérêt général suffisant.

Une telle interprétation s'inscrit pleinement dans la ligne de la décision n°2005-
530 DC précitée dans laquelle le Conseil constitutionnel avait constaté que le législateur, qui avait créé un avantage fiscal pour les plans d'épargne logement en vue d'inciter à l'utilisation de cette épargne pour le logement, avait pu mettre fin à l'exonération fiscale des intérêts des plans d'épargne-logement de plus de douze ans en constatant que la fin de l'exonération ne concernait que des plans arrivés à échéance et dont on pouvait estimer qu'ils n'avaient pas été utilisés conformément à la finalité qui avait justifié l'octroi de l'avantage fiscal.

Elle est également cohérente avec la logique retenue par le Conseil d'Etat pour déterminer si des dispositions fiscales non rétroactives portent atteinte à une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent, espérance protégée par l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le Conseil d'Etat estime ainsi que lorsque le législateur modifie pour l'avenir des dispositions fiscales adoptées sans limitation de durée, il ne prive les contribuables d'aucune espérance légitime au sens de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 22 janvier 2013, Fédération nationale indépendante des mutuelles, n°355844).

Il considère, en revanche, que le législateur ne peut remettre en cause de manière abrupte l'application d'un dispositif de crédit d'impôt créé pour une durée de trois ans afin d'inciter le recrutement de salariés supplémentaires (CE, 9 mai 2012, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ société EPI, n°308996).

iv/ Dans le cadre ainsi rappelé, le Gouvernement estime que la suppression de l'application des « taux historiques » aux produits des primes versées avant le 26 septembre 1997 sur des contrats d'assurance-vie en unités de compte ne porte pas atteinte à des situations légalement acquises.

L'application des « taux historiques » n'a pas été conçue comme un dispositif fiscal visant à orienter l'épargne vers les produits d'assurance-vie. La même garantie n'a pas été accordée aux contrats d'assurance-vie ouverts après 1997. Elle n'a pas plus été accordée aux primes versées sur des contrats déjà ouverts après le 26 septembre 1997.

Par construction, le régime des « taux historiques » favorise les produits constatés sur des exercices clos. Il n'avait donc pas pour but d'inciter à une orientation de l'épargne vers ces produits.

Ce régime est avant tout le fruit de l'entrée en vigueur des lois successives ayant modifié les taux de prélèvements sociaux sur les produits de placement. Il ne peut donc s'analyser que comme une mesure de faveur prise pour les épargnants qui détenaient un contrat d'assurance-vie en 1997. L'intervention de lois successives montre d'ailleurs qu'un tel régime ne pouvait être regardé comme allant de soi. A défaut de ces clauses d'entrée en vigueur successives, le nouveau taux se serait appliqué de plein droit aux impositions dont le fait générateur était postérieur à la loi.

Il importe de relever, à cet égard, que l'application des « taux historiques » est totalement indépendante de l'avantage fiscal procuré, au titre de l'impôt sur le revenu, par une durée de détention de plus de huit ans des contrats d'assurance-vie.

En outre, cet avantage fiscal a été accordé sans limitation de délai. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, compte tenu de l'augmentation au fil du temps de l'écart entre les taux historiques et les taux de taxation de droit commun, il présente aujourd'hui un caractère incohérent.

Le Gouvernement estime donc qu'en revenant sur ce régime pour les contrats d'assurance vie à unité des comptes ou multisupports, la loi déférée n'a pas porté atteinte à des situations légalement acquises.

v/ En tout état de cause, à supposer qu'une telle atteinte serait constituée, le législateur a entendu revenir sur ce régime pour des motifs d'intérêt général suffisants.

le législateur a entendu rétablir l'égalité des citoyens devant les charges publiques protégée par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

En effet, l'application du régime des « taux historiques » crée une différence de traitement entre deux contribuables possédant des contrats d'assurance-vie suivant le montant des primes versées sur ces contrats avant le 26 septembre 1997. Compte tenu de l'augmentation de l'écart entre les taux historiques et les taux de prélèvements sociaux actuels, cette différence ne peut être regardée comme reposant sur des critères objectifs et rationnels.

Le législateur a également entendu, dans le contexte actuel des finances publiques, poursuivre un objectif d'intérêt général consistant à assurer des recettes supplémentaires.

Ainsi, les recettes attendues de cette mesure, évaluées à partir de l'assiette des produits soumis aux taux historiques qui s'élève à 22,8 Mds€ d'après les données déclaratives au titre de 2012, sont estimées à 400 M€ pour l'année 2014.

Le législateur a, enfin, souhaité simplifier et harmoniser le régime applicable aux contrats d'assurance-vie. L'harmonisation du mode de calcul des prélèvements sociaux sur ces produits de placement permettra ainsi d'éviter l'application de taux de prélèvements sociaux distincts au sein d'un même contrat d'assurance-vie en impliquant la reconstitution a posteriori des produits constatés au titre de chaque année et en distinguant leur rattachement à des versements effectués avant ou après le 26 septembre 1997.

2/ Sur le principe d'égalité devant l'impôt

La loi déférée prévoit de mettre fin au régime des « taux historiques » pour les contrats d'assurance vie. Le législateur a décidé, en revanche, de maintenir ce régime pour d'autres produits de placements exonérés d'impôt sur le revenu, plans d'épargne en actions, plans d'épargne logement, comptes d'épargne logement, épargne salariale et plans d'épargne populaire.

Le Conseil constitutionnel estime, de manière traditionnelle, que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

Les contrats d'assurance-vie qui font l'objet de la mesure constituent des produits d'épargne clairement distincts des autres produits de placement exonérés d'impôt sur le revenu.

En premier lieu, à la différence des plans d'épargne par actions, des plans d'épargne logement, des comptes d'épargne logement et des plans d'épargne populaire, les contrats d'assurance-vie ne sont soumis à aucun plafonnement. Il n'existe aucune limite en termes de versements ou en termes de nombre de contrats détenus.

Il en résulte la possibilité pour un contribuable de posséder des encours extrêmement importants sur des contrats d'assurance vie. Les encours supérieurs à 1 000 000 euros détenus par des ménages représentent ainsi 38 % des encours des contrats d'assurance vie à unités de comptes.

L'application du régime des « taux historiques » porte donc une atteinte plus importante à l'égalité de traitement entre des contribuables qui recourent à un même produit de placement.

En deuxième lieu, les contrats d'assurance vie présentent une diversité beaucoup plus importante que les autres produits d'épargne réglementés.

Les contrats d'assurance vie multisupports permettent ainsi au titulaire du contrat de procéder à des arbitrages entre unités de comptes et fonds en euros. Des dispositifs fiscaux particuliers ont également été prévus pour certains contrats d'assurance vie prévoyant des conditions particulières de répartition des fonds investis et de détention.

L'application du régime des « taux historiques » crée donc une complexité plus importante pour les contrats d'assurance vie que pour les plans d'épargne en action ou les plans d'épargne logement.

Le législateur n'a donc pas méconnu le principe d'égalité en remettant en cause le régime des « taux historiques » pour les seuls contrats d'assurance-vie.

3/ Sur l'atteinte à la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale

La perte de recettes induite par l'adoption des amendements tendant à restreindre le champ de la mesure aux seuls produits de contrats d'assurance-vie à unités de comptes a bien été prise en compte dans la détermination des conditions de l'équilibre financier des comptes de la sécurité sociale.

Les amendements du gouvernement, déposés en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et adoptés par les députés (n°302 à 305), ont ainsi pris en compte l'impact de l'ensemble des mesures adoptées en première et en seconde lecture à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, y compris la restriction apportée à la réforme des « taux historiques ».

L'équilibre financier global du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a néanmoins pas été modifié en raison de la révision à la baisse des dépenses prévues de l'ONDAM pour 2013 et les années suivantes intégrée par amendement du Gouvernement lors de l'adoption de l'article 6 de la loi.

Le moyen tiré de ce que l'adoption de l'article 8 aurait porté atteinte à la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale manque donc en fait.

Dans ces conditions, les griefs soulevés par les auteurs des saisines ne pourront qu'être écartés.

III/ SUR L'ARTICLE 13

A/ L'article 13 de la loi déférée modifie les modalités de calcul de la contribution due sur le chiffres d'affaires hors taxes réalisé auprès des pharmacies par les établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques prévue à l'article L 138-2 du code de la sécurité sociale. Il introduit une troisième part dans l'assiette de cette contribution correspondant à la part de la marge réglementée que le distributeur en gros choisit, pour des raisons commerciales, de rétrocéder aux pharmaciens. Cette part sera soumise à un taux de 20 %.

Les sénateurs requérants estiment que ces dispositions sont de nature à porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle protégées la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

La loi déférée a créé au sein de la contribution sur la vente en gros de spécialités pharmaceutiques une troisième part constituée par le montant de la marge rétrocédée aux pharmacies d'officine, taxée à hauteur de 20 %.

Le législateur a ainsi entendu adapter l'assiette de ce prélèvement afin de tenir compte des remises consenties aux pharmaciens dans le cadre de prix fixés par le comité économique des produits de santé, remises dont l'importance est de nature à révéler une capacité contributive supérieure.

Si l'application du taux de 20 % sur les remises accordées est de nature à modifier le comportement de certains distributeurs en gros, le législateur n'a pas remis en cause la possibilité de consentir des remises aux pharmacies d'officine.

Cette troisième part s'appliquera, par ailleurs, de manière indifférenciée au distributeur en gros qu'il soit grossiste-répartiteur ou bien un laboratoire pratiquant la vente directe, la latitude de consentir ou pas des remises relevant d'un choix de politique commerciale qui n'est pas réservé à l'un ou l'autre de ces deux canaux de distribution.

Il est donc inexact de prétendre que l'application de l'article 13 entraînerait une situation de monopole de fait de la distribution de médicaments au profit des seuls grossistes répartiteurs.

L'article 13 ne peut donc être regardé comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle.

IV/ SUR L'ARTICLE 14

A/ L'article 14 de la loi déférée modifie l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale pour permettre aux accords professionnels ou interprofessionnels de recommander un ou plusieurs organismes pour assurer la couverture complémentaire des salariés en matière de santé ou de prévoyance. Il prévoit l'application d'un taux de forfait social différencié selon que les entreprises retiennent ou non le ou les organismes ainsi recommandés.

Les députés et les sénateurs requérants estiment que ces dispositions n'entrent pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale. Ils estiment qu'elles méconnaissent la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre garanties par l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils font également grief à ces dispositions de méconnaitre le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Les sénateurs requérants estiment en outre que cet article méconnaît l'autorité qui s'attache à la décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013 du Conseil constitutionnel. Ils considèrent également qu'il méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi et qu'en l'adoptant le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence.

B/ Le Gouvernement considère que ces griefs ne sont pas fondés.

1/ Le Gouvernement souhaite, à titre liminaire, rappeler les objectifs poursuivis l'article 14.

Cet article, dont l'économie a fait l'objet d'une demande d'avis au Conseil d'Etat à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, vise à définir les conditions dans lesquelles les partenaires sociaux peuvent mettre en place, dans le cadre d'une branche ou au niveau interprofessionnel, un régime de garanties sociales complémentaires présentant un haut degré de solidarité. Il a ainsi pour objectif de mettre en oeuvre les exigences du 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dans le domaine de la santé. Il entend également favoriser la négociation collective, élément essentiel du droit des travailleurs à la détermination des conditions collectives de travail.

L'article 14 vise, en premier lieu, à permettre l'accès de toutes les entreprises et de tous les salariés d'une branche à une tarification unique et à un niveau de protection élevé indépendamment de leurs caractéristiques (âge, sexe, lieu géographique,. . .). Il permettra ainsi aux entreprises présentant un niveau de risque plus élevé (forte proportion de salariés âgés, de femmes ou de travailleurs handicapés, implantation dans des zones géographiques fragilisées, secteur d'activité davantage exposé au chômage) de bénéficier d'une couverture estimée sur la base d'un risque moyen alors qu'elles subiraient, en l'absence d'un tel dispositif, un surcoût très important voire prohibitif pour certaines d'entre elles.

Il a également pour objet, en favorisant l'adhésion d'un grand nombre d'entreprises auprès d'un organisme complémentaire recommandé, d'offrir des garanties importantes à un coût moins important. Cet objectif se justifie particulièrement dans le domaine de la prévoyance. Il s'agit en effet d'un risque dont la fréquence est faible et le coût en cas de réalisation très élevé. Il est également essentiel pour le financement d'éléments de solidarité non directement liés au versement de cotisations (prestations d'action sociale, actions de prévention . . .). Comme pour la prévoyance, le coût de ces garanties annexes est d'autant plus réduit et soutenable qu'il est mutualisé.

Pour proposer un tarif unique le plus bas possible, l'organisme qui déposera sa candidature à l'appel d'offre doit être assuré que, s'il est recommandé, il disposera d'une assiette suffisante de cotisations.

Cet article vise ainsi à assurer l'atteinte de l'objectif fixé par la loi de généralisation de la couverture complémentaire des salariés en matière de santé, notamment pour les plus petites entreprises qui, à défaut d'un tel mécanisme, ne pourraient, dans de nombreux cas, obtenir une offre d'assurance à des conditions économiques compatibles avec leurs capacités financières.

Il permettra également aux partenaires sociaux de définir de manière concrète les garanties qui doivent être apportées aux salariés en s'appuyant sur un dispositif de mise en concurrence sur des bases objectives, puis de piloter le régime ainsi créé au bénéfice des salariés et des entreprises de la branche.

2/ Cet article trouve sa place en loi de financement de la sécurité sociale.

Il modifie, en effet, les règles relatives au taux du forfait social qui est au nombre des contributions affectées aux régimes obligatoires de base. Il prévoit l'application de taux différents suivant que l'entreprise choisit ou non l'organisme de prévoyance recommandé au niveau de la branche. Il entre donc dans le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale. Les dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale déterminent le régime des clauses de recommandation qui conditionnent directement l'application de taux distincts. Elles ne sont pas détachables des dispositions fixant les taux différenciés de forfait social.

On relèvera, au demeurant, que comme l'a indiqué la ministre des affaires sociales au cours des débats parlementaires, la modulation des taux de forfait a un impact estimé entre 20 et 30 M€. Ces dispositions ont donc un effet sur les recettes de l'année ou des années ultérieures des régimes obligatoires de base.

3/ Sur la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et l'incompétence négative.

Les dispositions de l'article L 912-1 du code de la sécurité sociale prévoient que les accords professionnels ou interprofessionnels peuvent prévoir l'institution de garanties collectives « présentant un degré élevé de solidarité ».

Les requérants estiment que cette formulation n'est pas suffisamment précise.

En évoquant un haut degré de solidarité des garanties collectives, le législateur a entendu définir l'objectif des accords qui seront conclus. Il a défini de manière précise les obligations découlant de cet objectif et qui s'imposeront aux partenaires sociaux lorsqu'ils recommanderont un ou plusieurs organismes de prévoyance complémentaire.

Le I de cet article prévoit, en premier lieu, que les garanties collectives devront comprendre des prestations à caractère non directement contributif. La loi donne les éléments de définition de ces prestations qui pourront prendre la forme d'une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d'une politique de prévention ou de prestations d'action sociale.

Le II de cet article prévoit, en second lieu, que les organismes qui seront recommandés devront accepter toute entreprise relevant du champ d'application de l'accord en appliquant un tarif unique et des garanties identiques pour tous les salariés concernés.

Le législateur a ainsi défini de manière précise les obligations qui s'attachent à l'institution des garanties collectives « présentant un degré élevé de solidarité ».

Il a ainsi pleinement exercé sa compétence au regard du pouvoir réglementaire à qui il appartiendra de prévoir les modalités de mise en oeuvre des dispositions relatives aux prestations à caractère non directement contributif. On relèvera d'ailleurs que ce dispositif est voisin de celui retenu par le législateur pour fixer les modalités d'application des caractéristiques des contrats responsables et solidaires prévus à l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale.

Le législateur a aussi pleinement exercé sa compétence vis-à-vis des partenaires sociaux à qui il reviendra, par la négociation collective, de fixer le contenu même des garanties (postes remboursés, montant des rentes. . .).

4/ Sur la méconnaissance de l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel et sur la méconnaissance du principe de liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013, a considéré que le fait « de faciliter l'accès de toutes les entreprises d'une même branche à une protection complémentaire et d'assurer un régime de mutualisation des risques, en renvoyant aux accords professionnels et interprofessionnels le soin d'organiser la couverture de ces risques auprès d'un ou plusieurs organismes de prévoyance » était
« un but d'intérêt général ».

Il a relevé qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, toutes les entreprises qui appartiennent à une même branche professionnelle pouvaient se voir imposer non seulement le prix et les modalités de la protection complémentaire mais également le choix de l'organisme de prévoyance chargé d'assurer cette protection. Il a jugé que ces dispositions méconnaissaient la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre en imposant que l'entreprise soit liée avec un cocontractant déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini.

Il a néanmoins relevé que le législateur pouvait porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle « dans un but de mutualisation des risques, notamment en prévoyant que soit recommandé au niveau de la branche un seul organisme de prévoyance proposant un contrat de référence y compris à un tarif d'assurance donné ».

L'article 14 a précisément pour objet de tenir compte de la solution ainsi dégagée par le Conseil constitutionnel.

Le législateur a ainsi prévu de mettre en oeuvre un dispositif de recommandation des organismes de prévoyance proposant un contrat de référence à un tarif d'assurance donné.

Il a assorti ce dispositif d'un taux de forfait social différencié afin d'inciter les entreprises à rejoindre le ou les organismes ainsi recommandés pour que les différents opérateurs proposent des garanties au tarif le plus intéressant afin de permettre l'accès de l'ensemble des entreprises et des salariés à une protection complémentaire en matière de santé et de prévoyance.

Il a ainsi entendu mettre en oeuvre le principe constitutionnel prévu au 11ème alinéa du préambule de 1946 selon lequel la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. »

Un tel dispositif ne peut à l'évidence être regardé comme identique, dans ses effets juridiques, au dispositif ayant encouru la censure du Conseil constitutionnel.

Il convient de constater, en premier lieu, qu'à la différence du dispositif qui a encouru la censure du Conseil constitutionnel, la loi déférée ne prévoit aucune obligation d'une entreprise à recourir à un organisme unique déterminé par la branche.

Il convient, en deuxième lieu, de relever que le législateur a prévu que les accords conclus par les partenaires sociaux pourraient recommander plusieurs organismes de protection complémentaire. Dans un tel cas de figure, les entreprises bénéficieront d'une possibilité de choix au sein même du dispositif de la recommandation.

Il convient, à cet égard, de souligner que le ou les organismes de prévoyance seront recommandés à l'issue d'une procédure de mise en concurrence préalable.

Il convient également de relever que les partenaires sociaux des branches demeureront libres de mettre en oeuvre, ou non, de telles clauses de recommandation.

Il convient de relever, enfin, que les entreprises pourront souscrire un contrat avec un autre organisme que les organismes recommandés par les accords professionnels ou interprofessionnels.

Elles devront certes, en application des règles de la négociation collective, respecter le contenu de l'accord et garantir un niveau de couverture des salariés au moins équivalent au niveau retenu par cet accord.

Mais elles resteront entièrement libres de choisir un autre organisme que l'organisme recommandé, notamment si un autre organisme leur propose un contrat présentant des garanties supérieures pour le même prix ou des garanties équivalentes pour un prix inférieur.

L'avantage fiscal prévu par le législateur pour les entreprises qui choisiront de rejoindre l'organisme recommandé ne paraît en effet pas de nature à remettre en cause, en pratique, une telle capacité de choix.

Le législateur a prévu un différentiel de taux de forfait social entre les entreprises qui choisiraient un organisme recommandé par la branche et les entreprises qui choisiraient un organisme non recommandé compris entre 8 et 12 %. Il convient de relever que ce différentiel constitue un maximum. Le forfait social ne s'applique en effet qu'aux contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance.

Une enquête IRDES de 2009 relative à la protection sociale complémentaire des entreprises a relevé que le taux moyen de participation des employeurs au financement des contrats santé obligatoire s'élève à 60 %.

Par ailleurs une étude issue des travaux de la commission des accords de retraite et de prévoyance portant sur la couverture santé dans les 145 plus grosses branches en termes d'effectifs (soit plus de 10 millions salariés) souligne que les accords de branche définissant une couverture complémentaire santé (34 branches, soit 3 millions de salariés) imposent en moyenne que le financement par l'employeur soit a minima de 54 %.

Une entreprise qui désirerait s'affilier auprès d'un organisme non recommandé devrait donc supporter un surcoût moyen sur la prime à la charge de l'employeur compris entre 4 % et 5 % pour une entreprise de moins de dix salariés et de 6 à 7 % pour une entreprise d'au moins dix salariés.

Un tel surcoût n'est pas de nature à dissuader une entreprise qui posséderait de
« bons risques » et disposerait d'un pouvoir de négociation de contracter avec un autre organisme que celui ou ceux qui sont recommandés.

A cet égard, des données de la DREES sur la variabilité actuelle des primes des contrats collectifs les plus souscrits en France (contrats dits modaux), indiquent qu'à niveau de garantie et de structure d'âge donnés, les primes des contrats collectifs en frais de santé varient par rapport à une prime moyenne dans une fourchette allant de -30 % à
+30 %.

Un tel surcoût n'est pas non plus de nature à empêcher une entreprise de choisir un organisme qui proposerait des garanties supérieures aux garanties retenues par l'accord de branche.

Dans le cadre d'une cotisation globale mensuelle de 70 € au titre du financement de prestations complémentaires de santé, le surcoût lié à l'application du taux de forfait social normal en cas de choix d'un organisme offrant des garanties supplémentaires s'élèvera, en moyenne, à 4,2 € pour une entreprise de plus de dix salariés et de 2,8 € pour une entreprise de moins de dix salariés. Comparé au coût mensuel moyen que représente l'emploi d'un salarié, ceci représente une hausse de 0,09 %.

Une entreprise pourra donc choisir un autre organisme que celui ou ceux qui sont recommandés si elle y trouve un avantage en termes de prix ou de garanties apportées.

Le Gouvernement estime ainsi que 20 % des entreprises pourraient faire le choix de rejoindre un organisme autre que celui recommandé.

Ce taux de 20 % découle des données précitées de la DREES qui indique qu'en matière de contrats collectifs obligatoires couvrant le risque santé, à pyramide des âges et garanties données, 20 % des primes sont inférieures d'au moins 17 % à la prime moyenne.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le législateur ne peut donc être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle.

En ce qui concerne les organismes d'assurance, comme indiqué, ils pourront participer aux procédures de mise en concurrence organisées pour sélectionner, pour une durée limitée, des organismes recommandés au niveau de la branche. Et, quels que soient le ou les organismes recommandés, l'ensemble des organismes pourront proposer aux entreprises qui le souhaitent des contrats d'assurance complémentaire.

En ce qui concerne les entreprises, comme exposé plus haut, elles garderont la possibilité de faire appel à un autre organisme de prévoyance que l'organisme recommandé.

En définitive, la seule atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre consiste à inciter l'entreprise à choisir un organisme recommandé par la branche alors même qu'un autre organisme, qui ne prendrait en compte que le risque propre à cette entreprise donnée, pourrait lui proposer le même service pour un niveau de prix et de garantie équivalent.

Cette atteinte est directement liée à l'objectif poursuivi par le législateur de s'assurer, afin d'améliorer la protection de la santé des salariés, conformément à l'exigence découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, que les organismes complémentaires recommandés par les branches proposent les tarifs les plus attractifs à l'ensemble des entreprises et des salariés de la branche sans pouvoir adapter cette tarification au regard des risques de chaque entreprise (proportion de travailleurs âgés , proportion de femmes, proportion de travailleurs handicapés, zone géographique etc. . .). En effet, pour proposer de tels tarifs, il faut qu'un organisme

recommandé puisse s'assurer ex-ante d'attirer un nombre suffisant de salariés de la branche pour assurer une réelle mutualisation.

Au regard de cet objectif, cette atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre n'apparaît pas disproportionnée.

5/ Sur le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d'intérêt général des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux pourvu qu'il fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonctions des buts qu'il se propose et que l'avantage fiscal consenti ne soit pas hors de proportion avec l'effet incitatif attendu (décision n°2007-555 DC du 16 août 2007, cons. 3). Le législateur a déjà mis en oeuvre ce mécanisme dans le domaine de la protection sociale complémentaire en prévoyant une modulation du taux de taxe sur les conventions d'assurance en fonction du caractère solidaire et responsable ou non-responsable des contrats commercialisés.

Le législateur a également prévu l'application d'une exemption d'assiette de cotisations sociales pour les contributions des employeurs aux dépenses de protection sociale complémentaire, conditionnée depuis l'article 113 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites au caractère collectif et obligatoire des garanties.

En l'occurrence, le législateur a décidé d'appliquer un taux plus favorable aux entreprises qui acceptent de rejoindre un organisme recommandé par la branche. Les entreprises qui décident de ne pas rejoindre un organisme recommandé lorsqu'une telle recommandation a été mise en oeuvre seront assujetties au taux normal de forfait social.

Comme indiqué précédemment, l'application de ce taux plus favorable a pour objet d'inciter le maximum d'entreprises à entrer dans ce dispositif pour la mutualisation des risques la plus large et ainsi diminuer le coût des garanties afin de permettre l'accès de l'ensemble des entreprises à la protection complémentaire, notamment celles présentant un profil de risque défavorable, en particulier en termes de taille, de pyramide des âges ou de situation économique (coût lié à la portabilité en faveur des chômeurs).

Comme l'a estimé le Conseil d'Etat, dans sa réponse à la demande d'avis que lui a adressée le Gouvernement sur les différentes options envisagées pour tenir compte de la décision du 13 juin 2013, « compte tenu de son niveau [environ 10 % des montants de prime versés], l'avantage fiscal envisagé ne paraît pas hors de proportion avec l'effet incitatif attendu.

On ne saurait, à cet égard, considérer que l'application d'un tel taux méconnaîtrait le principe d'égalité au regard des entreprises qui, n'appartenant pas à une branche couverte par un accord mettant en oeuvre une clause de recommandation, continueront à bénéficier du taux réduit de forfait social.

En effet, on ne saurait, dans ce cas, imposer un taux plus élevé du forfait social dont la justification, dans ce domaine, est précisément d'inciter les entreprises à rejoindre des organismes recommandés.

De même, le moyen tiré de ce que l'article 14 créerait une rupture d'égalité entre les entreprises relevant de plusieurs branches et les entreprises n'appartenant qu'à une seule branche manque en fait. En effet, en application du droit du travail, les entreprises relevant de plusieurs branches doivent appliquer les accords applicables aux salariés de la branche à laquelle ces derniers sont rattachés.

Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques devra donc être écarté.

Pour toutes ces raisons, l'article 14 est donc conforme à la Constitution.

V/ SUR L'ARTICLE 32

A/ L'article 32 de la loi déférée, issu d'un amendement parlementaire, prévoit, à l'article L 162-31-1 du code de la sécurité sociale, la possibilité de mettre en oeuvre des expérimentations dans le domaine des parcours de soins des patients souffrant de pathologies chroniques pour une durée n'excédant pas quatre ans.

Les députés auteurs de la saisine font grief à cette disposition d'être, d'une part, étrangère au champ d'application des lois de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, entachée d'incompétence négative.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

Cet article instaure un cadre général pour expérimenter de nouvelles modalités d'organisation des soins. Ces expérimentations pourront faire l'objet d'un financement dérogatoire par l'assurance maladie. Ces dispositions auront donc un effet direct sur les dépenses des régimes obligatoires de base et relèvent, à ce titre, du champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Il convient d'ailleurs de relever que la possibilité de mener des expérimentations, dans le cadre général fixé par cet article, s'inscrit dans la démarche de la stratégie nationale de santé portée par le Gouvernement et doit pouvoir engendrer des économies ainsi qu'une meilleure efficacité du système de soins.

Par ailleurs, le législateur a pris soin de définir l'objet de ces expérimentations qui porteront sur les parcours de soins des patients souffrant de pathologies chroniques. Il a également encadré dans le temps la durée des expérimentations en prévoyant qu'elles ne pourraient durer plus de quatre ans.

VI/ SUR L'ARTICLE 47

A/ L'article 47 de la loi déférée prévoit la possibilité de substituer des médicaments biosimilaires à des médicaments biologiques de référence.

Les députés et sénateurs auteurs de la saisine font grief à ces dispositions d'être étrangères au champ d'application des lois de financement de la sécurité sociale. Ils estiment également que cet article méconnaît les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de la santé.

B/ Ces griefs ne sont pas fondés.

1/ Cet article a toute sa place en loi de financement de la sécurité sociale.

Les médicaments biologiques représentent un marché de près de 4,5 Mds€. De nombreuses chutes de brevet sont prévus en 2014 et 2015 pour certains de ces médicaments biologiques qui représentent un chiffre d'affaires de plus de 700 M€. L'arrivée de nouveaux concurrents sur ce marché et la substitution de ces médicaments biologiques par des médicaments biosimilaires peut donc permettre d'importantes économies pour l'assurance-maladie que l'inspection générale des affaires sociales a évaluées à 300 M€ sur la période 2014-2017.

La mesure ainsi proposée aura donc un effet direct sur les dépenses de l'assurance-maladie. Elle a toute sa place en loi de financement de la sécurité sociale.

2/ Sur les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de la santé.

La possibilité de substituer des médicaments biosimilaires à des médicaments biologiques de référence est strictement encadrée.

En premier lieu, elle n'est autorisée qu'à l'initiation du traitement afin d'assurer la continuité du traitement des patients avec le même médicament biologique. Elle se distingue, à cet égard, du régime applicable aux médicaments génériques.

Il convient, à cet égard, de rappeler que le médecin gardera la possibilité de s'opposer à la substitution par le biais d'une mention « non substituable » manuscrite, sur l'ordonnance, pour des raisons particulières tenant au patient.

En deuxième lieu, la similarité du médicament biosimilaire avec le médicament biologique de référence sera assurée par une la liste de référence des médicaments biosimilaires établie par l'agence nationale de sécurité du médicament.

En troisième lieu, une information des patients et des prescripteurs est également prévue. L'article 47 a ainsi prévu une mention obligatoire du prescripteur sur l'ordonnance (« initiation de traitement » ou « non substituable, renouvellement de traitement ») et une information expresse du prescripteur par le pharmacien en cas de substitution.

Il convient de préciser que dans le cadre général de la dispensation, le pharmacien aura à interroger le patient et à l'informer de cette substitution, en application du conseil pharmaceutique prévu à l'article R. 4235-48 du code de la santé publique. Cet échange permettra également de vérifier s'il s'agit d'un nouveau traitement ou d'un renouvellement de traitement.

VII/ SUR L'ARTICLE 48

A/ L'article 48 de la loi déférée prévoit que les médicaments ayant bénéficié d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) puissent être pris en charge de manière dérogatoire pendant la période postérieure à leur autorisation de mise sur le marché et jusqu'à leur prise en charge dans des conditions de droit commun. Il prévoit la récupération systématique du différentiel entre le prix fixé in fine et le prix pratiqué pendant cette période transitoire.

Les sénateurs requérants estiment que cet article méconnaît les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de la santé.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

Il convient, en premier lieu, de constater que l'article 48 pérennise un dispositif expérimental, mis en place par l'article 24 de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des dispositifs médicaux et prenant fin au 31 décembre 2013. Il permet donc précisément d'assurer la pérennité de la prise en charge de patients qui, à compter du 1er janvier 2014 n'auraient pu bénéficier d'aucune prise en charge pour un médicament entre la date de fin de l'autorisation temporaire d'utilisation et la date d'inscription au remboursement, l'expérimentation prenant fin.

L'article 48 permet la prise en charge de nouveaux patients en impasse thérapeutique et ce, de deux manières :

- les nouveaux patients, qui n'auraient pas bénéficié de l'ATU, mais qui ont besoin du médicament pour la même indication que celle ayant bénéficié de l'ATU, indication reprise dans l'AMM ou dans une extension d'autorisation de mise sur le marché en cours d'évaluation par les autorités compétentes ;

- pour tous les nouveaux patients en impasse thérapeutique dans une nouvelle indication dès lors (i) qu'il n'existe pas d'alternative thérapeutique prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale identifiée par la Haute Autorité de santé ou
(ii) que les patients sont en échec de traitement ou présentent une contre-indication aux alternatives thérapeutiques prises en charge identifiées.

Le dispositif de reversement du différentiel de prix entre le prix pratiqué pendant la période transitoire et le prix fixé en application des règles de droit commun ne pèsera pas sur les patients. Ce reversement sera à la charge du laboratoire exploitant le médicament bénéficiant du dispositif de l'autorisation temporaire d'utilisation. Il n'interviendra qu'a posteriori afin d'assurer, rétrospectivement, la cohérence entre le prix pratiqué pendant la période de prise en charge dérogatoire et le prix fixé à l'issue des procédures de droit commun.

Cet article ne méconnaît donc pas les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de la santé. Au contraire, il contribue à en assurer le respect.

VIII/ SUR L'ARTICLE 49

A/ L'article 49 de la loi déférée met en oeuvre une déclaration des remises accordées aux pharmaciens pour chacune des spécialités génériques afin de permettre au comité économique des produits de santé de faire évoluer les tarifs des médicaments génériques sur des bases plus proches des prix réellement pratiqués par les laboratoires.

Les sénateurs requérants estiment que cet article n'a pas sa place en loi de financement de la sécurité sociale.

B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

L'assurance maladie est le principal financeur des acteurs de la chaîne du médicament. La réglementation du prix du médicament, via l'arrêté fixant les marges et le mécanisme de fixation du « prix fabricants hors taxes » par la négociation conventionnelle entre le comité économique des produits de santé et les laboratoires exploitants, vise notamment à permettre la prise en charge des dépenses de santé liées à la consommation de médicaments au prix pertinent.

Toutefois, ces instruments précités ne suffisent pas pour atteindre pleinement cet objectif en raison du manque de transparence sur les coûts et les profits réels des différents acteurs. L'existence de remises commerciales, parfois très élevées et en réalité principalement financées par l'assurance maladie, apparaît comme un signal clair que le médicament n'est pas toujours pris en charge à son juste prix. Ces remises sont mal connues des pouvoirs publics, les informations sont très parcellaires et remontent à l'occasion d'enquêtes ou de contrôles administratifs qui sont par nature loin d'être exhaustifs.

C'est pourquoi il est justifié que la puissance publique rende transparentes ces remises, là où elles peuvent légalement être les plus importantes, c'est-à-dire sur les médicaments génériques. Cette information qui permet de connaître le prix de vente « effectif » de son médicament par le laboratoire est essentielle pour permettre au CEPS de peser davantage dans ses négociations de baisse prix sur les génériques qui engendrent des économies pour l'assurance maladie.

En outre l'article 49 donne au pouvoir réglementaire la possibilité d'augmenter le plafond légal de remises sur les génériques jusqu'à 50 %. Ce plafond pourrait donc être augmenté, autorisant des remises supérieures là où les marges commerciales sont les plus importantes, et diminuant ainsi le prix « effectif » de vente des médicaments aux pharmaciens, justifiant en conséquence des baisses de prix supplémentaires par le comité économique des produits de santé.

Dans l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, l'économie en 2015 pour l'assurance maladie a été estimée à 15 M€ correspondant à une baisse de 0,5 point supplémentaire des prix des médicaments génériques.

Compte tenu de cet impact sur les dépenses de l'assurance maladie à compter de l'exercice 2015, et conformément aux termes du 2 ° du C du V de l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 47 trouve en conséquence sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale.

IX/ SUR L'ARTICLE 82

A/ L'article 82 de la loi déférée confie à la mutualité sociale agricole la gestion des branches maladie (AMEXA) et accidents du travail (ATEXA) des personnes non salariées agricoles.

Les sénateurs requérants estiment que cette disposition porte atteinte au droit de propriété protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et méconnaît la liberté d'association.

B/ Ces griefs ne sont pas fondés.

La loi a ouvert à des groupements d'assureurs la possibilité d'assurer la gestion, pour les assurés qui le souhaitent, du régime d'assurance maladie des exploitants agricoles (loi n°61-89 du 25 janvier 1961) et du régime accidents du travail et maladies professionnelles des exploitants agricoles (loi n° 2001-1128 du 30 novembre 2001). Les prestations des branches maladie (AMEXA) et accidents du travail (ATEXA) des personnes non salariées agricoles peuvent donc être versées soit par la mutualité sociale agricole, soit par des assureurs privés.

La Cour des comptes avait estimé que cette organisation reposant sur une pluralité de gestionnaires était source d'inefficience en matière de gestion et de complexité pour les assurés sociaux et en avait souligné les inconvénients. Une mission conjointe récente de l'IGAS et l'IGF relative à la gestion de l'assurance maladie, conduite dans le cadre de la modernisation de l'action publique, a confirmé ce constat et préconise de recentrer vers la seule MSA la gestion de ces prestations.

C'est la raison pour laquelle le législateur a souhaité confier à la mutualité sociale agricole la gestion de ces deux régimes.

La gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ne saurait être regardée comme entrant dans le champ du droit de propriété protégé par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

En particulier, les réserves constituées pour le compte des branches AMEXA et ATEXA ne peuvent être regardées comme des propriétés des groupements d'assureurs.

Ces réserves sont une quote-part des cotisations versées par les affiliés et affectées aux groupements d'assureurs pour financer la gestion des régimes. Les règles antérieures de prélèvement des cotisations pour le financement de la gestion étaient détachées du niveau des dépenses réelles ce qui a conduit à la constitution de réserves de gestion. Les réserves sont indissociables de la gestion des régimes. La loi excluant la réalisation de bénéfices au titre de la gestion du régime (article L.731-34 2 ° du code rural), ces réserves ne pe²uvent donc être affectées à une autre destination que le financement de la gestion du régime. La loi opère en conséquence le transfert de la gestion de ces réserves au même titre, et à la même date, que la gestion du régime proprement dit.

Le législateur a, par ailleurs, prévu un mécanisme d'indemnisation des groupements d'assureurs afin de couvrir les préjudices résultant de la reprise de l'activité que la loi leur reconnaissait antérieurement la faculté d'exercer.

Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la liberté d'association ne pourront qu'être écartés.

***

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.